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toujours fpécifique : Mentir eft un crime , c’eft à
dire, tous ceux qui mentent commettent un crime,
ou tout menfonge ejî un crime.
L es grecs, au contraire, qui emploiènt fouvent
1 article par emphafe , m êm e avant les noms propres
( voyei la Méth. gr. de P . R . lh>. v in . ck. iv. ) ,
font dans le cas d en ufer de même avant les Infinitifs.
D ailleurs l ’inverfion autoüfée dans cette
l a n g u e a caufo des cas qui y fo n t admis , exige
quelquefois que les raports de VInfinitif à l ’ordre
a n a l y t iq u e y foient caraftérifés- d’une manière non
équivoque : les cas de l’article attaché a Y Infinitif
lont alors les f e u l s fîgnes que l’on puilfe employer
pour cette defignation. Nous, au contraire , qui' Cuivrons
l ’ordre analytique , ou qui ne nous en écartons
pas de manière a le perdre de vue, le fecours des inflexions
nous eft inutile > & l ’article au furplus n’y
foppléeroit pas, quoi qu’en difent la plupart des
grammairiens : nous ne marquons l ’ordre analytique
que par le rang des mots ; & les raports analytiques
, que par les prépofitions.
La langue latine, qui , en admettant auffi l’inver-
fion, n’avoit pas lp fecours d’un-article déclinable pour
marquer les relations de l 'Infinitif à l ’ordre analytique,^
avoir pris le parti d’affujettir ce verbe-nom
aux mêmes métamorphofes que les autres noms ,
& de lui donner des cas. I l eft prouvé ( article '
G érondif ) que lès gérondifs font de véritables
' <;as de Y In finitif y 8c ( article Supin ) qu’i l en eft
de meme des lupins : & les anciens g r am m a i r ie n s
défignoient indiftin&ement ces deux fortes d’inflexions
v e r b a le s par les-noms de gemndia y participaliay 8c
fupina ( Prifcian. lib\ V III. de modis ) ; ce qui
• p r o u v e q u e les unes comme les autres tenoient la
place de 1'Infinitif ordinaire , & qu’elles en étoient
de véritables cas.
IJ Infinitif proprement dit fe trouve néanmoins,
dans les auteurs , employé lui-même pour diffê-
rents cas. Au n o m in a t i f : v i r tu s - eft vitium e ü g e r -e
{ Hor. ) , c’eft à d i r e , eugere vitium ou fu g a vitii j
eft virtus. Au génitif : Tempüs eft fam hinc
astre me , pour mets Hinc abitionis■ ( Cicer.
P u f cul. I. ). A l ’âccufatif : Non tanti emo
poenitere. (Plant. ) , pour pamitentiam; c’eft le
complément S emo. Introiit videre ( Ter.) , pour
ad videra , de même que Lucrèce dit, ad1 s b-'
dare Jitim f l u v i i fontefque vocabant ; c’eft- donc
le complément d’une prépofition. A l ’ablatif :A u -
dito regem fin S i c i l ia m tendere ( Saluft. Ju- ’
gurtk. ) on il eft évident ofiauâito eft- en raport
& en concordance avec tendere , qui tient lieu par '
confequent d un-ablatif. On pourroit prouver chacun
de ces cas par une infinité d’exemples : Sanélius en
a recueilli un* grand nombre que l’on peut conful-
ter ( Minerv. n i. vj. ). Je me contenterai d’en ajouter
un plus frapanttiré de Cicéron ( ad A ttic .x i ie z ?.)
Quam turpis eft ajfentétioy quum vivere ipfum
turpe f lt nobis ! Il eft; clair qu’il en eft ici 3dè
vivere comme Caftent ado ' l ’un eft fujet dans lè
premier membre, . l ’autre - eft fujet dans le fécond ;
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1 un- eft féminin*, l ’autre eft neutre j. tous deux font
noms.
H ne autre conféqtiènce importante de l ’Indé-
clinabilite de l ’In f in it if y c’eft qu’i l eft faux que
dans l ’ordre analytique i l ait un fujet queTuiagp
de la langue latine met a l ’accufatif- C ’eft pourtant
l a c!o6t-rine commune des grammairiens le s
plus célèbres & le s plus philofophes & M. du
Mariais l a enfoignee dans l ’Encyclopédie même,
d’après la Méthode latine de P. R. Voyev A ccu
sat if & C onstru ct ion. C ’eft que ces grands
hommes n’avoient pas. encore pris , de la nature
du verbe & de fes modes , des notions faines j &T1 eft
- de voir ( articles A ccident , C onjugaison ),,
que M. du Mariais en parloit comme le vulvaire;
8c qu’i l n’avoit pas encore porté fur ces objets le
flambeau de la Métaphyfîque , qui lui avoit fait
voir tant d’autres vérit4$,fondamentales ignorées des
plus habiles qui l ’avoient précédé dans cette carrière.
Puifque dans aucune langue l ’In f in it if ne reçoit
aucune des terminaifons relatives à un fujet , i l
femble que ce foie une confêquence qui n’auroit
pas dû écliaper aux grammairiens, que J In f in it i f
ne doit point fe raporter à un fujet. Ce principe
fe confirme par une nouvelle obfervation j e eft que
J I n f in it i f e ft un. véritable nom , qui eft du genre
neutre en grec & en. la t in , qui dans toutes les langues
eft employé comme fujet d’un verbe, ou comme '
complément foie d’irn verbe foit d’une prépofition
, avec lequel enfin l ’adje&if fe. met en concordance
dans les langues où Tes adjeétifs ont des-
inflexions relatives au fujet \ tout cela vient, d’être
prouvée or eft-il raifonnable de dire qu’un nom ■
ait un fujet? C ’eft une chofe inouïe en Grammaire,v
& contraire à la plus faine Logiqu e.
I l n’eft pas moins, contraire à l ’analogjiè de la'-
langue la tin e , de dire que l e fujet d’un verbe doit
fe mettre à l ’accufatif : la.fyntaxe latine exige que
le fujet d’un verbe perfonnel foit au nominatif;,
pourquoin’affigneroit-on pas le (nême cas! au fujet
d’un mode imperfonnel, fi on le croit applicable
à un fujet ? Deux principes fi oppofés-»’auront qu’à
concourir, & i l réfultera infailliblement quelque
contradiction.- Eflayons. de. vérifier; cette conjec«-
ture.
L e fèns formé par un nom avec un In f in it i f
quelquefois, dit-on, le fujet d’une p ropofitionlogique,
8c en- voici- un exemple : M agn a ars- e jl non a f—-
par èr e a r t e m , ce que l ’on prétend rendre l i t téralement
en cette manière : a r t e m non- a ppa *-
rer e eft magna ars ( l ’art ne point paraître eft
un grand art ). Mais fi artem non apparere eft lè
fujet to ta l ou logique de e jl magna- ars , i l s’enfuit
aftêartem, fujet immédiat de 7zo7z- apparere, eft
le fujet grammatical de e jl magna ars : c’eft
ainfi que, f i i ’on difbit ars non appàrens eft magna
a r s , fe fujet logique de eft magna ars ferait ans
non apparens, 8c cet a r s , fiijet immédiat' de non.
I N F.
üppat’ens, ferait le fujet grammatical de eft m agna
ars. Mais fi l ’on peut regarder artem comme fujet
grammatical de eft magna ars, il ne faut plus regarder
artem eft magna comme une expreffion vicieufè ,
quelque éloignée q u e lle foit & de l ’analogie 8c
du principe invariable de la concordance fondée fur
l ’identité. Ce ci prouve d’une manière bien pa lpable
, que c’eft introduire dans -le fyftême \de la
Tangue latine deux principes incompatibles 8c def-
truâifs l ’un de l ’autre, que de foutenir que le fujet
de Y I n f in it i f fe met d l ’accufatif, 8c le fujet d’un
mode perfonnel au nominatif...
Mais ce n’eft pas affez d’avoir montré l ’ incon-
féquence & la fauffeté de la- do&rine commune fur
l ’accufatif, prétendu fujet de Y I n f i n i t i f y il'faut y
en fubftituer une autre, qui foit conforme aux principes
immuables de la Grammaire générale , &
qui ne contredife point l ’analogie de la langue
latine.
X ’accufatif a deux principaux ufages' également
avoués par cette analogie , quoique fondés diversement.
L e premier, eft' de caraélérifer lé complément
d’un verbe aétif re la tif, dont le fens, indéfini
par foi-même, exige l’expreffion du terme
auquel i l a raport : amo ( j’aime ) , eh quoi ? car
l ’amour eft une pafiîon relative à quelque objet ;
amo Ciceronem ( j’aime Cicéron ). L e fécond ufage
•de l ’accu fat i f eft de caraélérifer le complément de
certaines prépofitions j per m e n t em ( par l ’efprit ) ,
'contra opinionem ( contre l ’o p in io n ) , 8cc. C ’eft-
donc néccffairement à l ’une de ces deux fonctions
qu’i l faut ramener cet accufatif que l ’on a pris
faufTement pour fujet de l ’In f in it i f , puifqu’on vient
de prouver la fauffeté de cette opinion ; & i l me
femble que l ’analyfe la- mieux entendue peut en
faire aifément le complément d’une prépofition
fous-entendue , foit que- la phrafe qui comprend
l ’ I n f in it i f 8c l ’accufatif tienne lieu de. fujet dans
la propofifion totale , foit q u e lle y ferve de complément.
Reprenons Ta propofition M a g n a ars e jl non
apparere artem. Selon la maxime que j-e viens de
propofer , en voici .la- conftruétion analytique :
Circà artemy non apparere eft ars magna ( en
fait d’a r t , ne point paraître eft le grand art ) : l ’àc-
eufatif artem rentre par là dans l ’analogie de la
Tangue y 8c la phrafe, circà artem, eft un fupplé-
mentk circofiftanciel très-conforme aux vues de l ’analyfe
logique de- la propofition en général, &
en particulier de ce lle dont i l s’agit.
_ Cicéron, dans fa feptième lettre à Bru tus , lui
dit : M ih i femper p la cu it non rege folum Jed
regno liberari rempublicam y c’efl: à dire, conformement
à mon principe , Circà rempublicam , liberari
non folum a rege f e d à regno p la cuit
femper mihi. ( A l ’égard de la république , être délivrée
non feulement du rai mais encore de la
.royauté m’a toujpurs p lu , a toujours* été de mon
gpût V -
I N F • 3 3 3
H om m e s effe am ico s D e i q u a n ta e f t d ig n ita s !
( D . G reg . magn. ) E r g a h om in e s , effe am ico s
D e i eft d ig n ita s q u a n ta ! ( A l ’égard des hommes,
etre amis de Dieu , eft un honneur combien grand ! ).
C eft encore la meme méthode: -mais je fupplée
la prépofition e rg a, pour indiquer qu’i l n’y a pas
neceflite de s en tenir toujours à la même y c eft
le goût ou le befoin qui doit en décider. Mais
remarquez que Y I n f i n i t i f effe eft le fujet grammatical
de e ft d ig n ita s q u a n t a , & le fujet l o g i que
, c’eft effe am ico s D e i . A m i c o s s’accorde avec
h om in e s , parce qu’i l s’y raporte par attribution,
o u , .fi l ’on v e u t , par attraction. C ’eft par la même
raifon que Martial a d it, N o b i s n o n l ie e t effe
tam d i f e r t i s , quoique la conftruétion foit effe tant
dïfertîs n o n lic e t n o b is : ç’eft que la vûe de
l ’efprit fe porte fur toute la propofition , dès qu’on
en entame le premier mot ; & par là même i l y
a une raifon fuffifante d’attraction pour mettre d if
e r t i s en concordance avec n o b is , qui au fond eft
le vrai fujet de la qualification' exprimée par d i f
e r t i s .
'- C iip io me effe clementem ,( Cic. I. Ca til. ) ;
c’eft à dire , cu p io e rg a me effe clementem. L e
complément objectif grammatical de c u p io , c’ eft
effe ; le complément objectif logique , c’eft e r g a
me effe clem entem ( l ’exiftence p ou r -m o i fous
1 attribut de la clémence) : c’eft là l ’objet de
cu p io .
En un m o t .i l n’ y .a point ..de cas ou l ’ on rie
pu iffe , au moyen de l ’E liip fe , ramener la phrafe
à l ’ordre analytique le plus fimple, pourvu que
l ’on ne perde jamais de vûe la véritable dellination
de chaque cas ni l ’analogie réelle de la langue,
On me demandera peut-être s’i l eft bien conforme
à cette analogie d’imaginer une prépofition avant
l ’âccufatif qui accompagne Y I n f in i t i f . J e réponds
î °. ce que j’ai déjà d i t , qu’i l faut bien regarder
. cet accufatif’ou comme complément de la prépofition
, ou comme complément -d’un verbe a& îf
r e la t i f , puifqu’i l eft contraire à- la nature de Y I n f
i n i t i f A e l ’avoir pour fujet : ï ° . que le parti le
plus raifonnable eft de fuppléer la prépofition',
parce que c’eft le moyen le plus uriiverfel & le-
feul qui puiffe rendre raifon de la phrafe, quand
' l ’énonciation qui comprend Y I n f i n i t i f 8c l ’accufatif
eft fiijet de T a propofition : 30. enfin que ce
moyen elr fl raifonnable qu’on pourroit même en
■ faire ufage avant des verbes du mode fubjonctif :
foppofons qu i l s’agiffe , par exemple , de dire er*
la t in , S ere^-v ous f a t i s f a i t yf i y- à Varrivée de votre
p è r e , n o n c o n ten t de Vempêcher d ’ e n tr e r , j e l e
f o r c e même à f u i r ? fèroit-*ce- mal parler que de
dire , S a t in h a b e s , f i ad v en ien tem p a t rem f a c ia tn
tnum n on modo ne in tr o ea t \ verum u t f u g i a t ?
J’entends la réponfe des fefèurs de Rudiments &
• des fabricateurs de Méthodes : cette locution eft
vicieufe , félon eux, parce que p a tr em tu um a d v e -
■ n ientem à l ’accufatir ne peut pas être l e fujet ,
o u , pour parler leur langage , l e nominatif des