
fondi les preuves , mais dont le fondement fe trouve
chez les grecs mêmes , à qui l ’on prête a£fez légère-
jment des vîtes tout oppofées. -
Quoi qu’i l en foit , la lettre h a dans notre orthographe
différents ufagcs qu’ i l eft effenciel d’ob-
ferver.
I* Lorfqu’e lle eft feule avant une v o y e lle dans
la même jfyllabe, e lle eft afpirée ou muette.
i ° . Si elle eft afpirée, elle donne au fon d e là ,
v o y e lle fuivante cette explofion marquée qui vient
de l’augmentation de la force expuliïve ; & alors ’
e lle a les mêmes effets que les autres conformes, j
S i e lle commence le mot , e lle empêche l ’élifîon
de la v o y e lle finale du mot précédent, ou e lle en
rend muette la confonne finale. A in f ï, au lieu de
dire avec élifion fu n e jl3 hafo.nl en quatre fyllabes, ■
comme fu n e j l ’ ardeur, on dit fun e jl - e - Hafard ,
en cinq f y lla b e s c om m e fu n e fl-e - combat / au
contraire, au lieu de dire au pluriel fu n e jïe - s -
ha fa rd s , comme fun e fle -s -a rd eu r s , on prononce -
fans s funejïe hafards , comme funejïe3 combats.
z ° . S i la lettre h eft muette elle, n’ indique
aucune explofion pour le fon de la v o y elle fui-
v an te , qui refte dans l ’état naturel de fïmple émifi-
fion de là voix j dans ce cas , h n’â pas plus d’in fluence
fur la prononciation que fi elle n’étoit point
écrite : ce n’eft alors qu’une lettre purement étymologique
, que l ’on conferve comme une - trace du
mot radical ou elle fe trouvoit, plus tôt que comme
l e fîgne d’un élément réel du mot où elle eft I
employée ; & fi elle commence le mot, la lettre
finale du mot précédent;, foit vo y e lle foit confonne,
eft réputée fuivié immédiatement d’une v o yelle .
A in f ï, au lieu de dire fans élifion titr-e honorable,
comme titr-e favorable , on dit titr3 hono- I
râble avec élifion , comme titr onéreux : au contraire
, au lieu de dire au pluriel titre3 honorab
le s , comme titre’ f avorables, on d i t , en pro- J
nonçantvf , titre-s-honorables, comme titre-s-oné-
reux.
Notre diftinftion de l ’/z afpirée & de 13h muette
répond à ce lle de l ’efprit rude & de l ’efprit doux
des grecs : mais notre manière eft plus gauche que
ce lle des grecs3 puifque leurs deux efprits avoient
des lignes différents, & que nos deux h font indifeer-
nablespar la figure.
I l femble qu’i l auroit été plus raifonnable de
{opprimer de notre orthographe tout caractère
muet ; & celle des italiens doit par là même arriver
plus tôt que la nôtre à fon point de perfection
, parce qu’ils ont la liberté de fupprimer les h
muettes : uomo , homme ; uominij hommes ; avéré ,
avo ir, &c. •
Nous pourrions peut-êt-re attacher une cédille au
fécond jambage de 13h afpirée, puifque l ’afpirarion
eft un véritable fifflement : ce moyen bien fïmple
lèverait toute équivoque , & ï h fans cédille ferait
muette.
I l ferait du moins à fouhaiter que l ’on eût J
quelques règles générales pour diftinguer les mots
ou Io n afpire h , de ceux ou elle eft muette : mais
celles que quelques-uns de nos grammairiens ont
imaginées font trop incertaines, fondées fur des
notions trop éloignées des connoiffances vulgaires ,
^ Ibjettes a trop d’exceptions : i l eft plus court 8c
plus sur cfe s en raporter à une lifte exaifte des
n^ots 1 on afpirè. C ’eftie parti qu’ a pris l ’abbé
d O l i v e t , dans fort excellent Traité de la P ro -
fo d ie fran çoife : le leéteur ne fauroit mieux faire
que de confulter cet ouvrage , qui d’ailleurs ne
peut etre trop lu par ceux qui donnent quelque foin
à l ’ étude de la langue françoife.
II. Lorfque la lettre h eft précédée d’une confonne
dans l a même fy lla b e , e lle eft ou purement
étymologique, ou purement auxiliaire, ou étymologique
. 8c auxiliaire tout à là fois. E lle eft étymologique
, fi elle entre dans le mot écrit par imitation
du mot radical d’où i l eft dérivé ; elle eft auxilia
ire , fi elfe fert à changer la prononciation naturelle
de laconfonne précédente.
Les confonnes après lefquelles nous, l ’employons
en français font c , l , p , r , t.
i ° . Après la confonne c , la lettre h eft purement
auxiliaire, lorfqu’avec cette confonne elle
deyiçnt le type de l ’articulation forte dont nous
repréfencons la foible par j , & qu’elle n’indique
aucune afpiration dans le mot radical : telle eft la
valeur de h dans les mots chapeau, cheval, chameau
, chofe, chute , &c. L ’orthographe allemande
exprime cette atticulation par fe h , & l ’orthographe
angloife par sh.
Après c la lettre h eft purement étymologique
dans plufîeurs mots qui nous viennent du grec ou
de quelque langue orientale ancienne, parce qu’e lle
ne fert alors qu a indiquer que les mots radicaux
avoient un k afpiré , & que dans le mot dérivé
elle laiffe au c la prononciation naturelle du k' ,
comme dans les mots A ch d ie , Cherfonêfe, Chiromancie
, Chaldée , Nabuchodonofor, A ch a b ,
que l ’on prononce comme s’i l y avoir A k a ïe , K e r -
Jon è fe , K iromand e , Ka ld é e , Nabukodonofor,
A k a b . • '
Plufîeurs mots de cette cla ffe , étant devenus plus
communs que les autres parmi le peuple , fe font
infenfiblement éloignés de, leur prononciation originelle^,
pour prendre ce lle du ch françois. Les
fautes que le peuple commet -d’abord par ignorance
, deviennent enfin ufàge à force de répétitions,
& font l o i , même pour les favants. On prononce
aujourdhui à la françoife j archevêque, archidiacre
j Achéron prédominera enfin, quoique l ’Opéra
paroiffe encore tenir pour Akéron. Dans ces mots.,
la lettre h eft auxiliaire & étymologique tout à la
fois.
Dans d’autres mots de même origine , où e lle
n’étoic qu’étymologique, elle en a été fupprimée
totalement ; ce qui affine la durée de la prononciation
originelle de l ’orthographe analogique-;
tels' font les mots caractère, c o l è r e c o l iq u e , qui
s’écrivoient autrefois chafaclère , cholère, cholique.
Puiffe l ’ufage amener infenfiblement la fuppreffion
de -tant d’aucres lettres qui ne fervent qu’ à défigurer,
.notre orthographe ou à i ’embarraffer 1
i ° . Après la confonne l la lettre h eft purement
auxiliaire dans quelques noms propres, où elle
donne à / la prononciation mouillée ; comme dans
M ilh a u d ( nom de v i l le , ) où la lettre / fe prononce
comme dans billot.
30. H eft tout à la fois auxiliaire 8c étymologique
dans p h i elle y eft étymolog ique, puifqu’elie
indique que le mot vient de l ’hébreu ou du grec ,
8c qu’i l y a à la racine un p avec afpiration , c’eft
à . dire , un p h é £ , ou un p h i cp,* mais cette lettre
'eft en même.temps auxiliaire, puifqu’elie indique
un changement dans la prononciation originelle
du p , 8c que p h eft pour nous un autre fymbole
de f articulation déjà défignée par f A in f ï, nous prononçons
Jofeph, ph ilo foph e, comme s’i l y avoit
J o f e f , f ilo fo fe .
Les italiens emploient tout fimplement f au
lieu de p h ; en c e la , ils font encore; plus fages
que nous , &~n’en font pas moins bons étymoloé
ftes- \ .
4°. Après lés confonne? r 8c t , la lettre h eft
purement étymologique ; elle n’a aucune influence
fur la prononciation dé la confonne précédente, 8c
e lle indique feulement que le mot eft tiré d’un
mot grec ou hébreu, où cette confonne écoit accompagnée
de l ’efprit rade, d e l’afpiration, comme
dans les mots rhapfodie , rhétorique , théologie ,
Thomas. On a retranché cette h étymologique
de quelques.mots , & l ’on a bien fait; ainfï, Io n
écrit tréfor, trône fans A,* & l ’orthographe y a gagné
un degré de Amplification.
Qu’i l me foit permis de terminer cet article par
une conjefture fur l ’origine du nom ache que Io n
donne à la lettre h , au lieu de l ’appeler fimplement
h e , en «fpirant ï e muet, comme on devrait
appeler be, p e , de ,m e , 8cc, les confonnes b , p , d ,
m j Sec.
O n diftingue dans l ’alphabet hébreu quatre le t tres
gutturales , V ? f î , H , X , aleph , h é , kheth ,
à in , 8c on les nomme ahécha ( Grammaire hébraïque
, par M. l ’abbé Ladvocat, pag. 6. ) . Ce
mot faétice eft évidemment réfulté de la fomrne
des quatre gutturales, dont la première eft a , la
fécondé h é , la troifième kh ou cA ,& l a quatrième a
ou ha. O r , ch , que nous prononçons quelquefois
comme dans Chalcédoine, nous le prononçons aufîi
quelquefois comme dans chanoine ; & en le prononçant
ainfï dans le mot faétiee des gutturales
hébraïques, on peut avoir dit de notre h que c’étoic
une lettre gutturale, une lettre ahécha, par contraction
une acha , & avec une terminaifon françoife
, une ache. Combien d’étymologies reçues qui
ne font pas fondées fur autant de vraifemblance !
• ( M. P eauzée. )
H A B I L E , Grammaire. Terme adjeétif, q u i,
comme prefque tous lés autres , a des acceptions
diverfes, félon qu’on l ’emploie : i l vient évidemment
du latin habïlis , 8c non pas , comme le
prétend P ez ron , du celte abiT, mais i l importe
plus de favoir la fignification des mots que leur
Iburce.
En g én é ral, il fîgnifie plus que capable, plus
qu in f ir u i t , foit qu’on parle d’un Généra l, ou d’un
la\ rânt, ou d’un juge. Un homme peut avoir lu
tout ce qu’on a écrit fur la guerre & même l’avoir
vue , fans être habile à la faire : i l peut être capable
de commander ; mais pour aquérir le nom d’habile
G én é ra l, i l faut qu’i l ait commandé plus d’une, fois
avec fuccès.
Un juge peut favoir toutes les lois , fans être
habile a les appliquer. L e lavant peut n’être ha*
bile ni a écrire ni à-enfeigner. L habile horpme
eft donc celui qui fait un grand ufage de ce qu’i l fait.
L e capable p eu t, 8c Y habile exécute.
C e mot ne convient point aux -arts de pur génie j
on ne dit pas un habile poète , un habile orateur j
8c fi on le dit quelquefois d’un orateur, c’eft lor V i l
s eft tire avec habileté , avec dextérité ^ d un fujet
épineux.
Par exemple , Boffuet ayant à traiter, dans l ’orai-
fon funèbre du grand Condé , l ’article de fes guerres
c ivile s, dit qu’i l y a une pénitence auflî glorieufe
que l ’innocence même : il manie ce morceau habilement
, & dans le refte i l parle avec grandeur. . ’
On dit habile hiftorien, c’eft à dire , hiftorien
qui a puifé dans de bonnes fources , qui a comparé
les relations , qui en juge fainement, en un
m o t , qui s’eft donné beaucoup de peine. S’i l a
encore le don de narrer avec l ’éloquence' convenable
, i l eft plus qu3habile ; i l eft grand hiftorien ,
comme T it e -L iv e , de Thou.
L e nom à3H a b ile convient aux arts qui tiennent
à la fois de l ’efprit & de la main, comme
la Peinture, la Sculpture. On dit un habile peintre
, un habile fculpteur , parce que ces arts fup-
pofent un lon g aprentiffage ; au lieu qu’on eft
poète prefque tout d’un coup , comme V irg ile ,
O v id e , &e j & qu’on eft même orateur fans avoir
beaucoup étudié, ainfï que plus d’un prédicateur.
^ Pourquoi dit - on pourtant habile p rédicateur ?
c’eft qu alors on fait plus d’attention à l ’art qu’à 1 Éloquence; 8c ce n eft pas un grand éloge. On
ne dit pas du fublime Boffuet, C ’eft un habile
fa ife u r d3 or aifon s funèbres. Un fïmple joueur d’inf-
truments eft habile ; un compofîteur doit être plus
opèhabile, i l lui faut du génie. L e metteur en oeuvré
travaille adroitement ce que l ’homme de goût a
deffiné habilement.
Dans le ftyle comique, Habile peut fignifier
D ilig e n t ? Emprejfé. Molière fait dire à M. L o y a l ;
t . . . . Que chacun fort habite
A vider de .céans jufqifau moindre uftenfile. ■