
dans la définence du verbe. Mais prefque tous ces au- 1
très temps dans l ’anglois, font joints à d’autres verbes
auxiliaires j en forte qu’on voit à peine dans cette L a n gue
les traces d’une conjagaifon : J love , J loved ,
loving , J'aime J 'a im a i, aimant; voila tous les
changements de ter-minaifon'que reçoivent la plus
grande partie des verbes anglois. Toutes les diverfes
modifications du- verbe qui ne peuvent être exprimées
par aucune de ces trois terminailons doivent
l ’être par differents verbes auxiliaires qu’on y
joint. Deux verbes auxiliaires fuffifent dans les
La n gue s françoife & italienne pour foppléer au
défaut de leurs conjugaifons j & en A n g lo is , outre
le s verbes fubftantif & poffeffif, i l en faut plus de
lix , tels que J do ., J did , je fa is , j’ai fait ; J w i ll ,
J would, je veu x, je voudrais ,• J f h a ll, J f h o u ld ,
je dois , je devrois ; J can , J could , J m a y ,
J m ig ht, je peux , je^pourrois, &c. .
C ’efl ainfi que le langage devient plus Ample
dans fes rudiments & fes. principes , précifément à
proportion qu’il devient plus compliqué dans fa
compofîtion ; & i l eft arrivé en cela la même chofe
qui arrive communément dans les inventions mécaniques,
Toutes les machines en général , lorf-
qu’on les invente , font extrêmement compliquées
dans leurs principes ; & l’on y remarque fouvent
un principe particulier de-mouvement pour chaque
mouvement particulier que l ’inventeur s’étoit pro-
pofé d’exécuter : ceux qui fuccèdent à l ’inventeur ,
8c qui veulent perfectionner , obfervent qu’un feul
principe bien appliqué peut fuffrre à plufieurs
de ecs mouvements : la ma.chine .fe Amplifie ainfi
par degrés , & produit les mêmes effets avec moins
de roues & moins de principes de mouvement.
I l en eft de même des Langues ; chaque cas
de chaque nom , & chaque temps.de chaque verbe,
s exprimoient, dans l ’origine, par un mot particulier
diftinCt, qui ne fervoit qu’à cela & non à autre
chofe. Mais par les obfervations qu’on fit dans la
fuite , on découvrit qu’un petit nombre de mots
pouvoit tenir lieu de ce nombre infini de terminai-
ïons ; & que quatre ou cinq prépofitions /avec cinqfà
fix verbes auxiliaires , étoient en état de fuppléer à
toutes les déclinaifons 8ç conjugaifons des anciennes
Langue s .
Mais ces L a n g u e s , ainfi Amplifiées, n’ont pas
le s mêmes effets que ces machines Amplifiées que
nous leur avons comparées, quoique cette Amplification
, fi^ je peux m’exprimer ainfi, naiffe peut-
être des mêmes caufes. L a Amplification des machines
les rend d’autant plus parfaites ; mais la
Amplification des rudiments des Langue s les rend
au contraire d’autant plus imparfaites & moins propres
à remplir plufieurs objets du langage j & cela
pour les raifons fujvantès..
i ° . Les L a n g u e s , ainfi Amplifiées, deviennent
plus prolixes , plufieurs mots étant devenus néc’ef-
feires pour exprimer ce qui s’exprimoit auparavant
par un foui roof. C ’çft ainfi que les mots D e l
& D e o , dans le la t in , défignent fuffifamment 8c
fans aucune addition , quelle relation l ’objet fignifié
eft fuppofé avoir avec les objets exprimés par les
autres mots de la phrafe. Mais pour exprimer
cette meme relation en anglois , & dans toutes les
autres Langues modernes , nous devons au moins
faire ufage de deux mots , & dire de D ie u , à D ieu .
Dans tout ce qui regarde les déclinaifons , les L a n gu
es modernes feront donc plus prolixes que les
anciennes.
L a différence eft encore plus grande pour le s
conjugaifons. C e qu’un romain exprimoit par ce feul
mot dmavijjem , un anglois eft obligé de l ’exprimer
par quatre mots différents : i fh o u îd hâve loved ,
j e pourvois avoir aime. I l n’eft pas néceffaire de
faire voir combien cette prolixité doit énerver l ’éloquence
dans toutes les Langues modernes. Tous
ceux qui ont quelque expérience dans l ’art de com-
pofer , favent très-bien combien la beauté d’une
expreiTîon dépend de fa précifion.
i ° . .Ces principes ainfi Amplifiés deviennent
moins agréables à l ’oreille. L a variété de la termi-
naifon, dans le grec & dans le latin , produite
par leurs déclinaifons & conjugaifons, donne à
leur langage une douceur tout à fait inconnue au
nôtre , & une variété qu’on ne trouve dans aucune
La n gue moderne. Pour la douceur, l ’italien peut-
être furpaffe le latin , & va prefque de q>air avec-
le grec ; mais pour la variété , i l eft de beaucoup
inférieur à l ’une & à l ’autre Langue. .
3°. Cette Amplification ne rend pas feulement
les fons de notre Langue moins agréables à l ’o re
ille > mais elle nous empêche encore de les dik
pofer de la manière la plus frappante pour l ’efprit
& l ’imagination. E lle affujettit plufieurs mots à une
fituation particulière , quoique fouvent ils puffent
être placés dans une autre avec beaucoup plus de
goût. Dans le grec & dans le la t in , quoique l ’ad-
je étif & le fubftantif fuffent fépa-rés l ’un de l ’autre ,
cependant la correfpondance de leur terminaifon
défignoit affez leur relation mutuelle ; & cette
féparation ne produifoit par elle-même aucune fo*te
de confufion. C ’eft ainfi que dans ce premier vers
de V ir g ile :
T'ityre , tu, patulcz repubansfüb tegmine fagi,
nous appercevons aifément que tu Ce rapporte $
recubans , & patulce à f a g i , quoique les; mots
en relation foient fépârés l ’un de 1 autre par Tinter-
pofiljon de plufieurs autres ; parce que les térmi-
naifons montrant la correfpondance de leurs cas 3
détermine leur relation mutuelle. Mais fi nous voulions
traduire ce vers littéralement en françois , 8ç
que nous diffions,
Ticyre, toi-, touffu repofantfous l’ abri du hêtre ,
perfonne ne jpourroit en comprendre le fens ; parce
qu’i l n’y a point ici de différence dans la terminaifon
, qui puilfe déterminer à que l fubftantif chaque,
adjectif
sJ ië& if doit appartenir. L e cas eft le m&ne a
X’éUrd des verbes. Dans- le la t in , le verbe peut
fouvent fe p la c e r , fans aucune ambiguité ni inconvénient,
dans quelque partie que ce Coït de la
phrafe. Mais dans le françois, amli que dans 1 ang
la is ., fa place a prefque toujours une dcterm,na-
tiou preciie. L e verbe doit dans-tous les cas précéder
l e membre qui fait d’objet de la phrafe , & fuivré
toujours immédiatement celui qui. en eft le fojet.
Ainfi , dans l e latin , foit que vous-difiez , Joan-
nem verberavit Roben u s , ou bien Robe-nus y er-
beravit Joannem, le fens eft précifément toujours
le même ; 8c la terminaifon défigne Jean comme
le patient dans les deux manières : mais en fran-
çois , Jean a battu Robert , où Robert a battu
Jean , font deux phrafes qui ont une fignification
abfolument différente, L a place des trois, membres
principaux de la phrafe a donc, dans Tanglois &
par la même raifon dans le françois & l ’italien ,
prefque toujours une détermination précife ; tandis
que , dans les Langue s anciennes , on avôit plus de
liberté , 8c qu’i l y eft fouvent indifférent de placer
ces membres dans un lieu ou dans un autre* .
O n peut à peine s’imaginer combien cette
liberté d’ intervertir Tordre des mots doit avoir aide
le s anciens dans leurs compofitions , foit en vers
foit enprofe. Sans doute i l n eft pas néceffaire d’pb-
ferver combien cela devoit rendre leur vérification
facile j & dans la profe même, leurs écrivains durent
acquérir les beautés qui tiennent à Tarrangement &
à Tordre des mots, bien plus aifément & à un degré
plus parfait qu’on ne peut l ’efpérer dans les Langue s
modernes , dont la diffufion , la contrainte, & la
^ntra.rnpnt & afFoibliffent Drefoue tou-
R é fle x ion s fu r les L an gu e s , tirées de Varticle
E n c y c l o p é d i e ,
L ’ inftitution de fignes vocaux qui repréfentaffent
des idées , & de caraftères tracés qui repréfentaffent
des v o ix , fut le premier germe des progrès de
Tefprit humain. Une fcience , un a r t , ne naiflent
que par l ’application de nos réflexions aux réflexions
déjà faites , & que par la réunion de nos .penfées ,
de nos obfervations, & de nos expériences., avec les
penfées, les obfervations, & les expériences de nos fem-
blables. Sans la double convention, qui attacha les
idées aux voix .& les voix à des caractères , tout
reftoit au dedans de Thomme-& s’y éteignoit : fans les
Grammaires & les Dictionnaires, qui font les interprètes
univerfels des peuples entre eu x , tout demeu-
roit concentré dans. une nation & difparoiffoit avec
e lle . C ’eft par ces ouvrages que lesfacultés des hom-
mes ont été rapprochées & combinées entre elles, elles
ï eft oient ifolees fans cet intermède : une invention ,
quelque admirable qu’elle eût été , n’auroit représenté
que la force d’un génie folitaire ou d’une
fociéte particulière , & 'jamais l ’énergie de l ’efpèce.
JJn idiome commun feroit l’unique moyen, d’établir
G r a m m . e t L i t t é r a t . Tome I L
une eopefpondance qui s’étendît à toutes' les parties
du genre humain, & qui les liguâ t contre la Nature,
à laquelle nous avons fans ceffe à faire violence
, foit dans le phyfique, foit dans le moral.
Suppofé cet idiome admis & fix^é > auffl tôt les notions
deviennent permanentes , la diftançe des
temps difparoîc, lesüieux fe touchent, i l fe forme
des liaifons eutre tous les points habités de l ’efpace
& de la durée , & tous les êtres vivants & peniants
s’entretiennent.
L a Langue d’un peuple donne fon vocabulaire ,
& le vocabulaire eft une table affez fidele de toutes
les .connoiffances de ce peuple j fur la feule coni-
paraifon du vocabulaire d’une nation en différents
temps, on fe formeroit une idée de fes progrès.-
Chaque fcience a fon nom , chaque notion dans
la fcience a le fien ; tout ce qui eft connu dans
la nature eft défigné, ainfi que. -tout ce qu’on a,
inventé, dans les arts, & les phénomènes , & le s
manoeuvres, & les inftruments. I l y a des expref*
fions, & pour les êtres qui font hors de nous , &
pour ceux qui font en nous \ on a nommé & le s
abftraits & les concrets, & les chofes. particulières
& les générales ,- & les formes & les états , & le s
exiftenc.es & les fuççeffions & les permanences. O n
dit Vunivers,\ on dit un atome ; l ’univers eft l e
tout , l ’atome en eft la partie la plus petite.
Depuis la colle&ion générale de toutes les caufes
jufqu’à l ’être folita ire , tput a fon figne ; & ce q u i
. excède toute limite , foit dans la nature, foit dans
notre imagination ; Sc ce qui eft poffible , & ce q u i
ne l ’eft pas ; & ce qui n’eft ni dans la nature ni dans
notre entendement j & l ’infini en petiteffe , 8c 1 iii—<
fini en grandeur, en étendue, en durée , en perfection.
L a comparaifon des phénomènes s’ap p e lle
Philofophie. L a Philofophie eft pratique ou fpé-
culative : toute notion eft ou,de fenfation ou d’induction
j tout être eft dans l ’entendement ou dans la
nature j la nature s’emploie , ou par l ’organe nu ,
ou par l ’organe aidé de l ’inftrument. L a Langue
eft un fymbole de cette multitude de chofes hétérogènes
, e lle indique à l ’homme pénétrant, jufqu’off
l ’on étoit a llé dans -une fcience dans les temps
mêmes les plus reculés. O a aperçoit au premier
coup d’oeil que les grecs jbond ent en termes abftraits
que le s romains n ont pas , & qu’au défaut de ces
termes , i l étoit impoiîible à: ceux-ci de rendre ce
que les autres ont écrit de la Logique, r de la Morale
,. de la Grammaire, de la Metaphyfique , de
l ’Hiftoire Naturelle , & c ; & nous avons fait tant de
progrès dans toutes ces fciences , qu’i l feroit difficile
d’en écrire", foit en grec , foit en latin , dans
l ’état ou nous les avons portées , fans inventer une
infinité de fignes. Cette obfervation feule démontre
la fupériorité des grecs fur les romains, & notre
fupériorité fur les uns & les autres. • V ‘
I l fur vient.. chez tous les peuples en général ,
relativement au progrès de la Langue 8c du g o û t ,
une infinité de révolutions légères , d’évènements
peu remarques, qui ne fe tranfmettent point j on
I i s .