
.epxoferi fignifie l ia n t , & ce qui fe r t à lien Si les
nourrices en difant à leurs enfants , p a y e chopi'ne,
les habkuent à fraper dans la main ; & après les
marchés faits fi le peuple prononce le même mot,
fait la même aétion, & va au cabaret : c’ eft que
chopen fignifie la paume de la main ; & que ,
chez les phéniciens , on difoit fraper un tra ité ,
pour dire fa ir e un traité. Cc ci nous apprend que
le nom vulgaire de la mefure du vin qui fe boit
parmi le peuple après un accord, ne vient que de
Ta&ion qui Ta précédé. T e lle s feroient les con-
hoiffances que Tétude de la langue phénicienne
offrir oit tantôt à la Grammaire & tantôt à l ’Hif-
toire. Ces exemples, pris entre mille de l ’un &
de l ’autre g en re, engageront peut - être un jour
quelques lavants à la tirer de Ion obfcurité ; elle
eft la première des langues favantes , &- d’ailleurs
e lle n’eft autre choie que ce lle de la Bible , dont
i l n’eft point de page qui n’offre quelques phénomènes
de cette elpèce. C ’eft ce qui nous a engagés
à propofer un ouvrage qui contribueroit infiniment
a developer le génie de la Langue hébraïque &
des peuples qui l ’ont p a rlée, & qui nous feroit
connoître la fingulière propriété qu’elle a de
pouvoir fe déguifer en cent façons , par des inversions
peu communes dans nos langues européennes, -
mais qui proviennent, dans celles de l ’A fie , de l ’ab-
fence des v o y e lle s , & de la façon d’écrire de gauche
a droite , & qui n’a point été naturelle à tous les
peuples.
V . I l nous refte à parler plus particulièrement
du génie de la Langue hébraïque , & de fon caractère.
C ’eft une langue pauvre de mots & riche
de fens ; fa richeffe a été la fuite de fa pauvreté,
parce qu’i l a fallu néceflairement charger une
même expreffion de diverfes valeurs, pour fuppléer
à la difette des mots & des lignes. E lle eft à la
fois très-Ample & très - compofée; très -fimple ,
parce qu’elle ne fait qu’un cercle étroit autour
d’un petit nombre de mots; & très-compofée , parce
que les figures, les métaphores , les comparaifons,
le s allufîons y font très-multipliées, & qu’i l y à
peu d’expre fiions où l ’on n’ait befoin de quelque
réflexion, pour juger s’i l faut la prendre au fens
naturel ou au fens figuré. Cette langue eft êx-
preffive & énergique dans les hymnes & les- autres
ouvrages où le coeur & -l’imagination parlent &
dominent. Mais i l en eft de cette énergie comme
de ! expreffion d’un étranger qui parle une langue
qui ne lui eft pas encore affez familière pour
qu’e lle fe prête à toutes fes idées ; ce qui l ’o b lig e ,
pour fe faire entendre, a des efforts de génie qui
mettent dans fa bouche une force qui n’eft*pas naturelle
a ceux qui la parlent d’habitude.
I l n’ y a point de langue pauvre & même fau-
v a g e , qui ne foit v iv e , touchante, & plus fou-
vent fublime , qu’une langue riche qui fournit a
toutes les idées & à toutes les fituations. Cette
dernière-, à la vérité , a l ’avantage de la netteté,
de la jufteflè, de la précifron ; mais e lle eft ordinairemênt
privée de ce nerf furnaturel & de ce
feu dont les langues pauvres & dont les langues
primitives ont été animées. Une langue telle que
ia françôife , par exemple , qui fuit les figures &
les allufiôns , qui ne fouffre rien que de naturel,
qui ne trouve de beauté que dans le fimple , n’eft
que le langage de l ’homme réduit à la raifon.
T a Langue hébraïque au contraire eft la vraie
langue de là Poéfie, de la Prophétie,. & de la
Révélation; un feu célefte l ’anime & la transporte
: quelle ardeur dans fes cantiques 1 quelles
fiiblimes images dans les vifions d’ilàïe ! que de
pathétique & de touchant dans les larmes de Jérémie
! on y trouve des beautés & des modèles en
tout genre. Rien de plus capable que ce langage
pour, élever une, ame poétique ; & nous ne craignons
point, d’afftirer que la B ib le , en un grand
nombre d’endroits Supérieure aux Homère & aux
V irg ile , peut infpirer èncore plus qu’eux ce génie
rare & particulier qui convient à ceux qui fe
livrent a la Poéfie. O n y trouve moins , à la
vérité , de ce que nous appelons méthode, & de
cette liaifon d’idées où fe plaît le flegme de l ’O c cident
: mais en faut - i l pour fencir? I l ,ëft fort
fingulier , & cependant fort v ra i, que tout ce qui
compofe les agréments & les ornements du langage
> & tout ce qui a formé l ’Éloquence , n’eft
dû qu’à la pauvreté des langues primitives ; l ’art
n’a fait que copier l ’ancienne nature , & n’a jamais
furpaffé ce qu’elle a produit dans les temps le»
plus arides. D e là font venues toutes ces figures de
Rhétorique, ces fleurs & ces brillantes allégories ,
où l ’imagination déploie toute fa fécondité. Mais
i l en eft fouvent aujourdhui de toutes ces beautés,
comme des fleurs tranfportées d’un climat dans un'
autre ; nous ne les goûtons plus comme autrefois,
parce qu’elles font déplacées dans nos langues,
qui n’en ont pas un befoin r é e l , & qu’elles ne
font plus pour nous dans le vrai; nous en fentons
le jeu , & nous en voyons l’artifice que les anciens
ne voyoient pas. Pour nous, c’eft le langage
de l ’art; pour eux, -c’étoit celui de la nature.
L a vivacité du génie oriental a fort contribué
auffr à donner cet éclat poétique à toutes les parties
de la Bible qui en ont été fufceptibles , comme
les hymnes & les prophéties. Dans ces ouvrages,
les penfées triomphent toujours de la ftérilite dé
la langue ; & elles ont mis à contribution le c i e l ,
la terre, & toute la nature , pour peindre les idées
où ce langage fe refufoit. Mais i l n’en eft pas
de même du fimple récitatif & du ftyle des annales;
Les faits, la clarté & la précifion néceffaires , ont
géné l ’imagination fans l ’échauffer: aulfr la diction
eft-elle toujours sèche , aride , concife , &
cependant pleine de répétitions monotones ; le
feul ornemerît dont i l paroit qu’on a cherché à
l ’embellir , font des confonnances recherchées , des
paronomafies , des métathèfes, & des allufiôns dans
les mots qui préfentent les faits avec un appareil
cjui ne nous paroitroit aujourdhui qu’affe&ation,
s’ i l falloit juger des anciens félon notre façon de
pénfer, & de leur ftyle par le nôtre.
Caïn v a - t - il errer dans la terre de N o d , après
l e meurtre d’A b el ? l ’auteur pour exprimer f u g i t i f
prend le dérivé de n a d a d , v a g a r i, pour faire
allufion au nom de la contrée où i l va.
Abraham part-il pour aller à Gerare , v ille
d’Abimélech? comme le nom de cette v ille fonne
avec les dérivés de gu r & de g e r , voyager &
vo y ag eu r , l ’Écriture s en fert par préférence à tout
autre terme , parce que peregrinatus e jl in Gérard
préfente par un double afpeét peregrinatus e jl in
peregrinatione.
Nabal r e f u f e - t - i l à David la fubfiftance ? on
voit à la fuite que chez Nabal étoit la folie , que
l ’Écriture exprime alors par nebalah.
Ces fortes d’allufions, fi fréquentes dans la Bible,
tiennent à ce goût que l ’on y remarque auffr de
donner toujours l ’étymologie des noms propres :
chacune de ces étymologies préfente de même un
jeu de mots qui founoit fans doute agréablement
aux oreilles des . anciens peuples ; elles ÎÏS font point
toujours régulièrement tirées ; & i l a paru aux
favants, qu’elles étoient plus fouvent des aproxima-
tions & des allufiôns que des étymologies vraiment
grammaticales. O n trouve même dans la
Bible plufieurs allufiôns différentes à l ’occafion d’un
même nom propre. Nous nous bornerons à un
exemple déjà connu. L e nom de M o ïfe , en hébreu
Mofcheh, que le vulgaire interprète retiré
des e a u x , ne fignifie point à la lettre re tiré, ni
encore moins retiré des e a u x , mais retirant, ou
celui qui retire. Si cependant la fi Lie de Pharaon
lu i a donné ce nom en le fauvant du N i l , c’eft
qu’elle ne favoit pas Y hébreu correctement, ou
qu’elle s’eft fervie d’un dialeâre différent, ou
qu’ elle n’a cherché qu’une allufion générale au
verbe mafehah , retirer. Mais i l eft une autre
allufion à laquelle le nom de Mofcheh convient
davantage; c.eft dans‘ces endroits'fi fréquents où
i l eft dit : M o ïfe qui vous a ou qui nous a retirés
d ’Eg ypte . Ici l ’allufion eft vraiment grammaticale
& régu lière, puifqu’elle peut présenter
littéralement, le retireur qui nous a retirés d’É g
y p te . C’eft un genre de pléonafme hiftorique
fort commun dans l ’Écriture, & duquel i l faut
bien diftinguer les pléonafrnes de Rhétorique, qui
y font encore plus communs ; fans quoi on cour-
roit le rifque de perfo'nnifier des verbes & autres
expreffrons du difrours, ainfi qu’i l eft arrivé dans la
Myth ologie des peuples qui ont abufé des langues de
rO r ien t .
. Cette fréquence d’allufions recherchées dans une
langue où Tes confonnances étoient .d’ailleurs fi
naturelles, d caufe du fréquent retour des mêmes
expreffrons, a de quoi nous, étonner fans doute;
mais i l eft vraifemblable que la ftérilité des mots
qui oblige oit de les ramener fouvent, eft ce qui
a donné lieu par la fuite à les rechercher avec
empreffement. Ce qui n’étoit d’abord que l ’effet
de la néceffité, a été regardé comme un agrément ;
& l ’oreille qui s’habitue à tou t, y a trouvé une
grâce & une harmonie dont i l a fallu orner une
multitude d’endroits qui pouvoient s’en palier. A u
refte , de tous les agréments de la diction , c’eft à
celui-là particulièrement que tous les anciens peuples
fe font p lu , parce qu’i l eft prefque naturel
aux premiers efforts de l ’efprit humain ; & que
l ’abondance n’ayant point été un des caractères de
leur langue primitive , ils n’ont point cru devoir
ufor du peu qu’ils avoient avec cette fobriété &
cette délicateffe moderne , ^enfants du luxe des
langu es.'Nou s en voyons même encore tous les
jours des exemples parmi le peuple, qui eft à
l ’égard du monde p o li ce que les premiers âges
du monde renouvelé font/ pour les nôtres. O n le
voit chez toutes les nations qui fe forment, ou
qui ne fe font pas encore livrées à l ’étude. O n ne
trouve plus dans Cicéron ces jeux fur les noms &
fur les mots fi fréquents dans Plaute ; & chez
nous les progrès de l ’eiprit & du génie ont £up-
primé ces concetti qui ont fait les agréments de
notre première Littérature. Nous remarquerons
feulement que nous avons confervé la Rime , qu i
n eft qu’une de ces anciennes confonnances fi familières
aux premiers peuples , dont nos pères l ’ont
fans doute héritée. Quoique fon origine fe perde
pour nous dans des fiècies ténébreux, nous pouvons
foupçonner que cette Rime ne peut être qu’un
préfent oriental, puifque ce nom même de R im e ,
qui n’a de racine dans aucune langue d’Europe, peut
lignifier dans ce lle de l ’Orient Y élévation de la voix
ou un fon élevé.
Nous ne fommes point entrés dans ce détail pour
faire des reproches aux écrivains hébreux , qui
n’ont point été les inventeurs de leur langu e, &
qui ont été obligés de fe fervir de ce lle qui étoit
en ufage de leur temps & dans leur nation : ils
n’ont fait que fe conformer au génie & au caractère
de la langue reçue & à la tournure de l ’efprk
national ,dont Dieu a bien voulu emprunter le goût
& le langage. Toutes les nations orientales ont
e u , comme les hébreux ^ ce ftyle familier en al-
lufîon ; & ceux d’entre eux qui ont voulu écrire
en langues européennes, n’ont pas manqué de fe*
dévoiler par là ; tels font , entre autres, ceux qui
ont compofé les iibylles vraies ou fauffes dont
nous avons quelques fragments. I l ne faut que ce
paffage apocalyptique pour y reconnoître le pays de
leurs auteurs.
E Tai XJ Sofoof tVa/ AiÏAos àJ'jjAof, xj P oe p pvp.'M
E t erit Samos arena , eût Delos ï g no ta , & Roma viens•
Nous ne devons donc trouver rien d’extraordinaire
ni de particulier dans le ftyle des livres
faints ; i l faut toujours avoir égard aux temps 8c
aux peuples ; la feule différence que nous devions
.G g i