
quelque chofe de bien d’après les idées d’un 'autre,
ce qu’on n’a pas encore vu. ( Voye\ Pàfch. D e
v a r . moi. moral, trad. c. iij , p ag. 183. B a ille r ,
D e s facires perjonnelles. Loefch. A rcan . Litter.
P r o je t s littéraires. Jou rnal litter.tom. I , p . 470.)
Livres à’ a na 6c à’anti. ( V o y e^ A n a. & A n t i . )
L e but ou le deffein des Livres font différents ,
•félon la nature des ouvrages : les uns font faits
pour montrer l ’origine des chofes , ou pour expo-
l'er de nouvelles découvertes; d’autres, pour fixer
te. établir quelque vérité, ou pour pouffer une
fcience à un plus haut degré ; d’autres , pour dégager
les e{pries des idées fauffes' , & pour fixer
plus précifément les idées de s'chofes; d’autres,
pour expliquer les noms & les" mots dont-fe fervent
différentes nations, ou qui étoient en ufa^e en
différents âges ou parmi différentes feétes ; d’au-
Ires ont pour but d’éclaircir , de conftater la vérité
des fa its , des évènements, ic d’y montrer les
voies & les ordres de la 'Providence ; d’autres n’ein-
braffent que quelques-unes de ces parties ; d’autres,
en réunifient la plupart & quelquefois toutes.
( Voye-{ Loefch. D e cauf. ling . hebr. in proefa t. )
Les ufages des Livres ne font ni moins nombreux
ni moins variés : c’eft par eux que nous acquérons
des connoiffances : ils font les dépofîtaires
des lois , de la mémoire , des évènements , des
ufages , moeurs , coutumes , &c ; le véhicule de
toutes les fciences; la Religion même leur doit
en partie fon établiîlement 6c fa çonfervation. Sans
eux , dit Bartholin , D eu s jàrii f i l e t , Juflitia
quiefeit, torpet Medicîna ; Philofophia mança e fl.
Littertp mutes , omnia tenebris involuta cimmsr
riis . ( D e L ib . legend. dijfiert. 1 , p a g . f i . )
Le s éloges qu’on a donnés aux Livres font in^
finis. On les repréfente comme l ’a fÿ le de la vérité
, qui fouvent eft bannie des converfatipns ;
comme des confeillers toujours prêts à nous in f
truire chez nous & quand nous ' v oulons, & tou-^
jours défintéreffés. Ils fuppléent au défaut des maître
s, & quelquefois au manque de génie ou d’invention
, & elèvent quelquefois ceux qui n’ont
que de la mémoire au deffus des perfonnes d’un
efprit plus v i f & plus brillant. Un auteur qui écri-
voît fort*élégamment, quoique dans un fiècle barbare
, leur donne toutes eés louanges. ( Voyen^ Lucas
de Penna , Apud. M orhojf. Polyhift. liv. 1 , ç . i i j ,
p a g . z 5.) L ib e r , dit-il, e fl lumen cordis, fpeculum
corporis , virtutum magifier p vitionim depulfor,
corona prudentum, diadema fapientium , gloria
bonorum , decus eniditorum , cornes itineris do-
mefticus amicus , collocutor & oongerro tacèntis
collega & oonfiliariiis proefidentis , myrotheciûm
cloquentiæ , hortus plenus fru c lib u s , pratum
floribu s difhinctiim, principium intelLigentioe, me-
morice p e n u s , mors obLivïonis , vita reçordatïonis.
V oca tu s p roperat, jujfius fe ft in a t ,Jemperpræfto
e f l , numquam non morigerus ; rogatus confie film,
refpondet , * . . . arcana révélât, pbfcurà i llu f ir a t ,
çmbigua çm ioratj p e rp k x a refalvitycontra adverfam
fortilnam d efeiifôr, feâaidce modemtor, opet
adauget^, j d é lu ram p ro pu lfa t, &c.
Peut-être leur plus grande gloire vient-elle de
s etre attire 1 a ffedion des plus grands hommes dans
tous les âges. Cicéron dit de M. Ca ton: Marcum
Catonem vidi in bibliotkecd confedentem , multis
c'ncumfufum floïçorum Libris. E ra t- enim , ut
f o i s , in eo inexhaufla aviditas legendi , nec
fa t ia r i poterat. Quippe qui , nec reprehenfionerri
vulgi inatiem reformidans , in ipfci -curia foleret
legere , foepe dum Senatus cogebatur, n ihil opérez
reipublÀf.oe detrahens. (De divinat. L ib 1 1 1 , n°. 1 1 .)
Pline l ’ancien , l ’empereur Julien, & d’autres donc
i l feroit trop long de rapporter ici les noms fameu
x, étoient auffi fort pafiîonncs pour la leéture:
ce dernier a perpétué fon amour pour les L iv r e s ,
par quelques épigrammes grèques qu’i l a faites ea
leur honneur. Richard Bury , évêque de Dur-
h a p , & grand chancelier d’Angleterre', a fait
un traité fur l ’amour des Livres. ( ]/oye\ Plir.e ,
E p if l, 7 , Hb. m . Philobiblion fiv e de amore
Librorum. Fabrice, Jdibl. lat. ' med. cevi. tom. I ,
P aB ' <5* fu iv . Morhoff. P o ly h if l. liv . 1 ,
ch. xvij , pdg. i f30. Salmuth. A d Peindrai, lib. I ,
tit. %z , p . 67. Barthol. D e Lib. legend. dijfiert. f ,
p . 1 & fu iv . )
Les mauvais effets qu’on peut imputer aux L i vres
y c’eft qu’ils emploient trop de notre temps
Sc de notre attention, qu’ils engagent notre efprit
à des chofes qqi né tournent nullement à l ’ùtilité
publique , & qu’ ils nous infpirent dé la répugnance
pour lés àâions & le train ordinaire de la .vie civ
ile ; qu’ils rendent pareffeux empêcherit'de faire
ufage. des talents que l ’on peut avoir pous-acqué-
rir par foi-même certaines connoiffances , eii nous
fourqiffant a tous moments des chofes inventées par
les autres; qu’ils étouffent nos propres, lumière's.
en ^^ris faifant voir par d’autres que par nous-
mêmes ; outre que ■ les çarai^èrés mauvais peuvent
puifer tous les moyens d’itifeéler le monde d’ir—
re lig io n , ' de fuperftition , de corruption dans les
moeurs , dont on eft toujours beaucoup plus avide
que des leçons de fageffe & de vertu. On peut
ajouter encore bien des chofes contré l ’inutilité
des L iv r e s ; les erreurs , les fables , les folies
dont ils font remplis-, leur multitude ex-eefîive ,
le peu de certitude qu’on en tire , font telles ,
qu’i l paroît plus aifé de découvrir la vérité dans
la nature & la rai fon des-chofes, que dans l ’incertitude
& les contradictions des L iv r e s . D ’ailleurs
les L iv r e s ont fait négliger les autres moyens de
parvenir à la connoiffance des chofes , comme les
obfeyvations, les expériences , &c , fans lefquelles
les fciences naturelles ne peuvent être cultivées
avëc fucces. Dans les Mathématiques, par exemp
l e , les L iv r e s ont tellement abattu l ’exercice de
1 invention, que la plupart des mathématiciens fe
contentent de réfoudre un problème par ce qu’en
ont dit les autre's , & non par eux-mèmès, s’écartant
ainfi du but principal de leur fcience, pqj£»
nue ce qoi eft contenu dans les Livres de Mathématiques
n’eft feulement que l ’hiftoire des Mathématiques
, & non l ’art ou la fcience de réfou-
dre des queftions ; chofe qu’on doit aprendre ,de
la nature^, & de la réflexion , & qu’on ne peut
acquérir facilement par la fimple leéture.
A l ’égard de la manière d’écrire ou de com-
poferJdes Livres y i l y a auffi peu de règle? fixes
8c univerfelles que pour l ’art de parler , 'quoique
le premier foit plus difficile que l’autre ; car un
lecteur n’eft pas fi aifé à furprendre ''ou a -éblouir
qu’un auditeur, les défauts*d’un ouvrage$ne lui
échapent pas avec la même rapidité que ceux d’une
converfation. Cependant un cardinal de grande
réputation réduit-à très-peu de points les .règles
de l ’art d’écrire ; mais ces règles font-elles auffi
aifé es à pratiquer qu’à preferire? I l fa u t , d i t - i l ,
qu’un auteur confiaère, a qui i l écrit , ce q u i l
éc rit, & ' comment :& pourquoi i l écrit. ( Voye^
Auguft. Vaie r. ‘ D e caut. in edend. lib. ). Pour
bien écrire & Pour compofer un bon L iv r e , il
faut choifir un fujet intéreffant, y réfléchir long
temps &- p rofondément, éviter d’étaler des feflti-
ments ou des. chofes déjà dites , ne point s’écarter
de fon fujet & ne faire que peu ou point de '
digreffions ; ne' citer que par néceflité, pour appuyer
une vérité , ou,pour embellir fon fujet par une
remarque u t ile , ou neuve & extraordinaire; fe
garder de c i te r , par exemple , un ancien philo-
fophe., pour lui faire dire des chofes que le dernier
des hommes auroit dites tout auffi bien que lu i ;
& ne point faire le prédicateur , à moins que le fujet
ne regarde la Chaire. ( Voye-^ la nouv. Répub. des
Lettr. tom. XXXIX. p . 4 2 7 . )
Les'qualités principales que l ’on exige d’un L i vre
, font', félon Salden , la folidité , la clarté , &
la concifion. O n peut donner à un ouvrage la
première de ces qualités, en le gardant ' quelque
temps avant que de le donner au P u b lic , le corrigeant
, 8c le revoyant avec le confeil de fes amis.
Pou* y répandre la clarté , i l faut difpofer fes
idées dans un ordre .convenable, & les rendre par
des expreflîons naturelles. Enfin on le rendra concis ,
en écartant avec foin tout ce qui n’ appartient pas
directement, au fujet. Mais quels font les auteurs
qui obfervent exactement toutes ces règles, qui les
rempliffent avec fucces ?" : '
'Vix totidem quoi
Thebarum portes, vel divitis ojlia Nili.
C e n’ eft pas dans ce nombre qu’i l faut ranger
çes écrivains qui donnent au Public des fix ou huit
Livres par an , & cela pendant le cours de dix
. ou douze années , comme Lintenpius , profeffeur
, à Copenhague , qui a donné un catalogue de
foixante douze Livres qu’iL compofa en douze ans ;
favoir fix volumes de T h éo lo g ie , onze d’Hiftoire
eccléfiaftique, trois de Philo fop h ie , quatorze fur
divers fujets, 6c trente huit de Littérature. ( V oy e \
Lintenpius , R e lig . incend. Be rg, apud nov. litter•
Lubec. ann. 1704 , p a g . Z 4 7 . j On n’y comprendra
pas non plus cçs auteurs volumineux qui comptent
leurs Livres par vingtaines , par centaines,
te l qu’étoit le P. Macedo , de l ’ordre de faint
François, qui a écrit de lui-même qu’i l avoit com-
pofé .quarante quatre volumes, cinquante trois panégyriques
, foixante (fuivant l ’anglois ) fipeeches la tins
, cent cinq épitaphes, cinq-cents élégies , cent dix
odes , deux-cent d,ouze épitres dédicatoires , cinq-
cents épitres familières, Poëmata epica ju x te i bis
mille J exçenta : on doit fuppofer que par là i l entend
deux-mille fix-cents petits poèmes en vers héroïques
ou hexamètres, 6c enfin cent-cinquante-mille
• vers* ( V oy e \ Norris , M ile s . macedo. Journ. des
S a v a n t s , tom. X L V U . p a g . 1 7 7 .)
I l feroit également inutile de mettre au nombre
des écrivains qui liment leurs productions, ces auteurs
enfants, qui ont publié des L iv r e s dès qu’ils
ont été en âge de parler , comme le jeune duc du
Maine, dont les ouvrages furent mis au jour lo r l-
qu’i l n’avoit encore que fept ans , fous le titre
d’ OE u v r e s d iv e r fe s a u n a u teu r de fiept a n s .
P a r i s , ïtt-40. 168 y. ( V o y e \ le J ou rn . d e s S a v .
tome X I I I . p a g . 7. ) Daniel Heinfius publia
fes notes fur Silius Italieus , fi jeune , .qu’i l
les intitula fes hochets , C repu n dia f i l i a n e i , L u g d .
B a ta v . a n n . 1600. On dit de C a ramu el, qu’i l
écrivit fur la fphère avant que d’être affez âgé pour
aller à l ’école ; & ce qu’i l y a de fingulier , c’eft
qu’ i l s’aida du traité de la fphère de Sacrobofco,
avant que d’entendre un mot latin. fiVoye^ les
E n f an ts célèbres de M . B a i l l e t , ^ . 8 , ^ . 3 3 0 0
A quoi 1011 peut ajouter ce que Placciiis raconte
de lui-même , qu’i l commença à faire fes colléc-
fions étant encore fous le gouvernement de fa nourrice
, & n’ayant, d’autres fecours que le Livre des
prières de cette bonne femme. (Plac e . D e ant.
excerpt, p a g . 1510.)
M. Cornet avoit coutume de. dire que :, pour
écrire un Livre , i l fa llo it être très-fou ou très-
fage. (Vigneul M a rv ille , D ic lio n n .iin iv .d e Trev.
tom. I I I , pa g . 1505», au mot Livre. ) Parmi le
grand nombre des auteurs, i l y en à fans doute beaucoup
de l ’une & de l ’autre efpèce ; i l femble ce-
pendant que le plus grand nombre n’eft ni de l ’une
ni de l ’autre.
On s’eft bien éloigné de la manière, de penfer
des anciens , qui apportoient une attention extrême
à tout ce qui regarde la composition d’un Livre ;
ils en avoient une fi haute idée , qu’ils comparoient
les Livres à des tréfors -, thefauros oportet ejfie ,
non Libros. I l leur fembloit que le tra v ail, l ’afli-
duïté , l ’exaCtitudè d’un auteur n’étoient point, encore
des paffeports fuffifants pour faire paroître un
Livre ; une vue générale , quoicj u’attentive fur
l ’ouvrage , ne fuffifoit point à leur gré. Ils con-
fidéroient encore chaque expreffion , chaque fen-
timent, les tournoient fur différents points de vu e ,
n admettoient aucun niot qui ne fut exaél ; en forte