fica 'io n fo rm e lle . A in f i , la racine commune am
dans aimer y amitié, am i , amical, amicalement,
eft l e ty p e de l a lignifica tion o b jec tive commune
à tous ces Mots , dont r id é e fondamentale eft
c e l l e de ce fentiment affectueux qu i l ie le s hommes
par la b ie n v e illa n c e ; mais le s diverfes in flexions
ajoutées à ce tte racine , défîgnent tou t à la
fo is la diverfité des c lp è c e s , & le s différentes lignifications
fo rm e lle s qui y fon t attachées.
C ’ eft p o u r a v o ir confondu l a lignification ob je
c tiv e & la lignification fo rm e lle du V e r b e , que
SanCtius , l e g ramma irien l e p lu s lavant & l e p lu s
p h i lo fo p h e de fon liè c le , a cru qu’ i l ne fa îio i t
p o in t admettre de modes dans le s V e rb e s : i l c ro y o it
qu’ i l é to it queltion des modes de l a lignification
o b je c t iv e , qu i s’expriment en effet dans la lan gu e
la t in e communément par l ’a b la t if du nom abftrait
q u i en e ll l e lign e n a tu re l, & fou v ent pa r l ’adverbe
q u i renferme la même idée fondamentale ;
au l ie u qu’i l n’ elt queftion q ue des modes de la
lign ifica tion fo rm e lle , c’ e lt à dire , des diverfes
nu an ce s , p ou r ainfi dire , qu’ i l p eu t y a v o ir dans
l a manière du préfenter r id é e ob jec tive . Voye\ Mode.
i ° . I l faut encore d ilt in g u e r , dans la lignificat
io n objeCtive des Mots, l ’ idée p r in c ip a le & le s
idées ac ce lfo ires. L o r fq u e plufieurs Mots de la
même e lp èc e repréfentent une même idée object
iv e , v arié e feulement de l ’une â l ’autre pa r des
nuances différentes q u i naiffent de l a diverfité des
id ées ajoutées à la prem ière : c e lle qu i efl commune
à tous ces Mots y efl: l ’idée p r in c ip a le ; •&
c e lle s qu i y fon t ajoutées & qu i différencient le s
ü g n e s , fon t le s idées ac ce lfo ires. P a r e x em p le , amour 8c amitié fon t des noms abftraCtifs , qu i
p réfen ten t é g a lem en t à l ’ e lp r it l ’idée de ce fentim
en t de l ’âme q u i porte le s hommes à fe réunir :
c ’ e fl l ’ idée p r in c ip a le de la lignifica tion objeCtive
J e ces deux Mots : mais l e nom amour ajou te à
ç e tte idée p r in c ip a le l ’id ée ae celfo ire de l ’in c lin a t
io n d’un fex e p ou r l ’autre ; & l e nom amitié y
a jo u te l ’ idée a c ce ffoire d’un ju fle fo n d em e n t , fens
diftinCtion de fexe . O n t ro u v e ra , dans le s mêmes
id é e s a cce lfoires , l a différence des noms fobftan-
t ifs amant 8c ami , des adjeCtifs amoureux & amical, des adverbes amoureufement 8c amicale-pient.
C ’ efl: fur la diftinCtion des idées prin c ip a le s &
a c c e lfo ire s de la lignification objeCtive , que po r te
l a différence r é e lle des Mots honnêtes & déshon-
pê te s , que le s cyniques trairoient de chimérique.; 8c c’é to it p o u r avoir n é g lig é de déméler dans les Mots le s différentes idees a cce lfoires que l ’ ufage
p eu t y a t ta ch e r , qu’ils avoient ad opté l e fyftême
impudent de l ’indifférence des termes , qu i le s a v o it
cn fu ite menés jufqu’au fyftême plus impudent encore
d e l ’ indifférence des actions par raport à l ’honnêteté.
Quand on n e confidère dans les Mots de la
jgjême efpèç e } q u i dpfienent une même id ée o b -
jeClîve principale , que cette feule idée principale,
ils font fynonymes : mais ilsceffent de le t r e quand
on fait attention aux idées acceffoires qui les différencient.
( P 'o y e i Synonymes. ) Dans bien des
cas on peut les employer indiftinCtement & fans
choix ; c’eft furtout lorfqu’oa ne veut & qu’on ne
doit préfenter dans le difeours que l ’idée princip
a le , & qu’i l n’y a dans la langue aucun M o t
qui 1 exprime feule avec abftraCtion de toute i,déc
acceffoire ; alors les circonftances font affez côn-
noitré que l ’on fait abftraClio.n des idées acceffoires
que l ’on défïgneroit par le même M o t en d’aufres
occurrences : mais s’i l y avoit dans la langue un
M o t qui fignifiât l ’idée principale feule 8c abf-
traite de toute autre idée acceffoire , ce fe ro it ,
en cette occafion, une faute contre la jufteffe, de
ne pas s’en fervir plus tôt que d’un autre auquel
l ’ufage auroit attaché la lignification de la même
idee modifiée par d’autres .idées acceffoires.
Dans d’autres c a s , la jufteffe de l ’expreflîon exige
que l ’on choiffe ferupuleufement entre les fynonymes
, parce^ qu’i l n’eft pas toujours indifférent
de préfenter l ’idée principale fous un afpeét ou
fous un autre. C ’eft pour faciliter ce choix important
& pour mettre en état d’en fentir le
prix & les heureux effets, que l ’abbé Girard a
donné au Public fon livre des*Synonymes françois.
C ’ eft pour augmenter ce fecours que l ’on a répandu
dans 1 Encyclopédie différents articles de même nature
, qui font partie du z e> volume de la dernière
édition de cet ouvrage; & i l feroit à fouhaitér que
tous les gens de Lettres recueilliffent les obfervations
que le hafard peut leur offrir fur *cet ob jet, 8c les
publiaffent par les voies ouvertes au Public :
i l en réfulteroit quelque jour un excellent D ictionnaire
, ce qui eft plus important qu’on ne le
penfe peut-être ; parce qu’on doit regarder la
jufteffe de l ’élocution, non feulement comme une
fource d’agrément & d’élégance , mais encore
comme l ’un des moyens les plus propres à faciliter
l ’intelligence & la communication de la vérité.
Aux M o t s fynonymes , caraétérifés par l ’identité
du fens principal malgré les différences matérielles
, on peut oppofer les M o t s homonymes,
caraétérifés au contraire par la diverfité des fens
principaux malgré Fidentité ou la reffemblance
dans le matériel. ( V o y e -^ Homonyme. ) C ’efl;
furtout contre l ’abus des homonymes que l ’on doit
être en garde, parce que c’eft la reffource la plus
fa c ile , la plus ordinaire , & la plus dangereufe dé la
•mauvaife foi.
3°. L a diftinétion de l ’idée: p rip p p a le & des
idées acceffoires a lieü 'â ’Pegarâ dé la fignification
forme lle, comme à l ’égard de la fignification ob-
jeérive. L ’idée principale de la fignification formelle
, eft ce lle du point de vue fpécifique qui
çaraëtérife l ’elpèce du M o t , adaptée a l ’idée totale
de la fignification objective : & les idées accef-
fojres 4e la fignification formelle font çelles des.
divers points de vile accidentels défignés ott dé~
fignabies par les différentes formes que la déclina-
biiité peut faire prendre à un même M o t . Par
exemple , am u r e , a m a b a m , a m a v i j f e n t , font
trois M o t s dont l.i fignification objective renferme
la même idée' totale ; celle du fentiment général
de bienveillance que nous avons déjà vu appartenir
à d’autres M o t s pris dans notre langue ; en outre ,
ils préfentent également à Pc (prit des êtres indéterminés
, défignés feulement par l ’idée de l ’exif-
tence fous l ’attribut de ce fentiment : voilà ce qui
conftitue l’idée principale de la lignification formelle
de ces trois M o t s . Mais les inflexions &
les terminaifons qui les différencient indiquent des
points de vire différents ajoutés à l ’idée principale
de la fignification formelle. Dans a m a r e , on remarque
que cette fignification doit être entendue
d’un fujet quelconque, parce que le mode eft infin
itif; que l ’exiftence en eft envifagée comme fimul-
tanée avec une époque , parce que le temps eft
préfent; que cette époque eft une époque quelconque
, parce que ce préfent eft indéfini : dans
a m a b a m 8c a m a v i j f e n t , on voit que la fignification
doit être entendue d’un fujet déterminé , parce
que les modes font perfonnels ; que cé lujet déterminé
ddit être de la première perfonné & au nombre
fingulier pour a m a b a m , de la troifième per-
fonne 8c au nombre pluriel pour a m a v i j f e n t ; que
l ’exiftence du fujet eft envifagée rélativement à une
époque antérieure au moment de la parole dans
chacun de cés deux M o t s , parce que les temps
en font antérieurs , mais qu’elle eft fimultanée dans
am a b a m , qui eft un préfent, & antérieure dans
a m a v i j f e n t , qui eft un p rétérit, & c .
- C ’eft fur là diftinétion des idées principales &
.acceffoires de la fignification formelle , que porte
la diverfité des formes dont les M o t s fe revêtent
félon les vues de - l ’énonciation; formes Spécifiques,
qui , dans chaque idiome , caraétérifent à peu près
-lefoèce du M o t j 8c formes accidentelles, que
1 ufage de chaque langue a fixées relativement aux
„viles de la Syntaxe , & dont le choix bien entendu
eft le fondement de ce que l ’on nomme la correction
de f ty le , .qui eft l ’un des lignes les plus certains d’une
éducation cultivée.
Je finirai cet article par une définition dii M o t
la plus exacte qu’i l me fera poffible. L ’auteur de
la G r a m m a i r e g é n é r a le ( p a r t . 1 1 , c h a p . j. j
dit que « l ’on peut définir les M o t s des fons difi
» tinéts & articulés; dont les hommes ont fait
» des lignes pour lignifier leurs penfées ». Mais
i l manque beaucoup à l ’exaétitude de cette définition.
Chaque'fyllab'e'eft un fon diftinéf & fouvent
articulé, qui quelquefois lignifie quelque chofo
de nos penfées : dans a m a v è r a m u s , la fyllabe am
eft le ligne de 1 attribut fous leque l exifte le fe jet ;
f ? in iq u e que le temps eft prétérit ( V o y e r
I emps) ; e r marque que c’ eft un prétérit défini;
final délîgne qu’i l eft antérieur ; u s marque
qu i l elt de la première perfonne du pluriel ; y
a- t- il cinq M o t s dans a m a v è r a m u s 1 L a préposition
françoife ou latine à , la conjonction o u ,
l ’adverbe y , le verbe latin e o , font des fons
non articulés , & ce font pourtant des M o t s . Quand
on dit que ce font d e s f ig n e s p o u r J ig n i f i e r n o s
p e n f é e s , on s’exprime d’une manière incertaine : car
une propofitionentière, compofée même de plufieurs
M o t s , n’exprime qu’ iine penfée ; n’eft-elle donc
qu’un M o t ? Ajoutez qu’i l eft peu correct de dire
que J es hommes ont fait d e s f i g n e s p o u r J ig n i f i e r ;
c’eft un piéonafme.
Je crois donc qu’i l faut dire c p d u n Mot e j l u n e
t o t a l i t é d e f o n s d e v e n u e p a r u f a g e , p o u r c e u x
q u i V e n t e n d e n t , l e J ig n e d 'u n e id é e t o t a l e .
i ° . Je dis qu’un M o t eft une totalité de fo n s £
parce q u e , dans toutes les langu es, i l y a des
M o t s d u n e ou de plufieurs fy llab e s, & que l ’unité
eft une totalité auflî bien que la pluralité. D ’ailleurs
j’exclus par là les fyllabes qui ne font que d e s
fons pa rtie ls, & qui ne font pas des M o t s , quoiqu’elles
défîgnent quelquefois des idées, même complexes.
i ° . Je n’ajodie rien de ce qui regarde l ’articu-
tion o,u la non-articulation des fons ; parce qu’i l
me femble qu’i l ne doit être queftion d’un état
déterminé du fon , qu’autant qu’i l feroit exclufi-
vement néceffaire à la notion que l ’on veut donner :
or iJ eft indifférent à la nature du M o t d’être
une totalité de fons articulés ou de fons non-articulés
; & l ’idée feule du fon , fêlant également abfi- ’
traCtion de ces deux états oppofés , n exclut ni l ’un
ni l ’autre de la nol^u du M o t : fon fimple, fon
articulé, fon a igu , fon grave, fon bre f , fon alongé ,
tout y eft admilfible.
3°.' Je dis qu’un M o t eft le ligne d’une idée
totale ; & i l y a plufieurs raifons pour m’exprimer
ainfi. La première , c’eft qu’on ne peut pas disconvenir
que fouvent une feule fyllabe ou même une
fimple articulation \ne foit le ligne d’une idée ,
puifqu i l n’y a ni inflexion ni terminaifon qui n’ait
la fignificatiou propre : mais les objets de cette
lignification ne font que des idées p a rtie lle s, &
le M o t entier eft néceffaire à l ’exprellion de l ’ idée
totale. L a fécondé raifon , c’eft que , fi l ’on n’at-
tachoit pas à la fignification du M o t une id é e totale
, on pourroit dire que le M o t diverfement
terminé demeure le même, feus prétexte qu’ il
exprime toujours la même idée principale : mais
l ’idée principale & les idées acceffoires font également
pa rtie lles, & le moindre changement qui
arrive dans l ’une ou dans l ’autre eft un changement
réel pour la totalité ; le M o t alors n’eft plus l e
même, c’en eft un autre, parce qu’i l eft le figne
d’une autre idée totale. Une troifième raifon, c’eft:
que la notion du M o t ainfi entendue eft vraie de
ceux même qui équivalent à des propositions entières
, comme o u i , n o n , a i l e m o r i e r i s , &c : car
toute une propofition ne fort qu’à faire naître dans
l ’elprit de ceux qui l ’entendent une idée plus prëcife.
& plus dèyelopée du fujet.