
i-baya, une riv iè re ; urea , un v illa g e ; e chea ,
une maifon ; oeeiz , un l i t ; oguia , du pain;
arnoa , du vin , &c.
L a prière dominicale , dans cette Langue ,
commence ainfî : Guère aita cervacan aicena , fançiifica bedi hire icena ; ethor bedi hire refuma ;
eguin bedi hire vorondatea cervan , becçala
lurracan ere, &c. ( Le chevalier d e J AU court. )
( *T (N ) L a Cantabrie , dans la G éographie ancienne
, étoit cette partie de l ’Efpagné. qui s’étendoit
l e lon g des Pyrénées, depuis l'O céan jüfqu’à Pampe-
lune : les cantabres étoient divifés en plufieurs
tribus , dont chacune avoit un nom particulier ;
les efcoualdounac formèrent une de ces tribus cat>
tabres , & font aujourdhui ce que nous appelons
le s bafques. L e favant Court de Gebelin , & plufieurs
autres Savants , ont penfé & ont voulu
prouver que les gafeons 8c les bafques étoient ,
dans l ’origine, le mèmè peuple ; ils ont vu cela
dans l ’ art des étymologies , où l ’on voit tant de
chofes qui n’ont jamais exiffé. E t ceci même eft
très-curieux ; car i l n’y a pas d’étymologie plus
v r a ie , ni de confequence plus faulle que ce lle
qu’ils en tirent.
L e mot gafeon 8c bafque , 'difent ces Savants,
eft le même m o t, le mot vafeuenfes, qui a fubi
de légères altérations. Rien n’eft fi commun dans
le s Langues que le changement du V en G ; le
V s’eft donc changé en G fur les bords de la
Garonne ; 8c de vafeuenfes on a fait gafeuenjes, gafeons.
Rien n’eft fi commun encore , dans les Langues,
que le changement du V en B dans le pays qui
eft entre la Navarre , l ’A d ou r , l ’O c é an , & les
Pyrénées ; on a changé le V en B , & de vafeuenfes
on a fait bafeuenfes , bafques. I l peut
fe faire que tout cela foit incontestable ; niais
voici ce qui l ’eft encore davantage , & ce qui
empêchera p e u t -ê t re de conclure que le bafque
8c le gafeon foient le même peuple.
i ° . Ces peuples ont des lo i s , des coutumes, des
ufages qui n’ont aucun raport enfemble ; ils ont
l ’un pour l ’autre une antipathie invincible , & qui
approche fouvent de cette efpèce d’horreur que
le s juifs avoient pour tous les peuples du monde ,
& tous les peuples du monde pour les juifs. Un bafque peut pardonner toute efpè.çe d’injure ; mais
fi vous l ’appelez gafeon , ou i l fe vengera, ou
i l mourra avec le défîr de la vengeance dans le
coeur. I l faut convenir que la légère altération
du V tantôt en G , tantôt en B , auroit produit
de terribles effets , fi en effet le nom de bafque
8c le nom de gafeon étoient le même nom.
z ° . Jamais les bafques ne fe font donné a
eux-mêmes ni le nom de bafques , ni le nom de vafeuenfes. Ils s’appellent entre eux aujourdhui,
comme ils s’ appeloient i l y a deux-rmille ans, efcoualdounac.
_ 3 ° . D ’où leux vient ' donc ce nom de bafques
que nous leur donnons ? i l leur vient du fçançeis ,
qui , confondant enfemble des peuples dont le$
pays fe touchent , ont appelé tous les peuples
d entre la Garonne 8c les ryrénées vafeuenfes ; 8ç
q u i, fentant enfuite le befoin de les diftinguer,
ont appelé les uns ga feons , & les autres b a f ques.
C e la explique d’une manière naturelle çom-
- ment des peuples fi différents portent le même
nom : & cela eft fâcheux pour les Savants & pour
1 art étymologique, qui avoient découvert que c’étoit
le même peuple,
Que d’explications des Bochard , des Kirker,&
des Pluche paroi troient auffi ingénieufes & auflî
fauffes à un égyptien du temps des Ptolémées,
ou même à un copte de nos jours î
L a Langue des b a fqu e s , ou | pour parler plus
exactement, des efcoualdounac , a des d éclinai-
Jons 8ç des c o n j t ig a i f o n s comme toutes les L a n g
u es anciennes e lle en a même davantage. Beaucoup
de chofes que le grec &. le latin exprimoient
par des prépofitions , font exprimées en bafque
par des déçlinaifons.
Ses inverfions font infiniment plus hardies que
celles du latin & du grec ; & cependant, avec,
quelque rapidité qu’on parle cette L a n g u e devant
m o i, je ne fuis jamais ni arrête ni fufpendu dans
l ’intelligence d’une phrafe,
On a donc eu tort de dire que dans les L a n gues
à . inverfions l ’efprit demeure fufpendu &
embarraffé julqu’au mot qui ferme -la phrafe.
Dans les Langues même qui fuivent l ’ordre
direét, i l eft impoffible de bien entendre chaque,
partie de la phrafe que lorfque la phrafe entier®
eft entendue.
I l eft remarquable que le bafque , qui a des
déçlinaifons , a auffi des articles': mais fes articles
font fondus dans les noms mêmes; ils font pla cés
à la fin des mots, Dans -les articles mêmes
i l a fuivi ce procédé des Langues à dé-
çlinaifons & à inverfions. C e fait 8c plufieurs,
autres faits que j’ai obfervés dans la Langue bafque,
confirment les conjectures ingénieufes 8c profondes
de M. Smith fur l ’origine 8c la formation des
Langues.
Le s confonnes font très-elair-femées dans les
mots bafques ; c’ eft une fuite de fons vocaux 8c
chantants qui ne font guère féparés le s uns des
autres que par de fortes afpirations. C e la ne paroît
pas à 1 o e i l, parce que Larramendi, Doienard
& B u l le t , qui ont voulu imprimer des mots,de
cette Langue , ont rendu, par des confonnes , des
afpirations très-variées pour lefquelles ils n’avoient
point de lignes écrits : mais à l ’oreille cela eft
fenfible pour tout le monde. I l eft probable que
toutes les Langues primitives ont été abondantes
en voyelles & pauvres en confonnes.
L e mois de décembre , mois où le fo le il revient
, s’appelle en B a fq u e , abentua , qui veut dire
I ç retour , l ’arrivée. L e f o l e i l , l ’aftre qui nous-
Sonne la lumière , s’appelle idoufquia , qui
veut dire donneur, fa ifeu r , ou porteur de lumière.
L a lune qui réfléchit une lumière empruntée, qui
n’a qu’une lumière- pâle & éteinte , s appelle hi-
la r g u ia , qui lignifie lumière éteinte. L e riche,
dont la richeffe , chez un peuple pauvre , ne peut
confifter qu’en beftiaux , s’appelle abarat\a , mot
cpmpofé d’ aberia ( beftiaux ) , 8c qui veut dire
abondant en beftiaux.
Prefque tous les mots compofés dans cette
Langue laiffent voir d’une manière auffi fenfible
l ’analogie des idées qui a pr-éfidé à leur composition.
Cet article eft de M . G A RA T , dont Vefprit
fupér ieü r, Les talents , & les fu e cê s en Littérature
honorent le p a y s B a fq u e , q ui Va vu naître.
L a n g u e F r a n ç o i s e , Gram. I l me f e m b l e que
le s ouvrages françois faits fous, le ftècle de Louis
X I V , tant en proie qu’en v ers, ont contribué, autant
qu’aucun autre évènement, à donner , a la Langue
dans laquelle ils font écrits , un fi grand cours ,
qu’elle partage , avec la Langue latine , la gloire
d’être cette Langue que les nations aprennent par
une convention tacite pour fe pouvoir entendre.
Le s jeunes gens auxquels' on donne en Europe de
l ’éducation , connoiffent autant Defpréaux , la Fontaine
, & Molière , qu’Horace , Phèdre, 8c Térence.
L a clarté , l ’ordre , la jufteffe , la pureté des
termes, distinguent le François des autres Langue s,
8c y répandent un agrément qui plaît à tous les
peuples. Son ordre dans l ’expreffion des penfées ,
le rend facile ; la jufteffe en bannit les métaphores
outrées ; & fa modeftie interdit tout emploi des
termes groffiers ou obfcènes.-
Le latin dans les mots brave l’honnêteté ,•
Mais le lefteur françois veut; être refpe&c.
Cependant je rte crois pas qu’à cet égard notre
La n g u e ait en elle-même un avantage particulier
fur les Langues anciennes. Les grecs 8c les romains
parloient conformément à leurs moeurs ;. nous parlons
, aïnfi que les autres peuples modernes , conformément
aux nôtres ; & les différents ufages que
l ’ on fait d’inftruments pa re ils, ne changent rien à
leur nature & ne les rendent point fupérieurs les
uns aux autres*.
O n .d o it chérir la clarté, puifqu’onne parle que
pour être entendu, & que tout difcours eft deftiné ,
par fa nature , à communiquer les penfées & les
fentiments des hommes ; ainfi, la Langue fran çoife
mérité de grandes louanges en cette partie : mais
quelque precieufe que foit la clarté , i l n’eft pas
toujours néceffaire de la porter au dernier degre de
la fervitude ; & je crois que c’eft notre lot. Dans 1 origine d une Langue , tout le mérite du difcours a
- ^ & ns doute fe borner la. L a difficulté qu’on trouve à
s énoncer clairement, fait qu’on ne cherche , dans
ees premiers commencements , qu’à & faire bien
entendre , en fuivant un ordre févère dans la construction
de fes phrafes. O n s’en tient donc alors
aux façons de parler les plus communes & les plus
naïves -, parce que l ’indigence des expreflîons ne
laiffe point de choix à faire entre elles , & que
la fimplicité du langage ne connoît point encore
les tours , les délicatefles , les variétés , 8c les ornements
du difcours.
Lorfqu’une L a n g u e a fait des progrès confidé-
rables , qu’ elle s’eft enrichie , qu elle a acquis dé
la dignité , de la fineffe , & de l ’abondance ; i l faut
favoir ajouter, à la clarté du f ty le , plufieurs autres
perfeé t io n s qui entrent en concurrence avec e l l e ,.
la pureté , la vivacité , la nobleffe , l ’harmonie ,
la force , l ’élégance : mais comme ces qualités
font d’un genre different & quelquefois o p p o fé ,
i l faudrok les facrifier les unes aux autres fuivant
l e fujet & les occafions. Tantôt i l conviendroit de
préférer la clarté à la pureté du ftyle ; & tantôt
l ’harmonie , la force , ou l ’élégance donneroient
quelque atteinte à la régularité de la conftruétionç
témoin ce vers de Racine
Je t’aimois inconftant, qu’euflé-je fait, fidèle!
Dans notre profe néanmoins ce font les règles de
la conftruétion , & non pas les principes de l ’harmonie
, qui décident de l ’arrangement des mots : le
génie timide de notre L a n g u e ôfe rarement entreprendre
de rien faire contre les règles , pour
atteindre à des beautés, où i l arriveroit s’i l était
moins fcrupuleux.
L ’afferviffement des articles auquel la L a n g u e
f r a n ç o i fe eft foumife, ne lui permet pas d’adopter
les inverfions & les tranfpofitions latines, qui font
d’un fi grand avantage pour l ’harmonie. Cependant,
comme le remarque M. l ’abbé du Bos , les phrafés
f r a n ç o i f e s auroient encore plus befoin de l ’inverfio»
pour devenir harmonieufes, que les phrafos latines
n’en avoient befoin : une moitié des mots de notre
L a n g u e font terminés par des voyelles ; & de ces
v o y e l l e s Ve muet eft la feule qui s’élide contre
la v o y e lle qui pçut commencer le mot fuivant,
on prononce donc bien fans peine , f i l l e a im a b le ,*
mais les autres voyelles qui ne s’élident pas contre
la vo y e lle qui commence le mot fuivant , amènent
des rencontres de fons défagréables dans la prononciation.
Ces rencontres rompent fa continuité 8c
déconcertent fon harmonie ; les expreflîons fuivantes
font ce mauvais e f fe t , V am i t ié ab a n d on n ée , la
f i e r t é o p u le n te , f i en n em i id o lâ t r e , &c.
Nous fentons fi bien que la collifion du fon de
ces voyelles qui s’entre - choquent eft défâgréable
dans la prononciation , que nous faifons fouvent
de vains efforts pour l ’éviter en profe , & que les
règles de notre Poéfie la défendent. L e latin au
contraire évite aifément cette collifion à l ’aide de
fon inverfion , au lieu que le F r a n ç o i s trouve
rarement d’autre reffource que ce lle d’ôter le
mot qui corrompt l ’harmonie de la phrafe. U