
des chofes qui femblent p lu s * tô t sly^étre gliffées
p a r inadvertance que p a r raifon. ( Méch. lac. de
P o r t -R o y a l, loc. cit. )
I l réfulte de tout ce qui précède, que des cinq
prétendues efpèces d’ Hyperbates , Ü y en a d'abord
deux qui ne doivent point y être comprifes, la Tniêfe,
& 1 Anacoluthe : la première eft , comme je i ’ai
aéja"dit, une véritable figure de diétion 5 la fécondé
fl’cft rien autre chofe que l ’Ellîpfe même.
I l n’en relie donc que trois efpèces , l ’Anafiro-
phe , la jP are nthêfe, & la Sy n ch y fe . L a première
■ eft 1 Inverfion du raport de deux mots, autorifée
dans quelques cas feulement 3 la fécondé eft une
interruption dans le fens to ta l, qui ne doit y être
introduite que par une urgente néceflîté , & n’y
être fenfible que le moins que l ’on peut ; la troisième
, bien appréciée, me paroît plus près d’être
un vice qu’une figure, puifqü’elle confifte dans une
véritable confufion des parties , & qu’elle n’eft
propre qu’à jeter de l ’obfcurité fur le fens , donc
..elle embrouiile l ’expreffion. Cependant fi la Synchyfe
eft légère , comme ce lle dont Quintiiîen
cite l ’exemple, in diuis divifam ejfe partes pour in
diuispartes divifam ejfe, on ne peut pas dire qu’elle
Soit vicieufe , & l ’on peut l ’admettre comme une
figure. Mais i l ne faut jamais oublier que l ’on doit
beaucoup ménager l ’attention de celui à qui l ’on
p a r le , non feulement de manière qu’i l entende,
mais même qu’i l ne puiffe ne pas entendre , non ut
intelligere p o ffit , f e d ne omnino pôffit non intel-
ligere. ( Quin.il. lib. m i , cap. ij. )
O r ces trois elpèces d Hyper bâte s , telles que
je les ai préfemées d’après les notions ordinaires,
combinées avec les principes immuables de l ’art
de parler , nous mènent à conclure que YHyper-
bâte en générai eft une interruption légère d’un
fens total caufée ou par une petite Inverfion qui
déroge à l ’ufage commun , c’eft l ’Anaftrophe ; ou
par l ’infertion de quelques mots entre deux cor-
féiatifs , c’eft la Synchyfe 3 ou enfin par l ’infertion
d’un petit fens détaché entre les parties d’un fens
p rinc ipa l, & c’eft la Parenthèfe. ( M . B e a u z é e .)
H Y P E R B IB A SM E , f. m. Gram. Arrangement
de mots qui renverfe l ’ordre de la conftruétion :
Cornelius Nepos nous en fournit un exemple dans
fa vie de Chabrias , en ces termes : Athenienfes
diem certam Chabrioe p ræjlitu e run t, quam ante
domum ni f i redijfet, &c. pour ante quam. V H y -
perbibafme où l ’on s’écarte ingéniëùfement de
l ’ordre fuccèflif de la conftruttion dans les penfées*
s’appelle Hyperbate dans Longin : c’ eft le terme
l e plus reçu. V oy e \ H y p e r b a t e & C o n s t r u c t
i o n , qui eft un des beaux articles de Grammaire
de cet ouvrage. ( L e chevalier d e J AU c o u r t . )
* H Y P E R B O L E , f. f. ( ^ F igu re de penfée par
fiftion , qui confifte à préfenter des idées qui fur-
paffem même la vraifewblançe 3 non dans i ’incçntion
d’en împ ofer, mais dans la v ile , comme le
dit Sénèque ( de Ben e fi vij. 23. ) , d’amener l ’ efpric
a la vérité par cette efpèce de menfonge , & de
fixer ce qu’i l doit croire en lui préfentan; des chofes
incroyables.) -( M . B e a u z é e .-)
Ce mot eft grec ; vTrepêoÀK, fuper latio ; du verbe
i/7Tfp£aAÂs/v, exjupe rare, excéder, furpafler de beaucoup.
I l y a des Hyperboles qui confiftefit dans la
feule diélion , comme quand on nomme géant un-
homme de haute taille 3pygmée, un petit homme :
mais elles font fouvent dans une penfée qui contient
une ou plufieurs périodes 3 & Y Hyperbole de
la penfée fe trouve également dans la diminution
comme dans l’augmentation des chofes qu’elle décrit
, quoique cette figure fe plaife plus ordinaire«
ment dans l ’excès que dans le défaut. L e trait
d’Agélïias à un homme qui relevoii hyperboliquement
de fort petites ''chofes, eft remarquable 3 i l
lui dit « qu’i l ne priferoit jamais un .cordonnier
» qui feroic les fouiiers plus grands que le pied ».
\JHyperbole n’a rien de-vicieux pour être ultra
fidern, pourvu qu’elle ne doit pas ultra modum „
comme s’exprime Qumdîien. E lle eft même une
beauté , ajou te-t-il, lorfque la chofe dont i l faut
parler eft extraordinaire , & qu’elle a paffé les
bornes de la nature ; car i l eft permis de dire plus ,
parce qu’i l eft difficile de dire autant, & le discours
doit aller plus tôt au delà que de reftcr en
deçà. A in fi, Hérodote, en parlant des lacédémo-
niens qui combattirent au pas des Thermopyles ,
dit « qu’ils fe défendirent en ce lieu jufqu’ à ce
» que les barbares les euffent enfevelis fous leurs
» traits ».
L ’on voit par cet exemple que les belles H y perboles
cachent ce qu’elles font 3 & c’eft ce qui
leur arrive , quand je ne fais quoi de grand dans'
lés circonftances les arrache à celui qui les emploie
: i l faut donc qu’i l paroiffe, non que l ’on
ait amené les chofes pour Y Hyperbole y mais que
Y Hyperbole eft née de la chofe même. Les ef*
pri:s vifs , pleins, de feu , & que l ’imagination
emporte hors des règles & de la jufteffe , fe iaiffent
volontiers entrainer à Y Hyperbole.
Cette figure appartient de droit aux pallions véhémentes
, parce que les actions & les mouvements
qui en réiiiltent fervent d’excufe , & , pour ainfi dire,
de remède à toutes les hardiefles de l ’Élocution.
Cependant les Hyperboles font auffi permifés dans
le comique, pour émouvoir le Public à r ire3 c’eft
une paffion qu’on veut alors produire. On ne trouva
point mauvais à Athènes ce trait de fa c te u r , qui
d it , en parlant d’un fanfaron pauvre & plein de
vanité: « I l poflede une terre en province qui n’eft
» pas plus grande qu’une épitre de lacédémo-
» nien ».
Mais dans les chofes férieufes, i l faut très-rarement
employer l ’ Hyperbole, & l ’on doit d’ordi-
nafire la modifier quand on s’en fert 3 car je croirois
allez que c eft qne figure défeétueufe en elle-même g
Jmifque pat fa nature e lle va toujours au delà de
la vérité : cependant je pourrai citer quelques exem-
pies rares ou l ’Hyperbole fans aucune modification
frape noblement i efprit. U n particulier ayant annoncé
dans Athènes la mort d’Alexandre, l ’orateur
Démades s’écria : « Que fi cette nouvelle étoit vraie,
» la terre entière auroit déjà fenti l ’odeur du
» mort». Cette faillie hardie préfente à la fois
l ’ étendue de l ’Empire d’Alexandre, comme fi l ’univers
lui: étoit fournis , & étonne l’ imagination
par la grandeur de la figure qu e lle met etrnfage :
dans ce mot fi fie r , fi fort, & fi court , fe trouvent
l ’Emphafe, l ’A llé gor ie & Y Hyperbole,
Mais cette figure a encore plus de grâce en
Poéfie qu’en P ro fe , quand elle eft accompagnée
d’un brillant coloris Sc d’images repréfentéës' dans
un beau jour. C ’eft ainfi que V irg ile nous peint
hyperboliquement la légèreté de Camille à la
coürfe :
I lia vel Intacta fegetis per fumma volaret
Gramina, nec teneras curfu lafijjet arijlas;
Vel mare per medium fludu fufpenfa tumente
Ferret iter, celeres nec tingeret oequore plantas.
C ’eft encore ainfi que Malherbe , pour peindre
le temps heureux qu’ i l promet à Louis X I I I dans
l ’ode qu’i l lu i adrelfe, dit :
La terre en tous endroits produira toutes chofes;
Tous métaux feront or , tontes fleurs feront rofes,
Tous .arbres oliviers,:
L’on n’aura plus d’hiver; le jour n’aura plus d’ombre ;
Et les perles fans nombre
Germeront dans la Seine au milieu des graviers.
I l n’eft pas befoin que fentafte un plus grand
nombre d’exemples3 il vaut mieux que j’ajoute une
.réflexion générale fur les Hyperboles.
I l y en a que l’ufage a rendues fi communes ,
qu’on en faille la lignification du premier coup ,
fans avoir befoin de penfer qu’i l faut les prendre
au rabais. Quand on dit , par -exemple , qu’un
homme meurt de fa im , tout le monde entend que
cela fignifie qu’i l fait -mauvaife ch ère, où qu’i l a
beaucoup de peine à gagner fa vie. On dit encore
qu’un homme ne fait rien, quand i l ne fait pas ce
qu’ il lui convient de favoir pour fa profeffion ou
pour fon métier. Mais il-n ’eft pas rare qu’on fe
trompe en fait' d’expreffions hyperboliques, quand
elles tombent fur quelque fujet peu connu , ou
*îu 013 les trouve dans une.langue dont on ne con-
noiuoit pas allez le g én ie , & qu’on ne s’eft pas
rendue allez familière?
O n d i t , on écrit qu’i l faut ignorer fon propre
mérite 3 cette phraie bien prife , fignifie qu’iJ faut
être auffi éloigné de fe vanter 4e fon propre; mérite
, que fi on lign o ro i;. O n dit qu’i l faut oublier
les biens qu on a faits & les maux qu’on a reçus 3
c e l a v e u t d ir e f e u lem e n t , q u ’i l n e fa u t p o in t o u b li e r
c e u x - l à , n i r e p r o c h e r c e u x - c i fa n s n é c e f f i t é . C e p
e n d a n t , p o u r a v o i r p r i s c e s fo r t e s d’ e x p r e f f io n s
t r o p à l a l e t t r e , o n a fa i t d e l a M o r a l e u n ta s
d e p a r a d o x e s a b fa rd e s & de m a x im e s o u t r é e s . ( L e
chevalier DE J A U C O U R T . )
( ^ L ’Hyperbole n e d o i t ê t re f e n f ib le q u e p o u r
c e l u i q u i é c o u t e , & jam a i s p o u r c e lu i q u i p a r l e 3
& ç ’e f t dans c e f e n s - ià q u e Q u in t i l i e n a d it q u ’ e l l e
d e v o i t ê t r e extra fi.de m , non extra modum :
to u t e s l e s fo is q u e l ’ e x p r e f lio r i d it p lu s q u ’ o n n e
d o i t p e n f e r n a t u r e l l e m e n t , e l l e e f t fa u f ie 3 e l l e
e f t ju f t e - to u te s l e s fo is q u ’o n n’ e x c è d e p a s l ’ id é e
q u ’ o n a o u q i i’ o n p e u t a v o i r . C ’ e f t dans c e t t e v é r
i t é r e l a t i v e q u e c o n f if t e l a p r é ç i f îo n d e Y Hyperbole
m êm e 3 c a r i l n’ y a p o in t d’ e x c e p t io n à c e t t e
r è g l e , q u e c h a c u n d o i t p a r l e r d’ a p r è s fa p e n f é e &
p e in d r e l e s c h o f e s c om m e i l l e s v o i t . C e l u i q u i
lo u p i r o i t d e v o i r L o u i s X I V t r o p à f c c r o i t d ans
l e l o u v r e , & q u i d i fo i t p o u r - fa r a i fo n ,
Une fi grande majefté
A trop peu de toute terre >
l e p e n f o i t - i l ? p o u v ô i t - i l l e p e n f e r ? C ’ e f t l a p i e r r e
d e to u c h e d e Y Hyperbole.
C ’ e ft u n e m a x im e b i e n v r a ie e n fa i t d e g o i î t ,
q u 3On affoiblit toujours ce qu’on exagère : m a is
Exagérer, dans c e fe n s - là , v e u t d ir e , A l l e r a u d e l à ,
n o n d e l a v é r i t é a b fo lu e , m a is d e l a v é r i t é r e l a t
iv e . C e l u i q u i e x p r im e u n e c h o f e c om m e i l l a
fe n t n’ e x a g è r e p o i n t , i l ren d f id è lem e n t fo n f e n -
t im e n t o u fa p e n f é e . L ’ o b je t q u ’ i l p e in t n ’ a p a s
to u s l e s c h a rm e s q u ’ i l l u i a t t r ib u e 3 l e m a lh e u r d o n c
i l e f t a c c a b lé n ’ e f t p a s a u ff i g r a n d q u ’ i l f e l ’ im a g
in e 3 l e . d a n g e r q u i m e n a c e fo n a m i , f a m a i—
t r e f f e , c e q u ’ i l a de p lu s ;ch e r ., n’ e f t n i a u ff i t e r r
ib le n i a u f f i p r e f fa n t q u ’ i l l e c r o i t r m a is c e
n’ e f t p a s d’ a p r è s l a r é a li t é m êm e , c ’ e f t d’ a p r è s f o n
im a g in a t io n q u ’ i l l e s p e in t j & p o u r e n j u g e r d’ a p r è s
l u i & c om m e l u i , o n fe m e t à f a p l a c e . A in f i -,
d ans l ’e x c è s d e l a p a f f i o n , Y Hyperbole l a p lu s
in fe n f é e e f t e l l e -m ê m e l ’ e x p r e f f io n d e l a n a tu r e
& de l a v é r i t é . ) { M. M a r m c n t e l . )
H Y P E R B O L I Q U E , a d j. fe d it d e to u t c e q u i
a r a p o r t à Y Hyperbole, d ans q u e lq u e fe n s q u e l ’ o n
p r e n n e c e .m o t . U n e e x p r e f f io n hyperbolique e f t
c e l l e q u i e x a g è r e a u d e l à d e l a v r a i f em b la n c e . L e
f t y l e hyperbolique e f t c e l u i q u i a f f e é t e t r o p Y Hyperbole.
( M. B e a u z é e . )
H Y P E R C A T A L E C T I Q U E , a d j. Littérature.
T e rm e d e P o é f i e g r è q u é & l a t in e , q u i fe d it d e s
v e r s o ù i l y a u n e o u d e u x f y l l a b e s de t r o p , a a
d e l à d e l a m e fii r e d’ u n v e r s r é g u l i e r . Voy. V e r s .
C e m o t e ft g r é e , vjipy.ala\tKllyos, c om p o f é d’ vVep ,
fu r , & xo t làA ty« , mettre au nombre , ajouter : d e
fo r c e q u ’hypercatalcclique e f t l a m êm e c h o f e q u e
fur-ajouts.