
phrafe louche , & qu'elles n'empêchent pas l’ cfprie
a apercevoir la fuite des corrélatifs, V . P arenthèse.
4. S y n çh y fis , c’eft lorfque tout l'ordre de la conf-
truéfcion eft confondu, comme dans ce vers de V irg ile ,
que nous avons déjà cité :
siret ager ; viti'o, moriens , f i t i ï , at'ris, herba.
Et encore ,
Saxa , vocatitltali, mediis quce in fluclibus, ar&s ,•
c’ eft à dire , I ta li vocant aras ilia f a x a quce fia it
in mediis flu clibus . I l n’eft que trop aifé de trouver
des exemples de cette Figure. A u refte, Synçhyfis
eft purement grec , <rvyyy<ns, & fignifie cônfufion ;
vvyyjw , confundo. Faber dit que Synçh yfis eft
ordo diclionum cônfufior , & que Donat l'ap p elle
Hyperbate. En voici encore un exemple tiré d'Horace.
( 7 . S a t. v . 4p. )
Famque pilâ lippis inimicum & ludere crudis ;
l'ordre eft ludere p ilâ eft inimicum lippis & crud
is , a le jeu de paume eft contraire à ceux qui
» ont mal aux yeux & à ceux qui ont mal a l ’efto-
» mac». V o y e3 S yn çht se.
5. V o ic i une cinquième forte d’Hyperbate , qu’on
ap pelle A n a c o lu th o n , dvaxlAovSrov, quand ce qui
fuit n’ eft pas lié avec ce qui précède. G’eft plus
tôt un v ic e , dit Érafme, qu’une Figure : V itium
orationis quando non redaitur quod fuperioribus
refpondeat. I l doit y avoir , entre les parties- d’une
période, une -certaine fuite & un certain rapport
grammatical qui eft néceffaire pour la netteté du
f ty le , & une certaine correfpondance que l ’efprit
du leéteur attend, comme entre tôt & q u o t, tantum
& quantüm , tel & q uel, quoique, cepend
a n t, &c. Quand ce rapport ne fe trouve point, c’eft
un Anacoluthon. En voici deux exemples tirés de
.Virgile :
Sed tamen idem olim cuiru fuceedere fueti.
Æn.' m . 141.
C ’eft''un Anacoluthon, dit Servius ; car tamen
n’eft pas précédé de' quanquam ; A n a colu th on ,
nam quamquam non praemifit, & au /. I l , v. 3 3 1 ,
011 trouve quot fans tôt :
FLillïa quot magnis nunquam vénéré Mycoenis ;
ce qui fait dire encore a Serviüs , que c’eft un Anacoluthon
, & qu’i l faut fuppléer t ô t , tôt millia.
C e mot vient i° . d’àxoAovâ'of, cornes , dxoAovâ-ov,
confeclarium , qui fuit , qui accompagne , qui eft
apparié ; i ° . a ctxoAouflov, on ajoute l ’a privatif,
fuivi du » euphonique, qui n’eft que pour empêcher le
bâillement entre les deux d ,# axoAovôof, comme nous
ajoutons le t entre dira-on , dira-t-on. V . A nacoluthe.
V o ic i deux autres Figur es qui n’en méritent pas
le nom , mais que nous croyons devoir expliquer,
parce que les commentateurs & les grammairiens
en font Couvent mention. Par exemple, lorfque
V irg ile fait dire à Didon , urbem quam f ta tu o
veftra eft ( Æ n . 1. $73. ) , les commentateurs
difent que cela eft un exemple inconteftable de la
Figure qu’ils appellent A n t ip to fe , du grec dm ,
pro , qui entre en compofition , & deV)©<r/y, cafus ;
en forte que c’ eft là un cas pour un au tre :.V irg
ile , difent-ils, a dit urbem pour urbs par. Antip-
tofe. C ’eft une ancienne F ig u r e , dit Servius ; c’eft
ainfi, ajou te-t-il, que Caton a di\ agrùm - quem
vir habet tollitur ; agyum au lieu d3ager : & T é rence
, eunuchum quem d edifli nobis quas turbas
d éd it, où eunuchum eft vifiblement au lieu iïeunu-
chus. ‘ ( T é r . E u n . IV . i ij . 1 1 . )
‘ Les jeunes gens qui apprennent l e latin ne de-
vroient pas ignore r'cette belle Figure ; elle feroit
pour eux d’une grande refïourcè : quand on les
blâmeroit d’avoir mis un cas pour un autre, l ’autorité
de Defpautère, qui dit que A n t ip to fis f i tp e r
omnes ca fu s, & qui en cite des exemples dans fa Sy n ta
x e ,p . i i 1 j cette autorité , dis-je , feroil pour eux
une excufe fans réplique.
Mais qui ne voit que, fi ces changements avoient
été permis arbitrairement aux anciens, toutes les
règles de la Grammaire feroient devenues inutiles ?
Voye-{ la Méthode latine de P o r t r o y a l, p . 562.
C ’eft pourquoi les grammairiens analogiftes , qui
font ufage de leur ra-ifbn, rejettent l ’Antiptofe &
èxpliquent plus raifonnablement les exemples qu’on
en donne. A in f i, à l ’égard de eunuchum quem
d e d if li, & c , i l faut fuppléer, dit D o n a t, is eu-
nuchus : Pythias a dit eunuchum quem, parcè
qu’elle avoit dans l ’efprit dedifli eunuchum ; E unu chum
ad D e d ifli verbum r e tu lit, dit Donat. I l y a
deux propofitions dans tous ces exemples ; i l doit donc
y avoir deux nominatifs : fi l ’un n eft pas exprimé,
i l faut le fuppléer, parce qu’i l eft réellement dans
le Cens ; & puifqu’i l n’eft pas dans la phrafe , i l
faut le tirer du dehors, dit D o n a t , afjumendum
èxtrinfeciis , pour faire la conftruélion pleine.
A in f i, dans les exemples ci-deffus , l’ordre eft haec
urbs, quam urbem f ta tu o , eft veftra : ille a g er ,
quem agrum vir h a b e t, tollitur : ille eunucnus ,
quem eunuchurq dedifli nobis , quas turbas d édit. ,
I l en eft de même de l ’exemple tiré" du prologue
de l ’Andrienne de Térence, populo ,ut placèrent
quas fe c iffe tfa b u la s ; la conftruéiion eft, ut fa b u le s ,
quas fa b u la s f e c i f f e t , placèrent populo.
C e qui fait bien voir la vérité & la fécondité
du principe que nous avons établi au mot C onstruction
, qu’ i l faut toujours réduire à la forme
de la propofition toutes les phrafes paiticulières &
tous les membres d’une période. Voye-^ A ntiptose,
L ’autre Figure dont les grammairiens font mention
avec auffi peu de raifon, c’eft l ’É n a lla g e ,
t ‘icütia.yv , permutatio. L e fimple changement des
cas eft une Antiptofe ; mais s’ i l y a un mode pour,
un autre mode qui dev-oit être félon l ’analogie
de la langue , s’i l y a un temps pour un autre ,
ou un genre pour un autre genre , ou enfin s’ il
arrive à un mot quelque changement qui paroifle
contraire aux règles communes, c’eft une Énallage.
Par exemple, dans l ’Eunuque de Té ren ce , Thra-
fon, qui venoit de faire un préfent à Thaïs , dit ,
M agna s vero agere gra tias T h a ïs mihi; c’ eft
là une Énallage , difent les commentateurs , agere
eft pour a g it : mais en ces occafions on peut aifé-
ment faire la conftru&ion félon l ’analogie ordinaire
, en fuppiéant quelque verbe, au • mode fin i,
comme Thaïs tibi v if a eft agere , &c , ou ccspit ,
ou non ceffat. Cette façon de parler par l ’infinitif
met l ’aélion devant les yeux dans toute fon étendue ,
& en marque la continuité ; le mode fini eft plus
momentané. C ’eft auffi ce que L a Fontaine , dans la
fable des deux ra ts ,, dit :
Le bruit ceflfe, on fe retire,
Rats en campagne auffi-tôc.
Et le citadin de dire ,
Achevons tout notre tôt ;
c’ eft comme s’i l y avoit, & le citadin ne cejfoit de
dire , f e mit à a ire, &c $ ou pour parler grammaticalement
, le citadin f i t Vaction de dire. Et dans la
première fable du l. v i l l , i l dit :
Ainfi dit le renard, & flatteurs d’aplaudir ;
la conftruéiion e f t , L e s fla tteu r s ne cefsèrent d ’ap
la u d ir , les fla tteu r s firent V action d ’aplaudir.
O n doit regarder ces locutions comme autant
d idiotifmes confacrés par l ’ufage } ce font des
façons de parler de la conftruélion ufuelle & élégante
, mais que l ’on peut réduire par imitation &
par analogie à la forme de laconftruétion commune,
au lieu de recourir à de prétendues Figures contraires ,
à tous les principes.
A u refte , l ’inattention des copiftes & fouvent la
négligence des auteurs mêmes, quis’endorment quelquefois
, comme on le dit Homère , apportent des
difficultés, que l ’on feroit mieux de reconnoître
comme autant de fautes , plus tô t que de vouloir y
trouver une régularité qui n’y eft pas. L a prévention
voit les chofes comme elle voudroit qu’elles fuf-
fent ; mais la raifon ne les voit que telles qu’ elles
font.
I l y a des Figures de mots qu’on appelle Trop
e s , à caufe du changement qui arrive alors à la
lignification propre du mot} car Trope vient du
mot g r e c , rpoW , converfio , changement, transformation
j rpÉ7rw, verto. I11 Tropo eft nativesfigni-
fica tion is commutatio, dit Martinius. Ainfi , toutes
les fois qu’on donne à un mot un fens différent
de celui pour leque l i l a été premièrement établi,
c’eft un Trope. Ces écarts de la première lignification
du mot fe font en bien des manières différentes
, auxquelles les rhéteurs ont donné, des noms
particuliers. I l y a un grand nombre de ces noms
G r a m m . e t L i t t é r a t . Tome I L
dont i l eft inutile de charger la mémoire ; c ’eft
ici une des occafions ou T o n peut dire que le nom
ne fait rien à la choie : mais i l faut du moins
connoître que l ’expreffion eft figur ée , & en quoi
e lle eft figurée. Par exemple , quand le duc d’Anjou
, petit-fils de Louis X IV , fut appelé à la cour-
ronne d’EIpagne, le roi d it , I l n y a p lu s de
Pyrénée s ,• perlonne ne prit ce mot à la lettre &
dans le fens propre : ori ne crut point que le roi
eût voulu dire que les Pyréné.es avoient été aby-
mées ou anéanties ; tout le monde entendit le fens
figuré, I l n y a p lu s de P y r én é e s , c’eft à dire ,
p lu s de fép a ra tio n , p lu s de divifions , p lu s de
guerre entre la France & V Efp agn e : on fe
contenta de faifir le fens de ces paroles; mais les
perfonnes infirmités y reconnurent une Métaphore.
Les principauxTropés dont on entend fouvent parler
font la Métaphore, l ’A llé g o r ie , l ’Allufion, l ’Ironie,
le Sarcafme , qui eft une raillerie piquante &
amè re, irrifio amarulenta, dit Robertlbn ; la
Catachrèfe , abus, extenfion ou imitation , comme
quand on dit, Ferré d*argent, aller à cheval fu r
un bâton ; l ’Hyperbole , la Synecdoque, la Métonymie
, l ’Euphemifme , qui eft fort en ufage parmi
les honnêtes gens, & qui confifte à déguifer des
idées délàgréables , odieufes , triftes, ou peu honnêtes
, fous des termes plus convenables '& plus
décents. L ’Ironie eft un T rop e ; car puifque l’Ironie
fait entendre le contraire de ce qu’on d it , i l eft évident
que les mots don* on le fert dans l ’ Ironie ne
font pas pris dans le fens propre & primitif. Ainfi ,
quand Boileau [ fa t . IX . ) d i t ,
Je le déclare donc, Quinault eft un Virgile,
i l vouloit faire entendre précifément le contraire.
O n trouvera en fa place dans ce Dictionnaire le
nom de chaque T rop e pa rticulier, avec une explication
fuffifante. Nous renvoyons auffi au morTROPE,
pour parler de l ’origine , de i ’ufage , & de l ’abus des
Tropes.
I l y a une dernière forte de F igur es de mots ,
qu’i l ne faut point confondre avec celles dont nous
venons de parler; les Figur es dont i l s’agit ne
font point des T ro p e s , puifque les-mots yconfeLèvent
leur lignification propre ; ce ne font point
des Figur es de penfées, puifque ce n’eft que des
mots qu’elles tirent ce qu’elles font : par exemple,
dans la Répétition , le mot fe prend dans fa lignification
ordinaire ; mais fi vous ne répétez pas le mot,
i l n’y a plus de Figur e qu’on puiffe appeler Répétition
.
I l y a plufieurs fortes de Répétitions auxquelles
les rhéteurs ont pris la peine de donner affez inutilement
des noms particuliers. Ils appellent Cli-
m a x , lorfque le mot eft répété, pour pafler comme
par degrés d’une idée à une autre : cette Figure
eft regardée comme une Figure de mots , à caufe
de la répétition des mots ; & on la regarde comme
une Figur e de penfée, lorfqu’on s’élève d’une penfée
à une autre. Par exemple, A u x d ifc o u r s i l a joutait