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pa flionné ; mais beaucoup dans l e genre g a la n t ,
d é lic a t , in g é n ie u x , & tendre. T o u t l e monde fa it
p a r coeur c e lle de M . B e rn a rd ,
Teadres fruits des pleurs de l’Aurore, &c.
E n v o ic i une du même auteur', qu i n’e f t pas aufli
co n n u e , & q u o n peu t c ite r à cô té de c e lle s d’A n a créon
:
Jupicer, prête-moi ta foudre.
S’écria Licotis un jour :
Donne, que je réduife en poudre
Le temple où j’ai connu l ’Amour.
Alcid e , que ne fuis-je armée
De ta maflue & de tes traits,
Pour venger la terre alarmée,
Et punir un dieu que je hais !
Médée, enfeigne-moi l’ ufage
De tes plus noirs enchantements :
Formons pour lui' quelque breuvage
Égal au poifon des amants.
A h ! fi dans ma fureur extrême
Je tenois ce monftre.odieux ! '.
Le voilà, lui dit l’Amour même,
Qui foudain parut à fes ieux.
Venge-toi ; punis, fi tu l’ôfes.
' Interdite à. ce prompt retour , ;
Elle prit un. bouquet de rofes
Pour donner le fouet à l’Amour.
On dit même que la bergère ,
Dans fes bras n’ ofant le prefler ,
En frapant d’une main légère,
Craignoit encore de le bleCTer.
L e fe n tim e n t , la-na ïv eté , l ’air de la n é g lig e n c e ,
& une certaine m o lle f le vo lu p tu eu fe dans l e f t y l e ,
fon t l e charme de Y Ode anacréontique ; & Chau-
l i e u , dans ce g en re , au ro it p eu t-être effacé A n a créon
lu i-m êm e , f i , a v è c ces grâces qui lu i étoient
na tu re lle s , i l eut v o u lu fe donner l e foin d’ être
moins diffus & p lu s ch âtié. Q u o i de plu s d o u x , de
p lu s é lé g a n t q ue ces vers à M . d e là F arre ?
O toi! qui de mon âme eft la chère moitié j
T o i , qui joins la. délicatefle.
Des fentiments d’une maitréfle
A la folidité d’une sûre amitié ; -
La Farre , il: faut bientôt que la Parque cruelle
Vienne rompre de fi doux noeuds ;
Et malgré nos cris & nos voeux,
• Bientôt nous efluîrons une abfence éternelle.
Chaque jour je fens qu’à grand pas
j ’ entre dans ce fcnciçr obfcur difficile
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Qui va me conduire là-bas
Rejoindre Catule & Virgile.
Là font des berceaux toujoursyevts,
A (fis à côté de Lelbie,
Je leur parlerai de tes vers
Et de ton aimable ' génie ; N
Je leur raconterai comment
Tu recueillis fi' galamment
La Mufe’qu’ ils avoient lailTée ;
E t comme elle fut fagement.
Par la Parefle aucorifée,
Préférer avec agrément,
Au tour brillant de la penfée,
La vérité du fentiment.
V o lt a i r e a jo in t à ce beau naturel de Chaulieu
p lu s de c o r r e d io n & de c o lo r is ; & fes poélïes
fam iliè re s font p ou r la plu p a r t d’ex ce llen ts modèles
de la gaîté n ob le & de la lib e r té q u i doivent régner
dans 1 O d e anacréontique.
L e temps de Y O d e bachiqu e eft p a ffé. C ’ étoit
autrefois l a mode de chanter à ta b le . L e s poètes
com p ofo ien t l e v erre à la main , & le u r ivreffe
n’ é to it pas fimulée . C e t heureux dé lire a ^produit
des chanfons p le in e s de v erve & d’ enthoufiafme.
J ’en a i c ité que lq u e s ex em ples dans Y a r t i c l e d e la
C hanson. E n v o ic i deux .qu*Anacréon n’eû t pas défa-
vo.uées :
Je ne changerois pas , pour la coupe des rois.
Le petit verre que tu vois :
A m i , c’eft qu’il eft fait de la même fougère,
"■ ' Sur laquelle cent fois
Repofa ma bergère.
L ’autre ro u le fur l a même idée , mais l e même
fentiment n’y eft pas.
Vous n’avez pas, humble fougère,
L'éclat-des fleurs qui paient le printemps ■:
Mais leurs beautés né durent guère,
Les vôtres plaifent en tout temps.
Vous offrez des fecours charmants
Aux plaifirs les plus doux qu’on goûte fur la terre :
Vous fervez" de lit aux amants ,
Aux buveurs vous fervèz de verre.
D ans tous le s genres que je v iens de p a rc o u r ir ,
non feulement Y O d e eft dramatique dans la bouche
du p o è t e , i l eft encore permis au p o è te d’y céder
la p a ro le à un perfonnage qu ’i l a introduit ; &
l ’on en v o it des ex em ples dans Pindare , dans A n a c
r é o n , dans S a p h o , dans H o r a c e , &c. M a is .celui-
c i e f t , je c r o i s , l e premier qui a it mis. Y O d e en
.dialo gue ; & l ’e x em p le qu’ i l en a la i f fé , Donec
g r a t u s e r am t i b i , eft un modè le de dé lica te fle . Voyez L yrique & C hanson. ( M. M armo n -
TEL, }
( N . ) OE U V R E
<E U V
( N . ) OE U V R E , O U V R A G E . Synonymes.
OEuvre dit précisément une chofe faite ; mais
Ouvrage dit une chofe travaillée & faite avec
art. Les bons chrétiens font de bonnes OEuvres ;
les bons ouvriers font de bons Ouvrages.
L e mot $ OEuvre convient mieux à l ’égard de
ce que le coeur & les pallions engagent à faire. L e
mot d'Ouvrage eft_ plus propre à ce qui dépend
de l ’elprit & de la fcience. A in f i, l ’on d i t , une
OEuvre de miféricorde , & une OEuvre d’iniquité ;
un Ouvrage «Je bon g o û t , 8c un Ouvrage de Critique.
OEuvres au pluriel fe dit pour le recueil de tous
les Ouvrages d’un auteur ; mais lorfqu’on les indique
en particulier, où qu’on leur joint quelque
épithète , on fe fert du mot d’Ouvrages.
11 y a dans les OEuvres de Boileau un petit Ouvrage
qui n’eft prefque rien, mais qu’on dit avoir
produit un grand effet, en arrêtant le ridicule qu’on
étoit près de fe donner par la condannation de la
pbilofophie de Defcartes : c’eft l ’arrêt de l ’univerfité dç Stagire. ( V abbé, G lR A R D .)
( N . ) O I E N T . Terminaifon de la troifième
perfonne plurièle des temps qu’ori appelle imparfaits
, & que je nomme préfents antérieurs, foit
de l ’indicatif, foit du conditionnel ou fuppofitif, ils
chantoient, i ls chaiiteroient.
Cette terminaifon fe prononce aujourdhui ê ou êc.
A u treizième fiècle on là prononçoit de même ,
mais apparemment par une licence poétique, qui
depuis eft devenue la règle générale ; car plus
communément on écrivojt qyent, 8c l ’on prononçoit
oi - iént j comme font encore aujourdhui les
picards.
C lo p in e l, dans le Roman d e là R o fe , dit de cette
manière, comme le prouve la mefure du vers:
Mais cuilloyent e\ bois les glandes
Pov>’ pain, pour chairs, & pour poijfons ;
E t cherchoyènt par les buijfons
Boutons, & meures , & prunelles.
Un peu plus loin > i l dit félon notre manière
moderne :
E\ chênes crèux fe reponnoient,
Quand les tempêtes redoubioient.
Et ailleurs on trouve dans le même vers les deux
prononciations :
Sur tél\ couches que vous devife,
Sans rapine & fans convoitife,
5 ’encracolpyenc & baifoient
Ceux a qui jeux d’amour plaifoient.
O n trouve les mêmes variations dans les poéfies
»’ Alain Chartier. Sur quoi i l eft bon d’obferver, G RA mm. ET Lit té ra t . Tome 11%
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i ° . que l ’on é c r iv o it ce tte terminai Ion a v e c un y
ou av ec un i fimple , fé lo n qu’on v o u lo it la p ro noncer'
en deux fy lla b e s ou en u n e ; 8c q ue pa r
conféquent on cherchoit , de bonne fo i & co n fo r mément
à la ra ifo n , à peindre la prononciation pa r
l ’ O r th o g rap h e : z°. q ue nos p è r e s , en prononçant é
ou et ne laifsèren t pas d’écrire p a r o i , par refpeé t
pour l ’ O r th o g rap h e de l ’ autre prononciation oyent *
& qu’ ils fe contentèrent de l a différence de Yy
à Yi.
C onfervohs comme eux l ’é tym o lo g ie n a tion a le ,
la feu le qu i nous im p orte , en confervant oi p ou r
reprétenter é dans le s mots où l ’u fa g e na tion a l a
décidé c e tte O r th o g r a p h e , & dans le s mots où o i
repréfente une diphthongue ; m a i s , comme nos
pères , contentons-nous de l a plu s lé g è r e différence
p ou r marquer c e lle des deux prononciations. Vqye^_
N éographisme. (AT. B e a u z é e .\
( N . ) O I S I F , O I S E U X . Synonymes.
T e rm e s q u i annoncent é g a lem en t i ’in a c lio n 8c
l ’ in u tilité . : ' . #
Ê tre o l f i f , c’ eft ne rien f a i r e , être fans à& io n ,
fans o ccupa tion . Etre oifeu x , c’eft a v o ir q u e lq u e
ra p o it à YOifivetéÿ foit p a r t o u t , pa rc e qu on
l ’a im e ; pa r h a bitu de , pa rc e q u o n y p a ffe f a v ie ;
ou par r e flem b la n c e , p a r te qu’on eft in u tile .
O n d o it donc a p p e le r o if i f , l ’h om m e , le s an imaux
, & le s êtres qu’ on rega rde comme aCtifs ;
fi l ’on v eu t dire qu ’ i ls font a& u e llem en t dans l ’ inactio
n . M ais fi l ’on v eut dire qu ’i l s aiment l ’ inaction
ou qu ’i l s en ont l ’h a b itu d e , on do it le s a p p
e le r oifeu x : 8c c e tte épithè te convient é g a lem e r t
à toutes le s chofes auffi in u tile s qu e l ’ inaCtion , quand
ce fero ient même des aétions.
T e l qui p a ro ît o ifif\ peu t être o ccu p é t rè s -fé r ieu -
fement ; ca r l a contention de l ’ efprit eft fou v en t
un e x e r c i c e p lu s p én ib le que l e t ra v a il c o r p o r e l :
mais fi fes penfées n’ab ou tiflent qu’à des pro je ts
chimériques , à des fyftême s fans fondement ou
fans prop o r tion ; c e ne font plus qu e des réflexions
oifeufes.
f l ’ eft de l ’ intérêt & de la f a g e f le de tou t G o u verne
ment_.de ne louffrir des bras o i f i f s q ue l e
moins qu’ i l eft p o flib le : peut-être ne fa u d r a i t - i l
p ou r c e la qu ’adopter la l o i de S o l o n , qu i n o to it
d’infamie tous le s c ito y en s oifeu x.
I l y a des g e n s , dit Sén èq u e ( i ) , ■ dont on ne
do it pa s dire q ue l a v ie lo i t oifive ; mais on
do it dire qu’ ils la p a ffen t dans des occupa tion s
oifeufes.. ( M . B e a u z é e . )
( N . ) O N D E S , F L O T S , V A G U E S . Synon.
L e s Ondes font l ’ effet naturel de la fluidité d’une
eau qu i c o u l e ; e l le s ne s’ap p liq u en t gu è re s qu ’à
[i) Quorumdam non otiofa rita eß dicenda , fed defidioi'a
occupatio. D e Brev. vH« II*