
le ment, i l faut la fuppofer , non pas formée fiic-*
ceflivement & au gre du peuple , mais. compofée
enfemble & de concert par un métaphyficien comme
L o ck e , un poète comme ' Racine , & un grammairien
comme du Marfais. A lors on voit éclorre
une langue à la fois philo fophique & poétiqu e,
où l ’analogie des termes avec les chofes eft feniible
8c confiante , non feulement dans les couleurs p r i- '
xnitiyes, mais dans les nuances les plus délicates 3
de manière que les fynonymes en font gradués du
rapide au lent , du fort au foible , du grave' au
lé g e r , &c. A u fyftême naturel & fécond de l'a génération
des termes , depuis la racine jufqu’aux derniers
rameaux , fe joint une richeffe prodigieufe de
figures & de tours, une variété infinie dans les mouvements,
dans les tons, dans le mélange des fons
articulés & des quantités profodiques, par confé-
quent une extrême facilité à tout exprimer, à tout
peindre. C e grand ouvrage une fois achevé, je fup-
pofe que les inventeurs donnaient pour effais quel -
ques morceaux traduits d'Homère, d’Anacréon, de
V irg ile , de T ibu lle , de Milton , de l ’Ariofte, de
C o rn e ille , de la Fontaine : d’abord ceferoit autant
de griffes qu’on s’amuferoit à expliquer à l ’aide des
livres élémentaires 3 peu à peu on le familiariferoit
avec la langue n ou ve lle, on en fentiroit tout le
prix : on auroic même , par la fîmplicité de la méthode
, une extrême facilité à l ’apprendre ; & bientôt
pour la première fo is , on goûteroic le plaifîr de
parler un langage qui n’auroit eu ni le peuple pour
inventeur , ni i ’ufage pour arbitre , & qui ne fe ref-
lentiroit ni de l ’ignorance de l ’un ni des caprices
de l ’autre. V o ilà un beau fon ge , me dira-t-on: je
l ’avoue , mais ce fong© ni’a fembié propre à donner
l ’idée ,de ce que j’entends par Y Harmonie d’une
langue 3 & tout l ’art du ftyle harmonieux confîfte à
rapprocher , autant qu’i l eft polfible , de ce modè
le imaginaire , la langue dans laquelle on écrit.
{ M . M a r m o n t e l . )
H E B D O M A D A IR E , adj, ( Gram. ) De la Semaine
, qui revient chaque femaine : ainfî , des nouv
e lle s hebdomadaires y des gazettes hebdomadair
e s , ce font des nouvelles, des gazettes qui fe distribuent
toutes les, femaines. Tous ces papiers font
l a pâture des ignorants, la reffource de ceux qui
veulent parler 8c juger fans lire , & le fléau & le dégoût
de ceux qui travaillent. Ils n’ont jamais fait
produire une bonne ligne à un bon c lp r it , ni empêché
un mauvais auteur de faire un mauvais ouvrage.
( M . D i d e r o t . )
H É B R A ÏQ U E ( L angue. ) C ’eft la langue dans
laq u e lle font écrits les livres faints que nous ont
tranfmis les hébreux, qui l ’ont autrefois parlée. C ’eft,
fans contredit , la plus ancienne des langues connues
; & s’i l faut s’en raporter aux ju ifs, elle eft la
première du monde. Comme langue lavante &
comme langue facrée, elle eft depuis bien des fiè.cles
le fujet 8c la matière d’une infinité de quéftions intérefïantes,
qui toutes n’ont pas toujours été discutées
de fang froid , Surtout par les rabbins, 8c
q u i, pour la plupa rt, ne font pas encore éclaircies
, peut-être à caufe du temps qui couvre'tout,
peut-être encore parce que cette langue n’a pas été
au/fi cultivée qu’elle auroit dû l ’être des vrais lavants.
Son origine , fes révolutions, fon génie , fes propriétés/,
fa grammaire , fa prononciation , enfin les
caractères de Ton écriture, & la ponctuation qui
lu i fert de voyelles , font l ’objet des principaux
problèmes qui la concernent ; s’ils font rélolus pour
les juifs, qui fe noyent avec délices dans un océan
de minuties & de fables, ils ne le font pas encore
pour l ’homme qui refpede la religion & le bon
fens, & qui ne prend pas le merveilleux pour la
vérité. Nous prdîenterons donc ici ces différents
objets ; & fans nous flatter du fuccès, nous-parlerons
en.hiftoriens & en littérateurs j i ° . de l ’écriture de
la langue hébraïque ; z ° . de là ponctuation3 30. de
l ’origine de la langue 8c de fes révolutions chez
les hébreux y 40. de fes révolutions chez les différents
peuples où elle paroît avoir été portée par les
phéniciensj & $°. de fon g én ie, de fon caraCtère,
de fa grammaire, 5c de fes propriétés. ■
I. L ’alphabet hébreu eft compofé de vingt-deux
lettres, toutesscéputées confonnes,. fans en excepter
même Y aleph , îè h é ,\ e vau 8c le jo d , que nous
nommons v oye lles, mais qui chez les hébreux n’ont
aucun fon fixe ni aucune valeur fans la ponctuation,
qui feule contient les véritables voyelles de cette
langue , comme nous le verrons au deuxième article.
Ori trouvera les noms & les figures, des caractères
hébreux, ainfî que~leur valeur alphabétique
& numérique dans nos Planches de Caractères >
on y a joint les caractères famaritains qui leur dif-
putent l'antériorité. Ces deux caractères ont été la
matière de grandes difeuffions entre les famaritains
& les juifs 3 le Pentateuque, qui s’eft tranfmis juf-
qù’à nous par ces deux écritures, ayant porté chacun
de ces peuples à regarder fon caraCtère comme le
caraCtère primitif, & à confidérer en même temps
fon texte comme le texte original.
Ils fe font fort échauffés de part & d’autre a ce
fujet , ainfî què leurs partifans , 8c ils ont plus tôt
donné des fables ou des fyftêmes que des preuves;
-parce que te lle eft la fatalité des chofes qu’on croit
toucher à la relig ion , de ne pouvoir prefque jamais
être traitées à l ’amiable & de fang froid. Les uns
ont confîdéré le caraCtère hébreu comme une nouveauté
que les juifs ont raportée de Babylone au
retour de leur captivité ; & les autres ont regardé
le caraCtère famaritain comme le caraCtère barbare
des colonies affyriennes qui repeuplèrent le
royaume des dix tribus difperiées fept-cencs ans
avant J. C . Qu elque s -un s , plus raifonnables, ont.
cherché à les mettre d’accord en leur difant que leurs
pères avoient eu de tout temps deux caractères, l ’un
profane & l ’autre faciré 3 que le famaritain avoit.été
le profane ou le vulgaire, & que celui qu’on nomme
hébreu, avoit été le caraCtère facré ou facerdot.aL
C e fentiment favorable à l ’antiquité de deux alphabets
, qui contiennent le même nombre de lettres,
8c qui lemblent par là avoir en effet appartenu au
même peuple , donne la place d’honneur à celui du
texte hébreu 3 mais i l s’eft trouvé des juifs qui l’ont
rejeté, parce qu’ils ne veulent point de concurrents
dans leurs antiquités, 8c qu’i l n’y a d’ailleurs aucun
monument qui puiffe conftater le double ufage de
ces deux caractères chez les anciens ifraélites. Enfin les
favants qui font entrés dans cette difeuflion , après
avoir long temps floté. d’opinions en opinions ,
femblent être décidés aujourdhui, quelques-uns à
regarder encore le caraCtère hébreu comme ayant
été inventé par Efdras ; le plus grand nombre comme
un caraCtère chaldéen., auquel les juifs fe font habitués
dans leur captivité ; 8c prefque tous font
d’accord avec les plus éclairés des .rabbins, à donner
l ’antiquité & la primauté au caraCtère famaritain.
Cette grande queftion auroit été plus tôt décidée,
fi, dans les premiers temps où l ’on en a fait un pro blème,
les intéreffés euffent pris la voie de l ’ob-
fervation & non de la difpute. I l falloit d’abord comparer
les deux caractères l ’un avec l ’autre pour voir
en quoi ils diffèrent, en quoi ils fe reffemblent,
8c quel eft celui dans lequel on reconnoît le mieux
l ’antique, I l falloit enfuite raprocher des deux a lphabets
les lettres grèques, nommées lettres phéniciennes
par les grecs eux-mêmes, parce qu’elles
étoient originaires de la Phénicie. Comme cette
contrée différé un peu de la Paleftine, i l étoit affez
naturel d’examiner les caractères d’écritures qui en
font fortis , ’ pour remarquer s’i l n’y auroit point
entre eux 8c les caradères hébreux 8c famaritains
des raports communs qui puffent donner quelque
lumière fur l ’antiquité des deux derniers 3 c’eft ce
que nous allons faire ici.
L e fimple coup d’oeil fait apercevoir une différence
fenfible entre les deux caractères orientaux :
Yhébreu n e t , diftinCt, régu lier, & prefque toujours*
quarré, eft commode & courant dans l ’ écriture 3 le
famaritain , plus bifarre & beaucoup plus compofé,
préfènte des figures qui reffemblent à des hiéroglyphes
, 8c même à quelques-unes de ces lettres
fymboliques qui font encore en ufage aux confins
de l ’Afie. I l eft difficile & long à former , & tient
ordinairement beaucoup plus de place. Nous pouvons
enfuite remarquer que plufîeurs caractères hébreux
, comme a lep h , beth , ^aïn , heth , the th,
lamed , mem , nun , refeh 8c f e h in , ne font que
des abréviations des caradères famaritains qui leur
correspondent, & que l ’on a rendus plus courants &
plus commodes 3 d’où nous pouvons déjà conclure
que le caradère famaritain eft le plus ancien 3 fà
rufticicé fait fon titre de nobleffe.
L a comparaifon des lettres grèques avec les Samaritaines
, ne leur eft pas moins avantageufe. Si
l ’on en rapproche les majufcules a lp h a , gamma,
delta , epjilon , \eta , heta , lambda , p i , ro &
J îgm a , ou les reconnoîtra aifémenc dans les lettres
correfpondantes aleph, g im e l, daleih , h é , \din f
heth , lamed , p h é , refeh 8c fe h in .
G rec. Samar. Grec. Samar.
* N H È C
r *n “ C A z
* A T n U .
p 4
z *5 2
w
avec cette différence cependant que dans le grec
elles font pour la plupart tournées en fens contraire,
fuivant l ’ufage des occidentaux qui ont écrit
de gauche a droite , ce que les orientaux avoient
figuré de droite à gauche. De cette derniere obfer—
vation , i l réfulte que le caradère que nous nommons
fapiaritain etoit d’ufage dans la Phenicie des
les premiers temps hiftôriquès, 8c meme auparavant
, puifque l ’arrivée des phéniciens 8c de leur
alphabet chez les grecs fe cache pour nous dans
la nuit des temps mythologiques.
Nos obfervations ne feront pas moins favorable^
à l ’antiquité des caradères hébreux. Si Io n compare
les minufcules des.grecs avec, eu x ,
f Grec. Hébreu. , G;rec. Hébreu.
a.
T
« '
J *
>
b
f *1 s * 2
K » T
rt t n
3- 1D
L e y vient de Y a fin y ' 3 8c la prononciation de?
ces deux lettres varie de même chez les hébreux
comme chez les grecs. ]
on reconnoîtra de même qu e lles en ont pour la plupart
été tirées , comme les majufcules l ’ont été du
famaritain, 8c l ’on remarquera q u e lle s font aufli re-
préfentées en fens contraire^, Par cette double analo
g ie des lettres grèques avec le s deux alphabets
orientaux, nous devons donc juger i.°. que de tout
ce qui a été tant de fois débité fur la nouveauté dm
caradère hébreu. , fur Efdras qii’on en a fait l ’inventeur
, & fur Babylone d’où l ’on dit que les
captifs l ’ont ap orté, ne font que des fables qui démontrent
le peu de connoiffance qu’ont eu les juifs
de leur hiftoire littéraire , puisqu’ils ont ignoré
l ’antiquité de leurs caradères, qui avoient. été com-.
muniqués aux européens plus de mille ans avant,
ce retour de Babylone 3 i ° . que les deux caradères
nommés aujourdhui hébreu 8c famaritain , ont o r i-
E U %