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cet homme n’a jamais vu ni lu la B ib le , i l eft
. très-certain qu’i l n’en viendrait jamais à bout ,
poflédât-il cette langue avec autant de perfection
qu’i l pourroit pofféder le grec ou le latin. Mais
i l n’en a pas été de même des premiers traducteurs ,
hébreux de nation: verfés dès l ’enfance dans la
leCture de leurs livres faints , difcipies & fucçef-
feurs d’une fuite non interrompue de prêtres &
de favants , poffefleurs enfin de la tradition &
des connoifiances de leurs pères , ils ont eu des
fecours particuliers qui leur ont tenu lieu de ceux
que nous tirons de cette multitude d’ auteurs grecs
ou latins que nous confiiltons & que nous comparons
lorfque nous voulons traduire un auteur de
î ’une ou de l ’autre langue ; fecours littéraire dont
tout traducteur de la Bible feroit aujourdhui p r iv é,.
parce que c’eft le feul livre de fou langage , &
que ce langage n’exifte plus nulle part. Auffi
n eft-il plus queftion, depuis bien des fiècles , de
traduire la Bible ; & les différentes éditions que
nous en avons ne font - elles que des révifîons
d’après les plus anciennes verfions comparées & corrigées
d’après les textes les plus anciens & les plus
correCts.
Le s difficultés dont nous avons parlé ne peuvent
donc inquiéter perfonne , puifqu’i l n’eft plus que ftion
de traduire les fàintes Écritures, & que nous
devons avoir une pleine & entière confiance aux
premiers traducteurs, en ne jugeant pas de leur
travail par le travail laborieux où les modernes
s’épuifèroient en vain , f i , fans l ’appui de la tradition
& des traductions anciennes , ils vouloient
s’efforcer d’en trouver le fens avec la feule aide de
leur grammaire & de leur dictionnaire.
Mais eft-il bien sur que de tous les fens poffiblës
que l ’on pourroit donner aux exprefiions, les auteurs
des premières verfions & leurs prédécef-
feurs dans la fcience & dans la tradition, ayent pu
çonferver le feul & véritable fens du texte au
travers de ces ficelés nombreux d’idolâtrie & d’ignorance
où le peuple hébreu a paffé , comme tant
d’autres peuples de la terre ? Nous pouvons aflùrer
en général que la Bible a été bien traduite ; 8c
nous pouvops en juger le livre à la ma in , parce
que fi ceux qui nous i ’ont fait paffer n’eufient pas
eu une véritable & une profonde connoiffance de
cette langue , nous n’y verrions point cet enfemble
& cette connexite entre tous les évènements : nous
n’aurions que des faits déçoufùs, fans liaifon &
lans raport, que des fentençes ifblées , fans fuite
& fans harmonie entre elles ; ou pour mieux
d ire , nous n’aurions rien , puifqu’on ne pourroit
donner un nom aux fantômes imparfaits & fans nombre
que des demi-connoiflances & l ’imagination y
pourraient voir.
I l eft vrai qu’i l y a quelques expreffions dans
la Bible , qui ont été un fujet de difpute & de
critique ; mais ces expreffions ne font pas le corps
entier du livre. L e latin & le g re c , quoique pl\js
modernes & plus connus, ne font pas à l ’abri des
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épines littéraires ; c’eft le fort des langues mortes :
voila pourquoi i l eft arrivé & i l arrive encore que
les verfions de la Bible fe châtient & s’épurent
par une fage critique , qui étudie le fens , pèse
les mots , les combine & le s compare peut - être
avec plus de fagacité qu’on n’étoit en état de le
faire dans quelques-uns des fiècles précédents. Mais,
nous le répétons , ces expreffions ne font pas le
livre & quoiqu on puiffe nommer en général un
grarul nombre de corrections faites depuis le concile
de y re p te , la vulgate qu’i l a approuvée n’en eft
pas moins une Bible fidèle , authentique, & canonique
; parce que la . foi ne dépend pas fans doute
des progrès de la Grammaire , & que les révifeurs
modernes n ont pu s’écarter des traductions primitives
qù ils ont toujours eues devant les y e u x , pour
etre leurs guides & la baie de leur travail. L a
Bib le , telle que nous l ’avons, eft donc tout ce
q u e lle doit être & tout ce q u e lle peut être ; e lle
n a jamais été autre q u e lle n’eit préfentement , &
ne fera jamais rien de plus. Émanée de l ’Efprit
fam t, i l faut qu’elle foie immuable comme lui ,
pour etre a jamais & comme par le paffé le premier
monument de la R e lig ion , & le livre facré de l ’inf-
truCtion des nations.
Si une multitude de cabaliftes, de têtes creufes
& fuperftitieufes , ont cependant été dans cette opinion,
que le texte facré nous cache des fciences
profondes, des vérités fublimes, ou une Morale
myftique envelopée fous une apparence hiftorique ,
& qu’i l faut chercher toute autre chofe que ce que
le fimpie vulgaire y voit : ce n’ eft qu une folie
& qu’un abus, dont i l faut en partie chercher les
fources ~ dans le génie de ces langues primitives $
& l ’antiquité même de ces opinions & de ces traditions
infenfées prouve en e ffe t, qu’on ne fauroit
remonter trop haut pour en trouver l ’origine. L a
variété des fens que préfehte à une imagination
échauffée l ’écriture' ancienne & le langage qu’e lle
exprimoit, ont du produire, comme nous avons
dit, ces fciences abfiirdes & frivoles qui ont conduit
l ’homme à la Fable & à la M y th o lo g ie , en
réalifant & perfonnifiant les fens doubles , triples ,
& quadruplés de chaque mot. En fe familiarifant
par là avec l ’illufion & l ’erreur , I’or s’eft infen-
fîblement mis dans le goût de parodier les faits
par des figures & des allégories, comme on avoit
parodié les mots, en abulanc de leur v a leu r , en
les déguifant par des métathèfes & des anagrammes.
L e premier pas a conduit au fécond; & rHiftoire
a de même été regardé e comme une çnjgïne feien-
tifique & comme le v o ile de la fagefle èc de la
Morale. T e lle a éçé fans doute l ’origine de tous
les fonges myftiques & cabaliftiques des chimères,
qui depuis une multitude de fiècles ont eu un règne
prefque continu. I l eft à la vérité prefque éteint
mais on connoît encore des efprits foibles qui eqref?
peélent la mémoire.
Nous n’avons point ici eu en vue de blâmeç
généralement tous ceux qui ont cherché des doubles
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fens dans les livres faints. Les évangéliftes & les
faints do&eurs de la primitive Églifé , qui en ont
donné qoelquefois eux-mêmes une double interprétation
, nous montrent que ce n’a pas toujours
été un abus. Mais ce qui écoit fans doute le don
particulier de ces premiers âges du chriftianifme
& ce qui étoit l ’effet d’une lumière furnaturelle
dans les apôtres & leurs fuccefleurs , n’appartient
pas à tous les hommes.: pour trouver le double
lens d’un livre infpiré', il'fa u t être infpiré foi-
même ; & dans un liècle auffi religieux qu’éc la iré,
on doit porter affez de refpeét à i ’ infpiracion pour .
ne point l ’affeéter lorfqu’on n’en a point une
million particulière. A quoi d’ailleurs pourroit
fervir de chercher de nouveaux fens dans les livres
de la Bible ? Depuis tant de milliers d’années qu’ils
font répandus par tout le monde , iis font connus
fans doute ou ne le feront jamais : i l eft donc
temps de renoncer à un travail, dont on doit re-
connoître l ’inutilité & redouter tous les dangers.
Puifque la Religion a tiré de ces livres tout le
fruit q u e lle devoit en attendre , puifque les cà-
baliftes &c les myftiques s’y font épuifés par leur
illufion & s’en font à la fin dégoûtés; i l convient
aujourdhui d’étudier ces monuments refpeétables de
l ’antiquité en littérateurs , >en philofophes même,
8c en hiftoriens de l ’efprit humain.
C ’eft , en terminant notre article , à quoi nous
invitons fortement tous les favants. Ces livres &
cette langue, quoique confacrés par la R e lig io n ,
n’ont été que trop abandonnés aux rêveries & aux
faux myftères des petits génies^ c’ éft à la folide Philo
fophie a ie s revendiquer à fon tour, pour en faire
l ’objet de fes v e ille s ; pour étudier, dans la Langue
hébraïque, la plus ancienne des langues favantes ;
& pour en tirer, en faveur de la raifbn & du progrès
de l ’efprit humain, des connoifiances qui corref-
pondent dignement à celles qu’ y ont puifées dans
tous les temps la Morale & la Religion. ( A n O- .
N Y m e . )
H É B R A Î S A N T , particip. pris fubftantivem.
Grammaire. O n dit d’un homme qui a fait une
étude particulière de la langue hébraïque, C ’eft
un Hébraifant. Mais comme les hébreux étoient
fcrupuleufement attachés à la lettte de leurs écritures
, aux cérémonies qui leur étoient preferites ,
& à toutes les minuties de la lo i ; on dit auffi
d’un obfervateur trop fcrupuleux des préceptes de
l ’Évangile , d’un homme qui fuit en aveugle fes
maximes , fans reconnoître aucune çirconftance. où
i l fo.it permis à fa ràifon de les interpréter, C’ eft un
Hébraifant. ( M-, D i d e r o t . Y .,,1
* (N.) HÉ BRAÎSME , f. m. Manière de parler propre
à la langue hébraïque. Voye-^ I d i o t i s m e . Les
écrivains facrés étant ou hébreux ou helléniftes ,
nous ont donné les livres faints avec toutes les
locutions propres à leur langue : ceux qui les ont
traduits en grec ou en latin , ont rendu littérale-
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ment ces locutions, de peur , en les changeant ,
de donner quelque atteinte au vrai fens du texte
primitif. D e là vient qu’i l n’y a prefque aucun
verfet de l ’Ecriture faime , où l ’on ne trouve quelque
H é b r a ï fm e ,• & c’eft là une des principales caufes
de l ’obfcurité des livres faints. Tous ceux qui par
état doivent étudier ces ouvrages divins, ne font
pas à portée d’en étudier la langue primitive ; mais
on peut leur indiquer ici quelques écrits , où ils
trouveront fur les H é b r d i fm e s des fecours abondants
pour les entendre. L a G r a m m a i r e h é b r a ï q u e ,
de M a fc le f, z e édit, de 1 7 3 1 , à Paris, a fur cet
objet des détails sûrs , lumineux, & utiles -, c h . 14 ;
§ 7 , 8 , 5> : c h a p . z f ; § 8 : c h a p . z 6 j $ 6, 7 , 8.
Mais un livre encore plus à la portée de ceux qui
n’ont aucune notion de l ’hébreu, c’ eft la G r a m m
a ir e f a c r é e , ou R è g l e s p o u r e n t e n d r e l e f e n s
l i t t é r a l de. V E c r i t u r e J 'a in t e , par M. H u ré , principal
du co llèg e de Boncours : vo l. i n - 1 z ; Paris ,
1707. Cet ouvrage eft divifé entrais parties, toutes
trois néceffaires à l ’intelligence des feintes Écritures;
& la fécondé traite particulièrement des
Idiotifmes ( ou H é b r a ï fm e s ) , confidérés en chaque
partie d’oraifon. ( M . B e a u z é e . )
H E L L ÉN ISM E , f. m. G ramm. C ’eft un idio-
tifme g r e c , c’eft à dire une façon de parler exclufi-
vemenc propre à la langue grèqué , & éloignée
des lois générales du langage. Voye^ Idiotisme.
C ’eft le lèul article q u i , dans l ’Encyclopédie, doive
traiter de ces façons de parler; on peut en voir là
raifon a u mot G al l ic ism e . Je remarquerai feulement
ici que dans tous les livres qui traitent des
éléments de la langue latine , l ’H e l l é n i fm e y eft mis
au nombre des figures de conftruétion propres à cette
langue. V o ic i fur cela quelques obfevations.
Cette manière d’envifager l ’Hellénifme peut
faire tomber les jeunes gens dans la même erreur
qui a déjà été relevée à l ’occafîon du mot. G a lli-
cifme ; fa voir, que les Hellénifmes ne font qu’en
latin. Mais ils font premièrement & efienciellement
dans la langue grèq u e , & leur effence confifte à
y être en effet un écart de langage exclufivement
propre à cette langue. C ’eft fous ce point de vue
que les Hellénifmes font envifagés & traités dans
le livre intitulé : F ranc ifc i V ig e r i rothomagenfis
de proecipuis grcecoe diclionis idiotifmis libellus.
L ’ordre des parties d’oraifon eft celui que l ’auteur
a fuivi ; & i l eft entré fur les idiotifmes grecs dans
un détail très-utile pour l ’intelligence de cette langue.
Dans l ’édition dé Leyde , 1741 , l ’éditeur
Henri Hoogevéeri y a ajoute plufîeurs idiotifmes,
& des notes Très-favantes & pleines de bonnes recherches.
z ° . C e n’eftpas feulement Y H e l l é n i fm e qui peut
paffer dans une autre langue , & y devenir une
I figure deconftruélion; tout idiotifme particulier peut
avoir le même fort , & faire la même fortune.
Faudra-t-il imaginer dans une langue autant de
fortes de figures de conftrmftion , qu’i l y aura d’i