
autre loi de l'harmonie encore plus inviolable, qui
demande que de deux voyelles confécu:ives la première
foi: fortifiée , fi la féconde eft muecce ou
très-brève , ou que là première foie foible , fi la
fécondé eft le point où fe trouve le foutien de la
voix.
4°. Ceft encore au même méchanifme & à l'intention
d'éviter ou de diminuer le vice de Y H ia tu s ,
qu’il faut raporter ^origine des diphthongues : elles
ne fon: point dans la nature primitive de la parole 3
i l n’y a de naturel que les voix fimples. Mais dans
plufieurs occafions, le hafàrd ou les lois de la formation
ayant introduit deux voix confécutives fans
articulation intermédiaire, on a naturellement prononcé
brève l ’une de ces deux voix , & communément
la première, pour éviter le défagrémen; d’un
H ia tu s trop marqué , & l ’incommodité d’un bâillement
trop foutenu. Lorfque la voix prépofidve
s’eft trouvée propre à fe prêter à une rapidité affez
grande fans être totalement fuprimée , les deux
voix fe font, prononcées d’un feul coup : c’eft la
diphthongue. G’eft pour cela que toute diphthon-
gue réelle eft longue , dans quelque langue que
ce foit : parce que le fon double réunit dans fa
durée les deux temps des fons éiémenraires dont il
eft réfulcé; & que , quand les befoins delà verfifî-
câtion ont porté les poètes à décompofer une diph-
thongue pour en prononcer feparément les deux
parties élémentaires ( voye\ Dié r è s e ) , ils ont
toujours fait bref le fon prépofitif. Si par une licence
contraire ils ont voulu fe débarraffer d’une
fyllabe incommode , en n’en faifmt qu’une de deux
fons confécutifs que l’ufage de la langue n’avoit
pas réunis en une diphthongue ( voye\ Synecpho-
wèse & SynerèSE ) , cette fyllabe factice a toujours
été longue, comme les diphthongues ufuelles.
5°. Quoiqu’il foit vrai en général que Y Hiatus
eft un vice réel dans la parole , furtout .entre deux
mots qui fe fuivent ; loin cependant d’y déplaire
toujours , i l y produit quelquefois un bon effet ,
comme il arrive aux diübnances de plaire dans la
Mufique, & aux ombres dans un tableau, lorsqu'elles
y font placées avec intelligence. Par exemple,
lorfque Racine {Athalie, acl. 1. fc . j . ) met dans
fa bouche du grand-prêtre Joad ce difeours fi ma-
jeftueux & fi digne de fa matière :
Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait auffi des méckants arrêter les complots j
eft-il bien certain que Y H ia tu s qui eft à l’hémif-
tiche du premier vers, y foit une faute ? M. l’abbé
d’Olivet ( Prof, franç. p. 4 7 .1. éd. ) fe contente de
l ’excufer par la raifon du repos qui interrompt la
.continuité des deux voix & le bâillement : mais je
ferois fort tenté de croire que cet H ia tu s eft ici
une véritable beauté ; i l y fait image, en mettant,
pour ainfi dire, un frein à la rapidité de la prononciation
, comme le Tout-puifTant met un frein à la
fureur des flots. Je ne prétends pas dire que le
poète ait eu explicitement cette intention : mais i l
eft certain que le fondement des beautés qu’on admire
avec enthoufiafme dans le procumbit humi
bos , n’a pas plus de folidité 3 peut-être même en
a - t- il moins.
6°. Quoique je n’aye pas expliqué toutes les in -
conféquences apparentes de la lo i qui condanne
Y H ia tu s & qui en lailfe pourtant fiibfifter un grand
nombre dans toutes les langues, j’ai cru néanmoins
pouvoir joindre mes remarques à celles de M. Har-
duin : peut-être que la combïnaifon des unes avec
les autres pourra fervir quelque jour à les concilier,
& à faire difparoître les prétendues contradictions
du fyftême de prononciation dont i l s’agi : ic i. En
géné ral, on doit fe défier beaucoup des exceptions
a une lo i qui paroît univerfelle & fondée en nature
: fouvent on ne la croit violée , que parce que
l*oa n’en connoît pas les motifs , les caufes , les
relations , les degrés de fubordination à d’autres
lois pLus générales ou plus effencielles^ E t , fans
forcir des matières grammaticales , combien de règles
contradictoires & d’exceptions âujourdhui ridicules
, qui remplirent les anciens livres élémentaires
& plufieurs des modernes , & qu’une analyfo
exacte & approfondie ramène fans embarras à un
petit nombre de principes également lolides, lumineux
, & féconds ! ( M . B e a u z é e . )
H i a t u s , Littérature , Poéfie. U Hiatus
eft quelquefois doux & quelquefois dur à l ’o reille:
les latins , du temps de Cicéron , l ’évitoient, même
dans le langage familier : les grecs n’avoient pas
tous le même fcrupule ; on blamoit Théophrafte
de l ’avoir porté à l'excès. » Si Ifocrate,, fon niaî-
» tre , lui en a donné l ’exemple , dit Cicéron ,
» Thucydide n’a pas fait de même 3 & P la ton , écri-
» vain encore plus illu f t r e ,.a négligé cette dé li-
» cateffe « ( lui dont l ’élocution, dit Quintiiien ,
eft d'une beauté divine & comparable à celle d’Ho*
mère). Cependant ce concours de voyelles que P for
ton s’eft permis , non feulement dans fes écrits phi-
lofophiques , mais dans une harangue de la plus
fublime ‘ beauté , Démofthène Jl’éyitoit avec foin :
c’étoit donc une queftion indécife parmi les anciens
, fi l ’on devoit fe permettre ou s’interdire
Y H ia tu s .
Pour nous, à qui leur manière de prononcer eft
inconnue , prenons l ’oreille poiir arbitre.
J’ai dit que Y H ia tu s eft quelquefois doux,
quelquefois dur 3 & l ’on va s’en apercevoir. Les
accents de la voix peuvent être tour à tour détachés
ou coulés comme ceux de la flûte , & l ’articulation
efi: à l ’organe ce que le coup de langue eft
à l ’inftrument : or la modulation du ftyle , comme
ce lle du chant , exige tantôt des fons coulés , &
tantôt des fons détachés, félon le caractère du fen-
timent ou de l ’image que l ’on veut peindre : donc ,
fi la comparaifon eft jufte , non feulement YHia~
tus eft quelquefois permis , mais i l eft fouvenc
agçéable : c’eft au fentiment à le çhoifir 3 c’eft à
Poreille à marquer fa place. Nous fommes déjà
fors q u e lle fe plaît à la fucceffion immédiate de
certaines voyelles : rien n’éft plus doux pour elle
<jue ces mots, D a n a é , L a is , D ea , Léo , I lia ,
F h o a s , Leucothoé , P ha on , Léandre , A clé on ,
&c. L e même H ia tu s fera donc mélodieux dans la
liaifon des mots 3 car i l eft égal pour l ’oreille cpe
les voyelles fe fuccèden: dans un feul m o t , ou d un
mot à un autre. I l y avoi: peut être chez les anciens
une efpèce de bâillement dans Y H ia tu s 5
mais s’i l y en a chez nous , i l eft infenfible , & la
fucceffion de deux voyelles ne me fembie pas
moins continue & facile dans i l y -a , i l a-é ié -à,
que dans I l i a , D a n a é , Meléagre.
Nous éprouvons cependant qu’i l y a des voyelles
dont l ’affemblage déplaît : a-u , o - i , a-an , a -en ,
o-un , font de ce nombre , & l ’on en trouve la
caufe phyfique dans ie jeu même de l ’organe 3 mais
deux voyelles dont lés fons fe modifient par des
mouvements que l ’organe exécute facilement, comme
dans I l i a , Clio , D a n a é , non feulement fe fuccè-
dent fans dureté , mais avec beaucoup de douceur.
U H ia tu s d’une vo y e lle avec elle même eft
toujours dur à l ’oreille 3 i l vaudroit mieux fe donner
, même en P r o f e l a licence que Racine a prife,
quand i l a d i t , f écrivis en A r g o s , que de dire ,
f écrivis à A rg o s : c’eft encore pis quand Y H ia tu s
eft redoublé , comme dans i l a lla à Athènes.
O n voit par là qu’on ne doit ni éviter ni employer
indifféremment Y Hia tu s dans la Profe. I l
étoit permis anciennement dans les vers 3 on l ’en a
banni par une règle à mon gré trop générale &
trop fëvère. L a Fontaine n’ en a tenu compte , & je
crois qu’ il a eu raifon.
Du refte , parmi les poètes qui obfervent cette
règle en apparence , i l n’y en a pas un qui ne la
v io le en effet., toutes les fois que Y é muet final'
fe trouve entre deux voyelles 3 car cet e muet s’élid
e , & les fons des deux voyelles fe fuccèdent im-
niédiatement.
Heâor tomba fous lu i, T roy’expira fous vous . . .
Allez donc , & portez cette joi* à mon frère.
Racine.
ï l y a peu d’H ia tu s auffi rudes que celui de
ces deux vers : la règle qui permet cette élifion &
qui défend Y Hia tu s , eft donc une règle capri-
cieufe, & auffi peu d’accord avec elle-même, qu’avec
l ’oreille qu’elle prive d’une infinité de douces
liaifons, ( M . M a r m o n t e l .)
H IÉ R O G L Y P H E , f. m. A r t s antiq. Écriture en
peinture 3 c’eft la première méthode qu’on a trouvée
de peindre les idées par des figures. Cette invention
imparfaite , déredtueufe , propre aux fiècles
d’ignorance, étoit de même efpece que celle des
mexiquains qui fe font fervis de cet expédient,
faute de connoître ce que nous nommons des lettres
ou des caractères.
Plufieurs anciens & prefque tous les modernes
ont cm que les prê.res d’É g yp té inventèrent les
Hiéroglyphes , afin de cacher au peuple les pro-*
i fonds lecrets de leur fciencc. L e P. Kircher en particulier
a fait de cette erreur le fondement de fon,
grand Théâtre hiéroglyphique, ouvrage dans lequel i l
n’a ceffé de courir après l ’ombre d un fonge. Tant
s’en faut que les Hiéroglyphes ayent été imaginés
par les prêtres égyptiens dans des vîtes myftérieufes ,
qu’au contraire c’eft la pure néceffiré qui leur a
donné naiffance pour l ’utiiicé publique 3 M. War-
burton l ’a démontré par des preuves évidentes, 'où
l ’érudition & la phiiofophie marchent d’un pas
ég a l. | H
Les Hiéroglyphes ont été d’ufage chez toutes les
nations pour conferver les penfées par des figures,
& leur donner un' être qui les tranfmî: à la pofté-
ricé. Un concours univerfel ne peut jamais être
regardé comme une fuite, foit de l ’imitation, foit
du hazard, ou de quelque évènement imprévu. I l
doit ê.re fans douce coiuidéré comme la voix uniforme
de la nature , parlant aux conceptions grofo
fières des humains! Les chinois dans l ’Orient j les
mexiquains dans l ’Occident , les feythes dans le
Nord , les indiens, les phéniciens, les éthiopiens,
les étruriens, ont tous fuivi la même manière d’écrire
, par peinture & par Hiéroglyphes ; & les
égyptiens n’ont pas eu vraifemblablement une pratique
differente des autres peuples.
En effet, ils-employèrent leur s Hiéroglyphes à
dévoiler nuement leurs lois , leurs règlements , leurs
ufàges , leur hiftoire , en un : mot tout ce qui avoir
du raport aux matières civiles. C ’eft ce qui paroît
par les obélifques , par le témoignage de Proclus,
& par le détail qu’en fait Tacite dans fes A n n a le s ,
liv. i l , ch. I x , au fujet du voyage dé Germa-
nicus en Égypte. C ’eft ce que prouve encore la
fameufe infeription du temple de Minerve à S a is ,
dont i l eft tant parlé dans i ’antiquité. Un enfant ,
un vieillard , un faucon, un poiffon , un cheval
marin, fervoient à exprimer cette fentence morale :
« Vous cous qui entrez dans le monde & qui en
» fortez , fâchez que les dieux haïffent l ’impu-
» dence » .C e Hiéroglyphe étoit dans le veftibule
d’un temple public 3 tout le monde le l i fo i t , &
l ’entendoit à merveille.
I l nous refte quelques monuments de ces premiers
effais groffiers des caradtèrcs égyptiens, dans,
les Hiéroglyphes d’Horapollo. Cet au.eur nous dit
entre autres faits, que ce peuple peignoit les deux
pieds d’un homme dans l ’eau , pour fignifier un
f o u lo n , & une fumée qui s’èlevoit dans les airs
pour défigner du fe u .
Ainfi les befoins fécondés de l ’induftrie imaginèrent
l ’art de s’exprimer 3 ils prirent en main le
crayon ou le cife au , & traçant fur le bois ou le s
pierres des figures auxquelles furent attachées des
lignifications particulières, ils donnèrent en quelque
façon la vie a ce b o is , à ces pierres , & parurent
les avoir doués-du don de la parole. L a repréfen