-JÊtre /acre; les turcs remploient aujourdhui dans
l e fens de face rdos ,* & ariman , chez les anciens
perles , veut dire , D eu s fo r tis . « Les mots abba ,
» ou baba , ou p a p a , & celui de marna , qui , des
» anciennes Langues d’O r ien t , fembient avoir paflé
» avec de légers changements dans la plupart de celles
» de TEurope , font communs, dit M. de la Con-
» damine dans fa relation de la rivière des Amazones,
» à un grand nombre de nations d’Amérique/ dont
.» le langage eft d’ailleurs très-différent. Si l ’on re-
» garde ces mots comme.les premiers fons que les
» enfants peuvent articuler, & par conféquent comme
» ceux qui ont du par tout pays être adoptés pré-
» férablement par les parents qui les entendoient
» prononcer, pour les faire fervir de lignes aux idées
» de père & de mère $ i l reliera à favoir) pourquoi ,
» dans toutes les Langues d’ Amérique ou ces mots
» fe rencontrent, leur lignification s’eft confervée fans
» fe croifer ; par quel hafard , dans la Langue
» omogua , par exemple , au centre du continent,
» ou dans quelque autre pareille , où les mots de
» papa & de marna font en u fag e, i l n’ell pas arrivé
» quelques fois que p ap a fignifie mère, & marna
» père , mais qu’on y obferve conllamment le con-
» traire comme dans les Langue s d’Orient & d’Eu-
» rope ». Si c’ell la nature qui dicte aux enfants
ces premiers mots , c’eft elle aulïi qui y fait
attacher invariablement les mêmes idées, & l ’on
peut puifer dans fon fein la raifoîi dé l ’un de ces
phénomènes comme ce lle de l ’autre. L a grande
mobilité des lèvres eft la caufe qui fait naître les
premières, les articulations labiales 5 8c parmi
ce lles - c i , celles qui mettent moins de force &
d’embarras dans l ’explofion du fon , deviennent en
quelque manière les aînées , parce que la production
en eft plus facile. D ’où i l fuit que la fyllabe
-ma eft antérieure à ba , parce que l ’articulation
7n , fuppofè moins de force dans l ’explofion , &
que les lèvres n’y ont qu’ un mouvement foible &
len t qui eft caufe qu’une partie de la matière du
fon reflue par le nez. Marna eft donc antérieur à
p a p a dans l ’ordre de la. génération, & i l ne. refte
plus qu’à décider leque l des deux , du père ou de
l a mère, eft le premier objet de l ’attention & de
l ’appellation des enfants , lequel des deux eft le
plus attaché à leur perfonne , leque l eft le plus
u tile & le plus néceffaire à leur fubfiftance , lequel
leu r prodigue le plus de careffes & leur donne le
plus de foins : & i l fera facile de conclure pourquoi
l e fèns des deux mots marna & papa eft incom-
mutable dans toutes les Langue s. S>\ apa & ama,
dans la Langue égyptienne , fignifient indiftindle-
ment ou le p è r e , ou la mère, ou tous les deux }
c’eft l ’effet de quelque caufe étrangère à la nature ,
une fuite peut-être des moeurs exemplaire? de ce
peuple reconnu pour la fource & le modèle de
toute fàgeffe, ou l ’ouvrage de la réflexion & de
l ’a r t , qui eft prefque aum ancien que la nature ,
quoiqu’ i l fe perfectionne lentement. Remarquez
q u e , d’après le principe que i ’çn pofç ici ? U eft
naturel de conclure que les diverfes parties de i ’organe
dé la parole ne concourront à la nomination
des objets extérieurs que dans l ’ordre de leur mobilité
: la Langue ne fera mife en jeu qu’après
les^ levres ; e lle donnera d’abord les articulations
q u e lle produit par le mouvement de fa pointe,
& enfiiite celles qui dépendent de l ’aétjon de la
racine , &c. L ’Anatomie n’a donc qu’à fixer l ’ordre
généalogique des voix & des articulations j 8c la
rh ilo fo p h ie , l ’ordre des objets par rapport à nos
befoins : leurs travaux combinés donneront le dictionnaire
des mots les plus naturels, les plus né-
ceffaires à la Langue primitive , - & les plus
univerfels aujourdhui nonobftant la diverfiîé des
idiomes.
I l eft une troifîème clafle de mots qui doivent
avoir & qui ont en effet dans toutes les Langues
les mêmes racines, parce qu’ils font encore l ’ouvrage
de la nature & qu’ils appartiennent à la
nomenclature primitive. Ce font ceux que nous
devons à l ’Onomatopée , & qui ne font que des
noms imitatifs en quelque point des objets nommés.
Je dis que c’eft la nature qui les fuggère ; & la
preuve en e f t , que le mouvement naturel & général
dans tous les" enfants, eft de défîgner d’eux-
mêmes les chofes bmyantes par l ’imitation du
bruit qu’elles font : ils leur laifferoient fans doute
à jamais ces noms primitifs & „naturels, fi l ’ inftruc-
tion 8c l ’exemple, venant enfuite à déguifeç la nature
& à la reétifier, ou peut-être à la dépraver,
ne leur fuggéroient les appellations arbitraires ,
fubftituées aux naturelles par le s décifions raifon-
nées o u , fi. l ’on veut, çapricieufçs de l ’ufage. V çy e \
O n o m a t o p é e .
Enfin i l y a , fînon dans toutes les Langue s ,
du moins dans la plupa rt, une certaine quantité
de mots entés fur les mêmes racines, & deftinés ou
à la • même .lignification ou à. des lignifications
analogues , quoique ces racines n’ayent aucun fondement
, du moins apparent, dans la nature. Ces
mots ont paffé d’une Langue dans une autre ,
d’abord comme d’une Langue primitive dans l ’un
de fes dialectes, qui , par la fucceflion des temps,
les a tranfmis à -d’autres idiomes qui en étoient
iffus : ou bien cette tranfmiflion s’eft faite par un
fimple emprunt, te l que nous en voyons une infinité
d’exemples dans nos Langues modernes j &
cette tranfmiflion univerfelle-fuppofe en ce cas, que
les objets nommés font d’une néceflité générale.
L e motfac., que l ’on trbuve’dans toutes les L a n g u e s ,
doit être de cette efpèee.
2q. Nonobftant la réunion de tant de eaufés générales',
dont la nature femble avoir préparé l e
concours pour amenertous les hommmes à ne parler
qu’une Langue , & dont l ’influence eft fenfible
dans la multitude des racines communes à tous
les idiomes qui divifent le genre humain j i l exifte
tant d’aütres caufes particulières , également naturelle
« p & dont i ’impreflîoû çft également irréfift
ib le , qu’elles ont introduit invinciblement dans
le s Langues des différences matérielles , dont il
feroit peut-être encore plus utile de découvrir la
véritable or ig in e , qu’i l n’eft difficile de l ’afligner
avec certitude. —
L e c lima t, l ’a ir , les lieux, les eaux, le genre
de vie & de nourriture produifent des variétés con-
fidérables dans la fine ftru&ure de l ’organifation.
Ces caufes donnent plus de force à certaines parties
du corps, ou en affoibliffent d’autres. Ces variétés,
qui échaperoient à l ’Anatomie , peuvent être facilement
remarquées, par un philofophe obfervateur,
dans les organes qui fervent à la parole j il n y
a qu’à prendre garde, quels font ceux dont chaque
peuple fait le plus d’ufage dans les mots de fa
L a n g u e , 8c de quelle manière i l les emploie.
O n remarquera ainfl que l’ hottentot a le fond de
la gorge , 8c i ’auglois l'extrémité des lèvres douées
d’une très-grande aétivité. Ces petites remarques
fur les variétés de la ftrudure humaine peuvent
quelquefois conduire à de plus importantes. L habitude
d’un peuple d'employer certains fons par
préférence , ou de fléchir certains organes plus tôt
que d’autres, peut fouvent être un bon indice du
climat & du cara&ère de la nation , qui , en beaucoup
de chofes , eft déterminé par le climat ,
comme le génie de la Langue l ’eft par le caractère
de la nation.
L ’ufage habituel des articulations rudes défigne
un peuple fauvage & non policé. Les articulations
liquides fon t, dans la nation qui les emploie fréquemment
, une marque de noblefle & de délica-
teffe , tant dans les organes que dans le goût. On
peut , avec beaucoup ae vraifemblauce , attribuer
au cara&ère mou de la nation chinoife , allez connu
^’ailleu rs , de ce qu’e lle ne fait aucun ufage de
l ’articulation rude R . L a Langue Italienne, dont
la plupart des mots viennent, par corruption, du
latin , en a amolli la prononciation emvie illiflant,
dans la même proportion que le peuple qui la parle a
perdu de la vigueur des anciens romains : mais comme
e l le étoit près de la fource où elle a p u ifé , elle
eft encore , des Langue s modernes qui y ont puifé
avec elle , ce lle qui a confervé le plus d’affinité
avec l'ancienne , au moins fous cet afpe61.
L a Langue latine eft franche , ayant des voyelles
pures & nettes , & n’ayant que peu de diphthongues.
S i cette conftitution de la Langue latine en rend
l e génie fèmblable à celui des fo mains, c’ eft à
dire , propre aux chofes fermes & mâles j e lle l ’eft
d ’un autre côté beaucoup rïioins que la grèqu e, &
même moins que la nôtre , aux chofes qui ne demandent
que de l ’agrément & des grâces légères.
L a Langue grèque eft pleine de diphthongues
qui en rendent la prononciation plus alongée ,
plus fonore, plus gazouillée. L a La n gue franoife
., pleine de diphthongues & de lettres mouilé
e s , approche davantage en cette partie de la
prononciation du grec & du latin. • Q R A M M . E T L lT T É R A T . T om ç 27,
L a réunion de plufieu ts mots en un f e u l , ou
l ’ufage fréquent des adjectifs c om p o fé s , marque
dans une nation beaucoup de p ro fon d eu r , une a p -
préhenfion v i v e , une humeur im p a tien te , 8c de forte*
idées : te ls fon t le s g r e c s , le s a n g lo is , le s a l l e mands.
On remarque dans l ’efpagnol, que les mots J
font longs mais d’ une belle proportion , graves ,
foiiores , 8c emphatiques, comme la nation qui les
emploie.
C ’étoit d’après de pareilles obfervations, ou du
moins, d’après l ’impteflion qui réfulte de la différence
matérielle des mots dans chaque Langue t
que l ’empereur Charles-quint difoit qu’i l parieroit
fra n ç o is à un ami , francefe ad un arnica j aLle~
mand à fo n cheVal, tedefco al fuo cavailo; ita~
lien à f a maitrejfe, italiano alla f ia fignora ; ef-
pagnol à D i e u , Ipagruiolô à Dio $ 8c ang lois a u x
oifeaux , inglefe a g li uccciii.
§. I II. Ce que nous venons d’obferver fur les
convenances & les différences , tant intellectuelles
que matérielles , des divers idiomes qui bigarrent,
fi je peux parler ain fi, le langage des hommes ,
nous met en état de difeuter les opinions les plus
généralement reçues fur les Langue s. I l en eft
deux dont la difcuflïon psu.t encore fournir des réflexions
d’autant plus utiles qu elles feront generales
; la première concerne la génération fucceffive
des Langue s , la fécondé regarde leur mérite ref*
peclif.
i ° . Rien de plus Ordinaire que d’entendre parlef:
de L angue mè r e , terme, dit l ’abbé Girard,
( Principi dife. 1 . , tom. I . , p a g . 30. ) « dont le
» vulgaire fe fert fans être bien inftruit de ce
» qu’i l doit entendre par c e . m o t , & dont les vrais
» favants ont peine à donner, une explication qui
» débrouille l ’idée informe de ceux qui en font
» ufage. I l eft de coutume de fuppofer qu’i l y a
» des Langues mères parmi celles qui fubfiftent,
» & de demander quelles elles font} à quoi on
» n’héfitepas de répondre d’un tonaflùré, que c’eft
» l ’hébreu, le g re c , & le latin. Par conjeéture
» ou par g râ c e , on défère encore cet honneur à
» l ’allemand ». Quelles font les preuves de ceux
qui ne veulent pas convenir que le préjugé feul
ait décidé leur opinion fur ce point ? Us «’allèguent
d’autre titre de la filiation des L a n g u e s , que l ’é tymologie
de quelques mots , & les victoires ou
établiflements du peuple qui parloit la Langue
matrice , dans le pays où l ’on fait ufage de la
Langue prétendue dérivée. C ’eft ainfi que l ’on
donne pour fille à la Langue latine , l ’efpagnole ,
l ’italienne, & la françoife : A n ignoras, dit Jul. CéC
j Scaliger, Linguam galLicam, v italicam, & hifpa-
nicamLinguxlatince abortum ejfe ? L e P . Bouhours
ui penfoit la même chofe , fait ( 1 1 E ntretien
’ A r ijie & d ’E u g . ) trois feeurs de ces trois L a n gues
, qu’ i l caraftérife ainfi : « I l me femble que 1» l a La n gue e fp a gn o le eft une o r g u e i l le u f e , q u i
» l ç p o r te h a u t , q u i fc p iq u e -de g ran d eu r , q u i
Ogg