
U n murmure général a éleva dans la fa i t e , il
fut à peine contenu par la préfence d’ün maître
' adoré ; l’indignation publique , la voix de l ’eftime
& de l ’amitié , demandèrent la punition de cet
attentat : un arrêt flétriflant fut ligné par une main
qui tient & qui honore également le fceptre des
rois & la plume des gens de Lettres ( le roi
Staniflas , duc de Lorraine & de Bar ). Mais le
philofophe , fidèle à fes principes , * demanda la
grâce du coupable ; & le monarque crut rendre un
plus digne hommage à la vertu en accordant le
pardon de cette odieufe licen ce , qu’en puniffant
l ’auteur avec févérité. L a pièce rentra dans le néant
avec fou auteur; mais la juftice du prince & la
générofité du philofophe pafferont à la poftérité,
& nous ont paru mériter une place dans l ’Encyclopédie.
Rien ne corrige les méchants : l ’auteur de cette
première Parade en a fait une fécondé, où il
a joué le même citoyen qui avoit obtenu fon
pardon, avec un grand nombre de gens de bien ,
parmi lefquels on nomme un de fes bienfaiteurs. L e
bienfaiteur, indignement tra vefli, eft l ’honnête &
célèbre M. H * * * , & l ’ ingrat eft un certain * * *•
T e l eft le fort de ces efpèces de Parades fab riques
; elles ne peuvent troubler ou féduire qu’un
moment la foçiété , & la punition ou le mépris
fuit toujours de près les traits odieux & fans e ffe t,
lancés par -l’envie contre ceux qui enrichiffent la
Littérature & qui l ’éclairent. Si la libéralité des
perfonnes d’un certain ordre fait vivre des auteurs
qui feroient ignorés fans le murmure qu’ils excitent,
nous n’imaginons pas que cette bienfefànce puiffe
s’étendre juiqu’àles protéger. ( Le comte DE T r è s -
SAN.)
P A R A D IG M E , f. m. C e mot vient du grec
xapaij'tiy/xa. , exempLar , dérivé du verbe ’xa.pa.J'dx.wu, manifefiè ojlendo RR. Ilap à , prépofition fou-
vent ampliative quand e lle entre dans la compo -
fition dçs mots ; & J'ux.'ivo , ojlendo. Le s grammairiens
fe font approprié le mot Paradigme , ‘ pour
défigner les exemples de déclinaifbns & de çonju-
gaifons, qui peuvent fervir enfuite de modèles aux
autres mots que l ’ufage & l ’analogie ont fournis
aux mêmes variations de l ’une ou de l ’autre efpèce.
Le s Paradigmes font des exemptes, des modèles
pour d’autres mots analogues ; & c’èft le fens littéral
du mot.
Le s Paradigmes étant principalement deftinés
à inculquer la règ le générale , par l ’ image fen-
fible d’une application particulière p ropofée comme
un objet d’imitation, M. le Fèvre de Saumur avoit
raifon fans doute de défirer que ces modèles fui-
fent préfentés aux jeunes gens fous une forme agréable
& propre à intérefler leur imagination : i l
faudroit, félon fes vues , qu’ils fuffent imprimés
fur de beau p ap ier , en beaux caractères , & dans le
format de l ’in -4 0, afin que chaque article du Paradigme
a ’occupâfc qu u^ç lig n e , & qu’on ne fut pas
o b lig é d’en r en v o y e r q u e lq u e ch ofe à l a lig n e fu i-
vantei
Ces petites attentions peuvent paroître minu-
tieufes a bien des gens, qui prétendent au mérite de
ne voir les çhofes qu’en grand : mais ce qu’i l eft
permis aux tpedateurs oihfs d’envifager ainfi , doit
être exécuté dans toutes fes parties par les maîtres ;
& les meilleurs font toujours ceux qui analyfent
le plus exactement les détails. Qu’ iL me foit donc
permis d’ajouter ici quelques obfervations qui me
paroiffent intéreffantes fous ce point de vue. Je les
rapporterai furtout aux éléments de la langue latine ;
& 1 on en fentbien la raifon.
I . Déclinaijon. I l eft géné ralemen t a v oué qu’ i l
y a v o it une barbarie infoutenab le dans l e s anciens
Rudiments , o ù le s nombres & le s cas é to ient dé -
fignés en la tin , fingulariter nominative, & c ;
com m e fi le s Commençants avoient déjà 'entendu
l a la n g u e dans la q u e lle on prétendoit pourtan t le s
in itie r p a r la même : on ne (àuroit le u r p a rle r t ro p
c la ir em en t; & i l eft fin gu lie r qu’on fe fo it a v ifé
fi tard d’em p lo y e r le u r propre lan g u e p o u r le s infe
truire.
U n e autre mép rife ,.c* eft digme d’a v o ir jo in t au Para
d’un nom c e lu i de l ’a r t ic le du même genre ; hoec Mufa, kujus Mufoe , & e : c’ eft une im ita tio n
malad roite des Paradigmes des déclinaifons g r è -
q u e s , où l ’a r t ic le p a ro ît plu s néceffaire , d’où c e pendant
i l eft encore p lu s avan ta g eu x .d e l e retrancher
; p ou r ne pas pa rtage r l ’a ttention des C om mençants
en la furchargeant m a l à p rop o s ; ÔC
c’ eft l e p a rti q ue v ient deNprendre l e P . G irau d e a ii
jé fu ite , dans fon Introduction à la langue grèque+x
A p lu s fo r te raifon doit-on fupprimer ce tte addit
io n fuperflue dans le s Paradigmes latins : & fe
l ’on ne v eu t y préfenter aucun nom fans en fa ir ç
connoître l e genre aux enfants , q ue ce fo it fim-
p lem e n tp a r 1 une des le ttre s in itia le s m , / , ou n ,quand l e nom eft d’un genre déterminé ; pa r deux
de ces le ttre s & l e m o t ou entre d e u x , s’i l eft d’un
g en re douteux , & c . V'oye-^ G en re.
O n a coutume encore de traduire chaque cas la t in »
en fe fe rva n td e notre a r t ic le défini Le, la , les t
p o u r le s noms ap p e lla tifs ; de la prép ofition de ,
p o u r l e g é n i t i f ; de à, pour l e d a t i f ; & de de ou. par , p ou r l ’ ab latif; C e la peut induire q u e lq u e fo is
en erreur , parce que ces cas ne fe traduifent p a s
toujours de la même manière ; & c’ eft peu t - ê tre
ce p a ra llé lifm e de François & de la t in q u i a donné
l ie u à nos grammairiens d’ ima giner fauflement q u e
nos noms ont des cas ( Voye\ C a s ) . J e voudrois
donc q ue l ’on mît Amplement après l e n om in a tif
f in gu lie r la lignifica tion françoife du nom , en p a -
renthèfe , en caractères différents de ceux du la t in ,
fans aucun a r t i c le , & qu’ on en f î t autant apres l e
n om in a tif p lu r ie l , en indiquant la différence d’orth
o g rap h e qu’ e x ig e ce n om b re , & marquant fo ig n e u -
fement l e g en re du françois dans chacun des deux
nombres»
Comme
Comme i l y a autant d’avantage réel à mettre
en parallèle les chofes véritablement analogues &
femblables, qu’i l peut y avoir de danger à comparer
des chofes qui , fous les apparences trom-
peufes de l ’analogie , font véritablement diffembla-
.blés ; je- crois qu’i l pourroit être de quelque utilité
de mettre fur deux colonnes parallèles les cas du
finguliôr.& ceux.du pluriel. A lo r s , pour ne pas
occuper trop de la rg eu r, on pourroit mettre la traduction
françoife de chaque nombre à la tête des fix
cas, fous la forme déjà indiquée ; & le format in-B°.
devient fuififant.
L a n c e lo t , dans VAbrégé de f a Méthode la tine
, avoit imaginé de faire imprimer en le ttre s,
.rouges les terminaifons jj qui caraéterifent chaque
cas : mais i l me femble que cette bigarrure 11 a
d’autre effet que de choquer les ieux ; & i l paroît
que le Public , en applaudiffant aux autres vùes
de ce fage & laborieux grammairien , n’a pas approuvé
cet expédient', puifqu’on n’en a fait aucun
ufage dans aucun des livres élémentaires que Io n
a imprimés depuis. C e font en effet les explications
& les remarques du maître qui doivent fixer
l ’attention des difciples fur ces différences ; voici-donc
un exemple de ce. que je veux dire par raport aux
noms.
Singulier Pluriel.
( Tab le , / . ) ( T a b le s , / . )
N om. Men fa. f. Menfoe. f.
Gen. J llen fa . M en firum .
Dat. Menfoe. Menfis.
Acc.- Menfam. M en fas .
V o c . M enfa. Menfoe.
A b l. M enfa. M enfis .
J’ai choifi le nom Menfa ( Tab le ) , parce qu’i l
exprime une chofe connue de tous les enfants ; au
lieu qu’ils aprennent à décliner M u fa , fans favoir
‘ce que c’eft qu’une M u fe j ou bien i l faut les dif-
traire de leur ana logie, pour leur donner les notions
mythologiques que fuppofe ce - nom : c’eft un
double inconvénient qu i l faut également éviter, dans
les commencements furtout.
Les pronoms perfonnels ego, t u , f u i , peuvent
& doivent être préfentés ïous le même afpeét ; &
les ad jectifs même ne demandent d’autres différences
que celles que l ’on va voir dans l ’exemple fuivant.
S i n g u l i e r .
Bon , m. Bonne , f .
m. f. n.
Nom. B o n u s , b o n a , bonum,
Gen. B o n i , boiioe , boni'.
Dat. Bono , b once , bono.
Acc. Bonum , bonam, bonum.
V oc. B o n e , b o n a , .b o n um .
A b l. B o n o , bond , . bono.
Gramm, et Littêrat. Tome IL
P l u r i e l .
B on s, m. Bonnes, f .
m. f. n.
Nom. B o n i , ■ bonoe , bona.
Gen. Bonorum, bonorum ■, bonorum<
Dat. B o n i s , s b o n is , ■ bonis.
A c t . B o n o s , bonas , bona.
V o c . B o n i , bonoe, bona.
A b l. B o n is , bonis , bonis. (
Si un adjeétif a dans plufieurs cas une meme
terminaifon pour plufieurs genres, on peut marquer
lès genres après chaque terminaifon ; par
exemple :
S i n g u l i e r .
S a g e , m. f.
Nom. Sapiens , m, f. n.
Gen. . Sapientis.
D a t . Sapienti.
Acc . Sàpientem , m. f. Sapiens , n.
V oc. Sapiens. '
A b l . Sapienie ou fap ien ti.
P l u r i e l .
S a g e s , m. f .
Nom. Sapientes , - m. f. Sapientia , n.
Gen. - Sapientium ou fapientum , m. f. n.
D a t . Sàpientib.us.
A c c . - Sapientes , m. f. Sapientia , n.
V o c . Sapiente s , m. f. Sapientia , n.
A b l . .Sapientibus.
D an s c e t e x em p le , on marque le s trois le tt re s
m , f, n, au premier cas de ch aque nombre q u i n a
qu ’ une terminaifon pour le s trois g en re s ; le s au tr e s ,
q u i n’ ont qu’ une termina ifon , font de meme p ou r
le s trois genres.
C e n’ eft pas a ffe z d’a v o ir déterminé la forme q u i
m’a paru la p lu s convenable p ou r le s P aradigmes.
L ’enfemble du fyftêm e g ram m a tica l ad opté dans
c e t ou v ra g e , e x ig e encore q u e lq u e s obfervations
qu i auroient du entrer au mot D é c l i n a i s o n ,
mais que du Marfais ne p o ü vo it pas prévo ir , p a rc e
qu’ i l n’a v o it pas le s mêmes idées que. m o i fur l e s
différentes efpèces de mots. I roye\ M o t .
Je regarde comme deux efpèces très-differentes
les noms & les adjectifs ( voyec{ G enre , Mo t ,
N om , & S u bstant if ) ; & je crois qu’i l n’y a
de mots qui foient primitivement & véritablement
pronoms , que les trois perfonnels ego , t u , fui
( voye\ P r o n om ). Je conclus de là que les déclinaifons
doivent être partagées en trois fe étions :
que la première doit comprendre les cinq déclinai