
 
        
         
		afin d'exciter encore plus  efficacement  l’indignation  
 des juges contre le coupable. S. Grégoire de Nazianze  
 rapporte  l’hiftoire d’une courtifane, qui dans un  lieu  
 où  elle n’étoit pas  venue  pour  faire  des  réflexions  
 férieufes, jetta les yeux  par hal'ard fur le portrait de  
 Palémon,  philofophe  fameux  par  fon  changement  
 de vie ,  lequel  tenoit  du miracle,  6c qu’elle rentra  
 ■ en  elle-même à  la  vue de  ce  portrait.  Les peintres  
 d’un autre genre ne font pas moins capables, par l’amorce  
 d’unfpeftacle agréable aux yeux, de  corrompre  
 le coeur 6c d’allumer de  malheureufes paffions. 
 Mais  les peintures  en  bien 6c en mal font une im-  
 preffion plus forte fur les hommes dans les contrées,  
 où communément ils ont le fentiment très-vif, telles  
 que font  les  régions de  l’Europe  les plus voifines  du  
 foleil,  & les  côtes de  l’Afie  6c de l’Afrique qui font  
 face à ces régions.  Qu’on ie louvienne de la défenfe  
 que  les  tables  de la loi font  aux  Juifs  de  peindre 6c  
 de  tailler  des  figures humaines :  elles  faifoient  trop  
 d’impreflion  fur  un  peuple  enclin,  par  fon  caractère  
 , à fe  paflîonner pour tous  les objets capables de  
 l’émouvoir. 
 Il paroît même que le pouvoir de la Peinture eft plus  
 grand  fur les hommes que celui  de la  Poéfie, parce  
 que la Peinture agit  fur nous par le moyen du fens de  
 la  vue,  lequel a  généralement plus d’empire fur l’aine 
 que  les  autres fens ,  6c parce  que c’eft la nature  
 elle-même  qu’elle  met  fous nos yeux.  Les anciens  
 prétendoient que leurs  divinités  avoient  été  mieux  
 lervies par les Peintres que par les Poètes.  • 
 Au refte, il eft facile de  comprendre comment les  
 imitations que la Peinture nous préfente font capables  
 -de nous  émouvoir,  quand  on  fait  réflexion  qu’une  
 coquille, une médaille , où le  tems n’a laifl'é que des  
 phantômes  de  lettres 6c de figures, excitent  des  paffions  
 inquiettes,  le  defir  de  les  voir  6c l’ envie de les  
 pofl'éder.  Une  grande  paffion, allumée  par  le  plus  
 petit  objet, eft  un  événement  ordinaire.  Rien  n’eft  
 ïùrprenant dans nos paffions qu’une longue durée, dit  
 M. l’abbé Dubos. 
 Après m’être étendu fur les charmes de la Peinture,  
 je voucfrois pouvoir découvrir l’origine de cet art, en  
 marquer les progrès 6c les révolutions ; mais tous  les  
 . écrits  où  les  anciens avoient  traité  cette partie historique  
 font perdus ; nous n’avons pour nous confo-  
 ler de cette perte que les ouvrages de Pline, qu’il faut  
 lire en entier,  6c dont par conféquent nous n’entreprendrons  
 point de  faire ici l’extrait.  C’eft allez  de  
 remarquer avec lu i,  que  la  recherche qui concerne  
 les commencemens  de la peinture, n’offre que des incertitudes. 
 Les Egyptiens, dit-il, affurent que l’art a pris naifi  
 Lance chez eux fix mille ans avant que de  palier dans  
 la Grece,  oftentation manifellement  frivole.  Il  ne  
 contefte point à l’Egypte d’avoir poffédé les peintres  
 les  plus  anciens ;  il  reconnoiffoit  même  le  Lydien  
 Gigès pour le premier inventeur de la peinture égyptienne., 
   foit qu’il  n’en reliât plus  de fon  tems aucun  
 monument,  toit que  les  ouvrages y  méritalTent peu  
 d’attention, parce  que  la  politique  des  Egyptiens  
 avoit  toujours  entretenu la peinture,  félon Platon  
 dans le même  état de médiocrité, fans  aucune  altération  
 6c fans aucun progrès ; mais  les Grecs  la  portèrent  
 au  plus  haut  point de grandeur 6c de  perfection. 
   De la Grece elle  pafl'a chez les Romains,  fans  
 y  produire  cependant  des artiftes  du premier ordre.  
 Elle s’éteignit avec l’empire, &ne reparut dignement  
 en  Europe,  que  fous  le  fiecle  de  Jules  II.  6c  de  
 Léon X. 
 Cette derniere  révolution  a  produit la diftinûion  
 de la peinture  antique 6c de  la peinture  moderne.  La  
 première fe fubdivife en peinture grecque 6c romaine.  
 La fécondé a formé diverfes écoles, qui ont chacune  
 leur mérite 6c leur caraétere particulier. Si donc vous 
 êtes  curieux de  fuivre l’hiftoire complété de la peinture  
 ,  voye^ Peinture antique,  Peintres grecs, &   
 Peinture^  Grecs, Peinture des Romains, Peinture  
 moderne, ÉCOLE ,  &c. 
 Nous  avons  puilé  nos  recherches dans  un  grand  
 nombre d’ouvrages pour traiter tous ces articles avec  
 lom, 6c  c’eft  bien  notre  faute  fi  nous  n’avons  pas  
 réuffi.  ( Le chevalier DE J  A UCOC/RT.') 
 Peinture  ant iqu e,  (Hiß.  des  arts.)  c’eft  celle  
 qui  d’Egypte  pafia  en Grece,  6c de  la Grece  à Rome  
 ,  où  elle  frit en  grande  réputation  fous  les  premiers  
 empereurs,  juiqu’à  ce  qu’enfin  le  luxe  6c  les  
 guerres ayant diflipé l’empire romain, elle s’éteignit,  
 6c ne  reparut  en  Italie,  que  quand  Ciniabué, vers  
 le milieu du treilieine fiecle, retira  d’entre les mains  
 de  quelques grecs,  les  déplorables  reftes de  ce  bel  
 art. 
 Quoique l’Egypte ait été le berceau de la Peinture,  
 elle n’a produit aucun  chef-d’oeuvre en ce genre. Pline  
 n’en  cite  aucun,  6c  Pétrone écrit que  les Egyptiens  
 ne formèrent que de mauvais peintres.  Il ajoute  
 meme  qu’ils  avoient nui  beaucoup à cet art,  en  inventant  
 des réglés propres à en rendre l'apprentifTage  
 moins long  6c la pratique moins  pénible. 
 Parmi les morceaux qui nous  relient de la peinture  
 antique , on remarque,  i° . à Rome la noce de  la  vigne  
 Aldobrandine,  &   les figurines  de  là pyramide  
 de  Ceftius.  Il n’y   a  point  de  curieux qui  du  moins  
 n’en ait vu des eftampes.  En fécond lieu, les p.imu-  
 res  qui  font  au  palais Barberin  dans  Rome,  6c qui  
 frirent  trouvées dans  des grottes fouterraines,  lorf-  
 qu’on jetta les fondemens de ce  palais.  Ces peintures  
 font le payfage, ou le nymphée,  dont Lucas Holfte-  
 nius  a  publié  l’eftampe, avec  une  explication qu’il  
 avoit faite de ce tableau; la Vémis reftaurée, par Car-  
 le-Maratte, 6c une figure de Rome qui tient une v ic toire. 
  Les connoifleurs qui ne favent pas l’hiftoire de  
 ces deux  frefques, prennent  l’une pour être de Raphaël, 
  &  l’autre  pour  être  du Correge.  30. On voit  
 encore au  palais  Farnefe un morceau de peinture antique  
 , trouvée dans  la vigne  de l’empereur Adrien à   
 T iv o li,  6c  un  refte de plafond  dans  le  jardin d’un  
 particulier auprès de S. Grégoire. 40. On a auffi trouvé  
 plufieurs  autres peintures antiques  dans  la  vigne  
 Farnefe fur le mont  Palatin, dans  l’endroit qu’occu-  
 poit  autrefois  le  palais  des  empereurs.  Le  roi des  
 deux  Siciles,  aujourd’hui  roi  d’Efpagne, les a  fait  
 tranfporter  à Naples  :  elles «front  point  encore  été  
 gravées.  50.  On  a  trouvé en  1752,  en fouillant les  
 ruines d’Herculanum, une  riche  colleôion de peintures  
 antiques, qui doivent former un tréfor unique en  
 ce  genre.  Voye^ Herculanum. 
 6°.  Enfin  plufieurs  particuliers ont  dans leurs cabinets  
 quelques  morceaux  de  peinture  antique.  Le  
 doéleur Mead, M.  le marquis Capponi, M. le  cardinal  
 Maffimi,  M.  Crozat  6c  autres, pofledoient plufieurs  
 de ces morceaux. 
 Quant à ce qui  refte dans  les  thermes de Titus, i l  
 n’y   a  plus que des peintures  à  demi  effacées.  Il  eft  
 vrai cependant que depuis deux fiecles,on en a déterré  
 un  grand  nombre  en  Italie,  6c  en Efpagne même, ;  
 mais  la  plupart de  ces peintures font péri e s , 6c il  ne  
 nous en eft  demeuré que  les  deffeins, ou  des eftampes. 
   Voye^ les  ouvrages  curieux  fur  cette matière,  
 tels  que  le  pitture antiche  delle  grotte  di  Bocca y par  
 M. de la  Chauffe ; les ouvrages  de  Bartoli, de  Bello-  
 r i,  du  P.  Montfaucon,  6c  autres.  Les  peintures  du  
 tombeau  des Nafons,  qu’on  déterra  près de Poute-  
 mole  en  1674, ne fubfiftent déjà plus ;  les peintures  
 mêmes qu’on déterra il y  a environ foixante 6c quinze  
 ans, a  la vigne Corfini,bâtie fur le Janicule, font  
 détruites. 
 On connoît  aifément par ce détail  abrégé, qu’on  
 ne peut  fans  témérité,  entreprendre un parallele dfi 
 la peinture  antique,   avec  la  peinture moderne,  fur la  
 foi des  fragmens  de  la peinture  antique, qui ne  fubfiftent  
 plus  qu’en  images , du moins par  la  vétufté.  
 D ’ailleurs ce qui  nous  refte, 6c ce qui  étoit  peint à  
 Rome  fur  les  murailles,  n’a été fait  que  long-tems  
 après la mort des peintres  célébrés de la Grece.  Or  
 il paroît par les écrits  des  anciens, que  les  peintres  
 qui ont  travaillé  à  Rome  fous  Augufte, 6c  fous  fes  
 premiers  fuccefleurs,  étoient  très-inférieurs  au célébré  
 Apelle ,6 c  à  fes  illuftres  contemporains.  Pline  
 qui  compofoit fon hiftoire  fous Vefpafien, 6c quand  
 les  arts  avoient  atteint  déjà  le  plus  haut  point de  
 perfection  où  ils  foient  parvenus  fous  les  empereurs  
 , ne  cite point parmi  les  tableaux qu’il compte  
 pour un  des  plus  grands  ornemens de la capitale de  
 î’univers,  aucun  tableau qui  donne  lieu  de  croire  
 avoir été fait du tems des Cefars. On ne  fauroit donc  
 afl'eoirfur  des  fragmens  de  la  peinture  antique  qui  
 nous  reftent, 6c qui font  les  débris  faits dans Rome  
 fous les empereurs, aucun  jugement certain concernant  
 le degré de perfection  où  les  Grecs  6c  les  anciens  
 Romains  pourroient  avoir  porté  ce  bel  art.  
 On  ne  faurôit même  décider par  ces  fragmens,  du  
 degré de perfection où la  Peinture  pouvoit  être Iorf-  
 qu’ils  furent  faits,  quel  rang  tenoit entre  les  peintres  
 de fon  tems,  l’artifte qui les  fit, ni en  quel endroit  
 étoit fon ouvrage, 6c s’il pafloit pour un ouvrage  
 excellent en fon genre. 
 Il  feroit  téméraire de  décider  la  queftion  de  la  
 prééminence de  la peinture antique  fur ce que nos tableaux  
 ne  font  point  ces  effets  prodigieux que  les  
 tableaux  des  anciens  peintres  ont  fait  quelquefois  
 fuivant les apparences.  Les  récits  des  écrivains qui  
 nous racontent  ces effets, font exagérés, 6c nous ne  
 favons  pas  même ce qu’il  en  faudroit  rabatre  pour  
 les  réduire à  l’exafte vérité.  Nous  ignorons  quelle  
 part la nouveauté de  l’art de  la  Peinture,  peut avoir  
 eue  dans  l’impreffion  qu’on  veut  que  certains  tableaux  
 ayent faite fur les fpeft ateufs. Les premiers tableaux, 
 quoique greffiers,onfdû paroître des ouvrages  
 divins. L’admiration pour un art naiflant, fait tomber  
 aifément dans l’exageration,  ceux qui parlent de ces  
 productions ; 6c  la tradition en recueillant  ces récits  
 outrés , aime  encore quelquefois  à  les  rendre  plus  
 merveilleux qu’elle ne les  a reçus.  On trouve meme  
 dans  les  écrivains  anciens  des  chofes  impoffibles  
 données pour  vraies,  6c  des  chofes  ordinaires  traitées  
 de prodige.  Savons-nous d’ailleurs quel effet au-  
 roient produit fur des hommes auffi fenfihles 6c auffi  
 difpofes à fe paflîonner, que  l’étoient les compatriotes  
 des  anciens  peintres  de  la  Grece, plufieurs  tableaux  
 de  Raphaël, de Rubens,  6c  d’Annibal Car-  
 rache? 
 Enfin nous ne favons  pas même quelle  comparai-  
 fon on pouvoit  faire  autrefois entre les fragmens  de  
 peinture  antique  qui  nous  reftent,  6c  les  beaux  tableaux  
 des  peintres  de  la  Grece  qui  ne  fubfiftent  
 plus. 
 Les  injures  du  tems, 6c les ravages  des hommes  
 plus cruels que  le  tems même , nous  ont dérobé  les  
 moyens  de  prononcer  d’une  façon  décifive  fur  la  
 peinture  des Grecs.  Il eft probable que leurs peintres  
 réuniflbient dans leurs ouvrages les beautés que l’on  
 admire dans leurs  fculpteurs ; cependant on n’accorde  
 communément aux  peintres  grecs  que le deflein  
 6c l’expreffion , 6c on  leur ôte la feiençe de la  perf-  
 pefrive, de  la compofition .&  du coloris.  On fonde  
 ce fentiment fur les bas-reliefs antiques, 6c fur quelques  
 peintures  anciennes  qui  ont  été  trouvées  aux  
 environs de  Rome, &  à Rome même dans des voûtes  
 fouterraines  des  palais de Mécène, de Titus,  de  
 Trajan  &   des  Antonins.  Il  eft  à  obferver  que  ces  
 peintures, dont i f  n’y  en a guere que huit qui fe foient  
 eonlervees en entier, 6c dont quelques-unes ne font 
 qu’en  mofaïques,  ne  viennent  point  des  auteurs  
 grecs. 
 Turbull, auteur anglois, a fait un traité fur la peinture  
 des anciens,  en un vol. in fol. imprimé en 1740 ;  
 il a orné  fon  ouvrage  de plufieurs de  ces morceaux  
 qui  ont été deffinés par Camillo Paderini, 6c  »ravés  
 par Mynde, 6c qui  font le feul mérite d’un livre magnifique  
 ,  dont on a fujet de  regretter le papier  mal  
 employé.  Parmi  les  eftampes  de  cet ouvrage ,  il y   
 en a deux dont  les  originaux  étoient  dans  le  cabi-  
 nei  de  feu  M. Richard M ead,  célébré médecin  de  
 Londres. 
 Les écrivains modernes, qui ont traité  de la peinture  
 antique  ,  nous  rendent  plus  favans  ,  fans nous  
 rendre plus  capables déjuger  la queftion de la fupé-  
 norité des peintres de l’antiquité fur les peintres modernes. 
   Ces écrivains fe  font  contentés  de ramafler  
 les paflages des auteurs anciens qui parlent de  h  Peinture, 
  6c de les commenter en philologues, fans les expliquer  
 par l’examen de ce que nos peintres font tous  
 les  jours  ,  6c  même fans appliquer ces paflages aux  
 morceaux de la peinture antique qui fubfiftent encore.  
 Ainfi, pour fe  former une  idée  auffi diftintte  de  là  
 peinture antique  qu’il  foit poffible  de l’avo ir,  il fou-  
 droit  confidérer  féparément  ce  que  nous  pouvons  
 favoir de certain fur la compofition, fur l’expreffion  
 6c  fur le coloris des peintres de l’antiquité. 
 A  l’égard  de  la  compofition pittoresque,  il  fout  
 avouer que dans les monumens qui nous reftent  les  
 peintres  anciens  ne  paroiflènt  pas  fupérieurs  à Raphaël  
 , à Rubens,  à Paul Veronèfe &  à M.  le Brun fl  
 mais il ne faut pas dire la mêmechofe de l’excellence  
 des anciens dans la compofition poétique: comme ils  
 étoient grands deffinateurs,  ils avoient toutes fortes  
 de facilités pour y  réuffir ,  &  nous ne pouvons douter  
 qu’ils  n’y  ayent excellé,  Les tableaux  d’Ariftide  
 parloient aux yeux.  Les  auteurs qui  nous en parlent  
 avec tant de  goût 6c de fentiment, ne pouvoienl  pas  
 fe  tromper  en  jugeant  de  l’expreffion  dans  les  tableaux  
 ; c’eft par-là qu’Aufone loue  fi bien la Médée  
 de Timomaque.  On  fait avec quelle  affeftion Pline  
 vante le tableau du facrifïce d’Iphigénie. On connoît  
 la belle  defeription du tableau d’Ætion qui repréfen-  
 toit  le  mariage  d’Alexandre  6c  de  Roxane  le  tableau  
 deZeuxisrepréfentantla famille d’un centaure  
 6c tant .d’autres qui prouvent que cette  partie de l’art  
 étoit portée au plus haut  point de  perfeâion par les  
 peintres de l’antiquité. Voye^ Peintres  anciens.  ■ 
 Il fuffit de voir l’Antinoiis, la Vénus de Médicis &   
 plufieurs autres monumens femblabiés,pour être convaincu  
 que les  anciens favoient du moins auffi-bien  
 que nous deffiner élégamment 6c corre&ement.Leurs  
 peintres  avoient mille  occafions  que  les • nôtres  ne  
 peuvent avoir, d’étudier le nud ; &  les exercices qui  
 étoient  alors  en ufage  pour dénouer  6c  pour  fortifier  
 les  corps, les dévoient rendre mieux conformés  
 qu’ils ne le  font aujourd’hui. 
 Comme le tems a éteint les couleurs, &  confondu  
 les nuances dans les fragmens qui  nous  reftent de la  
 peinture antique faite au pinceau, nous ne faurions juger  
 à quel point les peintres de l’antiquité ont excellé  
 dans le coloris,  ni  s’ils  ont furpafle  les grands maîtres  
 de  l’école lombarde dans cette aimable partie de  
 la Peinture.  Il y   a  plus, nous ignorons fi la Noce de  
 la vigne aldobrandine  6c  les  autres morceaux  font  
 d’un grand  colorifte,  ou  d’un  artifte  médiocre  de  
 ce tems-là.  Ce  qu’on peut  dire  de  certain  fur  leur  
 exécution,   c’eft  qu’elle  eft  très-hardie.  Ces  morceaux  
 paroiflènt  l’ouvrage d’artiftes auffi  maîtres de  
 leur  pinceau,  que  Rubens  6c  Paul  Veronèfe  l ’étoient  
 du  leur.  Les  touches  de  la Noce aldobrandine  
 qui font très-heurtées,  6c  qui paroiflènt  même  
 groffieres quand elles font vues de près, font un effet  
 merveilleux quand on regarde ce tableau à la diftance