
 
        
         
		fommes point sCirS de la prononciation ; notre ôrgânô  
 n’y  eft  point fait :  de forte  que  fi Homere  nous  enchante  
 ,  nous n’en avons prefque  obligation  qu’à  la  
 beauté  des choies,  6c à l’énergie  de fes  traits  ,  q ui,  
 quoiqu’à  demi  effacés  pour  nous , nous  paroiffent  
 encore plus beaux que la plupart des modernes , dont  
 le  coloris  eft li  frais. 
 S’il décrit une armée en marche, « c’eftun feu dé-  
 »  votant,  qui pouffe par les vents, confume la terre  
 »  devant lui.  » Si c’eff un dieu qui fe tranfporte d’un  
 lieu à un  autre, « il  fait trois  pas, 6c  au quatrième,  
 »  il arrive au  bout du monde. »  On  entend dans les  
 deferiptions de combats,  le  bruit  de  guerre,  le  cliquetis  
 des armes, le fracas de  la mêlee,  le  tonnere  
 de  Jupiter qui gronde  ,  la terre  qui retentit  fous  les  
 piés des  combattans.  On n’eft  point avec  le poëte ,  
 on  cft  au milieu  de  fes  héros.  On  ne  lit point fon  
 ouvrage ; on croit  être préfent à tout ce qu’il raconte. 
  L’eïprit,  l’imagination,  le  coeur ,  toute la  capacité  
 de l’ame eft remplie parla grandeur des intérêts,  
 par la vivacité  des images, &  par la marche harmo-  
 nieufe  de la poéffe  du ftyle. 
 Quand  il  décrit  la  ceinture  de  Vénus,  il  n’y   a  
 point de  tableau  de  l’Albane  qui  approche  de cette  
 peinture  riante. Veut-il fléchir la  colere  d’Achille,  
 il perfonnifielesPrieres.  « Elles font  filles du  maître  
 »  des dieux, elles marchent triftement, le front cou-  
 »  vert de confufion  ,  les  yeux trempés  de  larmes ,  
 »  &  ne pouvant fe foutenir fur leurs piés chancelans,  
 »  elles  fuivent de loin  l’Injure,  l’Injure  altiere qui  
 »>  court fur la terre d’un pié léger, levant fa tête au-  
 »  dacieufe.  » 
 Si  quelques-unes  des comparaifons d’Homere  ne  
 nous paroiffent pas  affez nobles, la plupart n’ont pas  
 ce  défaut.  Une  armée  couverte  de  fes  boucliers,  
 defeend  de  la  montagne  ;  c’eft  une  forêt  en  feu ;  
 elle  s’avance,  6c  fait  lever  la poufliere ;  c’ eft  une  
 nuée qui apporte  l’orage. Un  jeune  combattant  eft  
 atteint d’un trait mortel;  c’eftun pavot vermeil qui  
 laiffe tomber fa tête mourante.  En  un mot  ,  l’Iliade  
 eft un édifice enrichi  de figures majeftueufes,  riantes  
 , agréables, naïves, touchantes, tendres, délicates. 
   Plus on la l i t ,  plus  on admire l’étendue , la profondeur  
 , 6c la grandeur  du génie de l’architeâe. 
 Il  n’eft plus permis  aujourd’hui de  révoquer toutes  
 ces  chofes  en  doute.  Il  n’eft  plus  queftion,  dit  
 fort bien Defpréaux , de favoir fi Homere , Platon ,  
 Cicéron ,  Virgile  ,  font  des  hommes  merveilleux.  
 C ’eft une  choie fans conteftation ,  puifque vingt fie-  
 cles en font convenus ; 6c après  des fuffrages fi conf-  
 tans,  il y  auroit non-feulement de  la témérité, mais  
 même de la folie , à douter du mérite de ces écrivains. 
 Paffons  à  Virgile,  le  prince  des poètes latins,  6c  
 l ’auteur de l’Enéide. 
 En lifant Homere,  dit  M.  le  Batteux,  nous nous  
 figurons  ce  poëte  dans  fon  fiecle  ,  comme  une  
 lumière unique au milieu  des ténberes, feul  avec  la  
 feule  nature, fans confeil,  fans livres, fans fociétés  
 de favans, abandonné à  fon  feul génie,  ou  inftruit  
 uniquement par les mufes. 
 En  ouvrant Virgile, nous  fentons  au  contraire ,  
 que nous  entrons  dans un monde éclairé, que  nous  
 fommes chez  une nation  oii  régné  la  magnificence  
 &   le  goût, oii tous  les arts , la  Sculpture ,  la Peinture  
 , l’Architecture ont  des  chefs-d’oeuvres  , oii  les  
 taîens font réunis avec les lumières. 
 Il  y   avoit  dans  le  fiecle  d’Augufte,  une  infinité  
 de  gens de lettres, de philofophes, qui  connoif-  
 foient la nature 6c les arts, qui avoient lu les auteurs  
 anciens & le s modernes, qui les avoient comparés  ,  
 qui  en avoient difeuté,  & qui en difeutoient tous les  
 jours les  beautés  de.  vive  voix  &   par  écrit.  Virgile  
 devoit profiter de  ces  avantages,  6c on fent en  
 le lifant ?  qu’il  en a réellemement profité.  On y   remarque  
 le  foin  d’un  auteur qui  connoît  des  réglés i  
 & qit i craint de les blefl'er ; qui polit  6c  repolit  fans  
 fin,  6c  qui  appréhende la  cenfuredes  cônnoiffeurs.  
 Toujours riche, toujours correét, toujours élégant ;  
 fes  tableaux ont un  coloris aufli  brillant  que  jufte ;  
 en artifte inftruit, il aime mieux fe tenir fur les bords,  
 que de s’expofer à l’orage. Homere, plein de fécurité,  
 fe laiffe aller à fon  génie.  Il peint toujours en grand,  
 au rifque de paffer quelquefois les bornes de l’art ; la  
 nature  feule le guide; 
 Le  premier pas  que  devoit faire  Virgile,  entreprenant  
 un poème épique, étoit de choifir un fujet qui  
 put  en porter l’édifice ;  un fujet voifin  des tems fabuleux  
 ,   prefque  fabuleux  lui-même,  6c  dont  on  
 n’eut  que  des idées  vagues ,  demi-formées ,  &  capables  
 par-là de  fe  prêter  aux  fiûions  épiques.  En  
 fécond lieu ,  il falloit  qu’il  y   eût un rapport intéref-  
 fant entre ce fujet ,&  le peuple pour qui il entrepre-  
 noit  de  le  traiter.  Or  ces  deux  points  fe  réunif-  
 fent  parfaitement  dans  l’arrivée  d’Enée  en  Italie.  
 Ce prince paffoit pour être fils d’une déeffe.  Son hif-  
 toire fe  perdoit dans la fable. D’ailleurs les Romains  
 prétendoient qu’il étoit le fondateur de  leur nation,  
 &  le pere de leur premier roi. Virgile a donc fait  un  
 bon choix  en prenant  pour fujet l’établiffement d’Enée  
 en Italie. 
 Pour  jetter  encore un  nouvel  intérêt  dans  cette  
 matière,  le poète ufant des droits de fon a r t ,  a jugé  
 à  propos  de  faire  entrer  dans  fon  poème  plufieurs  
 traits à la louange du  prince  6c de  la nation  ,  de  
 préfenter des tableaux allégoriques oit  ils puffent  fe  
 reconnoître avec plaifir. Tout le monde fut enchanté  
 de fon poème  dès qu’il vit le jour. Les fuffrages 6c l’amitié  
 d’Augufte, de Mécene, de Tuc ca, de Pollion,  
 d’Horace, de Gallus ne fervirentpas peu, fans doute,  
 à  diriger  les jugemens  de  fes  contemporains  ,   qui  
 peut-être fans cela  ne  lui  auroient  pas  rendu fi-tôt  
 juftice. Quoi qu’il  en  foit,  telle  étoit la vénération  
 qu’on  avoit pour  lui  à Rome , qu’un jour comme il  
 vint  paroître  au  théâtre  après  qu’on  y   eut  récité  
 quelques-uns des vers de l’Enéide,  tout le peuple fe  
 leva avec de grandes acclamations,  honneur  qu’on  
 ne rendoit alors qu’à  l’empereur. 
 La  critique  la  plus vraie  ,  la  plus  générale  6c  la1  
 mieux fondée qu’on puiffe faire de l’Enéide, c’eft que  
 les  fix  derniers  chants  font  bien  inférieurs  aux  fix  
 premiers ; cependant on y  reconnoît par-tout la main  
 de Virgile, 6c l’on doit convenir que ce que la force  
 de fon art  a tiré  de ce  terrein ingrat eft prefque  incroyable. 
  Il eft vrai que ce grand poëte n’avoit voulu  
 réciter à Augufte que  le premier, le fécond, le quatrième  
 &  le fixieme livres ,  qui font effe&ivement la  
 plus belle partie de  fon poème.  C’eft-là que Virgile  a  
 épuifé tout ce que l’imagination a de plus grand dans  
 la defeente d’Enée aux enfers, ou, fi l’on veut, dans  
 le tableau des myfteres d’Eleufis. Il a dit tout au coeur  
 dans les amours  de Didon.  La terreur- &  la  compaf-  
 fionne peuvent aller plus loin que dans fa defeription  
 du fiege, de la prife 6c de la ruine de Troie. De cette  
 haute élévation où il  étoit parvenu au milieu de fon  
 v o l ,  il étoit bien difficile de ne pas  defeendre. 
 Mais il eft affez vraiffemblable que Virgile fentoit  
 lui-même que cette  derniere  partie  de  fon  ouvrage  
 avoit befoin d’être retouchée.  On  lait qu’il ordonna  
 par  fon teftament que l’on brûlât fon Enéide dont il  
 n’étoit point latisfait ; mais Augufte fe donna bien de  
 garde  d’obéir  à fa derniere volonté,  6c de priver le  
 monde  du poème  le plus touchant  de  l’antiquité.  Il  
 tient aujourd’hui la balance prefque égale avëc l’Iliade  
 :  on trouve  quelquefois  dans  Homere  des  longueurs, 
   des  détails qui  ne nous  paroiffent pas  affez  
 choifis., Virgile a évité ces petites fautes, 6c a mieux  
 aimé  refter en-deçà que-d’aller au-delà. 
 Enfin les Grecs 6c les Latins n’o'nt  rien  eu de plus 
 beau &  de plus parfait  en leurs langues que les  poé-  
 fies d’Homere 6c dç Virgile ;  c’eft la fource ,  le modèle  
 &   la  réglé  du  bon  goût.  Ainfi  il  n’y   a  point  
 d’homme  de  lettres  qui  ne  doive  favpir ,  6c  lavoir  
 bien les ouvrages de ces deux poëtes. 
 Ils  ont  tous  deux dans l’expreffion quelque chofe  
 de divin. On ne petit dire mieux, avec plus de force,  
 de noblefié, d’harmonie, de précifion,  ce qu’ils di-  
 fent l’un  6c  l’autre  :  6c plutôt  que de  les  comparer  
 dans  cette  partie, il faut prendre  la penfée du  petit  
 Cyrus Sr dire  :  « Mon grand-pere  eft  le plus grand  
 » des Medes,  &  mon pere le plus beau  des Perfes».  
 Domitius  Afer  répondit  à  peu-près  la même chofe  
 a quelqu’un qui lui demandoit fon opinion fur le mérite  
 des deux poëtes  : Virgile,  dit-il,  eft le fécond,  
 mais plus près  du premier que du troifieme. 
 Après avoirleve les yeux vers Homere 6c Virgile,  
 il eft inutile de les arrêter long-tems fur leurs copiftes.  
 Je pafferai donc légex-ement en revûeStatius 6c Silius  
 Italicus ; l’un  inégal 6c timide ,  l’autre imitateur encore  
 plus foible  de l’Iliade &  de l’Enéide. 
 Stace, ou  plutôt Pubiius Papinius Statius ,  vivoit  
 fous le régné de Domitien. Il obtint les bonnes grâces  
 de cet empereur,  6c lui dédia fa Thébaïde poëme  de  
 douze chants. Quelques  louanges  que  lui  ait donné  
 Jules Scaliger,  tous  les gens  de  goût  trouvent  qu’il  
 peche du côté de l’art 6c du génie :  fa di&ion, quoi-  
 qu’aflez  fleurie ,  eft  très-inégale  ;  tantôt  il  s’eleve  
 fort haut,  6c tantôt il  rampe à terre.  C’eft  ce qui  a  
 fait dire affez ingénieufement à un moderne, qu’il fe  
 repréfentoit fur la  cime  du Parnaffe ,  mais  clans  la  
 pofture d’un homme qui n’y  pouvant tenir,  étoit fur  
 le point defe précipiter. Ses vers eadencent à l’oreille  
 fans aller jamais  au coeur.  Son poëme n’eft ni  régulier  
 ,  ni proportionné ,  ni même épique, car les fictions  
 qui  s’y   trouvent  fentent  moins  le  poëte  que  
 l’orateur timide , ou l’hiftorien méthodique.  Ses fyl-  
 v e s ,  recueil de  petites  pièces  de  vers  fur  diftérens  
 fujets, plaifent davantage,  parce que le  ftyle  en  eft  
 pur 6c naturel  Son Achilléide  eft le moindre de  fes  
 écrits, mais c’eft un ouvrage auquel il n’a point mis  
 la derniere main.  La mort le furprit vers la centième  
 année de Jefus-Chrift  ,  dans  le tems qu’il.retouchoit  
 le fécond  chant.  Enfin lui-même  reconnoît qu’il  n’a  
 fui vi Virgile que de fort loin, 6c qu’en baifantfes traces  
 qu’il adoroit ; c’eft un fentiment de modeftie, dont il  
 faut lui tenir compte. Nous avons une belle 6c bonne  
 édition  de  fes  oeuvres  faite  à Paris  en  1618  z/z-40.  
 M. deMarolles en a donné une  traduûion françoife,  
 mais beaucoup trop négligée 6c à laquelle il manque  
 les notes d’érudition. 
 Silius  Italicus parvint aux honneurs du Gonfulat  ,  
 &  finit fa vie au commencement du régné deTrajan,  
 âgé de 75 ans..Il fe laiffa mourir de faim-, Payant pas  
 la confiance de fupporterla douleur de fes.jaux. Son  
 ftyle eft à la vérité plus pur que celui de fes contemporains  
 ;  mais fon ouvrage de  la fécondé  guerre.pu-  
 nique  eft  fi foible  6c  fi  profaïque^  qu’il  doit plutôt  
 avoir le nom d’hiftoire écrite en vers  ,  que  celui  de  
 poème  épique. 
 Lucain ( M.  Anticeus Lucanus )  eft digne  de  nous  
 arrêter  davantage  que  Stace '6c Silius  Italicus  qu’il  
 avoit précédés. Son génie  original  ouvrit une route  
 nouvelle.  Il n’a  rien imité ,  &  ne doit à perfonneni  
 fes  beautés ,  ni  fes  défauts  ,  6c mérite par cela-feul  
 line grande  attention.  Voici ce qu’en dit M. de, Voltaire. 
 Lucain  étoit d’une ancienne maifon  de l’o/dre des  
 chevaliers. Il naquit àCordoue .enEfpagnefouslern-,  
 pereur Caiigula.il n’avoit encore que huitjnois lorf:  
 qu’on l’amena à Rome, où il fut élevé dans la maifon  
 de Séneque fon oncle.  Ceifait iuffit pqur impofer fi-  
 lence à de£critiques qui ont révoqué  en doute la p u reté  
 de fon langage.  Ils ont priscLucain,pour un elpa-  
 Tome X I I%L 
 gnol qui  a fait des vers latins. Trompés par ce préjug 
 e ,  ils  ont  cru  trouver dans fon  ftvle  des  barbarif-  
 mes qui n’y  font pas , 6c qui, fuppofe qu’ils y  fuffent,  
 ne peuvent  affurément  être  apperçus  par aucun moderne. 
 Il fut d’abord favori de Néron, jufqu’à ce qu’il eut  
 la noble imprudence de  difputer  contre lui le prix de  
 la poéfie,  & l’honneur dangereux  de  le  remporter.  
 Le fujet qu’ils traitèrent tous deux  étoit Orphée. La  
 hardieflè qu’eurent les Juges de déclarer Lucain vainqueur  
 ,  eft une preuve bien  forte  de  la  liberté dont  
 on jouiffoit dans les premières années de ce régné. 
 Tandis que Néron fit les délices  des Romains, Lucain  
 crut  pouvoir  lui donner des  éloges ,  il  le  louer  
 même avec trop de flatterie ; 6c en cela feul il a imité  
 Virgile, qui avoit eu la foibleffe de donner à Augufte  
 un encens que jamais un homme ne doit donner  à un  
 autre homme tel qu’il foit. 
 Néron  démentit  bien -  tôt  les  louanges  outrées  
 dont Lucain l’avoit comblé.  II  força Séneque à conf-  
 pirer contre lui; Lucain entra dans cettefameufecon-  
 juration, dont la découverte coûta la vie à trois cens  
 romains du premier rang. Etant condamné à la mort,  
 il fe fit ouvrir les veines dans un bain chaud, 6c mourut  
 en  récitant des  vers  de  fa Pharfale , qui  expri-  
 moient le  genre de mort dont il  expiroit. 
 Il ne  fut pas  le premier qui choifit une hiftoire récente  
 pour le  fujet  d’un poème  épique.  Varius  ,  contemporain  
 ,  ami  6c  rival  de Virgile ,  mais dont les  
 ouvrages  ont été perdus ,  avoit exécuté  avec fuccès  
 cette dangereufe entreprife. 
 La proximité des tems, la notoriété publique de la  
 guerre  civile ,  le fiecle  éclairé,  politique 6c peu fu-  
 perftitieux où vivoient Céfar &  Lucain, la folidité de  
 Ion fujet ôtoient à fon génie toute liberté d ’invention  
 fabuleufe. 
 La grandeur véritable  des héros réels qu’il falloit  
 peindre d’après nature, étoit une nouvelle difficulté.  
 Les Rpmains, du tems de Céfar, étoient des perfon-  
 nages bien autrement importans que Sarpédon, Diomède  
 , Mézence 6c Turnus.  La guerre de Troie étoit  
 unjeu d’enfans en comparaifon des guerres civiles de  
 Rome, oùles plus.grands capitaines * 6c les plus puiff  
 fans  hommes  qui  aient  jamais  é té ,  difputoient  de  
 l’empire de la moitié  du monde  connu. 
 Lucain  n’a  ofé s’écarter de  l’hiftoire ; .par-là  il  a  
 rendu  fon poème  fec 6c aride.  Il a voulu fuppléer au  
 défaut d’invention par la grandeur des fentimens; mais  
 il a caché trop fouvent la féchéreffe fous de l’enflure :  
 ainfi il eft arrivé qu’Achille 6c Enée, qui étoient peu  
 importans par eux-mêmes, font devenus grands dans  
 Homere 6c dans Virgile,  6c  que  Céfar  6c  Pompée  
 font quelquefois petits dans Lucain. 
 Il n’y  a  dans fon poème aucune defeription brillante 
 ,  comme  dans Homere.  Il n’a point connu,  comme  
 Virgile ,  l’art de narrer  ,   6c de  ne  rien  dire  de  
 trop ;  il  n’a ni fon élégance, ni fon harmonie ; mais  
 auffi vous trouvez dans.la Pharfale des beautés qui ne  
 font ni dans l’Iliade  ,  ni dans  l’Enéïde.  Au milieu de  
 fes  déclamations empoulées il y  a de ces penfées mâles  
 6c hardies , de  ces maximes politiques  dont Corneille  
 eft rempli ; quelques-uns de  ces difcoursontla  
 majefté de ceux de Tite-Live,  6c la force de Tacite. 
 Il peint comme Salufte ;  en ün mot ,; il  eft grand partout  
 où il ne veut point  êtrë poëte.  Une  feule ligne  
 telle que celle-ci,  en parlant de Cqfar,  nilactum n-  
 putans  quid fuperejfu agendum, vaut  une defeription  
 poétique. 
 Virgile &  Homère avoient fort bien fait d’amener  
 les divinités fur la fcène.  Lucain a fait tout-auffi-bien  
 de s’en paffer. Jupiter, Junop, Mars, Vénus, étoient  
 des embelliffemens nécéffairès aux aélions.d’Enée 6c  
 d’Aganaemnon.  On  favoit.peu de chofe de  ces héros,  
 fabuleux ;  iis étoient cqmme .ces vainqueurs, des jeux'