
ou une feule fe prononce , c’eft un vice înfoute-
xiable , que l ’ufage a déjà corrigé en partie , &
dont i l eft aufli aifé que raifonnable de rendre la
correftion univerfelle. Mais ce lle que propofe
M. Harduin pour les mots b e a u , c h a p e a u , oe u f ,
b oe u f , & p o i n g , > demande quelques réflexions.
.Quand on écrivoit f e u r , m e u r ., cette Orthographe
induifoit à prononcer comme f oe u r ,m oe u r s : c’ étoit
donc une équivoque vicieufe.j qu'on a eu raifon de
lever en écrivant félon la prononciation f u r , m û r ;
d’ailleurs aucune raifon d’analogie ne réclamoit V e
qu’on a füpprimé. Ce n’eft pas la même chofe de V e
dans b e a u & cha pea u , ni de V o dans o e u f 8c b oe u f ',
outre qu’on difoit anciennement b e l ( qui le dit même
encore .1 & c h a p e l , ce qui eft une raifon tirée de
l ’étymologie nationale ; i l y a des dérivés où cet e devient néceflaire , comme b e l l e , b e l l e m e n t , em b
e l l i r ^ em b e l li f f em e n t , c h a p e l i e r ., c h a p e l i è r e : i l
en eft de même de i ’o dans oe u f & b oe u f ; ce n’ eft
pas feulement à caufe des mots latins o v um 8c
b o v is , c’ eft furtout à caufe de fes dérivés o v a i r e ,
o v a l , b o u v e r ie , b o u v i e r , b o u v i l lo n . On a eu
d’autant plus de raifon d’écrire J o i n 8c t ém o in £ans
g final , que lesverbes f o i g n e r & t ém o ig n e r r i o n t
iin g que par un malentendu fur le prétendu
mouillé que cette lettre repréfente ( voy. Mouillé ) j
dans le Fond c’ eft f o i n i e r , t é m o ï n i e r , en prononçant
très-vîte la diphthongue finale. Peut-être eft-ce
la même béviie qui a d’abord introduit le g final de
p o i n g , à caufe de p o i g n e t , p o ig n é e , em p o ig n e r ,
mais outre que l ’étymologiep u g n u s zxxtoVrio un peu
cette Orthographe , le g final diftingue le mot p o i n g
r iê .p o in t (en latin p u n é t u n i ) j d’où fe forment p o i n t e ,
p o i n t e r , p o i n t u , p o i n t i l l e r , a p o i n t e r , &c.
» Quelques progrès que fafte à l ’avenir la nou-
» v e lle Orthographe , ajoute le lavant fecrétaire
» d’Arras , nous avons des lettres m u e t t e s qu’elle
» ne pqurroit fupprimer fans défigurer la langue &
» fans en détruire l ’économie ». [ T e l eft V e des
mots en e a u , qui tiennent à des dérivés où l ’on
retrouve cet e ; & l ’o de plufieurs mots où l ’on a
mis jufqu’ici oe u par la même raifon, comme oe u f ,
b oe u f , coe u r , c h oe u r , oe u v r e , m oe u r s ', f oe u r -,
v oe u , &e. Peut-être même cette analogie exige-t-
©11e qu’on écrive a v oe u comme v oe u , c oe u i l l i r ,
au lieu de c u e i l l i r , o r g oe i d l , plus tôt qu’ o r g u e i l >
a c c oe u i l , r e c oe u i l , ç e r c oe u i l , &c. ] » T elle s : font
» celles qui fervent à défigner la nature & le fens
» des mots, comme n dans ils a im e n t , ils a im è r
r> r e n t , ils a im a j f e n t , & e n dans les temps où
» les troifièmes perfonnes plurièles fe terminent en
» o i e n t y ils a im a i e n t , ils a im e r o iten t> ils f o i e n t ; car
» à l ’égard du ƒ de ces mots, &de beaucoup d’autres
» confonnes finales qui font ordinairement m u e t t e s ,
» perfonne n’ignore qu’i l faut les prononcer quei-r
V quefois en converfation, 8c plus fouveut encore
» dans la le&ure 8c dans le difeours foutenu , furtout
» lorfque le mot fuivant commence par une voyelle,
» I l y- a des lettres m u e t t e s d’une autre elpèce ,
9 gui probablejospt ne (jifparojtront jaunis d e l’écri-
» ture. D e ce nombre eft V u fervile qu'on met
» -toujours après la confonne q , à moins qu’elle ne
» foit finale $ pratique fingulière , qui avoit lieu
» dans la langue latine 1 aufli conftamment que
» dans la françoife. I l eft vrai que cet u fe pro-*
» nonce en quelques mots , q u a d r a tu r e , é q u e j t r e
» q u in q u a g é j im e ; mais |1 eft m u e t dans la plu-
» p a rt, q u a r a n t e , q u e r e l le , q u o t id i e n , q u in z e * (. V o y e i Q . ) .■ x
» J’âi peine a croire aufîi qu’on banni ffe jamais
» V u 8c V e qui font prefque toujours m u e t s entre un
n g 8c une v o yelle . Cette confonne ^répond, comme
» on l a vu ( V o y e \ ^ G ) , à deux fortes d’arti-
» culation» bien différentes. Devant a , o u
» e lle doit fe prononcer durement » [ parce qu’elle
eft m u e t t e g a t t u r a l e \ ; « mais quand elle précède
» un e ou un i , la prononciation en eft plus douce
» & reffemble entièrement à ce lle de V j confonne f
[ de la confonne fifflante palatale y ]. » O r pour
» apporter des exceptions à ces deux règ le s , &pour
» donner au g , en certains cas , une valeur contraire
» a fa pofition a&uelle , ,ii fa llo it des fignes qui
» fiflent connoître les cas exceptés. On aura donc
» pu» imaginer l’expédient de mettre un u après le
» g pour en rendre l ’articulation dure devant un e
» ou un i , comme dans g u é r i r ; c o l lè g u e y o r g u e i l ,
» g u i t t a r e , g u im p e ; 8c d’ajouter un e à cette
» confonne , pour la foire prononcer mollement
» devant a , o , u , comme dans g e a i - , G e o r g e ,
» g a g e û r e . L ’ u m u e t femble pareillement n’avoir
» été inféré dans c e r c u e i l , a c c u e i l , é c u e i l , que-
» pour y affermir le c , qu’on prononceroit comme
» une s s’i l écoit immédiatement fuivi de V e ».
Les incertitudes qui demeurent encore dans la
prononciation des mots où l ’on a fuivi cette O r thographe
, démontrent que les expédients dont il
s’agit font infufl&fants & déplacés. L ’introduftion
de V u après le c 8c après le g , pour en défigner
la prononciation gutturale devant e ou i , ramène
d’autres embarras \ on eft induit, a prononcer de la
même manière é c u e l l e 8c é c u e i l , a ig u i l l e 8c a n g
u i l l e , f i g u e 8c c ig u ë ; 8c l ’introduftion de IV après
les mêmes lettres pour en indiquer la prononciation
fifflante , a les mêmes inconvénients : on y a
remédié pour le c , en le cédillant au lieu d'écrire
enfuite un e ; mais cet e après le g induit a prononcer
de la même manière g a g e u r 8c g a g e û r e ,
c h a r g e u r , 8c c h a r g e û r e , m a n g e u r 8c m a n g e t t r e .
» I l n’ eft pas démontré néanmoins ^ ajoute
» M. Harduin, que ces voyelles m u e t t e s l ’ayent
» toujours été j i l eft pofflble , abfolument par-
» la n t , qu’on ait autrefois prononcé V u 8c IV dans
» é c u e i l y g u i d e r , G e o r g e , comme on les prononce
.» dans écu elle , G u i f e ( v i l l e ) ', & g é om è t r e : mais
»’ une remarque tirée de la qonjugaifon des verbes,
» jointe à l ’ufoge où l ’on eft depuis long temps
» de. rendre çesi lettres m u e t t é s , donne lieu de
» conjecturer en, effet qu’elles.ont'été placées après
» le g 8c le c y non pour- y être prononcées , mais
» follement poiir prêter , comme je. l ’ai déjà d i t ,
& | ces cordonnés une valeur contraire à ce llé que
n devroit leur donner leur fituation devant telle ou
» te lle v o yelle .
» I l eft de principe dans les verbes de la pre-
$ nùère conjugaifon , comme f l a t t e r , je f l a t t e ,
$ b lâ m e r , je b lâ m e , que la première perfonne
% plurièle du préfent [ indéfini J de l ’indicatif, fe
g forme en changeant IV final de la première per-
$ fonne du fingulier en o n s : que l ’imparfait [ o u
ÿ préfent antérieur fimple ] de l ’indicatif fe forme
» .par le changement de cet e final ,en o i s ; 8c
p Taorifte [ c’eft le préfent antérieur périodique] par
p le changement du même e en a i : je f l a t t e , nous
t» f l a t t o n s , j e f la t t a i s , j e f l a t t a i ; je b lâ m e , nous
tt b lâ m o n s , je b lâ m o i s , je b lâ m a i . Suivant ces
t9 exemples , on devroit écrire je m a n g e , nous
9 m a n g o n s , je m a n g o i s , je m a n g a i ; mais comme
» le ^" doux dé m a n g e feroit devenu un g dur dans
o les autres mots, par la rencontre de V o 8c de V a ,
» i l eft prefque évident que ce fut tout exprès
p pour confèrver ce g doux dans nous m a n g e o n s ,
» je m a n g e o i s , je m a n g e a i y que l ’on y introduisit
p tm e fans vouloir qu’i l fût prononcé. Par là -ô n
#> crut trouver le moyen de marquer., tout à la
|> fois dans la prononciation 8c daps l ’Orthographe ,
»» l ’analogie de ces trois mots avec je m a n g e d o n t
p i l s , dérivent. L a même chofe peut £è dire de nous
t» c om m e n c io n s , je c om m e n c e o is , je c q m m e n c e a i ,
o qu’on n écrivoit fans doute ainfi avant l ’invention
10 ae la cédille , <^ue pour laiffer au ç la pronon-
t> ciation douce q u i l a dans com m e n c e ?
». Cette cédille , inventée’ fi à propos , aurojt du
i* faire imaginer .d’autres marques pour diftinguer les
»» cas où le c doit fe prononcer comme un L devant
» la v o y e lle e , & pour faire connoître ceux o,ù le
i» g doit être articulé d’une façon oppofée aux
» règles ordinaires. Ces fignes particuliers vau-
p droient beaucoup mieux que l ’interpofîtioii d’un
9 e ou d’un u , qui eft d’autant moins fatisfoifante
» qu’ elle induit à prononcer é c t c e ile - c om m t é c u e i l y
a i g u i l l e comme a n g u i l l e y 8i mêhiè g é o g r a p h e
o 8c f i g u e comme. G e o r g e 8c f i g u e 1 y quand lecrfi-
» vain n’a pas foin , :ce qui arrive affez fréquem^-
#> ment , d’accentuer le premier e de g é o g r a p h e ,
p & de mettre deux points for IV final de
» g u é ».
L e moyen le plus for & le plus co u r t, s^il n’y
fcvoit eu qu’à' imaginer'des moyens^ auroit été dé
«l’attacher à ! chaque : confoiïae; q if une articulation^
& de donner a fchaque 'artfculation fa 'confonne
propre. Mais on nè peut • rien1 changer 'àujburdhui
a ce que l ’ufage' à décidé de la fignification des
lettres : le c 8c le g fero'pt durs ou lîfflants, félon
la v o y elle dont ils feront' fuivis j & le q non final
fera toujours fuivi d’un u tantôt m u e t tantôt prononcé
, ce qui arrivé aufli qùelquèfois après le g :
O n peut pourtant tirer parti des dçcifions mêmes
de l ’ufoge fur la valeur des caractères, pour levers
le s équivoques. Par exemple , en continuant d’ écrire
i p u e l l e comme à ^ordinaire , rien n’ empêehe d’écrire
U l x £ R Z r 4 T , t o m e i l t
•M U E
avec un ce les mots é c oe u i l , c oe u i l l i r 'y a c c oe u i l l i r ,
r e c oe u i l l i r , a c c oe u i l , r e c oe u i l ; l ’ étymologie même
des mots latins f c o p u l u s , c o l l ig e r e , incuquoit la
lettre o ; l’analogie des mots c o l le c t e , c o l l e c t e u r ,
c o l l e c t i o n , c o l l e c t i f y c o l l e c t i v e m e n t , r é c o l le c l i o n ,
r é c o l ü g e r , r é c o l t e , r é c o lte r y appuyoit le confeil
de l ’étymologie j . l ’avantage de repréfenter alors
e u i l par les lettres q u i , dans notre manière d’écrire,
en font les lignes naturels ., 8c non par u e i l qui
marque un tout autre fon , fémbloit en foire une
néceflité : par imitation on écrira de même c e r *
coe u iL y o r g oe u i l , o r g oe i l l e u x ; la différence de ces
deux derniers mots eft même indiquée , parce que
dans le premier oe u i l 8c dans le fécond e e i l font
Ùes figues différents., au lieu que dans i ’Orthogra.-
phe ordinaire on écrit u e i l dans tous deux.
Quand V u eft véritablement m u e t après le g , oa
peut continuer d’ic rîrë comme à l ’ordinaire, a n g u i l l e ,
vivre à fa g u i f e y un g u i d e : fi V u n’eft pas m u e t ,
8c .qu’i l ne faffe pas diphthongue avec fa v o y e lle
fuivante , i l n’y a qu’à le . couronner de deux points
qui marquent la diérèfe ou divifion, a m b ig ü i t é , c o n t
i g u ï t é v 8c de même a m b ig u ë , c o m ig i i e f i g u e ,
c i g ü e ; fi cet u fait diphthongue avec la .voyelle
fuivante, au lieu des deux points qui djviferoienÉ
les deux voyelles marquez V u d’un accent grave
pçur marquer: qu’i l fout appuyer deffus & le prononcer
, a ig u i l l e , G i ï i f e ( v ille ) , le G u i d e
( -peintre ) , & non pas a i g u i l l e , G u i f e , le G u i d e ,
comme l ’a infinué M. Harduin. Par analogie „
écrivons comme à rordinaire. é q u a r i ty q u e f lio n y q u in t
a l , parce, que 1^ eft j n u i t ; mais écrivons avec l ’ac-
cent-grave é q ù a t e u r , q u é j l u r e , q u i n t u p l e , q i d n q ù a -
g é f im e , parce que V g fe prononce & fait diphthongue.
,Pour ce? qui eft de:s mots c h a r g e û r e , g a g e û r e f
m a n g e û r e - , je. facrifierois volontiers une analogie
infidiepfe à la. netteté de l ’exprefllon , & je voudrois
qu’on écrivît c h a r jâ r e , g a j û r e , m a n j û r e , pouir
ne pas.confondre la prononciation de ces mots avec
ce lle .des (noras> ; c h a r g e u r , -,g a g e u r , m a n g e u r z
j’aimerois infiniment: mieux une exception à la règle,
analogique , qu’un, vice dans. l ’Orthographe & un
embarras dans la ledure.
Revenons aux lettres m u e t t e s en général : quand
elles fervent à maintenir les traces de l ’an a lo g ie ,
qu’elles déterminent la prononciation , ou même
q u e lle s ne T ’çrnbarraffent point , il. fout les con-
ferver j ç'èft un fupplément auxiliaire , dont i l n’eft
pas poflîble, de fe [pafler dans l ’Orthographe des
langues qui n’ont qu’un alphabet d’emprunt, comme
toutes celles, qui le parlent aujourdhui en Europe.
Ecrivons donc b a p t êm e , f e p t , quoique le p ne le
prononce p a sm a i s écrivons b à p t i fm a l , f è p t u a -
g é j im e , f è p t u a g é n a i r e , f è p t a n t e , en mettant
l ’accent grave for la vo y e lle qui précède le p , pour
marquer qu’ i l fe prononce : écrivons de même
p l o m b , b la n c , à caufe de p l o m b i e r , p l o m b e r i e ,
M a n c h e -, b la n c h e u r , b la n c h ir ; mais par une fuite
de l'analogie , écrivons r em p a r fons r , parce qu’04
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