
que ces fortes Je pièces foient le fruit d’un heureux
moment , & qu’elles ayent toujours un air
fimple , ai fa , naturel, qui garan:ifTe qu’elles n’ont
point été faites à loifir : c’eft pourquoi nous permettons
quelques licences dans ces fortes d’ouvrages
en faveur de leur amufement paffager ; le comte
Hamilton en a prefcrit les règles dans les vers foirants
, où i l appelle l ’Im p r om p tu ,
Un certain volontaire,
Enfant de la table & du v in,
Difficile & peu néceflaire ,
V i f , entreprenant, téméraire.
Étourdi , négligé, badin,
Jamais rêveur ni folicaire ,
Quelquefois délicat & fin,
Mais tenant toujours de fon père.
L a plupart des jolies pièces de L a in e z , madrigaux
j chanfons , épigrammes , ont été faites le
verre à la main ; i i partageoit fon temps entre
l ’ étude & le piaifir de la table. U n de fes amis
lù i témoignant un jour fa forprife de le voir à huit
heures du matin à la bibliothèque du r o i , & pour
ainfi dire au fortir d’un grand repas de la v e ille
La inez lu i répondit par cet Im p rom ptu in g é nieux
:
Régnât noSe c a lix , volvuntur bïblia mane ,
Cum Phcebo Bac chus dividit imperium.
O n rapporte que Théophile étant a llé dîner chez
un grand ièigneur, où tout le monde lu i difoit qu’un
de les amis etoit fou puifqu’i i étoit poète , i i répondit
en riant :
J'avourai fans peine avec vou s.
Que tous les poètes font fous;
Mais Tachant bien ce que vous êtes,
Tous les fous ne font pas poètes.
Non feulement nous voulons que Y lm p rom p tu
naiffe du fo je t , mais i l faut de plus qu’i l renferme
une penfée plaifante , v iv e , jufte., neuve , agréable ;
une raillerie ingénieufe , ou mieux encore, une
louange fine & délicate.
Les vers que Gaeon dit for le champ a fes amis ,
qui lui montroient le portrait deThomas Corneille ,
font plaidants :
Voyant le portrait de Corneille,
- Gardez-vous de crier merveille,
Et dans vos tranfports n’allez pas
Prendre ici Pierre pour Thomas.
Onconnoît Y Im p rom p tu quePoiifon (Raimond),
un de nos meilleurs aéleurs comiques, fit à dîner
chez M. C o lb e r t, qui avoit tenu un de fes enfants
for les fonts baptifmaux. Comme M. Colbert ne
devait arriver qu’au fru it, tout le monde avoit profité
de fon abfence pour élever fa g lo i r e , quand Poiffoû
prit la p a ro le , & dit :
Ce grand miniftre de la paix,
Colbert, que la France révère,
Dont le nom ne mourra jamais,
Eh bien, Meilleurs , c’eft mon compère.
U Impromptu fuivant eft de mademoifelle Scu-
déry , for des fleurs que M. le Prince cultivoit :
En voyant ces oeillets qu’un illuftre guerrier
Arrofe d’une main qui gagne des batailles,
Souviens-roi qu*Apollon élevoit des murailles ,
Et ne t’étonne pas que Mars foit jardinier.
Mais entre plufîeurs jolis Impromptu de nos
poètes , qu’on ne peut oublier , je ne dois pas taire
celui que M. de Saint-Aulaire fit à l ’âge de plus
de quatre-vingt dix ans, chez madame la duchefïe
du Maine, qui l ’appeloit fon A p o llon . Cette prin-
ceffe ayant propotë un jeu, où l ’on devoit dire un
fecret à quelqu’un de la compagnie, elle s’adreÆa à
M. de Saint-Aulaire, & lu i demanda le fien; i l lu i
répondit :
La divinité qui s’ amufc
A me demander mon fecret,
S' j’écois Apollon, ne feroit pas ma mufe;
Elle feroit Thétis Sc le jour finiroit.
C ’eft une chofe très-fîngulière, dit M. de V o ltaire
, que les plus jolis vers qu’on ait de lu i, ayent
été fairs lorfqu i l étoit plus que nonagénaire. ( Le
chevalier d e JAU c o u r t t )
IM P R O P R E , adj. Le s grammairiens ufent de ce
mot, comme d’un terme technique, en trois occasions
différentes.
i ° . Ils ont coutume de diftinguer deux fortes de
diphthongués, des propres & des impropres. V o y e z
D i p h t h o n g u e . Ils appellent diphthonguéspropres
celles qui font effectivement entendre deux voix
confécutives dans une même fyllabe , comme ieu
dans D ie u ; & ils appellent diphthongués impropres
, celles qui n’en ont aux yeux que l’apparence
, parce que ce font des affemblages de vo y elle s
quine repréfentent pourtant qu’une voix unique Sc
fimple, comme a i dans mais.
L a réunion de plufîeurs, voyelles repréfente une
diphthongue ou une vofx fimple : dans le premier cas,
c’eft proprement une diphthongue ; mais dans le
fécond ce m’eft point une diphthongue , & i l y aune
véritable antilogie à dire que c’eft une diphthongue
impropre. J’avoue cependant qu’i l y a pour les
ieux une apparence réelle de diphthongue, p u if qu’
i i y a lès figures de plufîeurs fbns individuels :
c’ eft pourquoi je penfe que l ’on peut donner à ces
affemblages de voyelles le nom de diplithongu.es
oculaires,• & alors la dénomination de diphthongués
auriculaires convient très-bien par oppofition aux
diphthongués propres. Ces dénominations femblent
préfenter à l’efprit des notions plus précifes, plus
exaâes, Sc même plus lumineufes que celles de
propres Sc $impropres.
, z ° . M. Reftaut établit fept fortes de pronoms ;
Sc ceux de la feptième efpèce font les indéfinis,
qu’on appelle encore , dic-il ( V I I .édit. p. U 4* / »
pronoms impropres, parce qu’i l y en a plufîeurs
qu’on paurroit auffi bien regarder comme des adjectifs
que comme des . pronoms.
Je ne dis rien ici de la divifion des pronoms ,
adoptée par cet auteur & par tant d autres, qui
n’ont pas plus approfondi que lui la nature de
cette partie d’oraifon. Voye^ P ronom. Je^ne veux
que remarquer combien leur langage meme eft
propre à les rendre fofpetts de peu d’exaélitude
dans leurs idées & dans leurs principes. Çomment
fe peut-il foire en effet que des mots foient tout
à la fois pronoms Sc adje&ifs , c’eft à dire, félon
les notions qu’ils établiffent eux-mêmes , qu’ils
tiennent la place des noms , & qu’ils foient en
même temps inféparables d’un fobftantif ? De quels
noms tiennent-ils donc la place, ces prétendus pronoms
qui n’ofenc pàroître fans être accompagnés-
par des noms ? La dénomination de pronoms impropres
que leur donnent ces grammairiens, eft.un
aveu réel de leur déplacement dans la claffe des
pronoms; &stous leurs efforts pour, les y établir
ne peuvent leur ôter cet air étranger qu’ils y con-
fervent , Sc qui certifie l ’inconféquence des auteurs
dans la diftribution des efpèces. Enfin ces mots
font pronoms ou ne le font pas : dans le premier
cas , ils font dès-pronoms propres , c’eft à dire ,
vraiment pronoms ; dans le fécond cas , il fout
les tirer de cette claffe, & les placer dans une
autre , où ils ne feront plus rangés improprement.
0 30. O n appelle encore terme impropre , tout
mot qui n’exprime pas exactement le lens qu’on
a prétendu lui faire fignifier ; ce qui fa it , comme
on v o i t , un véritable vice dans l ’Élocution. Par
ex emple, i l fout choifir entre Élection & C hoix :
« C es deux mots, dit le P. Bouhours\ Remarques
» nouvelles y tome I , p . 170 ) , ne doivent pas fe
» confondre. Election fe dit d’ordinaire dans une
» lignification paflîve , & Choix dans une fignifi-
» cation aétive. U Election d ’ un tel marque celui
» qui a été élu : le C hoix d ’ un tel marque celui
n qui ehoifit. L ’ÉleCtion du doge a été approuvée
» de tout le peuple de V en ife ; le Choix du S énat
» a été approuvé généralement ». Dans ces exemples
, les mots É lection & Choix font pris dans
une acception propre ; mais ils deviendroient des
termes impropres, fi l ’on difoit ail contraire le
Choix du doge, ou /’Éle&ion du Sénat. L e pu-
rifme du P . Bouhours lui-même ne l ’a pas toujours
fauvé d’une pareille méprife. En expliquant (ihid.
p . zz8. ) la différence des mots A n c ien Sc V ie u x ,
voici comme i l s’énonce : « O n dit , i l eft mort
» Ancien dans le P a r lem en t , c’ eft à dire, qu i f
» eft reçu devant moi , quoiqu’i l foit p eu t-être
» plus jeune que moi ». D evan t eft ici*un terme
impropre ; i l falloir dire avant. Thomas C o rn e ille
montre bien clairement la raifon de cette différence,
dans fa N ote for la Remarque 174 . de V au ge la s;
Sc M. l ’abbé Girard la dèvelope encore davantage
dans fes Synonymes fra n ç o is . V o y e z P r o p
r i é t é .
. C e n’eft que dans ce troifîème fens que je troii-
verois convenable que le mot impropre fût regardé
comme un terme technique de -Grammaire. Une
idée ne laiffe pas d’être exprimée par un terme
impropre ; quoiqu’i l manque quelque chofe à la
juftefle ou à la vérité de l ’expreffion ; mais une
diphthongue impropre n’eft point une diphthongue,
& un pronom impropre n’eft point un pronom»
( M. B eauzée. )
( N . ) IM P R O V IS A T E U R , IM P R O V IS A T
R IC E . f. IM PR O V ISE R , v. a. Ces motsdéfignent
le talent dé compofer & de réciter for le champ
une fuite de vers fur un fojet donne.
I l eft extraordinaire que ces mots foient écrits
Improvifteur, Improvifter dans l ’Encyclopédie.
L ’auteur de l ’article les a foit dériver de notre
mot Imprc/vifle ; au lieu qu’ils ont été tranfportes
de l ’italien Improvifare , Improvifatore.
L e mot Improvifer eft depuis lon g temps reçu
dans notre langue ; on le trouve dans les Poéfies
dé S. Amant, dans le Mafcurrat de N au d é , dans
Ménage, &c.
Quelques auteurs ont écrit Improvifeur ,* mais
le mot Improvifateur eft aujourdhui généralement
établi.
On trouve, dans les Lettres du poète Rouffeau 9
le mot Improvifade, pour défigner des pièces
de vers faites impromptu ; ce nVot n a pas ete
adopté, & ne le méritoit gùères.
L e talent S Improvifer femble être une production
naturelle du fol de l ’Italie. I l paroit tenir a
deux caufes : la première eft la faculté de fe donner
à foi-m êm e un degré d’exaltation , capable d exciter
dans l ’elprit une multitude d’idées avec une
rapidité dont n’ont pas même l ’idee les hommes
d’une imagination froide & tranquile ; la fécondé
caufe , eft une langue abondante & flexible dont
on s’eft rendu toutes les formes familières.
Che z les peuples fauvages , où l ’imagination
eft d’autant plus forte & plus mobile , qu’elle eft
moins contenue par l ’exercice de la railbn & par
les conventions & les habitudes de la civilifotion,
le don d’Improvifer eft commun ; mais i l a befoin
d’être excité par la Mufique. Le s voyageurs nous
repréfentent les fauvag’es de T Amérique, au milieu
de leurs affemblées , de leurs fellins , de leurs
fêtes guerrières ou funèbres, fe lever tout â coup
avec enthoufiafme & chanter des vers impromptu
au fon des ioftrumems. Dans les Poéfies fi célèbres
R r *