
on en a trop de preuves dans une foule de livres
très-bien écries , & en même temps très-éloignés de
cette exactitude morale que des écrivains fages ne
perdent jamais de vue.
Par raport à la conjugaifon francoife , Y Impéra
tif admet un préfent & un prétérit, tous deux
poftérieursj dans l ’un & dans 1 autre, i l n’y a au
imgulier que la fécondé perfonne, & au pluriel les
deux premières.
P r éfen t poflérieur. Prétérit pojlérieur.
S in g . z . lis ow life z . S in g . z. aye ou ayez lu.
P lu r . i . lifons. P lu r . i . ayons lu.
z. life z . z . ayez lu.
Je m’arrête principalement à la conjugaifon des
deux langues qui doivent être le principal objet
de nos études ; mais les principes que j’ai pofés
peuvent fervir à rectifier les conjugailbns des autres
langues , fi les grammairiens, s’en font écartés.
Je terminerai cet article par deux obfervations.
L a première, c’eft qu’on ne t r o u v e a i 3Impératif
d aucune langue , de futur proprement dit , qui
•foit dans l ’analogie des futurs des autres modes ;
& que les temps qui y font d’üfage , font véritablement
un préfent poflérieur, ou un prétérit poflérieur.
Q u e l efl donc le fens de la maxime- d’A p o i- .
lo n e , qyfo/z ne commande p a s Les chofes paffées
•ni les'préfentes ? On ne peut l ’entendre que des
chofes palfées ou préfentes d l ’égard du moment
où l ’on parie. Mais d l’égard d’une époque poflé-
rieure d i ’aéte de la Parole , c’eft le contraire ;
on ne commande que les chofes paffées où pré-
fen te s ; c’eft a dire que l ’on défire qu’elles précèdent
l ’epôque_* ou qu’elles coexiflent avec l ’époque
, qu’elles foient paffées ou préfentes lors de 1 époque. C e n’eft point ic i une thèfe métaphy-
fique que je prétends pofer , c’eft le fîmple réfultat
de la dépofîtion combinée des ufages des langues;
mais j’avoue que ce réfultat peut donner lieu à des
recherches allez fubtiles & à une difcuffîon très-
jaifonnable.
L a , fécondé obfervation efl de M. le préfîdent
de Broffes. C ’eflque , félon la remarque de Léibnitz
{O t ium Hanoverianum, pag. 4 17 . ) , la vraie
racine des verbes efl dans l ’Im p é ra tif, c’eft a dire ,
au préfent poflérieur. C e temps en effet efl fort
fouvent mouofyiiabe dans la plupart des langues :
& lors même qu’i l n’eft pas monofyllabe, i l efl
moins chargé qu’auciin autre des additions termi-
natives ou préfixés qu’exigent les différentes idées
accefloires -, & qui peuvent empêcher qu’on ne
difeerne la racine première du mot. J1 y a donc
lieu de préfumer qu’en comparant les verbes fyno-
nymes de^ toutes les langues par le préfent poflérieur
de Y Im p ératif, on pourroit fouvent remonter
jufqu’au principe de leur fynonymie, & à la fource
commune d’où ils defeendent avec les altérations
différenres que les divers befoins des langues leur
ont fait fubir. (M . B e a u z ÊE. )
IMPERSONNEL, adj. Grrmmairé. Le mot
Perfonnel lignifie qui efl r e la tif a u x p e rfonnes ,
ou qui reçoit'd e s in flexions relatives aux per-
fon n e s . C’efl dans le premier fens que les grammairiens
ont diftingué les pronoms perfonnels ,
parce que chacun de ces pronoms a un raport fixe
à l’une des trois perfonnes ; & c’eft dans le feconcî
fens que l ’on peut dire que les verbes font p e t -
fo rm e ls , quand on les envifage comme fufceptibles
d’inflexions relatives aux perfonnes. Le mot Imper-
formel efl compofé de l ’adjectif p e r fo n n e l, & de
la particule privative in : il fignifie donc , qui
n efl p a s r e la t if a u x perfonnes , ou qui ne reçoit
p a s d ’in flexions relatives aux, perfonnes. Les
grammairiens qualifient Simperformels certains verbes
, qui n’ont, difent-ils, que la troifîème perfonne
du fîngulier dans tous leurs temps ; comme
libet , l ic e t , evenit , a c c id it , p lu it , lu c e fc it ,
opàrtet, p ig e t , poe n ite t , p u d e t , miferet, teedet,
i iu r } f le iu r -, 8cc. Cette notion , edmme on voit,
s’accorde affez peu avec l’idée naturelle qui réfulte
de l ’étymologie du mot ; & même elle la coif-
tredit , puifqu’elle fuppofe une troifîème perfonne
aux verbes que la dénomination indique comme privés
de toutes perfonnes.
Les grammairiens philofophes,- comme Sanclius
Scioppius, & l ’auteur d'e la Grammaire générale ,
ont relevé juftement cette méprife ; mais ils font
tombés dans une autre : ils ne fe contentent pas-
de faire entrer dans la définition des verbes imper
fon n e ls la notion des perfonnes ; ils ÿ ajoutent
celle des temps & des nombres. Quod certâ per-
fo n d non j in itu r , f e d nec numerum aut tempus
certum habet, ut amare , amavïjfe~ ( dit' Scioppius
( Gramm. philofoph. de verbo ). Imper-
fonale illu d omnirio deberet effe , quod perfohis,
numeris , & temporibus careret, quale efl amarc
& amari , dit Sanclius ( Minerv. lib. î , cap. x i f . )
N’efl-il pas évident que les idées du nombre &
du temps ne font rien a Yimperfonnalité? D’ailleurs
., pour donner .en ce fens- la qualification:
d’imperfonnels aux infinitifs amare , a-maviffe ,
amar i, & femblables, il faut fuppofer que les
infinitifs n’admettent aucune différence de temps ,
ainfî que le prétend en effet Sanétius ( ib. cap. x iv . ) r
mais c’eft une erreur fondée fur ce que ce lavant
homme n’avok pas des temps une notion bien exaéley
la dîftinétion en efl auffi réelle a l ’infîni-tif qu’aux:
autres modes du v.erbe ( V . Infinitif & T emps) y
& l’auteur de la Grammaire générale ( P a r t . I I ,
chap. x ix . ) fembl-e y avoir fait attention, lorf-
qu’i l attribue au verbe imperfonnel de marquer
indéfiniment, fans nombre & fans perfonne.
En réduifànt donc l’idée de la perfonnalité 8c
de Yimperfonnalité â la feule notion des per—
fonnes, comme le nom même l’exige ; ces mots*
expriment des propriétés ,. non- d’aucun verbe pris
dans fa totalité , mais des modes du verbe pris
en détail : de manière que l ’on peut diftinguer
dans un même verbe des modes perfonnels & des
jnoJes Imperfonnels ; mais on ne peut dire d’ aucun
v erbe, q u i l l'oit totalement perfonnel ou totalement
imperfonnel.
Les modes font perfonnels ou imperfonnels ,
félon que le verbe y reçoit au n’y reçoit pas des
inflexions relatives aux perfonnes ; & cette, ditte-
rence vient de ce lle des points de viîe Ions lesquels
on y envifage la lignification eflcncielle du
verbe. V<rye\ M o d e s . L ’ind icatif, l'impératif. «
le fubionétif font des modes p e r f mnels ; 1 1ni1U1.1t
te le participe font des modes imperfonnels. Les
premiers font perfonnels , parce que le ..verbe y
reçoit des inflexions relatives aux perlonnes : a
l ’ indicatif,: i . am o , a- am a s , 3. anw i ; a i impé
ra tif, 1 . lima ou amato , 3. amato ; au lub-
jo n û if , 1. amem, z . anies , 3 , nim-r. Les der-
riiers font imperfonnels, parce que le verbe n y
reçoit aucune inflexion relative aux perlonnes : a
l ’infinitif, amare & amavijfe n’ont de raport qu au
temps ; au participe , amatus , a , am., aman-
dus , <z, um , ont raport au temps , au genre ,
O r i l n’y a aucun verbe dont la lignification
effencieile & générique ne *îuifl ^ être envifagee
fous chacun des deux points de vue qui fondent,
cette différence de modes ; on ne peut donc dire
d’aucun verbe qu’ i l foit totalement perfonnel ou totalement
imperfonnel.
O n m’objeélera peut - être que la lignification
des mots étant -arbitraire ~, les grammairiens ont
pu donner la qualification d’Imperfonnels a certains
verbes defeétifs qui n’ont que la troifieme
perfonne du fîngulier ,, & qui s’emploient fans
application à aucun fujet déterminé ; qu en ce cas ,
leur ufage devient polir nous une lo i inviolable ,
malgré toutes les raifons d’analogie & d étymolo
g ie que l ’on pourroit alléguer contre leur pratique.
Je connois toute l ’étendue des dioits de 1 ufage
en fait de langue : mais j’obferverai avec le Pere
Bouhours (Remarques nouvelles , tom. II, p . 34°*) >
que comme i l y a un bon ufage qui f a i t la loi
en matière de langu e, i l y en a un mauvais
contre lequel on p eu t f e révolter ju flem en tj &
l a prefeription n’a p a s lieu à cet égard: j a jouxterai
avec M» de Vaugelas ( Remarques fu r la
lan gu e françoife , tom. I , p r é fa c e , p . zo . ) , que
le mauvais ufage f e forme du p lu s grand nombre
de p erfonnes , qui prefque en toutes chofes n efl
p a s le meilleur ; que le bon au contraire efl
compofé, non p a s de la p lu ra lité , mais de
Vélite des v o ix > & que c’ efl véritablement celui
que l ’ on nomme le maître des langues. Si ces
deux écrivains, reconnus avec juflice pour les plus
surs appréciateurs de l ’u fag e, ont pu en diftinguer
un bon & un mauvais dans le langage national,
& faire dépendre le bon de l ’élite , & non de la
pluralité des v o ix ; combien n’eft-onpas plus fondé
à fuivfè la même règ le en fait du langage didactique,
où tout doit être raifonné, & tranfmettre
avec netteté & précifion les-notions fondamentales
des fciences 8c des arts ? S i l ’ u fa ge , dit encore
M. de Vaugelas ( ib id .p . 19 j , n ’efl autre chofe ,
comme quelques-uns f e l ’im a g in en t, que la fa ç o n
ordinaire de parler d’une nation dans le f l eg e
de fo n Em p ir e } ceux qui y fo n t nés & élevés
n ’ auront qu’à parler le langage de leurs nourrices
& de leurs domefliques pour bien p arler
la langue de leu r .p a y s . J ’en dis autant du langage
didactique : s’i l ne faut qu’adopter la façon
ordinaire *de parler de ceux qui fe mêlent d’expliquer
les principes des arts & des fciences, i l n’y
a plus de choix à faire ; les termes techniques ne
feront plus techniques,. par la raifon même ,que
fouvent ils feront introduits par le hafard ou même
par l ’erreur , plus tôt que par la réflexion & par
l ’art.
T e l efl en effet le mot Imperfonnel ; on l ’applique
mal , & i l fuppofe faux: J’ai déjà fait
lèntir qu’ i l efl mal appliqué, quand j’ai remarqué
qu’i l défigne comme privés de toutes perfonnes
les prétendus verbes imperfonnels , dans lefquels
on reoennoît néanmoins une troifîème perfonne du
fîngulier. Pour ce qui efl de la -fuppofition de
faux , e lle confifte en ce que les grammairiens
s’imaginent que ces verbes s’emploient fans ap p lication
à aucun fujet déterminé, quoiqu’ils ne foi en*
pas à l ’infinitif, qui efl le feul mode où le verbe
puiffe être dans cette indétermination. Voye^ Inf
in it if .
Mais ne nous contentons pas d’une remarque fi
générale ; peut-être ne feroit - e lle pas Influante
pour les grammairiens qu’i l s’agit de convaincre.
Entrons dans une difcuflîon détaillée des exemples
les plus plaufîbles qu’ils allèguent en leur faveur.
Ces verbes prétendus imperfonnels font de deux
fortes : les uns ont une terminaifon aétive , & les
autres une terminaifon paffive.
I . Parmi ceux de la première forte , arrêtons-
nous d’abord à cinq, qui',, dans les rudiments, font
ordinairement une figure très-confidérable ; fa voir,
miferet , p ig e t , poe n it e t , p u d e t , toedet. O n a
déjà indiqué ( article G é n i t i f ) que ces verbes
étoient réellement per fon n e ls , & appliqués à un
fujet déterminé : le g én itif , qui les accompagne
pour l ’ordinaire , fuppofe un nom ap p e lla tif qui
le précède dans l ’ordre ana ly tiqu e, & dont i l doit
être le déterminatif ; que feroit - on de ce nom
ap pella tif communément fous - entendu , fi on ne
le mettoit au nominatif, comme fujet grammatical
des verbes en que (lion ? On trouve, à 1 article
G é n i t i f , plufïeurs exemples où l ’on a fuppléé
ainfî ce nom ; mais on ne s’y efl autorife pour le
faire , que d’un feul texte de Plaute ( Stich. in
arg. ) , E t me quidem h<zc .conditio nunc non
■ poenitet ( & à la vérité cette condition ne me
peine point à préfent ) ; explication littérale , qui