
fut le nomenclateur primitif des animaux, & qui
nous le préfente comme occupé de ce foin fondamental
par l ’avis exprès & fous la direction. du
Créateur ( Gen. I I . i g. zo ). Formatis igitur.j do-
minus jDeus , de kumo cunelis animantibus
terrai & univerjis volatilibus coeli , ad du x ït ea
a d A d am , ùt videra quid vocaret ea \ omne
enim quod vocayit A d am animez viven tis, ipfum
e jî nomen eju s : appellavhque A d am nominibus
f u i s c un et a animantia , & univerfa volatilia
coe li , & omnes befiias terrez. Avec un témoignage
f l relpe(Stable & fi bien établi de la véritable origine
& de la fociété & du langage , comment fe
lrouve-t-il encore parmi nous des hommes “qui
ofent interpréter l ’oeuvre de Dieu par les délires
de leur imagination , & fubftituer leurs penfées
■ ^ux.documents que l ’Efprit faint lui-même nous a
fait pafler ? Cependant, à moins d’introduire le
Pyrrhonifme hiftorique le plus ridicule & le plus
fçandaleux tout à la fo is , l e récit de Moïfe a droit
de fubjuguer la croyance de tout homme raifon-
nable, plus qu’aucun autre hiftorien.. I l ell fi sûr de
les dates , qu’i l parle continuellement en homme
qui ne craint pas d’être démenti par aucun monument
antérieur , quelque court que puiffe être l ’ef-
pace qu’ i l affigne j & telle eft la condition gênante
qu’ i l s’impofe lorfqu’i l parle de la première multiplication
des Langues j évènement miraculeux, qnri
mérite attention, & fur lequel j’emprunterai les
termes mêmes de M. Pluche ( Specl. de la n atur e,
tom. V I I I , part. I , p a g . pé & fu iv ) .
A r t . II. M u ltiplication miraçuleufe des Langues.
« Moïfe tient tout le genre humain raffemblé
» fur l ’Euphrate à la v ille de Babel & ne parlant
» qu’une même Langue , environ huit-cents ans
» avant lui, Toute ion hiftoire tomboit en pouf-
» fière devant deux inferiptions antérieures en deux
5> Langues différentes. U n homme qui agit avec
» cette confiance, trouvoit fans doute la preuve
» & non la réfutation de fes dates dans les mo-
» numents égyptiens, qu’i l connoiffoit parfaitement.
» C ’eff plus tôt l ’exaétitude de fon récit qui réfute
JP par avance les fables postérieurement introduites
» dans les annales égyptiennes.
» C e point d’hiftoire eft important : confidé-
» rons-le par parties , & regardons toujours à côté
» de Moïfe fj la nature & la fociété nous offrent
» les veftiges & les preuves de ce qu’i l avance.
» Les enfants de N o é , multipliés & mal à l ’aile
» dans les rochers de la Gordyenne où l ’arche
» s’étoit arretée, pafsèrent le T ig re & chojfirent
» les fertiles campagnes de Singar ou Sennahar,
5> dans la baffe Méfopotamie, vers le confluent du
» T ig r e & dç l ’Euphrate , pour y* établir leur
» féjour comme dans le pays le plus uni & le
» plus gras qu’ils connuffent. L a néçeffité de pour-
» voir aux bpfoins d’une énorme multitude d’ha-
» bitants & de troupeaux les obligeant à s’étendre,
» & n’ayant point d’objet dans cette plaine im~
ÿ menfe qui pût être apperçu de lo in , B â tijT on s ,
( i ) En hébreu f/iem , une marque. Le grec ?n/Acç ,
une marque, en eft venu/ Ce mot lignifie auffi un nom ƒ
mais ce n’ eft pas ici.
( z ) H.çbr, petit (nç fort? ) .
» L ’iftconvénierit qu’ils vouloient éviter avec
» foin étoit précifément ce que Dieu vouloit &
» exi^eoit d’eux. Ils favoient très-bien que Dieu
» les appeloit depuis un fiècle & plus à fe difi-
» tribuer par colonies d’une contrée dans une autre ,
» & ils prenaient des mefures pour empêcher ou.
» pour fufpendre long temps l’exécution de fes
» volontés. Dieu confondit leur langage ; i l peupla
» peu à peu chaque pays en y attachant les
» habitants- que i ’ufage d’une même Langue y
» avoit réunis, & que le défagrément de n’entendre
» plus les autres familles avoit obligés d’aller
v vivre loin d’elles.
- » L ’état aétuel de la terre & toutes les hiftoires
>> connues rendent témoignage à l ’intention qui a
» de bonne heure partagé les Langue s après le
» déluge. Rien de plus digne de . la fageffe divine ,
» .que d’avoir d’abord employé , pour peupler
» promptement les différentes contrées , le même .
» moyen qui lui fert encore aujourdhui pour y-
» fixer les habitants & en empêcher la défertion.
» I l y a des pays fi bons & i l y en a de fi dif-
» graciés , qu on quitteroit les uns pour les autres,
» fi l ’ufage d’une même Langue n’étoit pour les
» habitants des plus mauvais une attache propre à
» les y retenir, & l ’ignorance des autres L a n g u e s
» un puiffant moyen d’averfion pour tout autre
» pays , malgré les délavantages de.la comparaîfon.
» L e miracle xaporté par Moïfe peuple donc
» encore aujourdhui toute la terre auffi réellement
» qu’au temps de la difperfion des enfants de Noé j
» 1 effet en embraffe tous les fiècles.
» Un a u trem o y en de fencir la jufteffe de .ee
» ré c it ,- confifte en ce que la diverfité des L a n -
» gués s’accorde avec les dates de Moïfe : cette
» diverfité devance toutes nos hiftoires connues j
» & d’une autre p a r t , ni' les pyramidesd’Egyp te ,
» rii les. marbres d’A ron d e l, ni aucun monument
» qui porte un caraélèie de vérité , ne remonte
» au deffus. Ajoutons ici que la'réunion dii genre.
» humain dans la Chaldée avant la difperfipn
» des colonies , eft un fait très-conforme à la
•» marche qu’elles ont tenue. Tout part de l ’Orient,
» les hommes & les arts | tout s’avance peu à peu
» vers l ’O c c id en t, vers le Midi , & vers le Nord.
» L ’Hiftoire montre des rois & de grands établif-
» fements au coe u r '& fur les,côtes de l ’A f ie ,lo r f-
» qu’on n’avoit encore aucune co'nnoiffance d’autres
» colonies plus reculées : celles-ci n’étoient pas
» encore ,- ou elles travailloient à fe former. Si
» les peuplades chinoife & égyptienne ont eu
» de très-bonne heure plus de conformité que les
» autres avec les anciens habitants de Cha ldée, par
» leur inclination fédentaire , par leurs, figures
» fymboliques , par leurs connoiffartces en Aftro-
» nomie , & par -la pratique de quelques beaux
» arts j c eft parce qu’elles fe font tout d’abord
» établies dans- des pays excellemment bons , où
» n’étant traverfées ni par les bois , qui ailleurs
» couvroient tout-, ni par les bêtes, qui troubioient
» fôits les établi ffemenls à l ’aide des bois , elles fe
» font promptement multipliées , & n’ont point
» perdu i ’ufage des premières inventions. L a haute
» antiquité de ces trois peuples & leur reffem-
» blance en tant de points , montre l ’unité de leur
» origine & la finguiière exaftitude de l ’hiftoirc
» fainie. L ’état dès autres peuplades fut fort dif-
» férent de celles qui s’arrêtèrent de bonne heure
» dans les riches campagnes de l ’Euphrate , du
». Kian , & du N il. Concevons ailleurs des familles
» vagabondes, qui ne connoiffoient ni les lieux
» ni les routes , & qui tombent à l ’aventure
» dans un- pays miférabie , où tout leur manque :
» point d’inftruments pour exercer ce qu’elles pou-
» voient avoir retenu de bon ; point de confiftance
» ni de repos pour peife&ionner ce que le befoin
»- ad u e l pouvoit leur faire inventer j la modicité
»: des moyens de fubfifter les.mettoit fouvent aux
». prifes j la jaloufie les entre-détruiloit j n’étant
» qu’une poignée de monde , un autre peloton les
» mettoit en fuite. Cette vie errante & long temps
». incertaine fit tout oublier j ce n’eft qu’en renouant
» le commerce avec l ’Orient que les chofes ont
» changé. Les. goths & tout le Nord n’ont ceffé
» d’être b a rb a re sq u ’en s’établiffant dans la G au le
» & en Italie j, les gaulois & les francs doivent
» leur politeffe aux romains ; ceux-ci avoient été
» prendre leurs lois & leur littérature à Athènes.
? L a Grèce demeura brute jufqu’à l ’arrivée de
» Cadmus , qui. y pprta les lettres phéniciennes :
» les grecs , enchantés de ce fecours , fe livrèrent
» à la culture de leur L a n g u e , à la poéfie , 8c au
» chant ; iis ne prirent goût â la Politique , à
» l ’Archi'teéhife , a la Navigation , a l ’Aftronomie ,
» & à la Peinture , qu’après avoir voyagé à
» Memphis , à T y r , & à la Cour de Perfe j ils
» perfectionnent _tout , mais 'n’inventent rien. II
» eft donc auffi manifefte par l ’hiftoire profane
» que par le récit de PÉcriture , que l’Orient eft
» la fource commune des nations & dés belles
» comïqiffancés : nous ne voyons, un progrès con-
» traire que dans des temps poftérieurs. , où la
» manie des conquêtes a commencé à reconduire
» des-bandes d’occidentaux en Afie ».
II fèroit peut-être fatisfaifant pour notre curio-
f îté , de pouvoir déterminer en quoi confiftèrent les
changements introduits à Babel dans le langage pri-
mitir, 8c de quelle manière ils y furent opérés*
I l eft certain qu’on ne peut établir Lï-deffus rien
de folide j parée que cette grande révolution dans
le langage ne pouvant être regardée que .comme
un miracle auquel les hommes etoient fort éloignés
de s’attendre , i l n’y avoit aucun obfervateur qui
eût les yeux ouverts far ce phénomène ; & que
peut-être même, ayant été («bit , i l n’auroit laiffe
aucune prife aux obfervations , quand on s’en feroit
avifé : or , rien n’inftruit bien' fur la nature & les
progrès, des faits , que les Mémoires formés dans
le temps d’après les obfervations. Cependant quelques
écrivains ont donné ld-defius leurs penfées