Bientôt après, :1e front élevé dans les airs y
. L’ enfant, tout fier de fa vi&oire,
f. D ’une voix triomphante en célébroit la gloire ,
Et fembloit pour témoin vouloir tout l’univers,
JuTques là i l n’y a perfonne qui ne dife c’eft V A -
mour ; mais on li t à la fin ;
Quel eft donc cet enfant dont j’admirai l'audace ?
"Ce n’étoit'pas L’Amour.Cela vous embarrafte.
Si ce n’eft pas l ’Amou r, qn’e ft- ce donc ? C’eft
le Ramoneur ; & le portrait n’en eft pas moins
fidèle.
I l eft aifé de voir que ce qui rend ici la fur--
prife encore plus piquante, c’eft de trouver tant
de refiembiance entre l ’Amour & un Ramoneur ,
qti’on ait pu prendre l ’un pour l ’autre.
Mais fans donner ainfi le change à l ’imagination,
l ’Énigme eft encore agréable, lorfqu’apres l ’avoir
mile en activité & promenée en divers fens , e lle lui
procure le plaifir de la découverte au bout de la
recherche. Cette efpèee de quête, comme ce lle du
chien de chafîe, eft dirigée vers fon objet par les
idées qu’on fème fur la voie : en forte que , fi la
Première nous en détourne par l ’équivoque ou
ambiguïté du raport, la fécondé nous y ramène ;
& que de ces erreurs, réciproquement corrigées
l ’une par l ’àutre, i l fe forme comme une route
tortueufe qui arrive au but. s
L ’Énigme fiiivante donne l ’jdçe de cet artifice
ftipujant.
Nous forâmes deux aimables fceurs
Qui portons la même livrée ,
Et brillons des mêmes couleurs.
Sans le fecours de l’art l’ une & l’autre eft parée.
La fraiphéur eft dans nous ce qu’on aime le plus,
■ V o ilà qui fèmble indiquer les deux pommes que
le s latins appeloient Sororiantes ,- mais en frân-
Çôis ce ne font pas d eux fceurs. Je dirai donc ces
d eu x fanas fo n t l es j o u e s ; & dans une jeune & jolie
femme tout cela leur convient. Mais en continuant
fie lir e ,- je trouve une fingularité qui m’arrête;.
Sans marquer encre nous la moindre jaloufie,
. j L'une de nous fans celle a le defîous,
E t plus fouvent encor l’une à l’autre eft unie.
.Je penfe aux mains ; mais rien de tout cela ne
feroit jufte à leur égard. I l faut donc achever de
fi|e.
Nous nous donnons Toujours, dans ces heureux inftants,
De do ux baifers très-innocents ,
J ufqu’au moment qui nous fépare.
Alors , Sc cela • xi’eft pas rare,
On v o it, pour.un O u i, pour un Non.
Se détruire notre union ;
J^lai$ l’iriftanç qui fuiç /la répare,
Ici l ’eîprit eft abfolument détourné de tout ce
qui n’eft pas le vrai mot de l ’Énigme , & le feul
objet auquel tous ces indices réunis puiffent convenir
, ce font les lèvre sir - Si un défaut ipfoutenable dans l ’Énigme eft le
manque d’exaélitude & de jufteffe dans les raports ,
un autre défaut moins choquant, mais qui émouffe
le plaifir d’une recherche curieufe, c’eft le trop de
clarté dans les indications ; & par là pèche cett^
Énigme , qui d’ailleurs feroit tres-bien faite.
Je ne fuis rien. J’exifte cependant.
Les lieux les plus cachés font les lieux que j ’habite»
Le fage me çonnoît, Sc la folle m’évite.
Perfonne ne me voit ; jamais on ne m’ente-nd.
Du fort qui m’a fait naître
La rigoureufe loi
Veut que je celle- d’être,
Dès qu’on parle de moi.
I l eft , ce me femble, un peu trop aifé d’y recon.*
noître le Silence.
I l en eft de même de celle-ci j dont la tournure!
eft pourtant le modèle du langage myftérieux ;
Je fuis le frère de mon père.
Aux monftres des forêts d’abord abandonné,
J ’en fus préfervé par ma mère ;
Et reçu dans fon fein, bientôt je lui donnai
Un enfant à la fo is , Sc mon fils , Sc mon frère ,
Qui .doit lui-même, s’il profpère-,
Rendre à fon tour fécond Je fein dont il éft né.
U eft trop clair que cette race de nouveaux ÇEdî- p es, ce font des g lan d s .
L e Logogriphe eft une Énigme qui donne à de«
vip e r , non pas une chofe , mais un mot, par l ’a r ,
nalyfè du mot lui-même.
L ’analyfe du Logogriphe eft prôpofée en termes
figurés & myftérieux comme la defcription du
fujet de l ’Énigme j & la curiofité s’y exerce à deviner
d’abord chacun des éléments, & enfuite à le s
raffembler, Ces éléments font ou les lettres ou les
fyllabçs du mot ca che, ou les mots que ce mot
renferme , ou les mots que l ’on peut former avec
les lettres de ce mot, dont les nouvelles çombi?
naifons font légèrement indjquéçs,
U n bon Logogriphe eft celui dont le mot a
peu d’éléments , qui les défigne fans équivoque , &
qui cependant laifle à la pénétration une difficulté
piquante.
Pour aller me trouver; J1 faut plus que fes pieds ,
Et fouvent en chemin on dit fa pqtenôtre :
Mon tout eft féparé d’uqe "de fes .moitiés:';
La 'moitié de mon tout ferc à mefuret l’autre.
, ( Angle-terre. ) '
U n Logogriphe plat & mauflade eft celui dont •
les éléments font faciles a deviner 3 m a is en fT
grand"
rand nombre , que l ’efprit fe rehute du travail de
es réunir.
I l femble que la langue latine fe prête mieux
ue la nôtre à cette décompofitioh, qui eft l ’artifice
u Logogriphe.
S i quid dat part prima mei, pars altéra rodit.
( Do-mus )
N i l erimus, totas f i vis exifiere partes }
Qmnia (fcinde caput ) Lcctor amice, fumus,
( S-omnia. )
Quem mea prteteritis habuerunt mania foeclis
Vatem , f i vertus , hoc modo nomen habent.
.( Maro, Roma. )
Wrimum toile pedem, tibifient omnia faufila ;
Inverfum , quid fim dicere nemo potefili.
i ( Nlomen. )
Celui-ci eft d’autant plus heureux, que le mot
nemo fe préfente lui-même en fe donnant à deviner.
Quelquefois, dans le Logogriphe , on aide
à la lettre en défignànt la chofe ; & alors i l tient
de l ’Énigme , comme c e lu i- c i, par exemple :
Je fais prefque *en tous lieux le tounftent de l’enfance.,
Eft-on jeune; on m’o u b lie e ft-o n vieux; on m’encenfe.
Je porte dans mon fein mon ennemi mortel ;
I I veut m’a n é a n t i r & mon malheur eft tel,
Q u ’en le perdant, je perds prefque toute existence.
Déjà., de mes dix pieds, huit font en fa pui(lance:
Mais il m’en refte deux,- qui, dans le même fens
L’ un à l’autre accolés, feront pris pour deux-cents.
L e mot eft Cathéchifme, qui renfermt Athéifme ;
& les deux cc , qui en chiffre romain expriment le
nombre deux-cents.
.Mais écoutons fur le Logogriphe un homme à
qui rien d’inconnu n’étoit indifférent. C ’eft ce-même
l a Condamine, q u i, après avoir mefuré la méridienne
de Quito fur les fommets des Cordelières,
fuivit le cours de la rivière des Amazones depuis
fa fouree jufqu’â fon embouchure, par m ille lieues
de pays défert ; & à qui cette curiofité pafllonnée, qui
lu i avoit fait efcalader les murs du jardin du fer ail
au plus grand rifque de fa v ie , aurojt fait pafler -
une nuit iaborjeufe fur une Énigme dont lé mot
lu i auroit échapé.
. C ’étoit à un homme de ce c a r a c t è r e à nous
donner la Poétique du Logogriphe. V o ic i ce qu’il
en écrivoit en 1758 à l ’auteur du Mercure de
France.
a Vous devriez bien , mon cher A m i , purger
» le Mercure de ces Logogriphes, qui ne font que
» la lifte d une partie des mots qui fe trouvent
» dans un mot fort lo n g , & qui ne préfentent
» â e a qui invite a les deviner. Si la chofe en
» valoit la peine & que je fuffe affez défoeuvré,
» Ie ferais une fortie contre les modernes, qui ont
9 ce S enré ^ tomber dans le mépris ÇC
et Littéhat, Tomç
» qui étoit en honneûr chez les anciens. V o y e z
» la gloire dont fe couvrit OEdipe en devinant
» l ’Énigme du Sphinx; vo y e z l e nom que fe fit
» Éfope pat les Énigmes qu’i l devina, & ce lle qu’i l
» fit pour le roi Nedenabo.
» Une Énigme fe nomme en latin G r ip h u s , où
» plus tôt en grec ypiqts ; c’eft le nom d’une Énigme
» lur la chofe. On a enfuite imaginé d’en faire
» une fur le m o t , & on l ’a nommée Aoyoypîtpos.
» Mitto tibi NA VE M prorâ puppique carentem, .
» pour dire a v e . C e la n’e f t - i l pas bien ingé-
» nieux ? . C e lle- là n’eft qu’un embryon. V o ic i le
» modèle des Logogriphes latins.
« S urne caput, curram; ventrem conj unge , volabo;
<c A-dde pedes , comedes ; & fine ventre bibes.
' ( Muf-ca-tum. )
» L e P. Porée , mon régent de Rhétorique, en
» fefoit de fort ingénieux. Ses mots étoient heu-:
» reufement çhoilïs ,• c’eft une partie de l’art ; &
» i l les rendort piquants par des contraires. Les
» Cpmbinaifous étoient indiquées exadement ; ce
» qui ne laifle pas d’avoir fa difficulté : & chaque
» cômbinaîfon fournifloit une nouvelle Énigme. Je
» me rappelle que le mot d’un de fes Logogri—
» phes étoit mufcipula. I l y trouvoit mus , mufea,
» mula , lupa ; Sç faifoit d’une fouricière l ’arche
» de Noé.
» Mais comme tout va en dégénérant, on a
» depuis fait des Logogriphes qui n’en ont que-
» le nom. On s’eft avifé de déngner les- lettres
» par leur nombre ordinal 1 , x , 3 , ce qui eft
» fort mauflade : & pour comble de platitude, au
» lieu d’une Énigme fur chaque partie du mot
» dépecé , on défigne cette portion, ou vague-
» ment, comme un f r u i t , un oifeau , un é lé-
» ment , un fa in t , &c ; ou on l ’indique claire-
» men t, comme le métal à qui tout cède , pour
» dire l ’or ; une maifon en Vair artijlement
» pendiie ? pour dire un nid ; le fa v o r i de J u -
» p ite r , pour dire Ganimède ; ce qu abhorre.
» l ’Ê g life , fa n g , & c : en forte qu’i l n’y a qu’à
» raffembler les lettres , ayant toutes celles qui
» compofent le mot-, & puis- avoir la patience d’un
» capucin , pour épuifer les combinaifons du nombre
» total des lettres. Quand i l y a fept lettres , i l
» n’y, a que 5040 combinaifons. I l m’eft arrivé
» fouvent d’avoir toutes les lettres . du m o t, &
» jamais de me donner la peine d’en faire un mot.
» V o ilà ce qui a fait prendre les Logogriphes en
» averfion à tout le monde ; au lieu qu’un L o g o -
» griphe bien fait eft une Énigme qui fait des petits.
» Vous voyez que je pofsède la matière à fond.
» Aulïï en ai-je fa it depuis trente ou quarante ans
» une étude férieufe ».
A ceUe théorie de l'a it > M» fie la Condaminç