
*24 F R A m
marquent le commencement de l ’acqnifùion d’une
qualité ou d’un état ; cette t erminai (cm paroît avoir
été prife du vieux verbe ejcere , efco , dont on trouve
des traces^ dans le livre n des L o is de Cicéron ,
dans Lucrèce, & ailleurs. C e verbe , dans ion temps,
fignifioit ce qu’afignifié depuis e ffe ,fum , & a été
contacté dans la compofîtion d exprimer le commen-
cernent d etre. Selon ce principe ,
Calefco , je commence à avoir chaud, je m’échauffe,
équivaut à ca lidu s efco.
F r ig e fc o , je commence à avoir froid, ( frigidu s
, ,.# » • .) . A °
A lh e feo , ( albus efco. )
Senefco , ( fen e x efco. )
JDurefco, ( duras efco. )
-Dormifco, ( dormiens efco. )
Obfolefco y ( obfoletus efco. )
Une ohfervation qui confirme que le vieux mot
e fe r e eft la racine de la terminaifon de cette efpèce
■ de verbe , c’eft que, comme ce verbe n’avoit ni pré-
xérit ni fupin , le s verbes inchoatifs n’en-ont pas
deux-memes : ou ils les empruntent du primitif
d ou ils dérivent, comme ingemifeo , qui prend
ingemui de ingemo ; ou ils les forment par analo
g ie avec ceux qui font empruntés , commt fe n e fc o ,
qui fait f e n u i; ou enfin ils s’en paffenc abfolument,
comme dojmifco.
Cette petite exeurfion fu r ie fyftême des Formations^
latines j fuffit pour faire entrevoir l ’utilité &
1 agrément^ de ce genre d étude : nous ofons avancer
que Tien n’eft plus propre à déployer les facultés
d e l ’efpric, à rendre les idées claires & diftin&es,
& a étendre les viles de ceux qui voudraient, fi on
peut le dire, étudier i ’anatomie comparée des lan-
gues , & porter leurs regards jufques fur les langues
p o flibles. ( M M . D o u e h e t & B e a u z é e . ) -
( N . ) F O R T , E , ad j. Qu i a toute la vigueur
dont i l eft fiifceptible. Les articulations variables
lont foibles ou fortes. Jfoye^ V ariable. O n
ap pelle fortes , celles qui interceptent la voix avec
toute la vigueur dont eft capable la réfiftance de
la partie organique qui en eft le principe. P , F ,
T , K , S , C h , font des articulations fortes.
F o y e i A rticulation & F oible. (M . B e a u z
é e . ) ' y
^ F R A N Ç O I S ,E , adj. ( ^ N é e n France, appartenant
a la F rance, ufité en France. Un foldat
fra n ç a is . Une dame fran çoife . Un tour fr a n ça
is . M o t fra n ça is . Expreffion fran çoife . L e s
moeurs fra n ç o ije s . C e mot fo prend fubftandve-
ment pour lignifier L a langue qu’on parle en
France. D a n s la plupart des Cours de V Europe
B e a u z é e aPPrennentle F ran çois .) (M.
L a langue fra n ç o ife ne commença à prendre
quelque forme que vers le dixième Viëcle- e lle
naquit des ruines du latin & du c e lte , mêlées de
F R A
quelques mots tudefques. C e langage étoit d’abord
le romanum rufiieum , le romain ruftique j & la
. langue tudefque fut la langue de la Cour jufqu’aa
temps de Charles-le-Ghauve. L e tudefque demeura
la feule langue de l ’A llem a gn e , après la grande
époque du partage en 843. L e romain ruftique,
la langue romance prévalut dans la France occidentale.
L e peuple du pays de V au d , du V a lla is ,
de la vallée d’Engadine , & quelques autres cantons,
- confondent encore aujourdhui des veftiges manifeftes
de cet idiome.
A la fin du dixième fiècle le F ran çois fe forma.
O n écrivit en F ran çois au commencement du onzième
3 mais ce François tenoit encore xplus du
romain ruftique, que du F ran çois d’aujourdhui. L e
roman de Philo mena, écrit au dixième fï'ècig en
romain ruftique , n’eft pas dans une langue fort
differente des lois normandes. O n voit encore les
origines ce lte s , latines , & allemandes. Les mots
qui lignifient les parties du corps humain ou des
chofes «fun ufage journalier, & qui n’ont rien de
commun avec le latin ou l ’allemand, font de l’ancien
gaulois ou celte 3 comme tête , jam b e , far-
are , pointe., aller , p a r le r , écouter, regarder ,
aboyer, crier , coutume , enfemble KSc plufieurs
autres de cette efpèce. L a plupart des termes de
guerre etoient francs ou allemands j marche, maréchal
, h a lte , bivouac, reître, lanfquenet. Prefi-
que tout le refte eft latin 3 & les mots latins furent
tous abrèges , félon i ’ufage & le génie dés uations
du Nord : a in li, de palatium p a la is , de lupus
lo u p , iïa ug ujle a© f i t , de ju n iu s ju in , à’uncius
oint , de purpura pourpre, de pretium p r ix , & c .'
A peine reftoic-il quelques veftiges de la langue
greque qu’on avoic fi lon g temps parlée à Mar-
le iiie .
O n commença au douzième fiècle à introduire
dans la langue quelques termes grecs de la Philo-
fophie d’Ariftote 3 & vers le feizièmé , on exprima
par des termes grecs toutes les parties du corps
humain, leurs maladies, leurs remèdes : de là les
mots de cardiaque, céphalique, podagre, apoplectique
, ajlhmatique , iliaque , èmpième, &
tant d autres. Quoique la langue s’enrichit alors
du grec, & que depuis Charles VIII e lle tirât beaucoup
de fecours de l ’italien déjà perfectionné, cependant
e lle n'avoit pas pris encore une confiftance
régulière. François I abolit l ’ancien ufage de
p la id e r , de ju g e r , de contracter en la tin 3 ufage
qui atteftoit la barbarie d’une langue dont on n’ofoic
le fervir dans les aCtes publics ; ufage pernicieux
aux citoyens^, dont le fore étoit réglé dans une lan-
gue qu’ils n’entendoient pas. O n fut alors obligé
de cultiver le F ran çois ,* mais la langue n’écoit
ni noble ni régulière. L a Syntaxe étoit abandonnée
au caprice. L e génie de la converfition étant tourné
à la plaifanterie , la langue devint très-féconde en
expreftions burlefque-s & naïves , & très-ftérile en
termes nobles & harmonieux : de là vient que ,
dans les Dictionnaires de rimes, on trouve vingt.
F R A
termes convenables à la Poéfie comiqne, pour un
d’un ufage plus relevé ; & c’ eft encore une raifon
pour laquelle Marat ne réuftït jamais dans le ftyle
iériêux , & qu’Amyot'ne put rendre qu’avec naïveté
l ’élégance de Plutarque.
L e François acquit de la vigueur fous la jxLume
de Montagne 3 mais i l n’eut point encore d élévation
& d’harmonie. Ronfard gâta la langue , en
tranfportanc dans la Poéfie fran çoife les compofés
frecs dont fe fervoient les phiiofophes & les mè-
scins. Malherbe répara un peu le tort de Ronfard.
L a langue devint plus noble & plus harmonieufe
par l ’établiffement de l ’Académie françoife , & aquic
enfin dans le fiècle de Louis X IV la perfection où
e lle pouvoit être portée dans tous les genres.
L e génie de cette langue eft la clarté & l ’ordre :
.car chaque langue a fon génie ; & ce génie oon-
fifte dans la facilité que donne le langage de s’ exprimer
plus ou moins heureufèment, d’employer
ou de rejeter les tours familiers aux autres langues.
L e François^ n’ayant point de déclinaifons & étant
toujours affervi aux articles , ne peut adopter les
inverfions grèques & latines j i l oblige les mots à
s’arranger dans l ’ordre naturel des idées. O n ne
peut dire que d’une feule manière , P la n cu s a
p r is fo in des affaires de Céfar ,* voilà le foui
arrangement qu’ on puiffe donner à ces paroles. Exprimez
cette phrafo en la t in , R e s Coefaris P la n cu
s diligenter curavit y oh peut arranger ces mots
de cent-vingt manières, fans faire tort au fons &
fans gêner la langue. Les verbes auxiliaires , qui
alongent & qui énervent les phrafos dans les langues
modernes , rendent encore la langue fran çoife
peu propre pour le ftyle lapidaire. Ses verbes
auxiliaires, fes pronoms, fos articles,, fon manque
de participes déclinables, & enfin fa marche uniforme
, nuifent au grand enthoufiafme de la Poéfie :
e lle a moins de reüources en ce genre que l ’italien
& l ’anglois : mais cette gêne & cet efolavage même
la rendent plus propre a la Tragédie & à la C o médie
, qu’aucune langue de l ’Europe. L ’ordre naturel
, dans leque l on eft obligé d’exprimer fos
penfées & de conftruire fos phçafos, répand dans
cette langue une douceur & une facilité qui plaît
à tous les peuples ; & le génie de la nation, fo
mêlant au génie de la langue , a produit plus délivres
agréablement écrits, qu’on n’en voit chez aucun autre
peuple.
L a liberté & la douceur de la fociété n’ayant été
lon g temps connues qu’en France , le Langage en
a reçu une délicatefle d’ expreflion & une nneffe
■ pleine de naturel, qui ne le trouvent guères a illeurs.
O n a quelquefois outré cette ftneffe 3 mais
les gens de goût ont fii toujours la réduire dans de
iuftes bornes.
P lufieurs perfonnes ont cru que la langue fra n ço
ife s’étoit apauvrie depuis le temps d’Àmyot &
de Montagne : en effet on trouve dans ces auteurs
plufieurs expreffions qui ne font plus recevables 3
mais ce font pour la plupart des termes familiers ,
F R A 12 f
auxquels on a fùbffitué des équivalents. E lle s’eft
enrichie de quantité de termes nobles & énergiques 5,
& fans parler ici de l ’éloquence des chofes, elle a
aquis l ’éloquence des paroles. C ’eft dans le fiècle
de Louis X IV » comme on l ’a dit, . que cette éloquence
a eu fon plus grand é c la t , & que la langue
a été fixée. Quelques changements que l e temps
& le caprice lui préparent, les bons au-.eurs du dix-
foptième & dû dix-huitième fiè c le s, forviront toujours
de modèle.
O n ne dévoie pas attendre que le François dut
fe diftinguer dans la Philofophie. Un Gouvernement
, lon g temps goth ique, étouffa toute lumière
pendant près de douze- cents ans 3 & des maîtres
d’erreurs, payés pour abrutir la nature humaine,
épaiflirent encore les ténèbres : cependant aujourdhui
i l y a plus de Philofophie dans Paris que dans
aucune v ille de. la terre , & peut-êtrê que dans
toutes les villes enfemble , excepté Londres. C e t
efprit de raifon pénétre même dans* les provinces.
Enfin le génie f rançois eft peut-être éga l aujourdhui
à celui des anglois en Philofophie , peut-être
fupérieur à tous les autres peuples depuis quatre-
vingts ans datas la Littérature, & le premier fans
douce pour les douceurs de la fociété , & pour cette
politeffe aifée & fi naturelle, qu’on appelle improprement
urbanité.
Une nous refte aucun monument de la lano-uo
des anciens welche s, qui fefoient , dit - on , une
partie des peuples celtes ou k e lte s , efpèce de fau-
v a g e s , dont on ne connoît que le nom & qu’on
a voulu en vain illuftrer par des fables. Tout ce
qu’on f a i t , eft que les peu ples, que les romains
appeloient g a lli , dont nous avons pris le nom de
gau lo is, s’appeloient w e lch e s ,* c’eft le nom qu’on
donne encore aux F ran çois dans la baffe Allemagne,
comme on appeloit cette A llemagne Teutch.
L a province de G a l le s , dont les peuples font
une colonie de gaulois , n’a d’autre nom que celui de
W e lch .
Un refte de l ’ancien patois s’eft encore conforvé
chez quelques ruftres dans cette province de G a lle s ,
dans la baffe Bretagne, dans quelques villa g es de
France.
Quoique notre langue foit une corruption de la
la t in e , mêlée de quelques expreftions grèques ,
italiennes, efpagnoles , cependant nous avons retenu
plufieurs mots dont l ’origine paroît celtique. V o ic i
un petit catalogue de ceux qui font encore d’ufage ,
& que le temps n’a prefque point altérés.
A . A b a ttr e , acheter, achever, a ffo lle r , aller}
a le u , franc -aleu .
B. B a g a g e , bagarre, ba gue, ba ille r, balayer,
b a llo t, ban , arriere-ban . ba n c , b a n n a l, barre,
barreau, barrière, b a ta ille , bateau, battre, bec ,
bègue , béguin , béquée, hèquetef , be rge, berne,
bivouac , blèche , bled , bleffer, bloc , biocaille ,
blondy bois y boue y bouche y boûcher , bouchon ;