enfants, au Sortir du co llèg e , ont les notions rai-
fonnables que doit avoir un homme inftruit &
lettré. Qu’on fafîe attention, d’autre p a rt , q ue des
enfants amenés, comme on l ’a dit, au point d’entendre
aifément Cicéron, V i r g i le ,& Tribonien , & de les
traduire avec une forte de goût ; au point de pof-
féder , par une leélure affidue , les auteurs qui ont
le mieux écrit en notre langue , & de manier avec
facilité le C a lc u l , ' le D effin , l’Ecriture & c ; que
ces enfants, d is -je , auroient alors une aptitude générale
à tous les emp lo is, & qu’ils pourraient
choifir par conféquent, dans les diverfes profeflions,
ce qui s’accôrderoit le mieux à leurs intérêts ou à
leurs penchants.
U n autre avantage important, c’eft qu’on épar*
g n e ro it , ij par cette voie , plufieurs années à la Jeu-
nefle; attendu que les lu jets , toutes chofes éga le s,
feroient alors plus formés & plus capables à quinze
& feize an s, qu’ils ne fauroient l ’être à vingt par
Tinftitution latine ufitée de nos jours.
Je üêjQ^uis diffimuler mon étonnement de ce
que tant aAcadémies que nous avons dans le royaume,
au lieu d'examiner les divers projets d’éducation,
& d’expofer enfuite au Public ce qu’i l y a fur cela
de plus exaél & de plus v rai, laiffent à de fimples
particuliers le foin d’un pareil examen, & ne
prennent pas la moindre part à une queftion littéraire
q ui reffortit à leur tribunal. .
C e feroit ici le lieu d’entrer dans quelque détail
fur les inftruélions ' & les Etu des relatives aux
moeurs ; mais cet article , qui feroit lon g , ne
convient qu’à un traité complet fur l ’éducation j &
ce n’eft pas de quoi i l s’agit à préfent : nous en
pourrons dire quelque chofe dans la fu ite , en parlant
dès moeurs. Du relie , nous avons là-deflus un
ouvrage de M. de Saint-Pierre, que je crois fort
lùpérieur à tout ce qui s’eft écrit dans le même
genre ; i l elt intitulé , P r o je t pour perfectionner
Véducation : je ne puis mieux faire que d’y renvoyer
les leéteurs. J ajouterai feulement la citation
fui vante.
« Les légiflateurs de Lacédémone & d e là Chine
ont prefque été lès feuls, qui n’ayent pas cru devoir
fe repofer, fu r i’igporance des pères ou des maîtres,
d’un foin qui leur a paru l ’objet le plus important
du pouvoir légiflatif. Ils ont fixé dans leurs lois
le pian d’une éducation détaillée, qui put inltruire
à fond les particuliers fur ce qui faifoit i c i - bas
leur bonheur5 & ils ont exécuté ce que , dans la
théorie même, on croit encore impoflible , la formation
d’un peuple philofophe. L ’Hiltoire ne
nous permet point de douter que ces deux États
• n’ayent été très-féconds en hommes vertueux. ( ikf.
P AIGU ET ).
(N.) É T U D IE R , A P PR EN D R E . Synonymes.
Etu dier, c’ell uniquement travailler à devenir
lavant. Apprendre , c e fl y travailler avec luccès.
O n étudie pour apprendre} & l ’on apprend à
iorce S étudier.
Les efprits vifs apprennent aifément, & font
pareffeux à étudier.
On ne peut étudier qu’une chofe à la fois :
mais on peut en apprendre plufieurs ; cela dépend
de la connexion qu’elles ont avec ce lle que l ’on
étudie.
Plus on apprend, plus on fait ; & quelquefois
plus on. étud ie, moins on fait.
C ’eft avoir bien étudiéqued’avoir appris à douter.
I l y a certaines chofes qu’on apprend fans les
étudier y i l y en a d’autres qu’on étudie fans les
apprendre.
Les plus lavants ne font pas ceux qui ont le
plus étudié y mais ceux qui ont le plus appris.
O n voit des perfonnes étudier continuellement
fans rien apprendre y & d’autres tout apprendre fans
rien étudier.
L e temps de la jeun elfe eft le temps S étudier:
mais ce n e fl que dans un âge plus avancé qu’on
apprend véritablement ; car i l faut que l ’efprit foie
'formé pour digérer ce que le travail a mis dans la
mémoire. ( L ’ abbé G irard. )
É T Y M O L O G IE , f. f. Littérature. C ’eft
l ’origine d’un mot. L e mot dont vient un autre
mot s’appelle p r im it i f y, & celui qui vient du primitif
s’appelle dérivé. On donne quelquefois au
primitif même le nom d’Étymologie y ainh, l ’on dit
que pater eft l ’Étymologie de père:
Les mots n’ont point avec ce qu’ils expriment
un rapport néceflaire; ce n’efl pas même en vertu
d’une convention formelle & fixée invariablement
entre les hommes ,r que certains fons réveillent dans
notre efprit certaines idées. Cette liaifon eft l ’effet
d’une habitude formée dans l ’enfance à force d’entendre
répéter les mêmes fons dans des circonf-
tances à peu près fèmblables : elle s’établit dans
l ’efprit des p eu p le s , fans qu’ils y penfent ; e lle
peut s’effacer par l ’effet, d’une autre habitude qui
fe formera auifi fourdement & par les mêmes
moyens. Les circonftances dont la répétition a déterminé
dans l ’efprit de chaque individu le fens
d’un mot , ne font jamais exactement les mêmes
pour deux hommes ; elles font encore plus différentes
pour deux générations. Ainfî , à confiderer
une langue indépendamment de fes rapports, avec
les autres langues , elle a dans elle-même un principe
de variation. L a prononciation , s’altère en
paffant des pères aux enfants j les acceptions des
termes fe multiplient, fe remplacent les unes les
autres; de nouvelles idées viennent accroître le s
rlcheffes de l ’efprit humain: i l ,faut détourner la
lignification primitive des mots par des métaphores^
la fixer à certains-points de vue particuliers , par
des inflexions grammaticales ; réunir plufieurs mots
anciens , pour exprimer les nouvelles combinai-
fons d’ idées. Ces fortes de mots n’entrent pas toujours
dans l ’ufage ordinaire : pour les . comprendre,
i l efl néceffaire de les analyfer , de remonter des
compofés ou dérivés aux mots fimples ou radicaux 3
& des acceptions métaphoriques au fens primitif.
Les grecs, qui ne connoiffoient guères que leur
lan gu e , & dont la langue , par l ’abondance f de
fes inflexions grammaticales & par fa facilité à
compofer des mots, fe prétoit à tous les befoins
de leur g én ie , fe livrèrent .de bonne heure à ce
genre de recherches, & lui donnèrent le nom
S É tym o lo g ie , c’efl à dire , connoiflance du vrai
fens des mots; car étv^o» t«î Aei-fof fignifie le vrai
f e n s d’ un mot, d’ trv/Aos, vrai.
Lorfque les latins étudièrent leur lan g u e , à
l ’exempiè des g re c s , ils . s’apperçurent bientôt
qu’ils la dévoient prefque toute entière à ceux-ci.
L e travail ne fe borna plus à analyfer les mots
d’une feule langue , à remonter du dérivé à fa
racine ; on apprit à chercher les origines de fa
langue dans des langues plus anciennes , à décom-
pofer , non plus les mots , mais les langues : on
les vit fe fuccéder & fe m ê le r , comme les peuples
qui les parlent. Les recherches s’étendirent dans un
champ immenfe ■ ; mais quoiqu’elles devinffent indifférentes
pour la connoiflance du vrai fens des
: mots , on garda l ’ancien nom d’Etymologie. A u -
jourdhui ' les favants donnent ce nom à toutes
les recherches fur l ’ origine des mots ; c’ efl dans
ce fens que nous l’emploierons dans cet article.
L ’Hifloire nous a tranfmis quelques Etymologies y
comme celles des noms des villes ou des lieux -
auxquels les fondateurs ou les navigateurs ont
donné, foit leur propre nom, foit quelque autre
relatif aux circonftances de la fondation ou de la
découverte. A la réferve du'petit nombre à’É ty p
o lo g ie s de ce genre , qu’on peut regarder comme
-certaines, & dont la certitude 'purement teftimo—
niale ne dépend pas des règles de l ’art étymologique
, l’origine d’un mot eft en général un fait
à deviner, un fait ign o ré , auquel on ne peut
arriver que par dès ' conjectures en partant de
quelques faits connus. L e mot eft donné ; i l faut
chercher, dans l’immenfe variété des langues , les
différents mots dont i l peut tirer fon -origine. L a
reffemblance du fo n , l ’analogie du fens, i ’Hiftoire
des peuples qui ont fucceflivement occupé la même
contrée ou qui y ont entretenu un grand comm
e rc e , font les premières lueurs qu’on fuit : -on
trouve enfin un mot affez femblable à celui dont
on cherche Y Etymologie. Ce n’ eft encore qu’une
fuppofition qui peut être vraie ou fauffe : pour
s’anurer de la v érité, on examine plus attentivement
cette reffemblançe ; on fuit lès altérations
graduelles qui ont conduit fiicceffivement du primitif
au dérivé ; on pèfe le plus ou le moins de
facilité du changement de certaines lettres en d’autres
; on difeute les rapports entré les concepts
de l ’efprit & les analogies délicates qui ont pu
guider les hommes dans. l ’application d’un même
fon à des idées très-différentes ; on compare le mot
à toutes les circonftances de l’énigme : fouvent i l
ne foutient pas cette épreuve, & on en. cherche
un autre ; quelquefois ( & c’ eft la pierre de tou-'
ch. e des Étymologies comme de toutes les vérités
de fait ) toutes les circonftances s’accordent
parfaitement avec la fuppofition qu’on a faite ;
l ’accord de chacune en particulier forme une probabilité;
cette probabilité augmente dans une pro-
greflion rapide , à me fur é ' ‘qu’i l s’y joint de nouvelles
vraifemblances ; & bientôt , par l ’appui
mutuel que celles-ci fe prêtent, la fuppofition n’en
eft plus une & acquiert la certitude d’un fait. L a
force de chaque vraifemblance en particulier, &
leur réunion , font donc Tunique principe de la
certitude des Etymologies comme de tout autre
fait , & le fondement de la diftinélion entre les
Etymologies poflibles, probables , & certaines. I l
fuit de la que l ’art étymologique e f t , comme tout
art conjeélural , compofé de deux parties, l ’art de
former les conjeélures ou les fuppofitions, & l ’arc
de les vérifier ; ou , en d’autres termes, l’invention
& la critique : les fosurces de la première, les
règles de la fécondé , font la ' divifion naturelle de
cet a r t ic le ; car nous n’ y comprendrons point les
recherches qu’on peut faire fur les cau-fes primitives
de l ’inftitution des mots , fur l ’origine & les
progrès du lan g a g e , fur les rapports des mots avec
i organe qui les prononce & les idées qu’ils expriment.
L a connoiflance philofophique des langues
eft une fciencè très-vafte , une mine riche de vérités
nouvelles & intéreflantes. Les Étym ologie s
ne font que des faits particuliers', fiir lefquels e lle
appuie quelquefois des principes généraux ; ceuxc
i , à la vérité , rendent à leur tour la recherche
des Etymologies plus facile & plus sûre : mais
fi cet article devoit renfermer tout ce qui peut
fournir aux étymologiftes des conjeélures ou
des moyens de les vérifier, i l faudroic qu’i l traitât
de toutés les fciences. Nous renvoyons donc fur ces
matières aux articles G rammaire , L angue , Métaphore
, O nomatopée , &c. Nous ajouterons
feulement, fur l ’utilité des recherches étymologiques,
quelques réflexions propres à défabufer du
mépris que quelques perfonnes affectent- pour ce
genre d’etude.
Sources des conjectures étymologiques. En matière
S Étymologie y comme en toute autre matière ,
l ’invention n’a point de règles bien déterminées.
Dans les recherches où les objets fe préfentent à
nous, où i l ne faut que regarder & v o i r , dans
celles auffi qu’on peut" foumettre à la rigueur' des
démonftrations, i l eft poflible de preferire à T efprit
une marche invariable qui le mène sûrement à la
vérité : mais toutes les fois qu’on ne s’en tient
pas à obfèrver fimplèment ou à déduire des confé-
quences de principes connus, i l faut deviner ; c’eft
à dire, qu’i l fau t, dans le champ immenfe des
fuppofitions poflibles , en fâifir une auhafard, puis
une féconde , & plufieurs fiicceffivement, jufqu’ à ca
qu’on ait rencontré Tunique vraie. C ’eft ce qui
feroit impoflîble , fi la gradation qui fe' trouve
dans la liaifon de tous les êtres , & la lo i de
continuité généralement obfervée dans la nature,