
» o-eurs & les gatdiens des portes étoîenf endormis.
» L a douleur même de quelques nières qui avoient
» perdu leurs enfants, étoic fufpendue par le fommeil.
» On n’entendoit dans la v ille ni le cri des chiens',
» ni le murmure & le bruit des hommes. L e filence
» régnoit au milieu des ténèbres. Médée elle feule
» ne connut point les douceurs de cette nuit tranquile»
» tant fon ame étoit agitée des inquiétudes que lui
»; caufoit Jafon ».
V o ic i à préfent le texte de V irg ile .
B o x e r a t ; & p la c id u m c a r p e b a n t fe f ia fo p o r em
C o r p o r a p e r t e r r a s , fy lvoe q u e & jh tv a q u ie ra n t
Æ q u o r a : quum m e d io v o lv u n tu r f i d e r a la p fu ,
Q tm m ta c e t om n is a g e r ; p e cu d e s , p iâ ce q u e v o lu c r e s ,
Q u ceq ue la c u s l o t i liq u id o s , queeque a fp e ra d um is
R u r a t e n e n t , fom n o p o j itc e fu b nocle J î le n t i
L e n ib a n t cu ra s & c o rd a o b l ï t a la o o rum .
A t n o n in f e l i x a n im i P h a n i f fa ; neque u nq uam
S o lv i tu r . in fom n o s , o c u l i f v e a u t p e c lor e n o S em
A c c i p i t : in g em in a n t c u r a , rur fnfque r e fu rg en s
_S c z v it am o r , nutg n oqu e ira rum j l u â u a t ce fiu .
O n voit ici non feulement la fupériorité du
ta len t , la vie & rame répandues dans une poéfie
harmonieufe & du coloris le plus pur , mais fin-
gulièrement encore la fupériorité du gour. Dans la
peinture du poète g r e c i l y a des details inutiles,
i l y en a de contraires à l'effet du tableau. Les
observations des p ilo te s , dans le filence de la nuit,
portent eux-mêmes le ‘caractère de la vigilance &
de l ’inquiétude, & ne contraftent point avec . le
trouble de Médée. L ’image d’une mère qui à perdu
fes enfants eft faite pour diftraire de .ce lle d’une _
amante, elle en affbiblir l ’intérêt ; & le poète , en
la lui oppofant, ■ eft a llé contre Ton deffein : au
lieu qu e , dans le tableau de V irg ile i , tout eft réduit l ’unité. C ’eft la nature entière dans le calme &
dans* le fom m e il, tandis que la malheureufe Didon
v e ille feule, & fe. livre en proie a tous les tourments
de l ’amour. Enfin, dans le poète g r e c l e
cri des chiens, le fommeil des portiers font des
détails minutieux & indignes dé l ’Épopée ,-^au lieu
que dans V irg ile tout eft noble Ôc peint à grands
traits : huit vers embraffent' la nature.
O n a cité avec raifon - comme une Imitation heu-
reufe l ’ufage que Silius ïtalicus a fait d’un trait de
Cicéron. L ’orateur , dans l ’un de fes plaidoyers ,
ayant parlé un peu trop avantageufèment de lui-
même i l s’éleva une clameur ; alors s’interrompant
, pour répondre à cette huée : N ih il me
clamor ille commovet ( d it - il) , f e d confolatur,
quum indicat ejje quofdam cives imperitos , f e d
non multos. Nunquam mihi crédité , populus
romanus , hic qui f i l e t , canfulem m e f e c i f f e t ,
f i vefiro clamore perturbaturn iri arbitraretûr.
Dans le Poème de S iliu s , le diâiateur Fabius
rient à peu près le mêiue langage à ceux qui
dans fon camp murmurent de fa lenteur ; ôc rien au
monde n’eft mieux placé.
Fervida f i nobis corda abruptumque putejfent
Ingenlum , Patres , & f i clamoribus, inquit,
Turbari facile m mentem • non ultima rerum -
E t deplorati mandatent Martis habenas.
Mais fi l ’on a donné , avec raifon, tant de liberté
à Y Imitation , afin d’encourager ôc de fa ciliter,
s’i l eft permis de le dire , la circulation des r i-
cheffes littéraires & des productions de l ’efprit
humain, de fiècle en fièc le, & d’une langue à
l ’autre, ou d’un genre de littérature à un genre
tout différent ( voye^ P l a g i a t ) $ i l y a pourtknt
une lo i de reftriCtion indifpenfable dans ce commerce
, c’ eft de ne jamais emprunter d’un .auteur
dans la même lan gu e , a moins de faire mieux
que lui : car le P u b lic , pour pardonner l ’ufurpa-
tion , veut y gagner ; & pour lui , le larcin doit
être un acCroinement de richeffe. A in f i, quand
même Éfope , Phèdre , P ilpai , auroient été contemporains
de L a Fontaine , fes compatriotes , fes
voiuns ; on auroit applaudi au v o l qu’i l auroit
fai: des fujets de leurs fables: & plut au C ie l que
L a Motte lui-me me , & une foule de fabuliftes
très-inférieurs à L a Motte, fuffent venus avant L a
Fontaine, & qu’i l eut trouvé leurs fujets dignes
d’être mis en, oeuvre par lu i 1 Mais ce qui n eft
pas permis de même , c’eft de dire plus mal ce*
qu’un au tre 'a mieux dit. Par exemple , après ce?
vers de L a Fontaine , fi naturels, fi naïfs, fi plaifants :
Quel efprit ne bat la campagne?
Qui ne fait châteaux en Efpagne«? , . v «y
Piéhro cole , Pyrrhus, la Laitière , enfin tous,
Autant les fages que les fous.
Chacun Congé en veillant, il n’ eft rien de plus doux.
Une flatteufe erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde eft à nous, .
Tous les .honneurs,,, toutes les femmes.
Quand je fuis fe u l, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit ro i, mon peuple m’aime ;
Lès diadèmes vont fur ma têtepl eu van t.
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même?
Je fuis Gros-Jean comme devant.
Après ces vers, Fontenelle n’auroit pas pu dir©>
quoiqu’i l méprisât le n a ïf :
Souvent en s’attachant à des fantômes vains,
Notre raifon féduiteavec plaifir s’égare :
Elle -même jo u ît des plaifirs qu’ elle a feints }
Et cette illulxon pour quelque temps répare
Le défaut des vrais biens que la nature avare
N ’a pas accordés aux humains.
L e bel efprit doit s’abftenir furtout de lutter contre
le génie. ( M . M a r m o h t EL.)
8 i (N.) IM IT E R ,
( N . ) IM IT E R , C O P IE R , C O N T R E F A IR E .
Synonymes.
Termes qui défignent en général l ’aélion de faire
reffembler. < • # ;
O n imite par eftime ; on copie par ftérilité ;
on contrefait par atnufement.
O n imii>e les .écrits ; on copie les tableaux j on
contrefait les perfonnes.
O n imite en embelliffant j on copie fervilement j
on contrefait en chargeant, (ikf. d ’A l e m b e r t . )
IM P A R F A IT , Grammaire. A d je d if employé
quelquefois comme tel en Grammaire-, avec le
nom de P r é té r it , & quelquefois employé feul &
fubftantivement ; ainfi, l ’on dit le Prétérit imparfa
i t ou Y Imparfait. C ’eft un temps du verbe
distingué de tous les autres par fes inflexions &
par fa deftination : f étais ( eram ) eft Y Imparfait
de l ’indicatif; que j e fu f ie ( effem) eft Y Imparf
a i t du fubjonérif. V o iià des connoiffances de
f a i t , & perfonne ne s’y méprend. Mais i l n’en eft
pas de même des principes raifonnés qui concernent
la nature de ce temps : i l me fembie qu’on
n’en a eu ehcôre que des notions bien vagues &
même faufles ; & la dénomination même qu’on
lu i a donnée , carattérife moins l ’idée qu’i l en
faut prendre , que la manière dont on l’a envifagé.
C e c i eft dèvelopé & juftifié à Yarticle T e m p s .
O n y verra que ce temps eft de la daiTe des
préfents , parce qu’ i l défigne la fimultanéité d’e x if
tence , & cpe c’ eft un préfent antérieur , parce qu’il
eft relatif a une époque antérieure à l ’aéte même de
la Parole. (M . B e a u z é e . )
( N . ) IM P A R IS Y L L A B E , adj. Terme de la
Grammaire grèque , qui pourroic également avoir
lieu dans la Grammaire latine ; mais on t\e l ’y
a point admis , parce qu’i l n’y feroic d’aucune
utilité.
Les noms grecs fe déclinent, ou avec un nombre
ég a l de fyllabes dans tous les c a s , iV?fvAAaê«j ;
ou avec accroiffement dans les cas, -srÉpirrwo-vAAaÊaî :
les premiers ont une déclinaifon parifyllabe , & la
déclinaifon des derniers eft imparifyllabe.
Le s noms Xpymis ( Chrysès ) , gén. Xpv-tm j
pMa-a. ( mufe } , gén. -, \ly»i^f difcours ) .,•
gén. Aiyv ; Alâs ( peuple )•, gén. a «» ; font
des quatre premières décliuaifons fimples, toutes
p a r ijy lia b e s : m a i ( Titan >) , gén. tjtcÏvoj ;
■ nnvpa. ( efprit ) , gén. itstupcAnsy font de la cinquième
déclinaifon fimple , feule imparifyllabe.
[M . B e a u z é e .)
IM P É R A T I F , adj. Grammaire. O n dit le
fens impératif \ la forme impérative. En Grammaire
oit emploie ce mot fubftantivement au maf-
culin , parce qu on le raporte à mode ou inoeuf;
& c eft en, effet le nom que l ’on donne à ce mode
xiui ajoute a la fignification principale du verbe
l.idée acceffoire de la volonté de celui qui parle» Gblamm. et Littérat. Tome IL
Le s latins admettent dans leur Im p é ratif deux
formes différentes, comme lege & legito ; & la
plupart de grammairiens ont cru l ’une relative au
préfent, & l ’autre au futur. Mais i l eft certain
que ces deux formes différentes expriment la ipeme
relation temporelle , puifqu’on les trouve reunies
dans les mêmes phrafes, pour y exprimer le meme,
fefis à cet égard., ainfi que l ’obferve la Méthode
latine de Po rt-R o ya l. Remarques fu r les Verbes,
ch. i j , art. j .
A u t f i e s d u ra > nega ; f i n es n o n d u r a , venito.
Propert.
E t p o t u m p a f ia s âge, T i t y r e ; & in te r a g e n d um ., ;
O c c u r fa r e ca p ro ( co rn u f e r ï t i l l e ) caveto.
Virg.
C e n’eft donc point de la différence des relations
temporelles que vient ce lle de ces deux formes
également irjipératives ; & i l eft bien plus v rai-
femblable: qu’elles non: d’autre deftination que de
caraétérifer en quelque forte l ’efpèce de volonté
de celui qui parie. Je c ro is , par exemple , que
lege exprime une fimple exhortation, un co n fe il,
un avertiffement, une prière même , ou tout an
plus un confientenient, une fimple permiffion ; &
que legito marque un cohtLandement .exprès ôc
abfolu , ou du moins une exhortation fi preffante,
qu’elle fembie exiger l ’ exécution aulti impérieu-
fement que l ’autorité-même-: idans/fe premier cas,
celui qui parle eft ou un fubalterne qui p r ie , ou.
un éga l qui donne fon avis s’i l eft fûpérieur ,
c’eft un fupérieur plein de bonté ,. qui confient à
ce que l ’on défire , & qui , par ménagement *
déguife les droits de fon autorité fous le ton d’un
ég a l qui confeille ou qui avertit : dans le fécond
ca s , celui qui parle eft un maître qui veut abfo-
lument être obéi, ou un ég a l qui veut rendre
bien fenfible le défir qu’i l a de l ’exécution, en
imitan: le ton impérieux qui ne fouffre point de
délai. Ce ci n’eft qu’une conjecture , mais le fty le
des lois latines en eft le fondement & la preuve ;
A d divos adeunto cafiè ( C ic . III. de leg. ) ; ôc
e lle trouve un nouveau degré de probabilité dans
les paffages mêmes que l ’on vient de citer.
■ A u t f i es dura , n e g a ; c’ eft comme fi Properce
avoit dit : « Si vous avez de la dureté dans
» le caractère & fi vous confentez vous - même à
». paffer pour telle , i l faut bien que je confente
» à votre refus, nega » ; ( fimple concefïion). Siti
es non dura, v e n i t o ; prière urgente'qui approche
du commandement abfolu , & qui en imite le ton
impérieux ; c’ eft comme fi l ’auteur avoit dit.:
« Mais fi vous ne voulez.point avouer un caractère
» fi odieux, fi vous prétendez être fans reproche à
» cet égard; i l vous eft indifpenfable de v en ir , i l
» faut, que .vous veniez».
C ’eft la même chofc dans les deux vers de V ir g
ile . E t potum p a fia s âge , Tityre ,* ce n’eft ici
qu’une fimple inftruCtion , le ton en eft-modefte,,
Q s