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» rcfulte auffi de cette forme qui conftitue leur
» conte j & dans toutes les circonltances de la vie
» le même objet eft conftamment regardé comme
" beau, lorfqu’i l eft tel que l'exige là deftination
» & fon ufage ». V o ilà précifément le- point de
réunion de la bonté & de la beauté poétique, lc
parfait^ accord du Moyen qu’on emploie avec la
f i n qu on Je propofe. O r les vues dans lefquelles
opéré J a Poéfie ne font pas celles de la nature :
la bonté , l a beauté poétique n’e.ft donc pas la
beaute , la bonté naturelle. Ce qui même elt beau
P ° “ r un ,at; > EÇ“ t ne l ’être pas pour lés autres ;
. . beauté du peintre ou du ûatuaire peut être ou
n etre pas ce lle du poète , & réciproquement. Enfin
ce qui fait beauté dans un p o èm e , ou dans tel
endroit d’un poème , dévient un défaut, même en
1-oelie, des qu on le déplace & qu’on l ’émploie
mal a propos. I l ne fuffit donc pas , il n’cft pas
meme befoin qu’une chofe foit belle dans la na-
- ture pour .que lle foit belle en Poéfie; i l faut
q u e lle foit telle que l ’exige l ’effet. qu’on veut
produite. L a_ nature , foit dans le phy fiqu e, foi
dans le moral, eft p ou r 'le poète comme la palette
du peintre fur laquelle i l n’y a point de laides
couleurs. L e raport des objets avec nous-mêmes.
voila le principe de . la Poéfie : Vintention du
poete , voila fa règle , & l ’abrégé de toutes les
réglés. ° ;
r — n,f ^rPas bien mal a i le , me dira-tron , de
» lavoir 1 effet quon veut opérer; mais le difficile
» e f t den inventer, d’en faifîr les moyens ». Je 1 avoue : auffi le talent ne fe donne-t-il pas. D é -
méler daps la nature les traits dignes d’être imités,
prévoir 1 effet qu ils doivent produire , c’eft le fruit
d une longue étude ; les recueillir , les avoir pré-
c,e“ “ don d’une imagination vive ; les
çhoifir les placer à propos, c’eft l ’avantage d’une
raifon faîne & dun fentiment délicat. Je p&arle ici
de l a r t , & non pas du génie : or toute la théorie
de la r t . le réduit a favoir quel eft le but o iU ’on
veut atteindre, & quelle eft dans la nature la route
qui nous y conduit. Avec le moins obtenir le plus ,
c elt le principe des beaux-Arts comme celui.des arts
mechamques.
. f'intention immédiate du poète eft d’intéreffer en
imitant : or i l y a deux, fortes d’in térêt, celui de
la r t & celui de la chofe, & l ’un & l ’autre fe
redmfent a l ’intérêt de nos plaifirs. Voye^ ci-devant INTERET. (M. MaRMOSTEI..)
(N.) I nv ent ion. B e lle s - le t tr e s , Éloquence. En
Poéfie , une des opérations du génie e f t l ‘Invention '
du fiije t, c eft a dire cette grande & première
penfee qu i l s agit de développer, & qui , d’abord
vague & confofe ne laiffe pas de porter avec elle
dçs fa naiflance le preflentiment des beautés q u e lle
produira Cette penfée , qu’on peut appeller mère, I
p u ilq u e lle engendre toutes les autres, a plus ou
moins de fécondité, fé lo n le caradère des efprits
^uxquejs l ’étude, le hafard, ou la réflexion la pré- I
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fènfe. Tout paroit ftériie a des efprits ftériles; fouf
n a que des luperficies pour des efprits fuperficiels;
j\ e*Prlcs naturellement obfcurs, tout eft
-os . e a vient qu en fe fatiguant à chercher des
r S u S V ■ des écrivains paffe & repaffe
1 v : - L f° 1S f ï r .**, mines d>or > en foupçonner
x ._nce. e genre féal a l ’inftinél qui avertit que
la mine eft riche, comme i l a feul la force de la
des [réforSf<1UeS entraUles & d’en arracher
Mais cet. înfunft n’cft infaillible que dans des
hommes qui ie font fait une idée jufte & approfondie
de 1 o b je t , des moyens , & des procédés defaut.
L ardeur delajeunefle, l ’impatience de produire,l’é-
bloulflement caufé par quelque heàhté apparente?
ont, comme j e l a i dit, trompé plus d’une fois des
talents qui n etoient pas mûris par l'étude & l ’ex -
penence.
I l en eft de même à l ’égard des genres d’Éloquence
ou 1 orateur invente fon fujet. I l y a des fuperficies
trompeufes qui annoncent la fertilité & dont le
tond n eft qu un labié aride ; i l y a des terreins incultes
, qm n ont qu’à être défrichés & approfondis
pour devenir féconds.
Amfi 1 Invention du fujet demande un commencement
de travail pour le fonder & en pénétrer les
lenources. Un fculpteur habile voit dans un bloc
de marbre les dimenüonsde fa llatue ; mais i l en peut
taire a fon gre un H e rcu le, une D ian e, un A o o llo n .
1 . orateur , le poète , doit voir de même l ’étendue
de Ion lu,et ; mais fon fujet n’eft pas indifférent aux
formes qu i l peut recevoir : i l en eft une qui lu i eft
p ropre, & 1 artifte doit l 'y trouver avant de commencer
1 ouvrage.
Cette première Invention fuppofe là liberté du
choix, & 1 orateur ne l ’a pas toujours.
L ’Éloquence qui ne s’exerce que fhr des quef-
tions generales, comme ce lle des anciens fophiftes,
. ° i , r “ es P°mts de Morale pratique , comme fait
1 Eloquence de nos prédicateurs, eft auffi libre que
la roefie dansXInvention de fesfujets; mais l ’É lo quence
de la tribune & du barreau eft Commandée
& fes fujets lu i font donnés. XJInvention , dans
cette partie , Ce réduit donc à trouver les moyens
propres à la queftion ou à la caufe qui s’agite. Les
rhéteurs en ont fait le grand objet de leurs leçons :
mais leurs leçons ne peuvent être qu’une étude
préliminaire ; e’ e f tia recherche réduite en méthode,
ce n eft pas encore l ‘Invention. C e lle que Cicéron
appelle l ’Invention rhétorique, ne fait qu’indiquer
vaguement les moyens généraux de difpofer favorablement
un auditoire; de le.rendre attentif,’ doc ile,
bénévole; de gagner l ’affeftion des juges, fi on les
trouve indifférents ; de changer leur inclination,
s u s font aliénés ou contraires; de les intéreffer eux-
mêmes au fuccès de la caufe; de la leur préfenter
du cote le plus favorable, avec une clarté qui-du-
premier coup d oe il faite voir quel en eft l'état :
d en tirer, n elle eft étendue ou compliquée, une
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diviflon qui repofe l ’efprit & dirige fon attention;
d’employer à déterminer l'opinion, la délibération,
le jugement de l'auditoire , d'y employer, dis-je,,
les arguments qui réfultent des faits , des indices ,
des témoignages, des vraifemblances, des autorités,
des exemples, des coutumes , des lois., des règles
de Morale, des maximes de Politique, des principes
de Droit, enfin 'des qualités perfonnelles des
deux parties, ou d e là nature de l ’homme en ce
qui nous eft commun à tous ; de donner à ces
arguments toute la force & l'énergie d’une dialectique
preifante, toute la chaleur & la véhémence
d’une éloquence paffionnée ; de réfuter avec vigueur
les preuves, les moyens , les raifonnements de i'ad-
verie partie ; de l ’attaquer par l’endroit foible , en
ne lui préfentant foi-même que ie côté le plus
fort ; de tirer de la réfutation un nouvel avantage
en faveur de*fa caufe, & d’en fortifier encore les
moyens en les réfumant; enfin d’appeler les pallions
au fecours de la raifon, fi elle ,n’eft pas viéto -
rieufe; d’agir fur T’ame des auditeurs pour l ’exciter
ou la calmer, l’èlever ou l ’abattre , la pouffer ou
la retenir, l ’ébranler, l ’incliner , l’entraîner malgré
elle du côté qu’on veut qu’elle penche , & contraindre
la volonté, ou foumettre l ’entendement.
Voilà les fources que les rhéteurs anciens ont
indiquées à l’Éloquence , & qu’ils ont divifées en
une-infinité de-ruiffeaux. Toutes les formules générales
d’adulation, de féduélion, d’infinuation, d induction
; toutes les manières de définir, d’analyfer,,
d’amplifier ,. d’exagérer , de pallier, d’atténuer, de
dilfimuler, d’éluder; tous les refforts du pathé-,
tique; tous les fecrèts d’intéreffer la vanité , l ’orgueil
, la fenfibilité des juges, d’exciter leur envie,
leur indignation , leur haine , leur bienveillance ou
leur commifération ; & parmi ces moyens l'art de
donner à la parole le caraélère .convenable à
l ’effet que l ’on veut produire, par l ’heureux choix
des mots , leur coloris, leur harmonie , par la variété
des tons , des figures, des mouvements , par
le charme du nombre & celui des images , afin que
la féduétion fe faififfe à la fois des fens, ;de l ’tdprit
& de l ’ame : c’eft là ce que les profeffeurs de l ’ancienne
Éloquence ont enfeigne , & ce que Cicéron
dans fa jeuneffe a recueilli dans Ion livre appelé
de VInvention rhétoriquea
Une étude encore préliminaire , mais, plus immédiatement
adhérente à l ’exercice de l ’Éloquence ,
eft celle des lois du pays, de la jurffprudence des
tribunaux, des moeurs locales, & fingulièrement
de la façon de voir, de penfer , de fentir de l'auditoire
ou des juges devant lefquels on doit parler;
car c eft de là qu on tire les plus puiffants moyens
de les perfuader ou de les émouvoir.
Ces fources ouvertes à Y Invention , il en refte
une encore plus abondante, & à laquelle l'orateur
doit toujours remonter : c’eft fon fujet, fa caufe,.
la queftion qu il agite;; c’eft en la méditant qu’il
la rendra feçonde , & en comparaifon du fleuve
d Eloquence qui coulera de cette fource 3 toutes les
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autres ne paroiffoient , dit Cicéron, que de foi-
blés ruiffeaux. Voye-^ O r a t e u r , R h é t o r iq u e ,
E x o r d e , P r e u v e , P é r o r a iso n , P a th é t i que
, & c , ( M.. M a r m o t t e l . )
* INVERSION -, f. f. T e rm e d e G r am m a ir e - , qui
fignifie R e n v e r f em e n t d’ordre : ainfi, toute Inverfion
fuppofe un ordre primitif & fondamental; & nul
arrangement ne peut être appelé I n v e r f io n que
par raport à cet ordre primitif.
Il n'y avoit eu jufqu’ici qu’un langage fur Y In ver
f io n ; on croyoit s'entendre, & l ’on s’entendait
en effet. De nos jours, M- l'abbé Batteux s’eft élevé
contre le fentiment univerfel, & a mis en avant
une. opinion qui eft exa&ement le contrepied de
l ’opinion commune : il donne , pour ordre fondamental,
un autre ordre que celui qu'on avoit toujours
regardé comme la règle originçlle de toutes
les langues : il déclare dire élément ordonnées , des
phrafës où tout le monde croyoit voir Y I n v e r f i o n ;
& il la vo it, lu i , dans les tours que l ’on avoit
jugés les: plus conformes^ à l ’ordre primitif.
La difeuflion de cette nouvelle doérrine devient
d’autant plus importante, qu’elle fe trouve aujour-
dhui étayée par les füftfages de deux écrivains qui
en tirent des conféquences pratiques relatives à
l’étude des langues. J e parle de M. Pluche & de
M. Chompré, qui fondent fur cette bafe leur fyf-
tême d’enfeignement, l ’un dans fa M é c h a n i q u e d e s
l a n g u e s , & l ’autre dans- fon I n t r o d u c t i o n à l a
l a n g u e l a t i n e p a r l a v o i e d e l a t r a d u c t i o n .
L ’unanimité des grammairiens en faveur de l ’opinion
ancienne, nonqbftant la diverfîté des temps,
des idiomes , & des vues qui ont dû en dépendre,
forme d'abord contre la nouvelle opinion, un préjugé
d’autant plus fort, que l’intimité connue des
trois auteurs qui la défendent , réduit à l ’unité le
témoignage qu’ils lui rendent. Mais il ne s’agit
point ici de compter les voix fans pefer les raifons;
il faut remonter à l ’origine même de la queftion,
& employer la critique la plus exacte qu’il fera
poffibie , pour rpcomioître l’ordre primitif qui doit
véritablement fervir comme de bouffole aux procédés
grammaticaux des langues. C’eft apparemment
le plus sûr & même Tunique moyen de déterminer
en quoi confiftent les I n v e r f i o n s , quelles
font les langues; qui en admettent le plus, quels
effets elles yproduifent, & quelles conféquences il en
faut .tirer par taport à la manière d’étudier ou d’en-
feigner les langues,
Il y a dans chacune une marche fixée par i ’ufage ;
&. cçtte marche eft le réfultat de la diverfité des
vues que la conftruétion ufuelle doit combiner &
concilier. Elle doit s’attacher à la fucceffipn analytique
des idées , fe prêter à la fucceffion pathétique
des objets qui intéreffentTame , & ne pas négliger la
fucceffion euphonique des fons le s plus propres à
flatter l ’oreille. Voilà donc trois différents ordres
que la parole doit fuivre tout à la fois , s’i l eft pof