la religion dans fes louanges du célibat, de la continence
, de l’aumône 6c du martyre ; mais il eft fort
excufable , n’ayant goûté de tels principes que dans
le deffein de porter les hommes à des vertus dont ils
ne franchiffent guere les limites. Ainfi le défaut de
jufteffe dans fon jugement eft en quelque forte com-
penfé par la droiture de fon intention; au relie, quoique
ce foit un des peres qui ait le mieux écrit en latin
, M. de Fénelon a remarqué que fon ftyle 6c fa
diélion fentent l’enflure de fon tems 6c la durete africaine.
Il ajoute qu’on y trouve encore des ornemens
affe&és, & particulièrement dans l’épître à Donat,
que S. Auguftin cite néanmoins- comme une piece
d’éloquence.
Minut'ms Félix naquit, à ce qu’on croit, en Afrique
au commencement du iij. üecle. Nous avons de
lui un dialogue intitulé, Oclavius , dans lequel il introduit
un chrétien & un payen qui difputent enlem-
ble. M. Rigault a publié en 1643 une bonne édition
de ce .dialogue : on l’a fondue depuis dans celle des
oeuvres de S. Cyprien en 1666 ; mais l’édition la plus
recherchée elt celle de Jean Davies , à Cambridge en
1678, 6c réimprimée à Londres en 1711. M. Perrot
d’Ablancourt a aufli mis au jour une traduction fran-
çoife de Minutius Félix.
Je foufcris volontiers aux éloges que LaCtance 6c
S. Jérôme ont faits du dialogue de Minutius Félix,
quoique l’auteur me paroiffe avoir trop effleuré fon
lu)et ; mais on peut moins le juftifier fur d’autres reproches
plus importans. Il femble faire regarder les
fécondés noces comme un véritable adultéré ; il condamne
fans aucune exception l’ufage des couronnes
de fleurs ; enfin, féduit par la force de fon imagination
, il ne fe contente pas de louer le ligne de la
croix que faifoient les chrétiens en mémoire de la
crucifixion de notre Sauveur, il prétend que ce ligne
eft naturel à tous les hommes, 6c qu’il entroit même
dans la religion des payens. Apolog. c. xxjx.
Jactance étoit africain, félon Baronius ; 6c félon
d’autres, étoit natif de Fermo dans la Marche d’An-
pone. Il fleuriffoit au commencement du jv. üecle ,
étudia la Rhétorique fous Arnobe , 6c fut choifi par
l’empereur Conftantin pour être précepteur de fon
fils Crifpe Céftir. La plus ample édition de fes oeuvres
ell celle de Paris 1748, en deux volumes in-40.
Les inftitutions divines en fept livres, font le principal
ouvrage de La&ance. S. Jérôme trouve qu’il
renverfe mieux les erreurs des payens, qu’il n’eft habile
à établir les dogmes des chrétiens. Il lui reproche
de n’être pas exempt de fautes , 6c de s’être plus appliqué
à l’Eloquence 6c à laPhilofophie, qu’à l’étude
de la Théologie. Quoi qu’il en foit, c’eft de tous les
anciens auteurs eccléfiaftiques latins, celui qui a le
mieux écrit dans cette 'langue. Il évita le mauvais
tour d’expreflions de Tertullien & de S. Cyprien ,
préférant la netteté du ftyle à l’enflure 6c au gigan-
tefque ; mais adoptant les idées de fes prédéceffeurs,
il condamne abfolumentla defenfe de foi-même contre
tout aggreffeur, 6c regarde le prêt à ufure comme
une efpece de larcin.
On lui a attribué le traité de la mort des perfécuteurs,
que Baluze a donné le premier au public ; mais quelques
favans doutent que ce traité foit de Laûance,
& le P. Nourry prétend qu’il efl: de Lucius Coecilius,
qui vivoit au commencement du vj. üecle.
Hilaire, S. évêque de Poitiers, lieu de fa naiffance,
& doéleur de l’Eglife , quitta le Paganifme , 6c em-
brafla la religion chrétienne avec fa femme 6c fa
fille. Il mourut en 3 68, après avoir mené une vie agitée
de troubles 6c de difputes qu’il eut fans celle avec
les Ariens. Cependant il a fait plufieurs ouvrages :
outre un traité fur le nombre feptenaire qui s’ eft perdu,
il a écrit douze livres fur la Trinité , 6c des commentaires
fur l’Ecriture. Les Bénédictins ont publié
le recueil de fes oeuvres en 1686, & le comte Scx-
pion Mafféy en a mis au jour à Vérone en 1730, unè
nouvelle édition fort augmentée.
Saint Jérôme appelle faint Hilaire le rhône dè l’éloquence
latine , latince cloquentioe rhodanus. Je laifle
à expliquer cette épithète ; je dirai feulement que
les commentaires de l’évêque de Poitiers fur l’Ecriture
, font une ümple compilation d’Origène, dont
il fe faifoit lire les écrits par Héliodore.
Anaflafe , Saint, patriarche d’Alexandrie , étoit
égyptien ; il aflifta au concile de Nicée en 32,5,6c
obtint l’année fuivante le fiége d’Alexandrie, dont il
fut dépoflédé en 335. Il éprouva plufieurs fois pendant
le cours de fa vie les faveurs 6c les difgraces de
.la fortune. Enfin, après avoir été tantôt exilé, tantôt
rappellé par divers empereurs qui fe fuccéderent, il
mourut le 3 Mai 373. Il n’eft point l’auteur du fym-
bole qui porte fon nom.
Ses ouvrages roulent principalement fur la défenfe
des myfteres de la Trinité, de l’Incarnation , de la
divinité du Verbe & du faint-Efprit. Nous en avons
trois éditions eftimées , celle de Commelin en 1600,
celle de Pierre Naunius en 1 6 2 7 ,6c. enfin celle du P.
Montfaucon. M. Hermant a donné la vie de S. Atha-
nale en françois.
Ce pere de l’Eglife paroît ne s’être attaché qu’à la
défenfe des dogmes du Chriftianifme : il y a peu de
principes de morale dans fes ouvrages ; 6c ceux qui
s’y rencontrent, fi vous en exceptez ce qui regarde
la fuite de la perfécution 6c de l’epifcopat, n’y font
pas traités dans l’étendue qu’ils méritent : c’eft le ju-«
gement qu’en porte M. Dupin.
Cyrille, Saint, patriarche d’Alexandrie, fuccéda à
Théophile fon oncle, le 6 Oftobrè 412. Après avoir
fait des commentaires fur l’ évangile de faint Jean, 6c
fur plufieurs autres livres de l’Ecriture, il mourut en
444. Jean Aubert, chanoine de Laon, publia fes ouvrages
en grec 6c en latin en 1638 , en fix tomes
in-folio.
Les critiques les trouvent obfcurs, diffus 6c pleins
de fubtilités métaphyfiques. Nous avons fa réponleà
l’empereur Julien, qui reprochoit aux Chrétiens le
culte de leurs reliques. S. Cyrille lui répond que ce
culte étoit d’origine payenne, 6c que par confequent
l’empereur avoit tort de le blâmer. Cyrill. contra Julian.
lib. X .p . 2,36- Dans le fond, cette coutume réduite
à fes juftes bornes, pouvoit avoir alors un ufage
fort utile. Il feroit plus difficile de juftifier la faute que
fit Cyrille d’Alexandrie , en érigeant en martyr un
moine nommé Ammonius , qu’on avoit condamné
pour avoir infulté 6c bleffé Orefte , gouverneur romain
, au rapport de Socrate , dans fon kijloire ecclé-
JîaJlique. Je pâlie à S. Cyrille de Jérufalem, que j’au-
rois du nommer le premier.
Cyrille, S. patriarche de Jérufalem, fuccéda à Maxime
en 350 ; 6c après bien des révolutions qu’il
éprouva fur fon fiége, il mourut le 18 Mars 3 86. Il
nous refte de ce pere de l'Eglife 18 catechèfes adref-
fées aux cathécumènes , 6c cinq pour les nouveaux
baptifés. On a encore de lui une lettre écrite à Fem-
pereur Confiance, fur l’apparition d’une croix lumi-
neufe qui fut vue fur la ville de Jérufalem. La meilleure
édition des oeuvres de faint Cy r ille, eft celle
du P. Tonttée , en grec 6c en latin. M. Grancolas,
doéteur de Sorbonne, les a traduites en françois avec
des notes. Tout le monde peut les lire ; 6c fi elles ne
paroiffent pas compofées fuivant les réglés de l’art, il
n’en faut point blâmer l’auteur, puifqu’il avoue lui-
même en quelque maniéré les avoir faites à la hâte 6c
fans beaucoup de préparation;
Bajile le grand, S. naquit à Céfarée en Cappadoce
vers l’an 328. Il alla achever fes études à Athènes ,
où il lia une étroite amitié avec S. Grégoire de Na-.
zia,oze. Il fut élu évêque d,e Céfarée en 3 6 9 , & tra^
Vailla à la réunion des églifes d’Oriènt & d’Ôccident
qui étoient divifées au fujet de Méluc & de Paulin,
deux évêques d’Antioche. Enfuite il écrivit contre
Apollinaire 6c contre Euftathe de Sébafte. Il mourut
en 379. La meilleure édition de fes oeuvres eft celle
du P. Garnier, en grec 6c en latin, Paris J751 , trois
volumes in-fol. M. Herman, doéfeur de Sorbonne ,
a donné fa v ie , avec une traduction des afcêtiques de
ce pere de l'Eglife.
Erafme failoit un grand cas 4e l’éloquence de faint
Bafile ; fon ftyle eft pur & fes exprefliohs élégantes;
Ses lettres fur la difcipline eccléfiaftique, font très-
inftruitives ; 6c l’on trouvé en général dans fes ouvrages
beaucoup d’érudition. Mais il s’eft fa it , comme
fes prédéceffeurs , des idées outrées de la patiehce
chrétienne. Il établit que tout laïque qui s’eft défendu
contre des brigands, doit être fufpendu de la communion,
6c dépofé s’il eft du clergé. Ilpenfoit aufli qu’il
n’eft pas permis à un chrétien d’avoir de procès, pas
même pour les vêtemens qui lui fontnéceflaires pour
couvrir fon corps. Moral. regul.XLIX. cap.j.p. 463-:
tom. //.
Grégoire de Navance, S. naquit dans le bourg d’A-
rianze, près de Naziance en Cappadoce , vers l’an
3 28. Il acheva fes études à Athènes avec S. Bafile,
qui fut le plus cher de fes amis. Il devint évêque de
Conftantinople en 379, & mourut dans fa patrie le
9 Mai 391. Ses ouvrages, qui confiftent en ^5 discours
ou fermons, en plufieurs pièces de poefie, 6c
en un grand nombre de lettres, ont été imprimés en
grec 6c en latin en 16 0 9 ,2 volumes in-fol. avec des
notes. ' , .
La piété de ce pere n’eft pas douteufe , mais l’on
s’apperçoit que fon ardente paflion pour la retraite le
rendit d’une humeur trille 6c chagrine ; c’eft ce qui
le fit aller au-delà des juftes bornes dans le zele qu’il
témoigne contre les hérétiques. Le renoncement aux
biens de ce monde, lorfqu’on ne peut les conferver
fans préjudice du falut, femble être plutôt un vrai
commandement qu’un fimple confeil, à quoi Grégoire
de Naziance paroît néanmoins le rapporter. A l’égard
de fon f ty le , il s’eft peu châtié , quelquefois dur , 6c
prefqué toujours exceflivement figure.
M. Dupin a remarqué que ce pere de l'Eglife affeâe
trop les allufions, les comparaifons 6c les antithèfes :
Erafme trouve aufli qu’il aime les pointes 6c les jeux
de mots. Les études d’Athènes étoient fort déchues
quand S. Grégoire de Naziance & S. Bafile y allèrent :
le raffinement d’efprit avoit prévalu ; ainfi les peres
inftruits par les mauvais rhéteurs de leur tems ,
étoient neceffairement entraînés dans le préjugé ùni-
verfel. -
Mais il connut par expérience les menées, les cabales
, les intrigues 6c les abus qui régnent dans les
fynodes 6c dans les conciles: on en peut juger par fa
réponfe à une invitation preffante qu’on lui fit d’aflîf-
ter à un concile folemnel d’évêques qui devoit fe re-
nir à Conftantinople. « S’il finit, répondit-il, vous
» écrire franchement la vérité, je fuis dans la ferme
» réfolution de fuir toute affemblée d’évêques, parce
» que je n’ai jamais vu fynode ni concile qui ait eu un
» bon fuccès, & qui n’ait plutôt augmenté que dimi-
» nué le mal. L’efprit de difpute 6c celui de domina-
» tion ( croyez que j’en parle fans fiel ) y font plus
» grands que je ne puis l’exprimer ».
Il failoit bien qu’alors le mal fut grand dans les af-
femblées eccléfiaftiaues , car on lit les mêmes pro-
teftations & les mêmes plaintes de faint Grégoire,
répétées ailleurs avec encore plus de force. « Jamais,
» dit-il dans un de fes autres ouvrages; jamais je ne me
» trouverai dans aucun fynode : on n'y voit que divi-
» fions, que querelles , que myfteres honteux qui
» éclatent avec des hommes que la fureur domine ».
Qu oi, des évêques affemblés pour la religion, 6c dominés
par la fureur 1 Quel cas doit-on faire de leurs
ftatuts & de leurs décifions , puifque l’efprit de l’Evangile
ne les animoit point ? Remarquez que les termes
grecs qu’emploie faint Grégoire,font beaucoup
plus énergiques que ma foible tfadu&ion.
Grégoire de Nyfle, S. naquit en Cappadoce vers l’an
331 ; il étoit frere de faint Bafile, fut élu évêque de
Nyffe en 3 72, & mourut le 9 Mars 3 96. Le P. Fronton
du Luc a donné une édition de fes oeuvres en î 605.
On y trouve beaucoup d’allégories, un ftyle affecté
, des raifonnemens abftraits , 6c des opinions fin-
guliéres. On attribue tous ces défauts à fon attachement
pour les livres d’Origène.
Ambroife, S. fils d’Ambroife préfet ou prétoire des
Gaules, naquit, félon la plus commune opinion, à
Arles, vers l’an 3 40. Anicius Probus l’envoya en qualité
de gouverneur, dans l’Emilie 6c la Ligurie; il devint
enïüite évêque de Milan en 374, convertit/aint
Auguftin, 6c mourut en 397 âgé de 57 ans. La meilleure
édition de fes oeuvres eft celle de Paris, donnée
par les Bénédictins en 16 9 1 , en 2 vol. in-fol. Paulin,
prêtre de Milan, qu’il ne faut pas confondre avec faint
Paulin, a écrit fa vie.
Saint Ambroife eft le premier, & prefque le feul
des Peres, qui a entrepris de donner une efpece d’abrégé
d’une partie confidérable de la Morale, dans
fes trois livres des offices. On doit lui favoir gré d’avoir
rompu la glace, en raffemblant dans cet ouvrage
quantité de bonnes 6c excellentes chofes, dont la pratique
ne peut que rendre les hommes vertueux. Il eft
vrai que îe traité de ce pere de l'Eglife eft bien au-def*
fous du chef-d’oeuvre de l’orateur de R ome, qu’il s’eft
propofé d’imiter, foit pour l’élégance du ftyle, foit
pour l’économie de l’ouvrage 6c l’arrangement des
matières, foit pour la folidité des penfées 6c la juftefle
des raifonnemens. Il eft encore vrai que les exemples
6c les paflàges de l’Ecriture, qui font la principale
partie de ce livre chrétien, n’y font pas toujoursîheu-
reufement appliqués ou expliqués. Enfin, S. Ambroife
a fème dans cet ouvrage 6c dans fes autres
écrits, les idées outrées de fes prédéceffeurs fur l’étendue
de la patience chrétienne 6c le mérite du célibat.
Il a même adopté la fauffe légende du martyre
de fainte Thecle, pour en tirer un argument en faveur
de l’excellence de la virginité.
Au milieu de ces idées portées trop loin contre le
mariage, il femble en avoir eu d’autres fur l’adultere
entièrement oppofées à fes principes ; du-moins il
s’eft exprimé fur ce crime d’une façon qui donne lieu
à la critique. En parlant du patriarche Abraham 6c
d’Hagar, il dit qu’avant la loi de Moife 6c celle de
l’Evangile, l’adultere n’étoit point défendu : il entend
peut-être par adultéré le concubinage ; ou bien le fens
de faint Ambroife eft qu’ avant Moile l’adultere n’étoit
point défendu par une loi . écrite qui décernât quelque
peine contre ceux qui le commettoient. Mais on
pourroit répliquer qu’Abraham n’avoit nul befoin de
la loi écrite pour favoir que l’adultere eft illicite. Il
faut donc avouer que S. Ambroife, S. Chryfoftome ,
6c d’autres peres de l'Eglife, s’étant perfuadés à tort
que les faints perfonnages dont il eft fait mention dans
l’Ecriture, étoient exempts de tous défauts, ont ex-
cufé ou même loué des chofes qui ne pouvoient ni
ne dévoient être louees ou excufées.
Chryfoflome ( Saint Jean ) , naquit à Antioche vers
l’an 347. Il étudia la Rhétorique fous Libanius, 6c la
Philofophie fous Andragathe. Il fut élu patriarche de
Conftantinople en 397,0c mourut en 407, à 60 ans.
Les meilleures éditions de fes oeuvres, font celle de
Henri Savile à Oxford, en 16 13 ,8 tom. in-fol. tout
en grec; celle de Commelin6c de Fronton, du D u c ,
en grec 6c en latin, 10 v o l.in-fol. 6c enfin celle du
pere Montfaucon en grec 6c en latin, avec des notes,
Paris 1718, in fol. en 13 vol. M. Herman, do&eur