
On voit par ces exemples avec quel art C icéron
plaçoit le verbe, félon qu'il avoit plus ou
moins de rapidité ou de lenteur , fpoponderim
dignitatem ,* reipublicoe refervate. Telle étoit
la magie de cette profe , inimitable dans nos langues
modernes ; & fi l'on ne veut pas m'en croire ,
qu’on écoute Cicéron lui-même , parlant de l'art
qu'il y employoit. Si dans cette phrafe , dit-il ,
Neque me divitia movent r q u itu s omties a fr i-
canos & leelios multi venalitii mercatorefque
fu p e râ ru n t, j'avois mis , par exemple , multi fu -
perâruht mercatores venalitiique ; tout étoit
perdu , perierit tota res. Il n’auroit pourtant fait
que déplacer le verbe. De même , ajoute-t-il ,
dans celle-ci, Neque v e f iis , aut coelatum aurum
& argentum ( me movet ) quo nojlros veteres
Marcellos Maximofque multi eunuchi è Sy riâ
Æ g y p to q u e vicerunt ; fi j’avois dit vicerunt eunuchi
è Syriâ Æ g y p to qu e : voyez combien un
léger déplacement des mots auroif réduit a rien
& l ’exprefhon & la penfée, quoiqu'il n'y eut pas
un feul mot de changé. P ’idefne u t , ordine ver-
borum pau lum commutato , iifdem verbis, jla n te
fen ten tiâ , ad nihilum omriia recidant , quum Jînt
e x aptis difioluta ? Au contraire i l cite un endroit
d'une harangue de Gracchus, où l'Orateur a
négligé le Nombre : A,beJJe non p o t e j i , quin
ijufdem hominis f i t probos improbare , qui im-
probos p rotêt- Combien la phrafe n’eût-elle pas été
mieux conftruite , obferve - 1 - i l , fi Gracchus avoit
dit : Qu in ejufdem hominis f i t qui improbos
p r o t ê t , probos improbare ?
On a reproché à Cicéron l'ulage trop fréquent
de Yejfie videatur. Mais on vient de voir que fans
yideatiar, il {avoit clorre fes périodes $, & que non
feulement il varioit les mots , mais qu’i l varioit
au flî avec le plus grand foin le Nombre de fes
défînences.
Je terminerai cet article par les préceptes généraux
qu'il nous donne à l'égard du Nombre ,
dans le livre de Oratore, en fêlant parler l'Orateur
Cralfus j & de ces préceptes chacun s'appliquera
ce qu’en peut comporter fa langue.
Ejficiendum e fi ïttud modo vobis , ne f lu a t
cr.atio y ne v a g e tu r , ne infiftat interiàs , ne
exeurrat longius. Neque femper utendum efi p erp
e tü i ta t e ..............f e d ftep e carpenda membris
minutioribus oratio efi; quoe tamen ipfa membra
fu n t Numéris vincienda.
Neque .vos pceon aut herous i lle conturbet.
Jpfi occurrent orationi : ipfiy inquam, f e o fiè r en t,
& refpondebunt non vocati. Confuetudo modo
ilia f i t J cribendi atque dicèndi , ut fentendre
verbis fin ia n tu r , eorumque verborum ju n c tio
nafcatur à proceris Numéris ae lib e r is , maximi
heroo , & poeone priore au t cretico ; J ed varié ,
dffiinclèque confidat. N ota tu r enim maximè f i -
militudo in conquiefcendo : & f i primi , & p o f-
tremi i ll i pedes fu n t hac ratïone f e r v a t i , medii
pofiunt latere ; modo ne circuitus ïpfe verborum
f i t au t brevior quam aures expeé tent, aut Ion-
g io r quam vires atque anima p atiatur.
Glaufulas autem d iligendù s eùam fervandas
efie arbitror quam fuperiora : quod in his max
imè perfeclio atque abfolutio ju dica tu r. Nam
verfûs aque prima & media & extrema par s
attenditur y qui debilitatur , in quâcumque f i t
p a r te titubatum. In oradone autem, primapauci
cernunt ; pofirema r plerique : quxe , quoniam
apparent ù intelliguntur , varianda f u n t , n e ,
aut animomm ju d ic iis repudientur, au t aurium
fa tieta te . ( de Orat. L . m . )
T e l le fut la théorie de celui des hommes qui
dans ià langue a donné le plus d'harmonie à la
profe.
L e plus louvent je me dilpenfe , ou plus tôt je
m’abftiens de le traduire , pour trois raifons : i°»
parce q u e , même en fait de g o û t , ce qui a force
de^loi doit être cité à la lettre ; i ° . parce que
j:’ai de la répugnance à priver le leCtëur des
charmes d’une langue qui m'enchante moi-même ;
30. parce que je ne fuppofe pas que ceux à qui
l'étude de l ’Éloquence peut être néceffaire, ignorent
la langue de Cicéron.- Les traductions n’ont
déjà fait que trop de leéteurs parelfeux. [M. M.AR-
MON TEL. }.
N O M IN A T I F , f. m. Dans les langues qui ont
admis des cas r c'eft le premier de tou s,, & avec
raifoir, puîlque c'eft celui qui prélente l'idée objective
de la lignification du nom fous le principal
alpeCt, fous: le point de vue même qui a fait inf*
tituer les noms : car les noms font fürtout né-
ceffaires dans le langage , pour préfenter à l'elprit y
d'une manière diftinCte, les- différents fiijets dont
nous reconnoiifons les attributs par nos penfées*
O r te lle eft. Ipécialement la deftiriation du N o m
in atif; c'eft d'ajouter, à l'idée principale du nom,
l ’idée acceffoire du fujet de l a proportion ; & c'eft
par conféquent le cas où doit être le fujet de tout
verbe qui eft à un mode perfonnel. V oy e \ Mode.
P op u lu s romanus hélium i n d i x i t hafi.es fu g e -
r u n t , fu n u s procedit- -
C'eft a caufe de cette deftinatron que Ton a
ap pelé ce cas N om in a tif ■> mot tiré de nomen
même , pour mieux indiquer que , fous cette forme,
le nom eft employé pour la fin qui l'a fait inf-
tituer. C ’eft encore dans le même fens que ce cas-
a- été appelé r e c lu s , direét, pour dire qu'il ne
détourne pas le nom des vues de fon inftitution :
les- autres font appelés o bliq ui, obliques, par une
rai-lon contraire. J'Ôfe croire que cette- explication
eft plus raifonnable que les imaginations détaillées
fériéufement par Priicien ( L i t . V de caf. ) , &
réfutées au fil férieufement par S caliger ( D e c a u f
ling . lat. l i t . IV cap. lxxx. )
Quelques grammairiens modernes ont encore
voulu donner à ce cas le nom de f u b j e t î i f , pour
mieux caraCtérifer l ’ufage qu’i l en faut faire. Je
crois que l ’ancienne dénomination étant fans équivoque,
une nouvelle deviendroit fuperflue, quelque
exprelfive qu elle put etre.
G n demande très-férieufement fi le N o m i n a t i f
eft un cas proprement dit ; & ce qu'il y a de plus
finguüer, -c'eft que l ’unanimité eft pour la négative.
D u Marfais lui - même ( a r t i c l e C a s ) , &
Lancelot ayant lui ( G r am m . g é n é r a le p a r t . I l ,
c h . v j . ) , l'ont dit ainfi. « I l eft appelé c a s par
>» extenfion , dit du Marfais, & parce qu’i l doit
».fe trouver dans la lifté des autres terminaifons
»du nom. I l n'eft pas proprement un cas , dit
» Lancelot j mais la matière d’où fe ^ forment
» les cas par les divers changements qu’on donne
» à cette première terminailon du nom ». Je dirais
volontiers ic i , q u a n d o q u e b o n u s d o rm i -
t a t H o m e r u s . Ces deux excellents grammairiens
conviennent l'un & l ’autre que les cas d'un nom font
les différentes terminaifons de ce nom ; on le voit
par les textes mêmes que je viens de rapporter :
niais i l eft certain que les noms font terminés au
N o m i n a t i f comme aux autres cas , puifqu un mot
fans terminaifon eft impoffible : le N o m i n a t i f eft
donc un cas auffi proprenunt bit que tous les
autres.
M a is c 'e f t , dît-on ; l a matiè re d'où fe forment
le s autres cas. Qu an d c e la fe r o i t , i l n'en fer o it
pas moins un cas , p u ilq u i l fe ro it d une termina ifon
différente de c e lle s qu e l ’ on en fo rm e ro it. M ais c e la
m êm e n’ eft pas ab fo lum en t v r a i , comme on l e donne
à entendre : i l faud ro it qu nadf on a jou tâ t au Nomi- le s autres te rm in a ifon s , & q ue de dominas ,
pmairn euxfeummp le , on formâ t dominuji, dominufo , do-, & c . O n ne l e fa it p o in t ; on ô te la
terminaifon nominative, q u i eft us, & on y fubf-
tmitiune le s autres , i , o, uni, & c . C 'e f t donc de do- q u 'i l fau t dire qu’ i l n’ eft p o in t un cas , ou p lu s
tô t qu’i l eft fans, ca s , p a rc e qu’ i l eft fans terminaifon
fignifica tive ; mais auffi domin n’ eft pas un mot. vqye-{ Mot.
I l y a plus : les mêmes grammairiens avouent
ailleurs que le génitif fert a former les autre?
cas ; & cela eft vrai en un fens, puifque les cas
qui ne doivent point être femblables au N o m in a t
i f , ne changent qu'une partie de la terminaifon
génitive : de lu m - e n vient le génitif l u m - i n - i s , &
de c e lle - c i, l u m - i n - i , l u m - i n - e , lu m - i n - a , lu m -
i n - u m , l u m - i n - i b u s . C'étoit donc plus tôt fur le
génitif que devoit tomber le doute occafibnné par
cette formation; & l'on pouvoit autant'dire que le
génitif n'étoit cas que par extenfion.
Quand l a termina ifon du g é n i t i f a p lu s de f y l -
labes q ue c e l l e du N om in a t if, on dit que le g é n
i t i f & le s autres cas q u i en fon t form é s , ont un
crément : a i nfî i l y a un crément dans luminis ,
p a rc e qu’i l y a une f y lla b e de p lu s q u e dans lu -
picn ; i l n’y en a p o in t dans domini, pa rc e qu ’i l
n'y a pas plus de fyllabes que dans dominas. Dans
la Grammaire grèque on ap pelle p a fily llab es, les
déclinaifons des noms dont le génitif fingulier n’a
pas de crément ; & imparifyllabes, celles des noms
dont le génitif a un crément.
D e la deftination elfencielle du N om in a t if \ il
fuit deux conféquences également néceffaires.
L a première y c’ eft que tout verbe employé à un
mode perfonnel fuppofe avant foi un nom au N o m
in a t if qui en eft lé fujet : c’eft un principe qui
a été démontré directement au mot Impersonnel ,
& qui reçoit ici une nouvelle confirmation par ùl
liaifon nécelfaire avec la nature du N om in atif.
L a fécondé, conféquence eft l ’invetfe de c e lle - c i,
& fort plus directement de la notion du cas dont
i l s'agit : c'eft qu'au contraire tout nom au N o m
in a t if fuppofe u ti verbe dont i l eft le fujet ; & fi
ce verbe n’eft point exprimé, la plénitude de la
conftruCtion analytique exige qu’i l foit fuppléé.
On a déjà vu ( Interjection ) que ecce homo veut
dire ecce homo adefi : Tum quidam e x illi s quos
x p r iu s defpexerat, contenais noftris f i fu ijfe s fe -
d ib u s , &c. ( P hæ d . I , i i j , i%. ) c’eft à dire , tum
quidam e x illis quos prius defpexerat, dixit e i ,
fit, &c. N u lli nocendum. {Id. X V l,x x v j, 1.) fuppléez
efi. Les titres des livres font au N om in a t if par
la même raifon : Terentii comoedioe , fuppléez/im£
in hoc volumine , & ainfi des autres.
Je ne dois pas oublier que Ton dit communément
du fujet du verbe, qu’ i l eft le N om in a t if du verbe ;
expreffion impropre, puifque le N om in a t ifne peut
être cas que d’un n om , d’un pronom, ou d’un ad-
jeCtif. Que l ’on dife que te l nom eft au N om in a t if
parce qu’i l eft fujet de te l verbe ; à la bonne heure,
c’ eft rendre raifon d’un principe de Syntaxe : mais
i l ne faut pas confondre les idées. ( M.. B e a u z é e .)
(N . ) N O M M E R , A P P E L E R . Synoym.
O n nomme pour diftinguer dans le dilcours. O *
appelle pour fajre venir dans le befoin.
L e Seigneur appela tous les animaux, & les
nomma devant Adam, pour l'inftruire de leurs noms ;
te l eft le fens du texte hébreu.
I l ne faut pas toujours nommer les chofes par
leurs noms , ni ' appeler toutes fortes de gens à foa
fecours. ( U abbé Gi r a r d . )
( N . ) N O T E S . R EM A R Q U E S . O B S E R V A T
IO N S . R É F L E X IO N S . Synon.
Le s Notes difent quelque chofe de court & de
précis. Les Remarques annoncent un choix & une
Siftin&ion.LtsObfervations défignentquelque chofe
de critique & de recherché. Les R é fle x ion s expriment
/feulement quelque chofe d’ajouté aux pen-
fées de l ’auteur.
L e s Notes fon t fou v ent néceffaires. L e s Remarques
fon t q u e lq u e fo is u tile s . L e s Obfervations
doivent être favantes. L e s R é fle x ion s u t font p a s
toujours juftes. *