
L a Contenance eft pour en impofer aux autres
hommes ; elle eft bonne quand e lle annonce ce
qu’elle doit annoncer dans l ’occaifion : ce lle du
prêtre doit être g ra v e , modefte, & recueillie ;,
ce lle du m a g i f t r a t , grave & férieufe ; ce lle du militaire
, fière ,•& délibérée , &c. D ’où i l fuit qu’i l
ne faut avoir de la Contenance , que quand on eft
en exercice ; mais qu’i l faut toujours avoir un
M aintien honnête & décent. L e Maintien eft
pour la fociété , i l eft de tous les temps : la Contenance
eft pour la repréfentation , hors de là c’eft,
pédantifme.
L e Maintien féant marque de l ’éducation, &
même du jugement ; i l décèle quelquefois -des
vices ; i l ne faut pas trop compter fur les vertus
qu’i l femble annoncer , i l prouve plus en mal qu’en
bien. L a Contenance indique , félon les conjonctures,
de l ’affûrance , de la fermeté, de l ’ufage ,
de la préfence d’e fp rit, de l ’aifance , du courage ,
& c ; & marque qu’on a vraiment ces difpofitions
foit dans le coe u r , foit dans l ’efprit : mais elle
eft fouvent un mafque impofteur. I l y a une
infinité de bonnes Contenances , parce qu’i l y a
des états différents, & que les pofïtions varient ;
mais i l n’y a qu un bon M a in tien , parce que l ’honnêteté
civile eft une & invariable. ( M M . D id e r
o t & JBe a u z é e . )
( N . ) M A IS O N , H O T E L , P A L A IS , C H A T
E A U . Synorvymès.
C e font des édifices également deftinés au lo ge ment
des hommes; c’eft en quoi ces mots fontfyno-
nymes. L a différence de ces noms vient de ce lle
des états des particuliers qui occupent ces édifices.
Les b o u r g e o i s occupent -des M a ifon s ; les Grands
de la v ille occupent des H o te ls ,• les ro is , les
princes, & les é v ê q u e s y ont des P a l a i s ; les
leigneurs ont d e s -Châteaux dans leurs terres.
~ {M . B e a u z é e . )
( N . ) M A JU S C U L E , adj. On défigne ainfi
le s lettres dont la figure eft déterminée par des
traits plus grands, & quelquefois différents ou
autrement affortis que ceux de la figure ordinaire.
T e l eft le fens du mot M a ju fcu le : i l fignifie
tout à la fois p lu s grande & néanmoins petite ,
car la terminaifon cüle a un fens diminutif; .c ’ eft
afin de diftinguer les Maju fcules deftinées à l ’écriture
manuelle ou à l ’impreffion, des lettres encore
plus grandes qui fervent "aux affiches ou aux inf-
criptions, & qu’on nomme onciales. V oy e | O ncial.
Les M a ju fcu le s , fous differents afpeéts & par
raport à l ’ufage qu’on en fait, s’appellent auffi Cap
ita le s & In itia le s . ( Voye-^ ces mots.}
Le s anciens écrivoient tout en lettres majufcules
©u en lettres minufcules, fans employer les unes
avec les autres : tous les anciens manuferits, juf-
ques vers le feptième f iè c le , font en majufcules.
O n a imaginé, dans les derniers temps, d’employer
enfemble les deux efpèces de caractères, en réfêr-«
vant les lettres majufcules pour certaines diftinc-
tions orthographiques. Mais les livres hébreux les
plus modernes n’ont encore profité en rien de
cette méthode. Cependant M a fc le f, dans la préface
de fa Grammaire hébraïque, défireroit que nous
euffions une édition du texte hébreu de l ’Écriture ,
avec des lettres majufcules employées félon les
vues de notre Orthographe ; & i l a raifon.
( M . B eauzée. )
( N . ) M A L -C O N T E N T , M É C O N T E N T .
Synonymes.
T o u s deux fîgnifient, Q u i n é jl p a s fa t i s fa i t ;
mais avec quelques différences qu’i l eft eflenciel
d’obferver.
I l me femble que l ’onfeft M a l-co n ten t,. quand
on n’eft pas auffi fatisfait que l ’on avoit droit de
l ’attendre ; & que Ton eft Mécontent qûand on n’a
reçu aucune falisfadtion.
De là vient que M a l-co n ten t, ainfi que l ’obferve
l ’Académie dans fon Dictionnaire , fe dit plus
particulièrement du Supérieur à l ’égard de l ’ Inférieur
; parce que l ’Inférieur eft cenfé du moins avoir
fait quelque chofe pour la fatisfaétion du Supérieur
: au contraire, Mécontent fe dira plus tô t
de l ’ Inférieur à l ’égard du Supérieur par une raifon
contraire. A in f i, un prince peut être mal-content
des fervices de quelqu’un de fes fujets; un p è r e ,
de l ’application de fon fils ; un maître -, des progrès
de fon élève; un citoyen , du travail d’urs
ouvrier, &c. U n fujet au contraire peut être mécontent
des paffe-droits que lui fait le prince
un fils , de la prédilection' trop marquée de fon
père pour un autre de fes enfants ; un é lè v e , de
la négligence ou de l ’impéritie de fon maître j
un ouvrier, du falaire que l ’on a donné à fon
travail.
Mal-content & Mécontent ayant un féns p a ffif,
i l faut appliquer dans des fens contraires les verbes
Contenter mal &• Mécontenter, qui ont le fens
aétif : ainfi , les Inférieurs contentent mal les Supérieurs
; & les Supérieurs mécontentent les Inférieurs.
Mal-content exige toujours un complément avec
la prépofition de ; ce complément exprime ce
qui auroit dû donner une entière fatisfaétion. M écontent
peut s’employer d’une manière abfolue &
fans complément.
De là vient qu’i l fe prend quelquefois fiibftan-
t iv em e n td a n s le fens que l ’article précédent a
expliqué ; & dans cette acception, i l ne fé dit
qu au pluriel. Mais Mal-content ne peut jamais
fe prendre fubftantivement , quoique le P. Bou-
hours ait écrit : « C ’eft la coutume des M a l-
» contents "de fe plaindre ». C ’eft: dans cet écrivain
une véritable faute , qui vient de ce qu’on n’avoit
pas encore , de fon. temps -, démélé les juftes différences
des deux ternies dont i l s’agit ; comme on
peut le voir par ce qu’ i l en dit lui-même au Tome 1
de fes Remarques nouvelles fu r la langue fra n -
çoijfe. ( M . B e a u z é e . )
( N . ) M A L H E U R E U X , M I S É R A B L E .
Synonymes.
L e P . Bouhours obfèrve (Remarq. nouv. T ome I.)
que l ’on dit indifféremment, Une vie malheureufe,
Une vie miférdble ,• & que , pour dire d’un homme
que c’eft un méchant homme , on dit indifféremment
, Ç ’eft un malheureux , C ’eft Ain miférable.
C e n’eft pas que ces deux mots ayent une lignification
identique & foient parfaitement fynonymes:
c’eft qu’ils expriment tous deux , quoique fous
des afpeéts différents, une idée qui leur eft commune,
& l a feule à laquelle on faffe attention dans
les exemples propofés ; c’eft l ’idée d’une fituation
fâcheufe & affligeante.
Mais Malheureux préfente direétement cette
idée fondamentale ; Se Miférable n’exprime directement
que la commifération qui la fuppofe ,
comme Peffet fuppofe la caufe.
O n peut être malheureux par quelques accidents
imprévus & fâcheux, fans être réduit pour
cela à un état digne de compafiion : mais celui
qui eft miférable , eft réellement réduit à cet état ;
i l eft exceflivement malheureux.
Malheureux eft donc moins énergique que M i férable
,* & i l peut y avoir des cas où , pour parler
avec jufteffe, i l ne feroit pas indifférent de dire,
Une vie malheureufe, ou Une vie miférable•
U ly f fe , errant fur toutes les mers , e x p o fé à
toutes fortes de p é r ils , effuyant toutes fortes
d’aventures fâcheufes, cherchant fans ceffe fa chère
Itaque qui fembloit le fu ir , menoit alors une vie
malheureufe.
P h ilo é lè te , abandonné par les grecs dans l ’île
de Lemnos , en p roie à la douleur la plus aigue &
aux horreurs de l ’indigence & de la folitua e, y
mena pendant plufieurs années une vie miférable.
O n eft malheureux au jeu; on n’y eft pas miférable
: mais on peut devenir miférable à f#rce d’y être
malheureux.
On plaint proprement les Malheureux , & c’eft:
tout ce qu’exige l ’humanité ; mais on doit aftifter
les Miférables , & avoir du moins pitié de leur
fort.
V o ic i deux vers de Racine , où ces deux mots
fout employés avec les différences que je^viens d’af-
figner ;
Haï .craint, envié, fouvent plus miférable
Que tous les Malheureux que mon pouvoir accable.
Quelquefois ces mots font employés-, non pas
pour caraélerifer fimplement une fituation fâcheufe
& affligeante, qui eft leur lignification commune
& primitive; mais pour indiquer que l ’être auquel
on les applique eft digne de cette fituation : &
ç eft dans ce fécond fep s, que l ’on dit d’un méchant,
d’un fourbe , d’un homme fans moeurs , fans pudeur,
, fans aucune élévation d’âme , que c’eft un M a lheureux
, ou un Miférable ,* parce qu’en effet i l
mérite de l ’être. Cette fécondé ac ception , qui
n’eft: qu’une extenfion de la première , ne change
rien aux différences qui naiffent des idées acceffoires
que l ’on y a déjà diftinguées, & dont le choix dépend
des befoins de l ’énergie.
Mais comme i l y a bien des chofes qui doivent
exciter la pitié , fans être foumifes aux évènements
fortuits qui font les Malheureux ; i l y a bien des cas
où i l feroit ridicule d’employer cet adjeftif, quoique
l ’on puiffe très-bien y employer celui de
Miférable : i l marque alors cette pitié dédaigneufe
& méprifante, qui eft la jufte récompenfe des
prétentions outrées ou chimériques , mais que l ’on
a quelquefois l ’injuftice d’affeâer pour des chofes
très-eftimables, parce qu’on n’a pas affez de lumières
ou affez d’équité pour les apprécier.
C ’eft ainfi que l ’on dit d’un écrivain dont on ne
fait point de ca s, que c’eft: un auteur miférable ,
un miférable p o è t e , un miférable hiftorien, un
miférable grammairien; & de fes écrits, que ce font
de miférables rapfbdies, un poème miférable j un
miférable commentaire, &c.
Quand de pareilles imputations font fondées ,
appuyées fur des raifbns folides, & avouées par le
goût; elles font de mife : mais fi elles font diétées
par la paffion, ou furprifes à l ’ignorance ; elles
font elles-mêmes des propos miférables & dignes
du mépris qu’elles veulent prodiguer. ( M . B e a U -
ZÉE. )
‘ M A L IC E , M A L IG N IT É ,'M É C H A N C E T É .
, ( ^ Ces mots expriment tous trois une difpofition
a nuire , contraire par conféquent à cette bienveillance
univerfelle, également recommandée par la
lo i naturelle & par la Religion. ) ( M . B e a W-
ZÉE.j
I l y a dans la Malice de la facilité & de la
rufe, peu d’audace , point d’atrocité. L e M a lic ie u x
veut faire de petites peines, & non caufer de
grands malheurs ; quelquefois i l veut feulement fe
donner une forte de fupériorité fur ceux qu’i l tourmente
: i l s’eftime de pouvoir faire le m al, plus qu’i l
n’a de p laifir à en faire.
I l y a dans la M a lig n ité plus de fuite , plus de
profondeur, plus dediffimulation, plus d’aétivité que
dans la Malice.
L a M a lig n ité n’eft: pas auffi dure & auffi atroce
'q u e la Méchanceté; elle faitverfer des larmes ,
mais e lle s’attendriroit peut-être fi elle les voyoit
couler.
L e fubftantif M a lig n ité a une toute autre force que
fon adjeétif M a lin : on permet aux enfants d’ être
malins ; on ne leur permet pas la M a lig n ité en
quoi que ce f o i t , parce que c’eft 1 état d une âme
qui a perdu l ’inftinét de la bienveillance , qui
défire le malheur de fes femblables, & fouvent en.
jouît. ( A n o n y m e . )