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l ’égard des rivières, & laiffent une idée de calme
ou de cours paifible. Les F lo t s viennent d’un
mouvement accidentel , mais allez ordinaire ; ils
indiquent un peu d’agitation , & s’appliquent pro-,
prement à la mer. Les V a g u es proviennent d’un
mouvement plus violent; elles marquent par con-
féquent une plus forte agitation , & s’appliquent
également aux rivières comme à la mer.
O n coule fur les Ondes : on eft porté fur les F lo ts :
on eft entraîné par les V a g u e s .
U n terrein raboteux rend les Ondes inégales: un
grand vent fait enfler lés F lo t s , & excite les Vagites.
( U abbé Gir a r d . )
(N . ) O N O M A T O P É E f. f. , Grammaire.
A r t étymologique. C e mot eft grec ; SiipartW a ,
comme pour dire tv o\ofia.Tos Toin<r«, nominis crea-
zio ( création, formation , ou génération du mot ).
« Cette figure n’eft point un T ro p e , dit du Mar-
» fais, puifque le mot le prend dans l e , fens pro-
» pre ; mais j’ai cru qu’i l n’étoit pas inutile de le
» remarquer ici » , dans fon livre des Tropes ;
part. I l -, art. 19. 11 me femble au contraire qu’i l
étoit très-inutile au moins de remarquer, en parlant
des Tropes, une chofe que l ’on avoue n’être
pas un T ro p e ; & ce favant grammairien devoit
d’autant moins fe le permettre, qu’i l regardoit
fon ouvrage comme partie d’un T raité complet de
Grammaire , où i l auroit trouvé la vraie place
de l 'Onomatopée. J’ajoute que je ne la regarde
pas même comme une figure; c’eft Amplement le
nom de l ’une des fources de la génération matérie
lle des mots expreififsdes êtres fenfibles, fource
qui tient à l ’imitation plus ou moins exacle de ce
qui conftitue la nature des êtres nommés.
A u moyén des emprunts que facilitent les T ro pes
( Voye^ T rope & fes elpèces ) , la Câtà-
chrèfe ( V oye\ C atachrèse) fournit aux langues
les termes convenables pour exprimer les êtres
fpirituels & les idées abftraites des pures conceptions
de l ’efprit : mais elle fuppofe l ’exprelîion des
êtres matériels & fenfibles , comme un fonds où
e lle eft obligée de puifer pour former les' images
qu’elle nous préfente. D ’autre part , les mots
n’ont guères plus de ' liaifon , ce femble, avec
les idées des êtres fenfibles qu’avec les idées les
plus abftraites & les plus intelle élu elles ; & la
formation des mots qui les expriment a aulfi fes
difficultés.
Mais i l y a , dans la conftitution de nos organes ,
une reflource préparée par le Créateur: l ’homme,
par fa nature, eft porté à Limitation ;& ce n’eft
même qu’en vertu de cette heureufe dilpofitioh, que
la tradition des ufages nationaux des langues fe
conferve & palTe de générations en générations. Si
l ’on a donc à défigner un nouvel o b je t , & que
cet objet agiffe fur le fens de l ’ouïe d’une manière
qui puiffe l e diftinguer des autres : comme l ’ouïe
a un raport immédiat avec l ’organe de la voix ,
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qui peut imiter & répéter le bruit ; l ’homme, fans
réflexion , fans comparaifon explicite , donne naturellement
à cet objet fonore un nom qui répète à
peu près le bruit que fait l ’objet lui-même.
V o ilà proprement ce que c’eft que Y O n o m a to
p é e : c’eft la formation des mots imitatifs des
objets fonores que l ’on veut défigner ; & c’eft avec
raifon que Wachter, dans fon G l o f f a i r e g e rm a n i q
u e ( Præf. ad Germ. §. v i j ) , l ’appelle V o x r ep e r -
cujfa n a tu r e s , l ’Écho de la nature.
L e mot O n o m a t o p é e eft donc mal appliqué i c i ,
ou i l eft mal traduit par N o m in i s f i é i i o ; car tous
les mó ts , imitatifs ou non , ne laiftentpas d’avoir
leur formation. J’aimerois donc mieux que le mot
grec fût expliqué par N o m in a l i s f i c î i o ( repré-
lentation nominale ou par le moyen du nom ) :
alors le mot conviendroit à tous égards à l ’efpèce
particulière de formation dont i l s’agit i c i , & ré-
pondroit exactement à l ’intention du nomenclateur.
I l y a plus : ce nouveau fëns fe prêteroit avec facilité
pour caraétérifer la formation de tous les mots
qui ieroient imitatifs , non feulement du fon , mais
encore de toute autre qualité fenfible ; car i l en
exifte en effet dans toutes les langues de cette dernière
efpèce, & en bien plus grand nombre qu’on n’a coutume
de le croire.
Voyons d’abord des-exemples de mots imitatifs
du fon ; c’ eft: dans le genre animal qu’on en trouve
le p lu s , foit qu’on veuille caraétérifer l ’animal par
l ’imitation de la voix , foit qu’omveuille défigner la
voix même.
L e C o u c o u eft un oifeau connu qui prononce
exactement ce nom même : les grecs l ’appeioient
* 0 * * 1 les latins , c u c u l u s (qu’ils prononçoient
c o u c o u l o u s ) ; les allemands le nomment g u g u c k
( en prononçant g o u g o u c h ) ; les anglois , c u c k o o :
c’eft partout le cri de l ’animal qui fert à le défigner.
Ce t oifeau noCturne , dont le cri lugubre , comme
le dit Pline (X . ix . ) , eft moins un chant qu’un
gémiffement , nec cantu aliquo vocalis fe a gémi
tu , nous le nommons hibou les allemands ,
uhu ( ouhou ) ; les anglois:,' owle ( ouïe ) ; les
latins, upupa (oupoupa) ou bubo (boub.o); les
grecs , /St'id i ; les efpagnols , bitho ; les polonois.,
puhac-{ : c’ eft dans toates ces langues le cri de
l ’oifeau , marqué principalement par la voix fourde
u ou bien ou , & encore par l ’articulation labiale b
ou p i le refte eft terminaifon, & c’eft comme le fceau
particulier de chaque idiome.
Les grecs appellent x/xxo* , les celtes & nous
nous appelons c o q , cet oifeau domeftique qui femble
prononcer diftin&ement cette fyllabe même au commencement
de Ion chant;
Les différents langages des animaux font à peu
près imités dans les verbes & les noms qui les
expriment chez la plupart des peuples. Ainfi , pour
les brebis, les grecs difent ; les a lle mands
, bleken ,* les an g lo is , bUat ; les latins|
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balare ; les françois , bêler, : pour les chiens &
les loups, les grecs difent o’àoàvÇ«/» ; les allemands,
héiilen ; les anglois , howl ; les latins, ululare ;
les françois , hurler: pour les poules , les mêmes
nations difent kaûÇui , glucken , c lu c k , glocire ,
g lou fe r . .
Cette fource de mots eft naturelle : la preuve
en eft que les enfants fe portent généralement &
d’eux-mèmes à défigner les chofes bruyantes par
l’imitation du bruit qu’elles font ; ajoutez que la
plupart de ces chofes ont des noms radicalemenr
lemblables dans les- langues les plus éloignées les
unes des autres, foit par les temps ou les lieux , foit
par le génie caraétériftique.
U Onomatopée ne s’eft pas renfermée feulement
dans le' règne animal. T in te r , tintement, tinnitus ,
tintinnabulum , font des mots dont lè radical commun
tin imite exaélement le fon c la i r , aigu , &
durable que l ’on entend diminuer progreflivement
quand on a frapé quelque vafe de métal. L e glou glou
d’une bouteille , le cliquetis des armes , les
éclats du tonnerre , font autant de mots imitatifs
des différents bruits qu’ils expriment. L e . Trictrac
eft ainfi nommé du bruit que font alternativement
les joueurs avec les dez , ou de celui qu’ils font en
abattant deux dames, comme ils le peuvent à chaque
coup de dez : autrefois on difoit Tictac.
« C ’eft la nature , dit Denys d’Halicarnaffe ( Hep:
» e-v\bl<riws l'tou.u.rm. Tfév>/j.a. isr. D e Jlrucïurà verbo-
» rum. Se6t. 16 ) , qui eft fans ^contredit le fon-
» dement de tous ces ufages ', & qui .eft en cela
» notre fouveraine inftitutrice ; c’eft elle qui nous
» met en état d’ imiter & de compofer des mots
» propres à peindre les chofes mêmes avec fuccès ,"
» au moyen de certaines images conformes à la
» vérité & à,nos penfées : c’eft d’après ces images
v> que nous avons apris à dire' des taureaux , qiuils
» mugijfent ; des chevaux , qu’ ils hennijfent : . . .
» nous en tirons d’ailleurs des mots pour exprimer
» 11 frémijjement & le Jîfflement des vents , le
» bruiffement des cordages , & une .infinité d’autres
» qui imitent la v o ix , la forme, une aétion, une
» manière d’être , un mouvement, le repos même ,
» ou toute autre chofe ».
V o ilà donc, d’après cet auteur, le domaine de
VOnomatopée bien étendu : elle ne fe borne plus
a fournir, des mots, imitatifs du fon ; elle s’étend
à toutes les qualités fenfibles qui peuvent être imitées
, en propo rtion n an tpour ainfi dire , les éléments
du mot à la, nature de l ’idée qu’on a befoin
d’exprimer. Pour entendre ceci , rappelons-nous la
divifion des éléments de la parole en voix & aiti-
calarions, o u , fi l ’on v e u t , en voyelles & con-
fonnes.
1. La voix ou la vo y e lle n’exige , pour fe faire
.entendre, que la fimple ouverture de la bouche:
qu elle foit dilpofée d’une manière ou d’une, autre ,
cette difpofition n’aporte aucun obftacle à l ’émif-
fiou du fon ; e lle diverfifie feulement le can a l, afin
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de diversifier l ’impreflion de l ’air ïonore fur l ’organe
de l ’ouïe ; le moule change , mais le paffage
demeure libre , & la matière de la voix coule fans
obftacle. V o ilà donc vraifemblablement l ’origine
du nom danois aa , qui fignific fleuve ; ce nom
générique eft devenu enfuite le nom propre de trois
rivières dans les Pays-Bas , de trois en Suiffe, & de
cinq en W eftphalie : lès voyelles coulent fans obftacle
comme les fleuves.
L e temps coule de même f & de l à , par une
raifon pareille , l ’adverbe grec au , femper ( toujours
, perpétuellement) : l ’allemand ie en eft Cyno-
nyme , & préfente une image femblable. L e mot
hébreu »TH ( heié.) , qui veut dire vie , marque
l ’exiftence continuée, la durée qui coule fans in terruption
: c’eft la même chofe du nom grec àlm
oevum ; & ce mot latin même, qui fe prononçoit anciennement
avec quatre voyelles, aeuum, n’eft guères
différent du grec.
L e fils defeend du père , comme un ruiffeau qui
coule de fa fource ; & cette defcendance eft peinte
par le, mot gree v/o'î , qui veut dire f i l s : vivs
a le même fens , & lignifie encore une v ig n e ,
qui monte le long d’un' arbre & femble fe couler
le long du tronc ; quel autre fondement de comparaifon
y auroit- i l entre un f i l s & une vigne ?
On peut cependant ajouter encore que le f i l s
doit s’attacher à fon père , comme la vïgne s’attache
à l ’arbre qui la fondent ; parce que les foins
du père font néceffaires à l ’enfance àw f i l s , comme
L’appui de l ’arbre à la foiblefTe de la vigne.
L ’interjedion latine e ia , femblable à la grèque
t îa , paroît venir de la même fource ; f u s , alley_
fa n s vous arrêter, coule^ comme un fleuve : cela
n’eft pas, formelle ment énoncé , mais le mot en préfente
l ’image & le fait entendre.
x. Les articulations ou les confonnes font la biales
, linguale s, ou gutturales ; les linguales
font dentales ,. lifflantes.-, liquides , ou mouillées
( V oy è \ L ettres; ), ; & le mouvement de la langue
eft plus fenfible , ou vers fa poin te, ou vers
fon milieu quj. s’élève , qu vers la racine dans la
région de la gorge. C e ne peut être que dans ce
méchanifme & d’après la combinaifon des effets
qu’i l peut produire , que l ’on peut trouver- Tex-r.
plicatiori de l ’analogie qu’on remarque dans les:
langues entre plufieurs noms de chofes que l ’on peut
claffer fous quelque afpeél commun.
Écoutons le P .L am i (R h ét. liv . l , chap. 7 f i
« U n favant anglois, d it- il, qui a fait une Gram-
» maire angloife raifonnée (c’eft le célèbre Wallis^
auteur du livre intitulé Grammatica linguoe a n glicanes.
) prétend que , parmi les mots qui font
» anglois d’or ig in e , plufieurs font compofés de
» lettres_ dont le fon convient aux chofes qu’ils
» fignjfient : que , par exemple, les mots qui com-
» mençent par f l r marquent le p lu s 1 grand effort
» de la chofe qu’ ils lignifient, comme ceux qui
» commencent par f i un moindre effort ; que ceux,