reffvlicite les débris. Six tyrans également cruels, pref-
que tous furieux, fouvent imbéciles , l’avoient précédé
fur le trône. Les régnés de Titus 6c de Nerva furent
trop courts pour établir l’amour de la patrie. Tra-
jan projetta d’en venir à bout ; voyons comment il
s’y prit.
Il,débuta par dire à Saburanus, préfet du prétoire,
en lui donnant la marque de cette dignité, c’étoit une
épée : «< prends ce fer, pour l’employer àijie défendre
» fi je gouverne bien ma patrie, ouxontre moi, fi je me
»conduis mal. Ilétoit sûr defonfait».ll refufa les fom-
mes que les nouveaux empereurs recevorent des
villes ; il diminua confidérablement les impôts, il
vendit une partie des maifons impériales au profit de
l’ état ; il fit des largeffes à tous les pauvres citoyens ;
il empêcha les-riches de s’enrichir à l’excès ; 6c ceux
qu’il mit en charge, les quefteurs , les préteurs, les
proconfuls ne virent qu’un feul moyen de s’y maintenir
; celui de. s’occuper du bonheur des peuples. Il
ramena l’abondance, l’ordre 6c la juftice dans les provinces
6c dans Rome, oit fon palais étoit auffi ouvert
au.public que les temples, fur-tout à ceux qui ve-
noient repréfenter.les intérêts de la patrie.
Quand on vit le maître du monde fe foumettre aux
lo ix, rendre au fénat fa fplendeur 6c fon autorité, ne
rien faire que de concert avec lu i, ne regarder la dignité
impériale que comme une fimple magiftrature
comptable envers la patrie , enfin le bien préfent
prendre une confiftance pour l’avenir ; alors on ne fe
contint plus. Les femmes fefélicitoient d’avoir donné
des enfans.à la patrie ; les jeunes gens ne parloient
que de l’illuftrer ; lesveillards reprenoient des forces
pour la fervir ; tous s’écrioient heureufe patrie! gfor
rieux empereur ! tous par acclamation donnèrent au
meilleur des princes un titre qui renfermoit tous les
titres , pere de la patrie. Mais quand de nouveaux
monftres prirent fa place, le gouvernement retomba
dans fes excès ; les foldats vendirent la patrie. 6c af-
fafîinerent les empereurs pour en avoir un nouveau
prix.
Après ces détails, je n’ai pas befoin de prouver
qu’il ne peut point y avoir dt patrie dans les états qui
font affervis. Ainfi ceux qui vivent fous le defpotifme
oriental, où l’on ne connoît d’autre loi que la volonté
du fo.uverain, d’autres maximes que l’adoration de fes
caprices, d’autres principes de gouvernement que la
terreur, où aucune fortune, aucune tête n’eft en fureté;
ceux-là, dis-je, n’ont point de patrie, 6c n’en con-
noiffent pas même le mot, qui eft la véritable expref-
fion du- bonheur.
Dans le zele qui m’anime , dit M. l’abbé C o y e r ,
j’ai fait en pluiieurs lieux des épreuves fur des mjets
de tous lés ordres : citoyens , ai-je dit, connolffez-
vpus la patrie / L’homme du peuple a pleuré, le ma-
giftrat a fronce le fourcil, en gardant un morne filen-
ce ; le militaire a juré, le courtifan m’a perfifflé, le
financier m’a demandé fi c’étoit le nom d’une nouvelle
ferme. Pour les gens de religion, qui comme
AnaxagOre, montrent le ciel du bout du doigt, quand
on leur demande où eft la/m/rie, il n’eft pas étonnant
qu’ils n’en fêtent point fur cette terre.
Un lord auffi connu par les lettres que par les négociations
, a écrit quelque part, peut-être avec trop
d’amertume ,que dans fon pays l ’hofpitalité s’eft changée
en luxe, le plaifir en débauche, les feigneurs en
courtilans, les bourgeois en petits maîtres. S’il en
étoit ainfi^, bien-tôt, eh quel dommage I l’amour de
la patrie n y regneroit plus. Des citoyens corrompus
font toujours prêts à déchirer leur pays, ou à exciter
des troubles & des fanions fi contraires au bien public.
(Le Chevalier DE J AU COU RT.)
Patrie , ( Critiq.facr. ) ce mot dans l’Ecriture ne
défigne pas feulement le pays natal, mais le pays où
l’on a été éléyé 3 Mate. xüj. 64. Quelquefois tout
pays ou ville quelconque, Eccléf. xvj. 5. Enfin le fé-
jour du bonheur eft nommé là patrie célefte, Héb.
Patrie ; D ieux dé la , ( Litt, ) d'ù patrii, les
anciens nommoient ainfi les dieux particuliers de
chaque v ille , ceux qui y avoient été toujours adores.
, 6c dont.le culte n’y avoit point été apporté
d’ailleurs, comme Minerve à Athènes , Junon à Carthage
, Apollpn,à Delphes..,( D .J . )
PATRIMOINE, f. m. ( Jurifprud. ) fe prend quelquefois
pour toute forte de biens ; mais dans l ’a lignification
propre il fe dit d’un bien de famille : quelquefois
même on n’entend par-là que ce qui eft venu
.a quelqu’un par îucceffion ou donation en ligne
direéte.
Patrimoine du roi , c’eft fon domaine particulier.
Eoyez au mot DOMAINE. (Ä)
Patrimoine de saint Pierre , ( Hiß. eccléf*
& politiq. ) ■ dans le tems de la décadence de l’empire
romain , c’eft-à-dire , lorfque les Goths , les Oftro-
goths , les Lombards, &c. le furent rendus les maîtres
de l’Italie, l’Eglife romaine, foit par achat, foit
par la générolité des princes 6c des feigneurs, acquit
des terres, non-feulement en Italie, mais encore
en Sicile 6c dans d’autres parties éloignées de l’Europe.
L’Eglife de Rome ne pofféda point d’abord
ces terres à titre de fouveraineté, & fouvent les
empereurs de Conftantinople 6c les rois lombards les
. confilquoient, comme ils auroient pu faire les biens
de leurs fujets , lorfqu’ils étoient mécontens de la
conduite des papes. Ces biens qiie poffédoit l’Eglife
furent appelles le patrimoine de faint Pierre ; ils furent
d^ns la fuite confidérablement augmentés par les
bienfaits de Pépin, roi de France , qui après avoir
vaincu les Lombards, donna au foiiyerain pontife
l’exarchat de Ravenne, dont l’empire d’orient avoit
été dépouillé depuis peu de tems. Charlemagne,
après avoir détruit la domination des Lombards en
Italie, enchérit encore fur les bienfaits de fon pere
Pépin ; il donna au pape plufieurs villes 6c provinces,
qui font aujourd’hui, avec la ville de Rome dont les
papes fe font peu-à-peu fendus les maîtres, ce que
Ion appelle l'état de l ’Eglife, où le ppntife exerce
l’autorité fouveraine. Il eft vrai que les Ultramontains,
c. à. d. les flateurs & les partifans outrés du pouvoir
du S. fiege font remonter fon indépendance beaucoup
plus haut, & prétendent que les terres fournie
s à l’Eglife lui appartiennent en vertu de la fameufç
donation de Confantin , part laquelle ce prince, en
recevant le baptême , donna en 314 au pape Silvefi
tre la fouveraineté de R ome& de toutes les provinces
qui compofent l’état de l’Eglife en Italie. Actuellement
la faine critique n’ajoute aucune foi à cette
prétendue donation de Conftantin ; & pour fentir
que cette piece eft fuppofée, on n’a qu’à faire attention
que Conftantin ne fut point baptifé à Rome ;
qu’en 314 il étoit à Theffalonique ; & que d’ailleurs
les différentes copies que l’on montre de fa donation
ne font rien moins que conformes les unes aux autres.
On conferve dans la bibliothèque du Vatican
une copie de cette donation, qui différé grandement
de celle que le moine Gratien a rapportée. Voyeç
Giannone , Hiß. de Naples.
Patrimoine de S. Pierre , le ( Géog. mod.')
province d’Italie, dans les états du pape, d’environ
14 lieues de long fur 12 de large. Elle eft borné©
N. par l’Orviétan 6c l’Ombrie , 6c par la Sabine 6c la
campagne de Rome ; S. par la mer ; O. par le duché
de Caftro & par la mer. Elle renferme , outre le patrimoine
particulier, le duché de Bracciano, 6c l’état
de Roncigîione. Viterbe en eft la capitale. Cette province
eft fertile en blé , en vin 6c en alun. . :
PATRIMON1A L , adj. ( Jurifprud. ) fe dit de ce
qui yient par fucceffion, 6c quelquefois en général
de tout ce qui eft in bonis, 6c que l’on poffede héréditairement.
C ’eft en ce fens qu’on dit commune- ,
ment que les juftices font patrimoniales. ^ « { Justice
s, Hérédité ; voyez aufjl Patrimoine propre ,
Succession*. (A ) • . f
PATRIOTE » f. m. ( Gouvern. ) c eft celui ;qui
dans un gouvernement libre chérit fa patrie , 6t met
fon bonheur 6c fa gloire à lafeçpurir avec zele, fui-
vant fes moy ens 6c fes facultés. Si vous voulez encore
une définition plus noble s
Thé patrio is ont
Who nlakês the wtlfan ô f mankind y his café ,
Tho* ftill by faction, vide ^ dud fortune cr°ft »
Shall find the generôtis labour was not lo f .
Servir fa patrie n’eft point, un devoir chimérique ,
c’eft une obligation reelle. Tout homme qui conviendra
qu’il y a des devoirs tires de la conltitution
de là nature , du bien 6c du mal moral des chofes ,.
reconnoîtra celui qui nous oblige à faire le bien de la
patrie , ou fera réduit à la plus abfurde inconléquen-
ce. Quand il eft une fois convenu de ce devoir , il
ri’eft pas difficile de lui jullifier que ce devoir eft proportionné
aux moyens & aux ocçafions qu’il a de le
remplir, 6c que rien ne peut difpenfer de ce qu’on
, doit à la patrie tant qu’elle a befoin de nous , 6c que
nous pouvons la fervir.
Il eft bien dur , diront des ëfclaves ambitieux j de
renoncer aux plaifirs de lafociété pour confacrer fes
jours au fervice de fa patrie. Ames baffes, vous n’avez
donc point d’idée des nobles 6c des folides plai-
lîrs ! Croyez - moi, il y en a de plus vrais -, de plus
délicieux dans une vie occupée à procurer le bien
de fa patrie, que n’en connut jamais Céfar à détruire
la liberté de la fienne ; Defcartes , en bâtiffant de
nouveaux mondes ; Burnet, en formant une terre
avant le déluge ; Newton lui-même, en découvrant
les véritables lois de la nature , ne fentirent pas plus
de plaifir intelle&nels,, que n’en goûte un véritable
patriote qui tend toutes les forces de fon entende-,
ment, & dirige toutes fes penfées & toutes fes allions
au bien de la patrie.
Quand un miniftre d’état forme Un plan politique,
& qu’il fait réunir pour un grand 6c bon deffein les
parties qui femblent les plus indépendantes , il s’y
liyre avec autant d’ardeur 6c de plaifir, que les génies
que je viens de nommer, fe font livrés à leurs
recherches ingénieufes. La fatisfaûion qu’un philo-
fophe fpéculatif tire de l’importance des objets auxquels
il s’applique, eft très-grande , j’en conviens ;
mais celles de l’homme d’état, animé par le patriotif
me, va bien>plus loin ; en exécutant le plan qu’il a-
formé , fon travail 6c fes plaifirs s’augmentent 6c fe
varient, l’exécution , il eft v ra i, en eft fouvent tra-
verfée par des circonftances imprévues , par la perfidie
de fes faux amis , par le pouvoir de fes ennemis
, mais la fidélité de quelques hommes le dédommagent
de la fauffeté des autres. Les affaires d’état,
me dira-t-on, font pour celui qui s’en mêle une efpece
de loterie ; à la bonne heure, mais c’ eft une loterie
pii l’homme vertueux ne fauroit perdre. Si le fuccès
lui eft favorable, il jouira d’une làtisfaélion proportionnée
au bien qu’il aura fait; fi le fuccès lui eft contraire
, 6c que les partis opprimans viennent à prévaloir,
il aura toujours pour confolation le témoignage
de fa confcience , 6c la jouiffance ' de l’honneur
qu’il s’ eft acquis.
Lorfque la fortune eut préparé les événemênspour
abattre la république romaine , Caton, par fa vertu,
en arrêta pendant quelque tems l’écroulement. S’il
ne put fauver la liberté de Rome , il en prolongea la
durée. La république auroit été détruite par Catilina
, foutenu de Cefar, de Craffus 6c de leurs fembla-
bles, fi elle n’ayoit été défendue par Ciçeron, appUyée
par Catoft 6c qufelqtiespatriotes. Jé crois bien
que Catoh marqua trop de févérite ppür les moeurs
de Rome qui depuis long-tems étoit' abandonnée à la
plus grande corruption; il traita peut-être maladroitement
un corps ufé : mais fi ce citoyen patriote 6c
vertueux fe trompa dans fes remèdes , il a mérité la
gloire qu’il s’eft acqiiife par là fermeté de fà conduire
, en confacrant fa vie aü férvicé de fâ patriei
Il auroit été plus digne de louanges, s’il avoit perfifté
jufqir’à là. fin à en défendre la liberté ; 1a mort eût
été plus belle à-Munda qu’à Utique.
Après-tout, fi ce grand homme prefque feuî a balancé
par fon patriotifme le pouvoir de îa fortune à
plus forté raifon plufieurs bons patriotes dans une àc- ‘
tioii libre , peuvent par leurs courage Sc leurs tra- '
vaux défendre la conliitution de l’état contre les en-
treprifes de gens mal intentionnés , qui n’ont ni les
richeffes de Craffus , ni là réputation de Pompée ,
ni la conduite de Cé far , ni le manege d’Antoine,
mais tout-au-plus là fureur d’un Catilina 6c l’indé-4
cence. d’un Cfodius.
Quant à moi, qui par des événêmënsparticuliers,
n’ai jamais eu le bonheur de fervir la patrie dans aucun
emploi public, i’ai du moins confacré mes jours
à tâcher de connoitre les devoirs des patriotes, 6c
peut-être aujourd’hui fuis-je en état de lés indiquer 6c
de les peindre au fonds : Non is fôlus reipublicoe pfou
def qui tuetur reos , <5'de pace belloque cènfet; fed qui
juventütetn éxhoftatur , qui in tanlâ-bonoruin prcecepto-
rum inopid, virtute infruit ahimos ; qui ad pecuiiiam,
luxuriamque curfu ruehtés, prehfat ac reprehendit : is in
privaio publicum negotium agit. ( Lé Chevalier DF.
JAUCOURT. )
PATRIOTISME , f. m. ( ôoüvèrn. ) c’eft ainfi
qit’ôn appelle en un feul mot l’amour de la patrie ,
voyez Patrie» .
Rome, Athènes 6c Lacédémoiie durent leur exif-
tence 6ç leur gloire au pairiotifmè , toujours fondé
fur de grands principes , & foutenu par de grandes
vertus: auffi eft-ce à ce feu facréqu eft attaché la con-
lervation des empires ; mais le patriotif me le plus parfait
eft celui qu’on poffëde quand on eft fi bien rem-'
pli des droits du genre humain, qU’ort les refpe&e vis-
à-vis de tous les peuples du monde. L’auteur de V E f
pfit des Lois étoit pénétré deSfentimerts de ce patrio-
tifme univerfel. Il avoit puifé ces fentimens dans fon
coeur, & les avoit trouvés établis daîis une île voi-*-
fine , où l’on en fuit la pratique dans tous les pays
de fa domination; non pas feulement au milieu de la
paix , mais après le fort heureux des victoires 6c des
conquêtes. (Le Chevalier DE J AU co u RT.}
PATRIPASSIENS , ou P a t r o p a s s i e n s , f. m*
H eccléf. ) nom qu’on donna en occident aux Sa-
beliiens, parce qii’ils ne croyoient pas que ce fût
Dieu le Fils , mais Dieu le Pere qui eût fouffert 6c
qui eût été crucifié.
Le Concile d’Antioche tenir par les Ëiifébiehs êii
345 , dit que les Orientaux appelloient Sabèllieni
ceux qui etoient appellés Patripaflens par les Romains.
Le nom même de PatripaJJiens eft une raifon
qu’il allégué de leur condamnation , ajoutant qu’ort
ne les nommoit ainfi que parce qu’ils rendoient D ieu
le Pere paffible.
Mais cette héréfie venoit de plus loin, elle devoit
fon origine à Praxéas, qui fur la fin du fécond fiecle
enfeignoit que Dieu lé. Pere tout-puiffant étoit le
même que Jefus-Chrift , qui avoit été crucifié. Vit
nommé Vi&orin enfeigna là même erreur ait commencement
du troifieme fiecle. L’un 6>C l’autre con-
venoient que Jefus-Chrift étoit D ieu , qu’il avoit
fouffert & étoit mort pour nous ; mais ils confon-*
doient les Perfonnes divines , 6c nioient au fond lô
myftefe de là Trinité ; car par îéPere , le Fils 6c le
Saint-Efprit, ils n’ent.endoient pas trois Perfonnes^