
prit rude des grecs; v-a-sp ,Juper, s'| tJ e x , vs , fu s , 8cc.
L a même afpiration a donc pu fe changer indifféremment
en b 8c en f . Qu’on jette les yeux fur le T^otabulaire
hagiolugique de l ’abbé Châtelain , imprimé
à la tête au Dictionnaire de Ménage , & l ’on fe
convaincra, par les prodigieux changements qu’ont
fubis les noms des iaints depuis un petit nombre de
fièc le s, qu’i l n’y a aucune Etymologie , quelque
bizarre quelle paroiffe , qu’on ne puiffe
jüftifier par des exemples avérés ; & que par cette
voie on p e u t , au moyen des variations intermédiaires
multipliées à v o lon té , démontrer la polli-
bilité d’un changement d’un Ton quelconque en tout
autre Ton donné. En effet, i l y a peu de dérivations
auffi étonnantes au premier co u p -d ’oe il, que celle
de jo u r tirée de die s ; & i l y en a peu d’auffi certaines.
Qu’on réfléchiffe de plus que la variété des
métaphores entées le s unes lur les autres, a produit
des bizarreries peut-être plus grandes , & propres
à jüftifier par conféquent des Etymologies
aufîi éloignées par rapport au Cens, que les autres
le font par rapport au Ion. I l faut donc avouer que
tout a pu fe changer en tou t, & qu’on n’a droit
de regarder aucune fuppofition étymologique comme
abfolument impoflïbie. Mais que faut-ii conclure
de la ? qu’on peut fe livrer avec tant de favants hommes
à l ’arbitraire des conjectures, & bâtir fur des
fondements auffi ruineux de vaftes fyftêmes d’érudition
? ou bien qu’on doit regarder l ’étude des
Etymologies comme un jeu puéril, bon feulement
pour amufer des enfants ? I l faut prendre un jufte
milieu. I l eft bien vrai qu’à mefure qu’on fuit
1 origine des mots, en remontant de degré en degré,
l'es altérations fe multiplient, foie dans la prononciation
foit dans les fons , parce que , excepté les
feules inflexions grammaticales , chaque paflage eft
une altération dans l ’un & dans l ’autre ; par conféquent
la liberté de conjecturer s’ étend en même
raifon. Mais cette lib e r té , qu’eft-elle ? finon l ’effet
d’une incertitude qui augmente toujours. C e la peut-
i l empêcher qu’on ne puiffe difeuter de plus près
les dérivations les plus immédiates, & même quelques
autres Étymologies qui compenfent, par l ’accumulation
d’un plus grand nombre de probabilités,
là diftance plus grande entre le primitif & le d érivé,
& le peu de refïemblance entre l ’un & l ’autre , foit
dans le fens foit dans la prononciation ? I l faut
donc, non pas renoncer â rien favoir dans ce genre,
mais feulement fe réfoudre à beaucoup ignorer. I l
f e u t , puifqu’i l y a des Etymologies certaines ,
d autres Amplement probables, & quelques-unes
évidemment fauffes, étudier les caraCtères qui dif-
tinguènt les unes des autres, pour apprendre, finon
a ne fe tromper jamais ' du moins à fe tromper
rarement,. Dans cette vue nous allons propofer quelques
règles de Critique , d’après iefquelles on
pourra vérifier fes propres-conjectures & celles des
autres. Cette vérification eff la fécondé partie & le
complément de l ’art étymologique.
P r incipes de Critique pour apprécier la^ certititde
des Étymologies. L a marche de la Critique eft
l ’inverfe, à quelques égards, de ce lle de l ’invention :
toute occupée de créer, de multiplier les fyftêmes
& les hypothèfes ,,celle-ci abandonne l ’efprit à tout
fon effor, & lui ouvre la fphère immenfe des pot-
fibles : ce lle t là au contraire ne paroît s’étudier
qu’à détruire, à écarter fucceffivemenc la pliis grande
•partie des fuppofitions & des poffibilités j à rétrécir
la carrière, a fermer prefque toutes les routes, 8c
à les réduire, autant qu’ i l fe p eu t , au point unique
de la certitude & de la vérité. Ce n’eft pas à dire
pour cela qu’i l faille féparer dans le cours de nos
recherches ces deux opérations , comme nous les
avons féparées ici pour ranger nos idées fous un
ordre plus facile : malgré leur oppofition apparente,
elles doivent toujours marcher enfemble dans l’exercice
de là médication ; & bien loin que la C r it iq u e ,
en modérant fans ceffe l ’effor de l ’efprit, diminue
fa fécondité, elle l ’empêche au contraire d’ufer fes
forces , 8c de perdre un temps u tile à pourfuivre des
chimères; elle rapproche continuellement les fuppofitions
des faits ; elle analyfe les exemples, pour
réduire les poifibilités & le s analogies trop générales
qu’on en tire , à des inductions particulières &
bornées à certaines circonftances ; elle balance les
probabilités & les rapports éloignés, par des probabilités
plus grandes & des rapports plus prochains.
Quand elle ne peut les oppofer les uns aux autres ,
elle les apprécie ; où la raifon de niex lui manque,
elle établit la raifon de douter. Enfin elle fe rend
très-difficile fur les caractères du vrai , au rifque de
le rejeter quelquefois, pour ne pasrifquer d’admettre
le faux avec lui. L e fondement de toute la Critique
eft un principe bien fimple, que toute vérité s’accorde
avec tout ce qui eft vrai ; & que réciproquement
ce qui s’accorde avec toutes les vérités, eft vrai :
de là i l fuit qu’une Jiypothèfe, imaginée pour
expliquer un effet, en eft la véritable caufe , toutes
les fois qu’elle explique toutes les circonftances de
l ’effet, dans quelque détail qu’on analyfe ces circonftances
& qu on dèvelope les corollaires de l ’hypo-
thèfe. O n lent aîfément que l ’efprit humain ne
pouvant connoître qu’une très-petite partie de la
chaîne qui lie tous les êtres, ne voyant de chaque
effet quun petit nombre de circonftances frapantes ,
& ne pouvant fiiivre une hypothèfe que dans fes
conféquences les moins éloignées, le principe ne
peut jamais recevoir cette application complerte &
univerfelle , qui nous donneroit une certitude du
même genre que ce lle des Mathématiques. L e
hafard a pu tellement combiner un certain nombre
de circonftances d’un effe t, qu’elles correfpondent
’ parfaitement avec la fuppofition d’une caufe qui ne
fera pourtant pas la vraie. Ainfi, l ’accord d’un certain
nombre de circonftances produit une probabilité
toujours contrebalancée p arlapoffibilité du contraire
dans un certain rapport ; & l ’objet de la Critique eft
de fixer ce rapport. I l eft vrai que l ’augmentation
du nombre des circonftances augmente la probabilité
de la caufe fuppofée, & diminue la probabilité du
hafard contraire , dans une progreffion tellement
rapide, qu’i l ne faut pas beaucoup de termes pour
mettre l ’efprit dans un repos aufîi parfait que le
pourroit faire la certitude mathématique elle-même.
C e la p o fé , voyons ce que fait le Critique fur une
__ conjecture ou fur une hypothèfe donnée. D ’abord
i l la compare avec l e fait confidéré, autant qu’i l eft
poifible , dans toutes fes circonftances & dans fes
rapports avec d’autres faits. S’i l fe trouve une feule
circonftance incompatible avec l ’hypothèfe , comme
i l arrive le plus fouvent, l ’examen eft fini : fi au
Contraire la fuppofition répond à toutes les circonftances
, i l faut pefer celles-ci en particulier, difeuter
le plus ou le moins de facilité avec laque lle chacune
fe prêterait à la fiippofition d’autres eaufes ; eftimer
chacune des vraifemblances qui en réfultent 8c les
compter , pour en former la probabilité totale. L a
recherche des Étymologies a , comme toutes les
autres, fes règles de Critique particulières, relatives
à l ’objet dont elle s'occupe & fondées fur fa nature.
Plus on étudie chaque matière, plus on voit que
certaines claffes d’effets fe prêtent plus ou moins
à certaines, claffes de eaufes ; i l s’établit des obfer-
vations générales, d’après Iefquelles on exclut tout
d’un coup certaines fuppofitions, & l ’on donne plus
ou moins de valeur à Certaines probabilités. Ges
obfervations & ces règles peuvent fans doute fe multiplier
à l ’infini ; i l y eh auroit même de particulières
a chaque langue & à chaque ordre de mots : i l ferait
impoflible de les renfermer toutes dans cet article
8c nous; nous contenterons de quelques principes
d une application générale , qui pourront mettre fur
la v o ie ; le bon fens, la connoiffance de l ’Hiftoire
& des langues ; indiqueront affez les différentes
règles relatives à chaque langue en particulier.
i ° . I l faut rejeter toute Étymologie , qu’on ne
rend vraifemblable qu’à force de fuppofitions multipliées.
Toute fuppofition enferme un degré d’incertitude
, un rifque quelconque ; & la multiplicité de
ces rifques détruit toute affùrance raifonnable. Si
donc ^n propofe une Étymologie à ans laque lle le
primitif foit tellement éloigné du dérivé , foit pour
le fensfoic pour le fo n , qu i l faille fuppofer entre
lu n & 1 autre plufieurs changements intermédiaires,
la vérification la plus fure qu’on en puiffe faire
fera l ’examen de chacun de ces changements/ 'L 'É ty mologie
eft bonne , fi la chaîne de ces altérations
eft une fuite de faits connus direftement, ou prouvés
par des indu&ions vraifemblables ; elle eft mauvaife,
fl rintervalle n’eft rempli que par un tiffu de fuppofitions
gratuites. A in f i, quoique jo u r foit auffi
éloigné de dies dans la prononciation , a u a lfa n a
1 eft d equus ; l ’une de ces Étymologies eft ridicule,
autre eft certaine. Q u elle en eft la différence!
IJ- n y :a entre jo u r & dies que l ’italien giorno qui fe
.prononce dgiorno, & le latin diurnus , tous mots
connus & ufités ; au lieu que fa n a c u s , anàqus ,
atfuus pour dire c h e v a l, n’ont jamais exifté que
dans 1 imagination de Ménage. Ce t auteur eft un
exemple frapant des abfurdités , dans Iefquelles
on tombe en adoptant fans choix ce que fuggère la
malheureufe faciiit’é de fuppofer tout ce qui eft pofi-
fible : car i l eft très-vrai qu’i l rie fait aucune fuppo-.
firion dont la poflibilité ne foit juftifiée par des
exemples. Mais nous avons prouvé qu’en multipliant
à volonté les altérations intermédiaires, foie
dans le fon foit dans la lignification , i l eft aifé de
dériver un mot quelconque de tout au re mot donné :
c’ eft le moyen d’expliquer tout, & dès lors de ne
rien expliquer ; c’eft le moyen auffi de jüftifier tous
les mépris de l ’ignorance.
z ° . I l y a des fuppofitions qu’i l faut rejeter, parce
qu’elles n’expliquent rien ; i l y en a d’autres qu’on
doit rejeter, parce qu’elles expliquent trop; Une
Etymologie tirée d’une langue étrangère n’eft pas
admiffible , ■ fi elle rend raifon d’une terminaifon
propre à la langue du mot qu’on veut ’éclaircir ;
toutes les vraifemblances dont on voudroit l ’appuyer
ne prouveroient r ien , parce qu’elles prouveroient
' trop ainfi, avant de chercher l ’origine d un mot dans
une langue étrangère, i l faut l ’avoir décompofé ,
1 avoir dépouillé de toutes fes inflexions grammaticales
& réduit à fes éléments les plus Amples-. '
Rien n’eft plus ingénieux que la conjecture de .
Bocharc fur le nom ainfula britannica, qu’i l dérive
de l ’hébreu baratanac, pays de l ’étain, & qu’i l
fuppofe avoir été donné à cette île par les marchands
phéniciens Ou carthaginois , qui ailoient y chercher
ce métal. Notre règle détruit cette Étymologie : ■
britannicus eft un adjeétif dérivé, où la grammaire
latine ne connoît de radical que le mot britan. I l
en eft de même de la terminaifon celtique magum,
que Bochart fait encore venir de l ’hébreu môhun,
fans confidérer que la terminaifon um ou us (car
magus eft auffi commun que magum ) eft évidem-
ment une addition faite par les latins, pour décliner
la racine celtique ma g. L a plupart des étymolo-
giftes hébraïfans ont été plus fujets que les autres à
cette faute ; & i l faut avouer qu’e lle eft fouvent difficile
à éviter , furtout ' lorfqu’i l s’agit de ces langues
dont l ’analogie eft fort compliquée & riche en
inflexions grammaticales. T e l eft le g re c , où les
augments & les terminaifons déguifent quelquefois-
entièrement la racine. Q u i reconnoitroit, par exemp
le , dans le mot «/«./AÉVOÎ Ie verbe «U/l«», dont i l eft cependant
le participe très-régulier ? S’i l y avoir un
mot hébreu hemmen, qui fignifiât comme t
arrangé ou jo in t , i l faudroit rejeter cette origine
pour s’en tenir à la dérivation grammaticale, j ’ai
appuyé fur cette efpèce d’écue iï, pour faire fentir
ce qu’on doit penfer de ceux qui écrivent des volumes
d Étymologies, & qui ne connoiffent les langues
que par un cou p-d oe il rapide jeté fur quelques
dictionnaires.
3°* Une Étymologie probable exclut celles qui
ne font que poffibles. Par cette raifon , c’eft une
regie de Critique prefque fans exception , que toute
Etymologie étrangère doit être écartée, lorfque la
décompontion du mot dans fa propre langue répond
exactement à l ’idée qu’i l exprime : ainfi, celui q u i,
D I