
Quelle épouvantable image
De morts, de fang, de carnage,
Frape mes regards tremblants ! '
E t quels glaives invifibles
Percent de.coups fi terribles
Ces corps pâles & fanglants !
Jéfus-Chrift , parlant aux difciples çTEinmaüs ,
s’ écrie par un mouvement de cette pitié précieufe
qui alloit leur ouvrir les yeux : « O infenfes J o
» coeurs tardifs à croire tout ce quont annoncé les
» prophètes » ! O J lu lt i , <S* tcirdi coi'de ad cre~
dendum in omnibus quee loquud fu n t prophetoe /
(L u c . x x jv . z ^ i) . .
Dans l ’Oraifon funèbre du prince de Conti
{ Pérorai] o n ) , Maflillon dit: Écoute^, Grands,
inJiruife\-vous : tout^çe que le monde a. U
p lu s admiré, les victoires , les talents , le n om ,
la fugejfe , le s lumières, qui on le trouve vain
& fr iv ole a u lit de la mort ! que la vie la p lu s
glorieufe devant les hommes , - la p lu s remplie
d,e grands évènements , paroît alors vide fa n s
D i e u , & digne d\y.n éternel oubli ! q u o n mé-
p rife lès lumières & les connoijfances qui n ont
p a s donné la fciejice des fa in t s ! D ie u paroît
soup alors, & Vhomme fa n s D ie u ne paraît p lu s
rien.
U n descà raélères de Y E x c lam a tion eft de
rejeter affez ordinairement la plénitude grammatica
le , & de s’énoncer par "des phrafes elliptiques.
» A u refie, elle doit être rare, dit M. l ’abbé de
» Befplas dans fon EJfai fu r VEloquence de la
» Chaire { z s. éd. p . 1 7 8 ) , étant le c r i , & par
» conféquent le dernier effort d\ine paflion fort
» animee. Quand elle eft fréquente , elle ne fert
» q u i refroidir & hacher le difeours : c’eft la
» reffource des orateurs médiocres, q u i, ne pouvant
» compofer d’un feul je t , rempliffent par ce moyen
» tous les vides ». ( M . B e a u z é e . )
E X C U $ Ë , P A R D O N . Synonymes.
O n fait exeufe d’une faute apparente. O n demande
pardon d’une faute réelle. L ’un eft pour
fe juftifier, .& part d’un fond de p o lite ffe; l ’autre
eft pour arrêter l a vengeance ou pour empêcher la
punition , & défîgne un mouvement de repentir.
L e bon efprit Fait exeufer facilement. L e bon
coeur fait pardonner promptement» ( I f abbé Q i -
R A R D . I
E X EM P L E , f. m. [A r t de la P a ro le ). Dans un fens
étendu, toute manière de repréfenter une notion
générale au moyen d’une idée particulière eft un
E x em p le , ce qui renferme l ’A p o lo g u e , la Parabole
, l ’A llé g o r ie , &c. Mais dans une lignification
plus reftrëinte, 1* Exemple eft un cas particulier
allégué dans la vue de faire mieux connoître ce
que le genre ou l ’efpèce à quoi ce cas appartient a
jfë général. | ‘ ^ !
pans le difçpurs ordinaire & dans le? ouvrages
dida&iques , Y Exemple eft d’un ufage très-fréquent
pour éclaircir les propofitions générales, les règles.,
les définitions; on s en fert, comme en Arithmétique
, pour appliquer à un cas déterminé l ’énoncé
d’une règle générale. L ’orateur & le poète ont
rarement befoin de recourir à Y E x em p le , dans ce
but là. Ils ne propofent guères de notions generales
de abftraites , qui ne puiffeiit être diftin&e-
ment conçues fans le fecours des F.xemples ; mais
ceux-ci leur fervent fouvent à exprimer d’une manière
plus fenfible & avec une énergie plus efthétique , des
chofes qui d’ailleurs feroient affez intelligibles par
.elles-mçmes»
C ’étoxt une obfervation affez facile à comprendre,
que ce lle qu’Horace rapporte dans fa première
epitre ; favoir que chacun eftime le fort des autres
plus heureux que le fien. Cependant le poète
accumule les E x em p le s , pour rendre fa remarque
plus fenfible.
O ! fortunati mercatores, gravis annis'
Miles ait j multo jam fractus membra labore.
Contra mercator, navim jaclantibus auftris ,
Æilitia eft potior. • . . .
Agricolam laudat juris legfimquc peritus ;
I l le . . . folop felices viventes clamai in urbe.
L ’Exemple efthétique peut opérer divers effets;
i l peut fervir ,à prouver d’une manière fenfible la
thèfe générale , en nous rappelant des cas que
nous avons réellement vus , & dont nous fentons
toute la vérité, T e l eft Y Exemple que nous venons
de rapporter ; i l n’y a point de leéleur d’Horace ,
pour peu qu’i l ait v é cu , qui n’ait entendu de
pareils difeours. Cette méthode d’inculquer, à l ’aide
<$Ex em ples familiers , des vérités générales, eft
d’un ufage tfçs-éçendu en Poéfie & en Éloquence.
C ’eft au fond une manière lié prouver par induc-
d o n , la plus propre de toutes à persuader. On
accumule pour l ’ordinaire divers de Ces Exemples,
pour fortifier la preuve , & on les place -ou avant
ou à la fuite de la thèfe qu’on veut prouver. C ’ell
un des talents ! es plus néçeffaires au moral! f te ,
que celui de bien choifir ces Exem ples , & de
favoir, félon les circonftances , les rapporter avec
brièveté , ou avec naïveté, ou avec une énergie pit-
torefque.
Mais quelquefois l ’intention du poète ou de
l ’orateur , en accumulant les Exem ples , n’eft
point de prouver des chofes trop "connues pour
avoir befoin de preuves; le but n eft que d’arrêter
plus long temps le leéleur für une vérité, dont i l
ne fauroic douter, mais qu’i l eft bon de lui remettre
fouvent & fortement fous les yeux : les
vérités les plus communes , les mieux connues, ont
quelquefois befoin d’être inculquées d’une manière
qui les rende toujours préfentes à l ’efprit. Qui ne
fait que la mort termine fans retour notre carrière î
Horace
Horace néanmoins apüie cette réflexion par divers
Exemples: -
Quum femel occideris, & de te Jplendidd Minos
Fecerit arbitria,
E on , Torquate , genus , non te facundia , non te
Reftituet pietas :
Inférais nec enim tenebris Diana pudicum
Libérât Hippolytum ;
2Sec letheea valet Thefcits abrumpere charo
Vincula Pyrithoo. Od. IV. 7.
Ovide eft de tous les poètes celui qui abonde
le plus en Exemples de cette efpèce; chaque pro-
pofition générale lui rappelle, à la mémoire une
vingtaine de cas particuliers, qu’i l ne manque pas
d’alléguer , pour que le . lecteur ait le temps
de bien s’imprimer la réflexion ou la maxime pro-
pofée.
Un troifième but dans leque l on fe fert des
E x em p le s , ç’ eft pour orner la vérité qu’ils renferment
& la rendre plus gracieufe. Ainfi , Horace ,
au lieu des Exemples démonftratifs que nous
avons déjà cités, emploie ailleurs un Exemple
naïf & pittorefque pour exprimer la même vérité :
Optât epkippia bos piger, optât arare caballus. Ép.I.14.
Ainfi , L a Fontaine , au lieu de. dire Amplement
que tout homme veut s’élever au deflïis de fon état,
nous allègue trois Exemples d’une naïveté charmante
:
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands feigneurs ;
Tout petit prince a des ambafladeurs j
Tout marquis veut avoir des pages.
H n eft pas poffible de dèveloper ici toutes les
diverfes formes dont les Exemples de ce dernier
genre peuvent être revêtus. Tout ce qui rend le
coloris g ra c ieu x ou l ’image frapante y eft propre.
Que d’energie dans Y Exemple d’Horace , que
nous alions encore citer 1 L e poète fe propofe
d établir la thèfe générale , que l ’opulence ne juf-
£l . P*? 1 excès de la dépenfe & du luxe des
particuliers. I l pouvoit dire d’une manière vague
& generale ^ qu on pourroit faire un meilleur
uüige de fon argent ; mais i l préfère lès E x em -
P £esi & les propofe en forme de queftions pref-
fàntës: ' *
Cur eget indignus quifquam , te divite ? Quare
Tetnpla ruunt antiqua deûm?Cur, Improbe, charct
Eon aliquid patrice tanto emetiris acervo ?
Satyr. il. 2.. 103.
MUX ou individuels. Vrais ou inventés à plaifi
rl ! , P0“ dC i èSles à P y r i t e li-deffus. C
h R A M M . E T L lT T É R A T .
a l’orateur 8c au poète à fentir eux-mêmes ce qui
convient en chaque cas. Dans certaines occafions
on peut augmenter l ’énergie, quand , après avoir
allégué divers E x em p le s , on finit par un cas individuel
qui eft fous les yeux de l ’auditeur. Un
orateur, q u i , après avoir rapporté divers Exemples
d infortunes , vient a fe citer lui-même en dernier Exemple , eft fur d exciter la compafllon. Combien
touchant n a pas dû être cet endroit d’un p la idoyer
de Cicéron ! Quum fæpe dntea , Judicesy
& ex aliorum miferiis , & ex mets curis labori*
bufque quotidianis y fortunatos eos homines iis-i
dicârim, qui , remod à ftudiis ambidojiis, otium
& tranquillitatem vitre fequud fu n t; tum vero irz
his L. Murenoe tandis tamque improvifis péri—
cutis itd ficm animo affeclus , ut non queam
fa tis , neque communem omnium noflrum con-
didonem, neque hit ju s eventum fortunamque
miferari : qui primum , dum ex honoribus con-
dnuis familioe majorumque fuorum unum adfcen-
dere gradum dignitads coaclus ejl , venit in
periculum , ne g* ea quæ relifta & hoec qua:
ab ipfo par ata fu n t amittat ; deinde , propter
Jludium novae taudis, etiam in veteris diferimett
adducitur. ( Pro Murenâ , xxvij; 55.)
Plus les cas font récents & près de nous , plus
ils ont d energie lorfqu’i l eft queftion d’apporter
des Exemples touchants & pathétiques. U n malheur
arrive dans un pays éloigné nous affeéle
bien moins , qu’un femblable évènement dans notre
patrie ; mais, tien ne touche tant que ce qui fe
pane près de nous & fous nos propres yeux.
( M . S u l z e r A
Exemple , B e lle s Lettres. Argument propre
a la Rhétorique , par leque l on montre qu’une
chofe arrivera ou fe fera d une telle manière, en
apportant pour preuve un ou plusieurs évènements
femblables arrivés en pareille occafion.
Si je voulois montrer, dit Ariftote ( liv. 11. de
la Rhétorique ) , que Denis de Syracufe ne demande
des gardes que pour devenir le tyran de.
fa p a trie, je dirais que Pififtrate demanda des
gardes ; & que , dès. qu’on lu i en eut accordé, i l
s empara chi gouvernement d’Athènes; j’ajouterois
que Théagène fit la même chofe à Mégare ; j’al-
lèguerois enfuite les autres Ex em ple s de ceux
qui font parvenus à la tyrannie par cette v o ie , &
j. en concliirôis que quiconque demande des gardes,
en veut à la liberté de fa patrie.
O n réfout cet argument, en montrant la difparité
qui fe rencontre entre les Exemples & la chofe
àlaqu clle on veut les appliquer. ( U a b b éM a l l e t .)
( N. ) j^ X O R D E , f. m. B e lle s - Lettres. A r t
oratoire. Rien n’eft plus important pour l ’orateur,
dit Cicéron, que de fe rendre l ’auditeur favorable:
N ih il e jl in dicendo majus , quant ut f'aveat
oratori ■ i s qui audiet. De Or. L 11. O r quoique
cet objet foit commun à toutes les parties du d ifeours,
c’eft plus fpécialement l ’office de VExordc.
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