
de tout autre é tat, & par conséquent que les chevaliers.
Que clerz font vatllans & cortois
Et plus favent de corcoifie
Et mielz doivent avoit amie
Que chevalier ne autre gent.
F loren ce, au défefpoir dé fe voir condannée,
s’arracha les cheveux, tordit Tes poings , & ne..demanda
à D ie u que le bonheur de mourir. E lle
s 'évanouit trois f o i s , & la quatrième elle
mourut.
Diex die—elfe la mort la mort
Adonques feft trois fois pafmee,
Et a la quarte feft deviee.
Tous 'les oileaux furent convoqués pour lui faire
dés obsèques magnifiques ; ils répandirent une pro-
digieufe quantité de fleurs fur fon tombeau, fur lequel
ils placèrent cette épitaphe : C i g î t Florence, qui
préféra le chevalier :
Ici eft Florence en foie
Qui au chevalier fu amie.
L ’auteur, après- avoir fait parler la kalande, qui
eft une efpèce d’alouette hupée , fait aufficôt après
paroître une autre alouette. J’ai pris la licence de
faire intervenir un autre oifeau dans le confeil, fans
prétendre faire aucune comparaifon. L a Fontaine
m’a autorifé fu r le f a i t de M e. A la c i e l , & j'ai cru
pouvoir fuivre fon exemple fur le compte d’une
alouette.
J ’ai l ’honneur d’être, Madame, &c.) (L3 ÉDITEUR.i)
F A C IL E , adj. Littérature & Morale. I l ne lignifie
pas feulement une chofe aifément faite , mais encore
qui paroît l ’être. L e pinceau du Corrège eft
fa c i l e . L e ftyle de Quinaüt eft beaucoup'plus
fa c i le que celui de Defpréaux, comme lé ftyle
d’Ovide l ’emporte en fa c ilit e fur celui de Perlé.
Ce tte fa c i l it é i en Peinture, en Mufîque, en É lo quence
, en Poéfie , confifte dans un naturel heureux
, qui n’admet aucun tour recherché ,• & qui
peut fe paffer de force & de profondeur. A in f î, les
tableaux de Paul Vsronèfé ont un air plus fa c ile
& moins fini que ceux de M ichel-Ange. Les fyni-
phonies de Rameau font fupérieures à celles de
L u l l i , & femblent moins fa c i le s . Boffuet eft plus
véritablement éloquent & plus fa c i le que Fléchier.
Rouffeau , dans fes épitres, n’a pas à beaucoup près
la fa c i l i t é & la vérité de Defpréaux. L e commentateur
de Defpréaux dit que ce poète exaét_,& la borieux
avoit appris à l’illuftre Racine à faire difficilement
des vers ; & que ceux qui paroiffent fa c i l e s ,
font ceux qui ont été faits avec le plus de difficulté.
I l eft très-vrai qu’i l en coûte Souvent pour
s’exprimer avec clarté ; i l eft vrai qu’on peut arriver
px naturel par des efforts : mais i l eft vrai auffi
qu’un heureux génie produit fouvent des beautés f a ciles
fans aucune peine , & que l ’enthoufiafme va
plus loin que la r t . L a plupart des morceaux
paffionnés de nos bons poètes font fortis achevés de
leur plum e , & paroiffent d’autant plus fa c ile s
qu’ils ont en effet été compofés fans, travail : l ’imagination
alors conçoit & enfante aifément. I l n’en
eft pas ainfi dans les ouvrages didactiques : c’eft là
qu’on a befoin d’art pour paroître fa c ile . I l y a , par
exemple, beaucoup moins de fa c i l i t é que dè profondeur
dans l ’admirable E f fa i fu r Vhomme de
P o p e . On peut 'noie, facilem ent de très-mauvais ouvrages
, qui n’auront rien de géné , qui paroitront
fa c i l e s ; & c’eft le partage de ceux qui ont fans
génie la malheureufe habitude de compofer. C ’eft
en ce fens qu’un perfonnage de l ’ancienne Comédie,
qu’on nomme italienne , dit à un autre :
T u fais de méchants Vers admirablement bien.
L e terme de F a c ile eft une injure pour.une femme ;
c’eft quelquefois dans la fociété une louange pour
un homme ; e’eft fouvent un défaut dans un homme
d’État. Les moeurs d’Atticus étoient fa c ile s ; c’étoit
le plus aimable des Romains. L a fa c ile Cléopâtre
fe donna à Antoine auffi aifément qu’à Céfar. L e
fa c i le Claude fe laiffa gouverner par Agrippine.
F ac ile n’eft là , par rapport à Claude , qu’un adou-
ciffement; le mot propre eft Foible. U n homme f a cile
eft en général un efprit qui fe rend aifément à
la raifon, aux remontrances ; un coeur qui fe laiffe
fléchir aux prières : & fo ib le eft. celui qui -laiffe
prendre fur lu i trop d’autorité. ( M , D E V O L T
A IR E . )
(N.) F A C IL E , A ISÉ . Synonymes.
Ils marquent l ’un & l ’autre ce qui fe fait fans
p ein e; mais le^ premier de ces mots exclut proprement
la peine qui naïf des obftacles & 'des op-
pofîtions qu’on met à la chofe ; & le fécond exclut
la peine qui naît de l ’état même de la chofe. Ainfi ,
l ’on dit que l ’entrée eft fa c i le , lorfque perfonne
n’arrête au paffage ; & qu’elle eft ai fé e , lorfqu’e lle
eft large & commode à paffer. Par la raifon de
cette même énergie , on dit d’une femme qui ne fe
défend pas , qu’elle eft fa c i le ; & d’un habit qui ne
gêne pas, qu’ i l eft aifé.
I l eft mieux , ce me femblé , de fe fervlr du mof
de F a c ile , en dénommant l ’aftion ; & de celui
$ A i f é , en exprimant l ’évènement de cette . aétion :
de forte que je dirois d’un port commode, que
l ’abord en eft fa c ile , & qu’i l eft a ifé d’y aborder,
( Uabbe G lR A R D . ).
Cette diftinction me paroît chimérique : & je
crois que dans les deux tours on doit egalement
employer le mot A i f é , fi on parle de l ’état du port ;
& celui de F a c i l e , fi l ’on veut marquer qu’ i l ne
s’y trouve aucun obftacle faétice. C ’eft aller contre
l ’efprit du lan g a g e , que de fiippofer- dés • variations
dans le fens primitif des mots.
M. de
M. de Saint-Marc, dans une remarque fur le
vers zoo du i v e chant de l ’Art poétique de B o ile au ,
dit de Benferade, « qu’En général fon ftyle & fa ver-
» fification font plus tôt fa c ile s qu’aifés » , pour
faire entendre qu’i l n’y a à la vérité, dans fon ftyle
& dans le tour de fes vers’, aucun embarras qui
nuife à l ’intelligence ou à l ’effet, en quoi confifte
la fa c i l it é ,■ mais qu’i l y a pourtant quelque chofe
qui fent la contrainte, & qui laiffe voir qu’i l en
a coûté à l ’auteur pour trouver, à force de t ra v a il,
ce qu’i l n’avoit pas dans fon propre fonds, en quoi
aurait confifté ïa ifa n ce . [M . B eauzée. )
D e ces deux adjeétifs fe forment les deux adverbes
aifément & fa c ilem e n t , q u i , outre les différences
qu’ils puifent dans leurs fources , en ont encore une
particulière, que je dois fans doute faire remarquer
ici : c’eft que l ’un a meilleure grâce dans ce qui
concerne l ’efprit ; & l ’autre, dans ce qui regarde le
coeur. Je dirois donc , en parlant d’une perfonne
de bonne fociété, qu’elle comprend aifément les
chofès fines, & pardonne fa cilement les chofes dé-^
fobiig eantes ; plus tôt que de dire qu’elle comprend
fa c ilem en t, & pardonne aifément. C e choix
eft délicat, je l ’avoue; mais je, le fens , pourquoi
un autre ne le fentiroit-il pas ? ( L a b b é G l -
RARD. )
C e choix porte fur lés différences indiquées dès
le commencement : dans la première phrafe, on veut
marquer les difpofitions habituelles & l ’état de Tef-
prit de la perfonne dont on parle ; dans la fécondé ,
on veut exclure.pofitivement les obftacles qui pour-
roient naître des paffions du coeur. C ’eft donc le
même principe. ( M . B eauzée. )
F A C IL IT É , f f. Littératu re. Çe,mot , comme
celui de F a c ile , apliqué aux ouvrages d’efprit, fe
prend en deux fens : i l défigne ou l ’aptitude de oom-
pofer fans effort & en peu de temps, ou l ’ effet
même de cette heureufe difpofition. A in f i, l ’on dit
la Fac ilite d’Ovide, & la F a c ilité de fon ftyle ; comme
on dit un poète fa c ile , & un vers fa c ile . Cette forte
d extenfion dans certains mots eft commune à toutes
lès languès.
L a F a c ilité nous plait dans tous les ouvrages
des arts, parce qu’indépendamment du plaifir que
nous recevons par les idées & les fentiments q u ils
réveillent en nous , nous aimons à y fuivre la trace'
de 1 intelligence qui y a préfidé, à y reconnoîrre
le génie ou l ’ induftrie de l ’homme ; & nous admirons
d’autant plus l ’artifte qu’i l a vaincu de plus
grandes difficultés avec plus d’aifance. D e deux
fauteurs a g ile s , celui qui fait le même tour de
force avec le moins d’effort eft celui qui nous étonne
& nous plaît davantage : i l en eft de même dans
lès beaux Arts.
Ce n eft pas tant la F a c il i té , que l’apparence
de la F a c ilité que nous aimons dans les ou-
vrages de 1 efprit ; & i l s’en faut bien que cet
|jj£ f acf e fuppofe toujours la F a c ilité dans cela
i qui compofè. Les écrivains en qui on loue
C ramm. et L it t é r a t . Tome II,
le plus la F a c ilité du ftyle , pourraient s’écrier
avec le Guide : O qiidnto e difficile quefto fd d
elle 1 Plufieurs des contemporains de ce grand
peintre, frapés de cette grâce élégante , de cette
liberté de pinceau qui b rille dans fes compofitions,
louoient cette étonnanteFacilité comme un don particulier
de la nature : le Guide s’indignoit de cette
idée. <.* Ils ne favent p a s , difoit-il avec amertume ,
» combien d'années ja i confirmées à obferver la n a -
» ture dans toutes fes richeffes & fes beautés ;
» combien de jours j’ai paffés en contemplation
» devant ces ftatués antiques , pour en faifir la m'er-
» veilleufe harmbnie ; combién de temps j’ai dérobé
» à la nourriture & au fom mèil, pour aquérir ce
» prétendu don du ciel qui m*a coûté tant dé v e ille s ,
» d’études, & de travaux ».
Qu elle leçon pour cette claffe d’écrivains pré-
fomptueux , qui prennent pour un rare talent la F a c
ilité d’exprimer des idées communes avec une certaine
médiocrité d’élégance & de correction , foit
enprofefoit envers! Ils fe vantent d’avoir compofé
une épitre en une matinée, ou une tragédie en fix
femaines. I l ne faut pas ceffer de leur répéter le
vers du Mifanthrope :
Le temps ne fait rien à l’affaire.
Nous y ajouterons un mot du fameux comte deRo-
chefter. U n poète vint lu i lire une tragédie; Ro-
chefter l ’écouta fans donner un ligne d’approbation.
Songe\, M ilo r d , lui dit le poète, que j e n’ a i mis
qu un mçis à la fa ir e .— Comment ave-[-vous pic
y mettre tant de temps ? lu i répondit le comte.
L a F a c ilité de compofer & d’écrire n’eft donc une
qualité précieufe que lorfqu’elle eft jointe à un
efprit fupérieur, à un vrai talent; & alors elle imprime
au ftyle un caraétère de lib er té, de rapidité,
de g râ c e , qui a un grand charme pour les gens de
B | | . '
L ’air de contrainte & d’effort qui fe fait fentir
dans un ouvrage , femble faire partager au lèéteur
la peine qu’a cm éprouver l ’auteur en le compofant.
C ’ eft un effet de cet inftinéfc de fympathie , qui nous
affocie à tous les fentiments qu’ éprouvent nos fem-
blables_, & qui joue un fi grand rôle dans le fyff-
tême des aftèétions humaines. Nous reffemblons
tous plus ou moins à ce fybarite qui fuoit à groffes
gouttes en voyant ramer un matelot. O n montrait
a un évêque de Lifîeux un nouvel écrit de Balzac :
Cela eft beau , dit le p ré la t , mais p a s ajfe^pour
la peine que cela a dû lu i çouter : f i j ’e’tois à
f a p la c e , je choifirois quelque autre emploi pour;
lefervice de mon prochain ; j e ne croirois-pas que
D ie u exigeât de moi celui-là.
Si la F a c ilité eft agréable dans toute efpèce de
compofitions, elle eft pour ainfi dire eflèncielle aux
petits ouvrages qui ne demandent ni un plan méthodique
, ni une précifion rigoureufe dans les idées,
ni une corre&ion févère dans le f ty le ; comme les
épitres, les lettres, &c.
L