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M o t me paroît principalement re la tif au matér
ie l , ou à la lignification formelle qui conftitue
l ’efpèce. T e rm e fe rapporte plus tôt à la lignification
objective qui détermine l ’id é e , ou aux différents fens
dont elle eft fufceptible.
L eurrer , par exemple, eft un M o t de deux
lyllabes j voilà ce qui concerne le matériel : & par
raport à la lignification formelle , ce M o t eft un
[Verbe au prélent de l ’infinitif* Si l ’on veut parler
de la lignification objeéïive dans le fens propre ,
L eurrer eft un terme dé Fauconnerie ; & dans le
fens figuré, où nous l ’employons au lieu de tromper
par de faulfes apparences, c’eft un T e rm e métaphorique.
C e feroit parler fans jufteffe & confondre
les nuances, que de dire que L eurrer eft un T e rm e
de deux lyllab e s , & que ce T e rm e eft à l ’infinitif:
ou bien que L eurrer, dans le fens propre, eft un
M o t de Fauconnerie j. ou j Jdans le fens figuré un
M o t métaphorique.
O n d i t , T e rm e d’A r t , T e rm e de P a la is , T e rm e
de Géométrie, & c , pour défigner certains M o t s
qui ne font ufités que dans le langage propre des
A r t s , du Palais , de la Géométrie, & c j ou dont
l e fens propre n’eft ufité que dans ce lan g a g e , & fort
de fondement à un fens figuré dans le langage ordinaire
& commun»
Le s M o t s font grands ou petits , d’une prononciation
facile ou embarralfée , harmonieux ou rudes,
déclinables ou indéclinables, fimples ou compofés ,
primitifs ou dérivés, naturels ou étrangers , ufités
ou barbares , noms , pronoms , adjectifs , & c ;
tou t cela tient au matériel du ligne, ou à la manière
dont i l lignifie. Le s T e rm e s font fublimes
ou bas, énergiques ou foibles »propres ou impropres,
honnêtes ou déshonnêtes, clairs ou obfcurs yprécis ou
équivoques, 6 c ; tout cela tient aux idées de la
lignification objeétive.
C e ne feroit pas la multitude de M o t s qui prou-
veroit la richeffe d’une langue , s’ i l y en avoit
beaucoup qui fuffent fynonymes r la richeffe vient
plus tôt de la multitude des T e rm e s , diverfifiés
par les idées accefloires de la lignification objective.
L ’harmonie du difcours dépend furtout du choix
& de laflortiment des M o t s ,• le mérite principal
du ftyle dépend du choix &/de l ’enfemble desTe rm e s .
( M . B e a u z é e . )
( N . )M O T , T E R M E , E X P R E S S I O N .
S y n o n y m e s .
L e M o t eft dans JL-a langue ; l ’ufage en décide.
L e T e rm e eft du fujet j la convenance en fait la
beauté. U E x p r e j j î o n eft de lapenfée j le tour en fait
l e mérite.
. L a pureté du langage dépend des M o t s ; fa préci-
fion dépend des T e rm e s ; & fon brillant des E x -
p r e ( f i o n s .
T o u t difcours travaillé demande que les M o t s
M O Ü
foient françois , que les T e rm e s foient propres , &
que les E x p r e f f î o n t foient nobles*
U n M o t hafardé choque moins qu’un M o t qui
a v ie illi. Le s T e rm e s d’Arts font aujourdhui moitos
ignorés dans le grand monde j i l en eft pourtant qui
non t de grâce que dans la bouche de ceux qui
font profeffion de ces Arts. Les E x p r e j f i o n s guindées
& trop recherchées font à l ’égard du difcours ,
ce que le fard fait à l ’égard de la beauté du fexe ;
employées pour embellir, e lles enlaidiflcnt. ( L ’ a b b é
Gir a r d . )
( K ) M O U I L L É , E . adf. » Nous "avons, dit
M. Duclos ( R e m . f u r l a G r a m m . g é n . I. z . ) ,
» trois fons m o u i l l é s y deux forts & un foible*
» Les deux forts font le g î t dans r èg n e , & le i l l
» dans p a i l l e ,* le m o u i l l é foible dans aïeul ,
» p a i e n . . . C ’ eft dans ces mots une véritable con-
» fonne quant au fon } puifqu’i l ne s’entend pas
» f e u l , & qu’i l ne fert qu’à modifier la v o y e lle
» fuivantè par un m o u i l l é foible. I l eft aife d ob-
» ferver que les enfants & ceux dont la prononcia-
» tion eft foible & lâche , difent p a ï e pour p a i l l e ,
». V e r f o l i e s pour V e r f a i l l é s ; ce qui eft précifé-
» ment fubftituer le m o u i l l é foible au m o u i l le fort.
» Si l ’on fefoit entendre m dans a ï e u l & dans
» p a ï e n , les mots feraient alors de trois fyllabes
» phyfique. ( V o y e - [ Syllabe ) ; on entendroit
»■ a - ï - e u l , p a - ï - e n , au lieu qu’on n’entend
» que a - i c u l y p a - i e n : car on ne doi-t pas oublier
» que nous traitons icr des- fons , quels que forent
» l é i caractères qui les- repréfentent.».
Je dirai hardiment de ces trois prétendues articulations
m o u i l lé e s tout ce que fen penfe : per-
fuadé qu’en matière de raifonnement, i l n’eft dw,
aux auteurs les plus graves & les plus h ab iles ,
que la confidération qu’on ne peut fans injuftice
refufer au mérite ; mais que la déférence ne doit
être accordée qu’à la force des raifons.
I. Je commence par le m o u i l l é foib le , t e l qu’on
prétend l ’obferver dans a ï e u l , p a ï e n . C eft dans
ces mots, dit-on , une véritable confonne quant au
fon , puifqu’i l ne s’entend pas f e u l, & qu’i l ne fert
qu’à modifier la vo y e lle fuivantè.
S’i l fuffit à un fon de n’être pas entendu fêul
dans le même inftant & de fervir a modifier la
voix qui vient après , pour être mis au ran g é e s
articulations j les défenfours du m o u i l le foible n ont
pas affez génëralifé la conféquence qu’ ils en tirent.
Car fi l ’i pur devant d’autres voyelles doit être
regardé comme confonne , par la raifon qu’ il modifie
la v o y e lle fuivantè & qu’i l n’eft pas entendu feul
dans le même inftant : « je crois , dit M. Harduin
v ( R e m a r q . d i v . pag. 1 7 à là note ) , qu’on de-
» vroit aufli mettre au rang des confonrres V u du
v mot h u i l e & l ’ o u du mot o u i , & qu’on eft en
» droit de reprocher à ces auteurs un peu de con-
» tradition ; puifqu’ ils fe contentent • d attribuer a
» l ’ i un principe qui me femble ne pouvoir e£re
M O Ü
» V r a i, par raport à ce fon , fans l’ êfre pareille-
» ment à l ’égard des fons u & o u dans la meme
»> pofition ». En e f fe t , quand on prononce h u i l e ,
o u i , V u & l ’ o u fe prononcent avec l ’i fuivant d’aune
même émiffion de voix j on entend dans le meme
inftant V u & l ’i du mot h u i l e , l ’ o u & 1 i du
mot o u i ; V u , dans le premier de ces mots, n e
paroît fervir qu’à modifier l ’i fuivant, comme 1 o u
dans le fécond.
C e feroit un argument bien foible encore, que
de prétendre que l ’ i dans a ï e u l , p a ï e n , &c eft
confonne , parce que le fon ne peut en etre continue
par une cadence muficale, comme quand i l n eft fuivi
d’aucune autre vo y e lle .
Outre qu’on peut faire la même difficulté fur
V u de h u i l e & fur V u de o u i , on peut répondre
directement : que ce qui empêche cet i d’être^ca-
dencé, c’eft qu’i l eft la vo y e lle prépofitive d’une
diphthongue 5 qu’i l dépend par conféquent d’ une
fituation momentanée des organes , fubitement remplacée
par une'autre fituation qui produit la v o y elle
poftpofitive ; & que ces deux difpofitions des organes
doivent en effet fe fuccéder rapidement, parce
q u e lle s doivent* en une foule émiffion inftantanée ,
produire deux voix diftinétes qui ne font qu’un fon
compote.
P ourfe dérober aux conféquences de cette explication
phyfique, le P.- Buffier ( G r a m m . f r a n ç .
n°. S i p . ) tâche de prouver que le prétendu m o u i l l é
foible fe prononce avec une conformation d’organes
différente de ce lle qui produit le fon de l ’i
dans ig n o r a n t . Mais quelques eflais que. j’aye faits
pour vérifier les differents méchanifmes dont i l
fa it l ’expofition , j’ai conftamment trouvé que la
langue fe difpofe toujours de la même manière
pour la .production de tous les i poflibles ; i pur ,
'Comme dans ig n o r a n t ,* i articulé , comme dans
d im a n c h e ,* i pur précédé d’une vo y e lle , comme
dans h a ï r , d é i c id e , M o ï f e , o u ï r , a m b ig u ï t é ; i
prépofitif en dipthongue & précédé d’une voyelle
Comme dans a ï e u l , p a ï e n , j o y e u x p a y e u r ,* i
prépofitif & articulé, comme dans b ie n ., m i e u x ,
d ia b l e .
L a feule différence phyfique que j’aye pu y
apercevoir, & qui m’ait paru la plus propre à
furprendre les grammairiens , même les plus attentifs
■; c’eft que quand l ’i eft prépofitif, dans quelque
diphthongue que ce foit , la fituation de la "
bouche , néceflaire à la production de l ’i , dure fi
peu & change fi fubitement , pour ê;re- remplacée
par celle qu’ exige la voix poftpofitive , que la
langue femble ne faire en effe t, pour V i , qu’un
de ces mouvements inftantanés, démontrés nécef-
faires a la production des articulations linguales.
Mais la célérité de ce mouvement vient fimple-
ment de ce que la fituation de l a langue , dans
cet état , ne doit & ne peut être qu’ inftantanée ,
parce que 1 i prépofitif "qui réfulte de cette fitua-r
Jijon t doit être prononcé affez rapidement pour être
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entendu dans lé même inftant que la voix poftpo-*
fitive.
C e feroit fe tromper lourdement, que de regarder
ce mouvement de la langue comme devant
produire une articulation linguale. En e ffe t, comme
i l n’eft pas poflible d’imaginer ni de dire que ce
foit une articulation nafale , elle feroit donc orale
& par Conféquent muette ou fifflante : l ’un & l ’autre
eft également infoutenable.
i ° . C e qu’on appelle le m o u i l l é foible n’eft
point une articulation muette : car la langue reftât-
e lle dans la fituation où la met d’abord le mouvement
, i l n’y a perfonne de bonne foi qui ne
convienne qu’elle ne pourroit alors intercepter totalement
l ’air fonore ; x e qui eft pourtant le caradère
eflenciel des articulations muettes. Voye^ Muet &
C onsonne.
z ° . E lle ne produiroit pas davantage une articulation
fifflante 5 parce que quand l ’air fonore eft
intercepté d’une manière imparfaite par une partie
organique mobile , fi e lle refte dans l ’état requis
pour cette interception, l ’émiffion de l ’air fonore
ne fait entendre alors qu’un fifflement informe ,
cara&érifé feulement par X’explofion propre à l ’interception
dont i l s’agit , laque lle modifie tout au
plus ce fehéva prefque infenfible auquel fuffit la
moindre iflue. Mais fi la langue refte dans la fituation
qu’elle prend d’abord pour le prétendu m o u i l l é
foible , l ’émiffion de l ’air fonore fait entendre très-
diftindement la voix i : 'ainfi, l’on peut prononcer
en trois émiffions phyfiques les mots a - i - e u l ,
p a - i - e i i y au lieu de les prononcer en deux conformément
à l ’ufàge national, qui fait dire a - i e u l ,
p a - i e n . J’avoue , fi l ’on veut , que c e ne feroient
plus les mêmes mots , parce que le s éléments n’en
feroient plus combinés de même j mais comment
prouveroit-on que ce ne font point de part & d’autre
les mêmes éléments ?
L ’auteur ançnyme du T r a i t é d e s f o n s d e l a
la n g u e f r a n ç o i f e ( Part. I. p a g . 63 ) convient
que l ’on peut abfolument féparer les trois voyelle s
prépofitives i , u , o u , de la v o y elle poftpofitive ,
& les prononcer feules dans les mots m i e u x ,
h u i l e y Q u i'y e n difant m î - e u x , h u - i le , o u - i . « C e
» feroit à la vérité mal prononcer, dit-il j mais
» le difcours n’en deviendroit pas pour cela obfcur
» & inintelligible. Eft-il poflible d’en faire autant
» à ces mots, p a y e , p a y o n s ? Si je prononçois'
» ainfi , I l a r e ç u f a p a i - i - e ; qui eft - ce qui
» comprendroit ce que je voudrois dire? Si je difois,
» L o r j ,q u e n o u s p a i - i - o n s , ne penferoit - on pas
» q u e je parle d’un paiement p a ffe , tandis que
» je veux parler d’un paiement préfent ? & on ne
» nfentendroit pas. D ’où i l faut conclure que cet i
» m o u i l l é y étant inféparable de la vo y e lle fuivantè ,
» eft une confonne véritable ».
Comment l ’auteur r e g a rd e - t - il fon i m o u i l l é
comme inféparable de la v o y e lle fuivantè , p u if qu’i
l vient luimiêmc de l ’en.féparer par hypothèfç
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