
» L e Pléonafme fe joint à l ’Hyfiérologiè ou Ren-
» verfement de penfée. Quand on dit qu’i l ne
» refte plus que l'homme, i l eft inutile d’ajouter
» que le héros s’évanouît; parce.qu’i l eft.de toute
» néceftîcé que le héros ait difparu , pour qu’on
» ne voye plus que l ’ho-mme , de même qu’i l faut
» avoir conçu pour enfanter. Mais fi le poète
» avoir pu dire, L e mafque tombe, le héros s'é-
» van oü it, & l ’homme refie q i l auroit peint la
» chofe telle qu’elle e f t , & nous auroit offert une
» image exa&e ».
Ces vers f i connus , de l ’aveu du cenfeur, &
f i g o û té s , de l ’aveu du fon copifté , ont donc été
applaudis par le bon g o û t , le goût général & fou-
tenu de la nation & des gens de Lettres. Auflî la
cenfure qu’on en fait n’e ft-elle qu’ une vaine déclamation.
Avant que l e mafque tombe, l ’homme &
le héros fubfiftent enfemble ; quand l ’homme refte,
le héros peut encore refter : i l eft donc nécefiaire
■ d’exprimer ce que devient le héros , comme on
exprime ce que devient l ’homme ; car i l n’eft que
trop pofiible que , le mafque tombé, on ne trouve-
plus ni héros ni homme, & que le réfidu ne foit
qu un monftre féroce.
L e mafque tombe, le héros s ’évanouit , &
l ’homme re fie , peindroit, dit-on , la chofe telle
qu’elle e f t : j’en doute. C ’eft .de l ’héroïfme qu’il
s a g i t , dans cette belle Ode à la Fortune ; dès
que', le mafque tombé , l é héros s’évanouît > * le
but du poète èft rem p li; & i l n’importe plus a
perfbnne de favoir ce qui réfte. A u contraire , le
mafqué une fois tombé , i l eft naturel qu’on cherche
ce qui refte; on trouve que c’eft l ’homme , 8c
l ’on conclut que le héros s’évanouît, parce que
l ’héroïfme n’etoit. que fîmulé. Rouffeau a donc
fuivi l ’ordre naturel*des penfées, 5c i l n’y a dans'
ces vers ni Pléonafme ni Hyfiérologiè.
Obfervez.que j’ai mis ici en parenthèfe ce qu’i l
a plu à M. de J. d’ajouter au texte de M. de S. M;
en quoi i l ne me paroît pas heureux. En effet la né-
cefifité. de la rime ne faitrelle pas partie de ce
qu’on avoit défigné par la mefure au vers ? 8ç
après la pare fie , Jque vient faire l ’idée de la
pe in e du changement ? C ’eft véritablement ici
qu’i l y a Pléonafme. I l y a même équivoque dans,
cetté phrafe , là difficulté d ’y remédier : eftrce ’-dç,
remédier au changement ? c’eft une abfùrdité : eft-ce
la difficulté de remédier à la . peine , c’eft à dire
la peine de remédier à la peine ? c’eft du g a li-
mathias.
V o ic i comment- continuent les deux çenfeurs :
« Quelque condamnables que foienc ces renverfe-
» ments' de penfées, je ne dirai rien qui s’écarte
» de la doétrine de Longin , fi j’avance qu’ils pour-
» roient être très-bons dans la bouché d’un per?
»> fonnage troublé par le premier mouvement d’une
V paffion crès-impétueufe ; parce qu alors ils fer-
» viroient a peindre de mieux en mieux le carac-
» cere même de cette paffion. C e que je propofe
» n eft pas d’une exécution bien facile : je crois
; w pourtant qu’un auteur qui connoitroit bien la
» nature, n y feroic pas extrêmement embarraffé,
» . ( & ne manqueroit pas de fuccès en cherchant à
» imiter fon .langage ) ».
. V o ila précifément ce qui met ces r enverfem ents
de penfées au rang des figures de ftyle ,N & ce qui
fait le mérité de i ’expreffion de V irg ile que j’ai
raporcée en exemple. C e grand poète favoit très-
bien ce qui convenoit dans la bouche d’Enée au
moment actuel. I l n’ignoroit pas que des difeours
raifonnés, & froids par conféquenc, ne pouvoient
pas êtrç le langage d’un prince courageux , qui
voyoit fa patrie fubjuguée ; la v ille livrée au p illag
e ; à la fùreür de l ’ennemi victorieux , aux
flammes dévorantes ; fa famille expofée. à des outrages
plus cruels que la mort même : que les paf-
fions parvenues à un certain degré, fans amener le
phébusnile galimathias dans TÈiocution, interrompent
brufquemenc les propos commencés ; & qu’elles
piéfeutent rapidement à- l ’efprit des’ torrents , pour
ainfi dire , d’idées détachées , qui fe fticeèdent fans '
continuité & s’affocient fans liaifon , ou du- moins
fans autre liaifon que ce lle qui naît naturellement
de l ’intérêc de la paffion même qui raporte tout
à foi. T e l eft le fondement de tout le difeours d’Enée
( Æ n - H- 348-354-) :
Juvenes, fortifie ma fini(ira
P ectora, f i vobis audentem extrema cupido ejl
Ceria feqid ? Qiuz fit rebus fortuna vïdetis j
ExçeJJ'ere omnes aditis arifque rèlictis
D i quitus imperium hoc fieterat : fuçcurritis urbi
Jncenfix ? fiîorlamur , & in media arma ruamus.
« Jeunes guerriers, héros devenus inutiles , quand
» je vas porter l ’audace à l ’extrémité , ête s - vous
» réfolument déterminés-à me fuivre ? Vous voyez
» où en font les chofes ; temples & autels font
» abandonnés par tous les- dieux protecteurs de cet
» Empire : & vous portez du fecours à mie v ille
» réduite en cendres ? Mourons , 8c précipitons -
» nous au milieu des armés ennemies ». C ’eft le
pur langage de la nature dans une crife furieufe.
L ’Hyfiérologiè eft donc une figure fingulière?
ment propre au ftyle pathétique. Si elle paroît
quelquefois vicieufe , c’eft quand elle eft déplacée ;
& i l n’y en a pas une feule de celles qui CaraCté,-
rifent le f ty le , qui ne puiffe devenir également
repréhenfible, fi e lle eft employée hors de propos.
G’eft affez communément le fort de ces figures de
commande, dont on toife' le plan & la forme aux
écoliers de Rhétorique ; comme fi l’on avoit defifeitt
de les dérober péniblemènt aux infpirations J e . la
nature, qui peut feule donner le goût du vrai beau»
C M . B e AUZÉE. )
î
1 1
* X , f. m. C ’eft la . neuvième lettre de l ’alphabet
latin. C e caractère avoit chez les romains deux
valeurs différentes; i l étoit quelquefois voyelle ., &
d’autres fois confonnë.
I . Entre les voyelles 5 c’ étoit la feule fur la quelle
on ne mettoit point de lign e horifontale
pour la marquer longue., comme le ténVoigrre
Scaurus. O n alongeoit. le. corps de . la lettré ,' „qui
par là devenoit majufculé;, ;au milieu j;même b]u a
la fin des mots p i f o , vlv'us , àedllis , &c. :C’eft à
cette pratique que; dans PA u lu la ir e ' de Plaute, Sca-
phyle fait a llun on , lorfque voulant fe pendre , i l
dit : E M me unam faciarn iittéram - longam.
L ’ufagb î, ordinaire , pour indiquer là longueuî
d’une v o y e lle , étoit, dans l'es commencerneiits , de;
la répéter deux fois , 5c quelquefois même d’ inférer
h entre,les. deux voyelles pour on rendre la proy
nonciation plus forte ; de là ahala ou aa la , pour
a la y & dans- le s anciens mehecum 'pbuî méciiitt ;
peut-être même que mihi n’eft que l ’orthographe
profodique ancienne de mî que tout le .monde
connoît -, vekemens de vemens , prehendo depre-ndo.
Nos. pères -avoient .adopté cette pratique y '-dc ils
écrivoient aage çom âge , roôle pour r ô le , fép à -
reement pour féparement, &c.
U n I lon g , pat fa feule longueur, valoir donc
deux i z ên quâhcitë ; & c’eft pour, cela que fouvent
ôn l ’a ■ employé pour deux i i réels : mahitbls
.pour manubiis , d is pour d'iis. D e là l ’origine de
plufieurs contractions dans la pronohciatioiï, qui
n’avoient été d’abord que dès abréviations' dans l ’écriture.
|
Par raport à la v o y e lle ƒ , les; latins en mar-
quoient encore.la longueur par la diphthongue oculaire
ei , dans laque lle i l y a grande apparence qué
Ve étoit abfolumént muet. Hoye\ fur cette matière
le Traité des Lettres de la Méth. la t. de P . R .
I I . L a lettre I étoit auffi confonnë chez les la tins
; 6c e n . voici trois- preuves , dont la réunion
■ combinée avec les témoignages des grammairiens
anciens;, de Quintilien , de Charifiüs , de-Diomède'j
de Térencien , de Prifcien , 6c autres, .doit diïfipçr
tous lés doutes 5c ruiner entièrement les objections
jdès. modernes.
} °; Les fyllabes terminées par une confonnë
qui etoient brèves devant les autres voyelles , font
longues devant les i que l ’on regarde comme conformes
, comme on. le voit dans cidjüvat , ab
Jov e, 6c,c. Scioppius répond'a-Ceci, que ad 6c ab
ne font longs que par po fît ion , à caufe de la
diphthongue iu ou zo , qui étant forte à prononcer,
fondent la première fyliabe. Mais céttè difficulté
G r a m m . e t L i t t é r a t . Tome I L
de; prononcer cës prétendues diphthongiies eft une
imagination fans fondement ^ ,6ç démentie par leur
propre brièveté. Cette brièveté même des premières
fyllabes de jü va t Ôc de Jove prouve que ce ne font
point dés diphthongups., puifque les diphthongue^
font .6c doivent être longues de leur nature, comme
Je l ’ai- prouyé à Y article H iatus.; D ’ailleurs, fi la
longueur .-d’une, ly llab ê -pouvoit : venir de la plénitude
£c de’ la force Je la Suivante;, .pourquoi, la
première fyliabe ne feroit elle . pas- longue., dans
à.claücîus , dont la féconde eft une diphthongue
longue par nature., & par fa pofition devant deux
conlonnes ? Dans l ’exatte ..vérité ?, le principe de
Scioppius dpib produire un effet ..tout contraire , s’i l
inâue’ en quelque chofe fur la pronpnçiation de la
fyliabe precedente ; les' efforts' de^l’organe pour la
produéiion de la fyliabe pleine 6c ; forte-, doivent
tourner au détriment-, de -celles qui lui font contiguës
foit) avant foit après; .
> 20. Si les i que l ’on regarde comme confonnes
étoient voyelles lorfqu’ils font .au commencemenr
du m o t , ils câufëroient l ’ élifion de. la v o y e lle ou
de l ’/zz finale du. mot précédent. 8ç cela- n’arrive
.point : A u dac e s fortuna. ju v a tJ n ie r p r e s diviint
Jove mifiiis çb ipfo.
, 30. Nous apprenons de Probe. & de T érencien,
que ,1’ i Voyelle.Xe chaugeoic,fouvent en çonfonne 5
6c ,ç’eft par. là qu’ils déterminent1 la mefîire de ces
vêts : Â r ie ta t in p orta s , Parietibufque premunt
arcîis , où i l faut, prononcer ci f je tâ t 8c parje tibus.
C e qui. eft beaucoup plus recevable que l ’opinion
de Maçrobaf. félon leque l xes vers çommenceroient
par un. pied de : quatre brèves,:- -il faudroit que ce
fentimént fût appuyé fur d^autres- exemples -, où l ’on
ne pût ramener la loi, - généralp., ni par la côn-
traftion , ni par là fÿncrèfe , ni par la transformation
d’un i ou d’un u en confonnë.
Mais que lle étoit la prononciation latine de
Y i confonnë ? S i . les romains: aboient prononcé,
comme’ .npus , par l ’articulation j e , ou par une
autre quelconque! . bien difTéoente du fon i ,* n’en
doutons pas , ils enferoient venusV ou ils auroient
cherché à en venir .à î l ’ inftitution d’ un caraélèré
propre; L ’empereur -Claude voulut introduire le
digdmmà F ou j à la place de Yu confonnë, parce
que cet u -avoit Tenfiblement une autre valeur dans,
uinum ,.pai; exemple, que, dans un uni ; 8c la forme
même du di gamma indique "aflez clairement que
l ’articulation .defignée par Yit confonnë approçhoit
beaucoup de ce lle que r.epréfente la confonnë F ,
J f qu’apparemmerit les latins prononçoient vin um ,
comme nous le prononçons nous-mêmes -, qui ne
fêntons éntre les articulations / & v d’autre diffé-
M m