couleurs détrempées dans des huiles. Avant cette découverte
les grands ouvrages l'e faifoient en mofaïr
que, ou à frefque , ou en détrempe. La mofaïque,
comme on fa it, eft formée par des pierres de différentes
couleurs rapportées artiftement les unes à
côté des autres, 6c qui toutes enfemble concourent à
produire un effet général. On peint à frefque fur des
enduits tout frais de mortier, 6c où les couleurs s’imbibent
, détrempant les couleurs dans la gomme , on
peut les employer par-tout, 6c c’ eft ce qu’on appelle
peindre en de trempe.
La peinture à huile a des grands avantages fur toutes
les autres maniérés. La mofaïque demande beaucoup
de travail, 6c elle eft difficilement exaôe. La
frefque ne peut être retouchée ; 6c fi le premiertrait
n’eft point de la derniere jufteffe , fi le premier coup
de pinceau ne donne pas la nuance exaéle , il faut
faite regrater l’enduit , 6c recommencer jufqu’à ce
qu’enfin on ait achevé l’ouvrage, fans avoir commis
la moindre erreur. Cette exactitude qu’il faut trouver
du premier coup , eft d’autant plus difficile , que
les couleurs ne confervent point les nuances qu’elles
ont lorfqu’on les emploie ; elles changent à mefure
que le mortier feche, & il faut les avoir employées
du premier coup de pinceau , non pas comme elles
font, mais comme elles doivent refter. La peinture à
détrempe , outre ce dernier inconvénient de la peinture
à frefque , n’a point de folidité, ne permet point
d’unir les couleurs par des nuances vraies 6c délicates.
Mais la peinture à l'huile donne la facilité à l’artifte
de retoucher fon tableau auffi fouvent qu’il le veut.
Sur une première ébauche dont les traits ou les nuances
ne lui paroïffent pas convenables, il emploie une
fécondé couleur différente de la première,, & qui
rend avec plus de vérité l’effet qu’il en attend ; dans
cette maniéré l’artifte a encore l’avantage d’employer
les couleurs à-peu-prês comme elles doivent refter.
Les ouvrages à l’huile ne font point néceffités d’être
toujours à une même place, comme l’eft la frefque
fur la toile, fur le bois 6c fur les métaux, ceux à l’huile
peuvent être tranfportés par-tout ; mais ils fe confervent
moins que la frefque, 6c n’ont qu’un feul
point de vue.
Cependant quoique l’huile donne une très-grande
facilité de pinceau , & qu’elle rende le travail plus
agréable qu’aucun autre corps le pourroit faire , les
anciens , peu fenfibles au moment préfent , travail-
loient toujours pour la poftérité. Or il eft confiant
que l’huile nous a fait perdre l’avantage de la confer-
vation." Ce n’eft pas tout, elle altéré nos couleurs ,
& les fait jaunir par la feule impreffion de l’air. Les
teintes pouffent fouvent avec inégalité, les ombres
noirciffent, enfin nos couleurs 6c nos imprefîions
s’écaillent, & les peintures anciennes étoient, ce me
femble, à l’abri de tous ces inconvéniens. Nous pratiquons
l’huile depuis untems affez confidérable pour
en codnoître les effets , 6c pour avancer que l’on ne
verra aucune de nos peintures préparées de cette façon
dans huit cent ans ; au contraire, Pline a pu voir
celles qui fubfiftoient dans les ruines d’Ardée , 6c
nous voyons encore aujourd’hui des reftes d’uqp
beaucoup plus grande ancienneté dans quelques endroits
de l’Italie, 6c même jufques dans l’Egypte ;
auffi ce font des peintures à frefque.
Le paftel a de grandes beautés ; il eft fait avec des
craies de différentes couleurs, mais le feul mouvement
de l’air le détruit, & on ne peut le conferver
qu’en le couvrant d’une glace. Derrière les glaces ,
on y peint auffi à huile. (D . J.)
' Peinture ch ino ise, (Peint.') c’eft une forte
de peinture que les Chinois font fur des éventails ou
fur la porcelaine , où ils repréfentent des fleurs , des
animaux, des payfages , des figures , &c. avec des
cotileufs fines 6c brillantes. Le feul mérite de leur
peinture eft une certaine propreté & un certain goût
d’imitation lervile , mais où l’on ne remarque ni génie
, ni deffein $ ni invention , ni correélion. .
Peinture des Mexicains fur Le bois , (Peinture d'Amérique.
) on ne fera peut-être pas fâche devoir ici la
maniéré dont les Indiens du Mexique fe fervent des
couleurs pour peindre fur le bois, 6c pour travailler
les cabinets 6c autres meubles de cette efpece : voici
le fecret de cetre peinture.
On prépare la couleur dont on veut faire le fond ,
6c on en paffe plufieurs couches fur tout l’ouvrage ,
ce qui forme une croûte affez épaiffe, que l’on adoucit
6c qu’on égale le plus qu’il eft poffible. Pendant
que la peinture eft encore fraîche, on prend un poinçon
ou une baguette de bois le plus. dur qu’on peut
trouver , avec quoi l’on deffine les figures que l’on
veut peindre ; on fe fert de l’autre bout du poinçon
ou de la baguette , qui eft applatie en forme de fpa-
tule , pour râcler la couleur renfermée dans le contour
de la figure ; dans ce vuide on met une autre
couleur telle' que la figure le demande ; 6c s’il y en
doit entrer de différentes, on remplit d’abord tout
l’efpàçé de celle qui doit dominer ; puis on dégarnit
la place que doivent occuper les autres couleurs , 6c
on les applique les unes après les autres, comme on
avoit fait la première jufqu’à ce que tout l’ouvrage
foit achevé.
Pour conferver l’éclat des couleurs & leur donner
le luftre , ils ont différens vernis compofés d’huiles
tirées de divers fruits.
Dans la province des Yucatan , le vernis le plus
ordinaire eft une huile faite avec certains vers qui
viennent fur les arbres du pays. Ils font de couleur
rougeâtre , 6c prefque de la grandeur des vers-à-
foie. Les Indiens les prennent, les font bouillir dans
ua chaudron plein d’eau , 6c ramaffent dans un autre
pot la graiflè qui monte au-deffus de l’eau. Cette
graiffe eft le vernis même. Il devient dur en fe figeant;
mais pour l’employer , il n’y a qu’à le faire chauffer
; & la peinture fur laquelle on a paffé le vernis ,
conferve cette même odeur durant quelque tems ;
mais en l’expofant à l’air pendant quelques jours,-l’odeur
fe diffipe entièrement. Ce font auffi les huiles
de ce vernis qui font que les ouvrages ainfi verniffés,
peuvent fe laver fans être endommagés. De-là vient
qu’on a fait avec le bois ainfi peint 6c verniffé quantité
de vaiffeauX pour l’ufage ordinaire. (Z>. /.)
Peinture pastorale , ( Peint, mod. ) c’eft ainfi.
qu’on nomme celle qui s’exerce fur les amufemens de
la campagne, les bergeries , les marchés , les animaux.
Ce goût eft fufceptible de toutes les beautés
dont le génie du peintre eft capable pour imiter la
belle nature ; 6c elle plaît à tout le monde. Le Cafii-
glione ( Benedicli ) , né à Gènes, 6c mort à Mantoue
en 1670, à <4 ans, eft un dés artiftes du dernier fie-
cle qui a le mieux réuffi en ce genre. La délicateffe
de fa touche , l’élégance de fon deffein , la beauté
de fon coloris , 6c fon intelligence du clair obfcur
ont rendu fes tableaux précieux. (D. / .)
Peinture des to ile s , ( Peint, anc. ) nous dirions
aujourd’hui teinture des toiles , mais je me fers
du mot de Pline, qui finit le xj. chap. de fon X X X V .
livre , par nous apprendre la' façon dont les Egyptiens
peignoient des toiles , ou faifoient des toiles
peintes. Rapportons d’abord le paflàge en latin qui
eft fort curieux.
Pingunt & velles in Ægypto inter pauca mirabïli généré
, candida vêla poftquam attrivere illinéntes non co-
loribus, fed colorent forbentibus medicamentis. Hoc curn
fecêre, non apparet in velis ; fed in cortinam pigmente
ferventis merfa, pojl momentum extrahuntur picta. Mi-
runique cum fit unus in cortina colas , ex illo alius atque
alius fit invcfle, accipientis medicamenti-qmlitate mu-
P E I
talus. Necpo fled ablui p o te f l; ita cortina non à ub iï con-
f i f u r a colores ,J i piclos acciperet, digerit e x uno , p in -
gitque dum coquit. E t aduda v ejlesfirmioresfiuni, qtiam
f i non urerentur. Voici la traduction :
« Dans le nombre des arts merveilleux que l’on
>* pratique en E gypte, on peint des toiles blanches
» qui fervent à faire des habits, non en lés couvrant
» avec des couleurs , mais en appliquant des mor-
» dans q ui, lorfqu’ils font appliqués , ne paroiffent
» point fur l’étoffe ; mais ces toiles plongées dans une
» chaudière de teinture bouillante , font retirées un
» inftant après coloriées. Ce qu’il y^h d’étonnant,
» c’eft que quoiqu’il n’y ait qu’une couleur, l’étoffe
» en reçoit de différentes, félon la qualité des mor-
»> dans, 6c les couleurs ne peuvent enfuite être em-
» portées par le lavage. Ainfi une liqueur qui n’étoit
» propre qu’à confondre les couleurs , fi la toile eût
» été peinte avant que d’être plongée, les fait naître
» toutes d’une feule ; elle fe diftribue , elle peint la
» toile en la cuifant, pour ainfi dire. Et les couleurs
» de ces étoffes teintes à chaud font plus folides que
» fi elles étoient teintes à froid ».
Cette pratique pour exécuter la teinture des toiles
eft en ufage dans l’Europe 6c en Orient. Il eft à
préfumer que l’Inde a tiré originairement ce fecret
de l’Egypte , qui après avoir été le centre des
arts 6c des fçiences , la reffource de l’Afie & de
l’Europe par la fertilité de fon terroir , le climat le
plus heureux par la falubrité de l’a ir , un monde par
la multitude des naturels du pays 6c par l’affluence
des étrangers , n’eft plus aujourd’hui qu’une terre
empeftée & une retraite de brigands , pour avoir
perdu de vue les arts 6c les fciences qui faifoient fon
bonheur 6c fa gloire ; exemple palpable qui fuffiroit
feul pour confondre un odieux paradoxe avancé de
nos jours , s’il méritoit d’être férieufement refiité. La
Chine connoît auffi la pratique de teindre les toiles,
où nous l’avons trouvée établie dansletems de fa découverte.
Plus on approfondit les arts, du moins
quant à la peinture , 6c plus on obferve qtie les anciens
n’ignoroient prefque rien de ce que nous
favons 6c de ce que nous pratiquons. Mémoire des
In fc . tom. X X V . ( D . J . )
Peinture sur verre , ( P e in t, mod. ) cette p e in ture
eft toute moderne, 6c les François prétendent
que ce fût d’un peintre de Marfeille, qui travailloit
à Prame fous Jules 11. que les Italiens l’apprirent.
On en fajfoit autrefois beaucoup d’ufage dans les vitraux
des églifes 6c des palais ; mais cette peinture eft
aujourd’hui tellement négligée, qu’on trouve très-
peu de peintres qui en ayent connoiffance. Elle con-
lifte dans une couleur tranfparente, qu’on applique
fur le verre blanc ; car elle doit faire feulement ion
effet, quand le verre eft expofé au jour. Il faut que
les couleurs qu’on y employé foient de nature à fe
fondre fur le verre qu’on met au feu quand il eft
peint ; & c’eft un art de Connoître l’effet que ces couleurs
feront quand elles feront fondues, puifqu’il y
en a que le feu fait changer confidérablement.
Lorfque cette peinture étoit -en régné, on fabri-
quoit dans les fourneaux dés verres de différentes
couleurs, dont on compofoit des draperies, 6c qu’on
tailloit fuivant leurs contours, pour les mettre en
oeuvre avec Le plomb. Le principal corps de prefque
toutes ces couleurs, eft un verre affez tendre, qu’on
appelle rocaille;, quife fait avec du fablon blanc, calcine
plufieurs fois, 6c jetté dans l’eau, auquel on
mele enfuite du falpêtre pour fervir de fondant.
On a auffi trouvé le fecret d‘e peindre à l’huile fur
le verre , avec des couleurs traniparentes , comme
font la laque, l’émail, le verd-de-gris, 6c des huiles
ou vernis colorés , qu’on couche uniment pour fervir
de fonds ; quand elles font feches, on y met des
ombres, 6c pour les clairs, on peut les emporter par
P E I *79
hachurés avec Une plume taillée êxprès, Ces cou*
teurs à huile fur le verre, fe confervent long»tems>
pourvu que le côté du verre oit eft appliquée la cou*
leur, ne foit pas expofé au foleil. (£ ) .ƒ . )
Peinture , ( Architecl. ) cet art contribue dans
les bâtimens, i° . à la légéreté, en les faifant paraître
plus exhaufles 6c plus vaftes par la perfpeftive ; 2°4
à la décoration parla variété des objets agréables
répandus à propos, 6c par le racordement du faux
avec le vrai ; 30. enfin à la richeffe, par l’imitation
des marbres, des métaux, 6c autres matières pré-
cieùfes.
La Peinture fe diftribue en grands fujets allégoriques
pour les voûtes, plafonds, & tableaux; ou en
petits fujets, comme ornemens grotefques , fleurs,
fruits, &c. qui conviennent aux compartimens 6t
panneaux des lambris.
On pratique dans les bâtimens trois fortes de
peinture ; la peinture à frefque, la mofaïque, 6c la
peinture à l’huile. La première, qui eft la plus ancienne
, 6c la moins finie, fert pour les dedans des
lieux fpacieux, tels que font les églifes, bafiliques,
galeries, 6c même pour les dehors fur les enduits
préparés pour la retenir. Cette peinture eft particulièrement
propre pour décorer des murs de jardins
par des vues, des perfpeftives, &c. La mofaïque,
quoiqu’elle foit moins en ufage qu’aucune forte de
peinture, eft cependant la plus durable ; h peinture à
l’huile convient au bois 6c à la toile, pour enrichir
toutes fortes d’appartemens. (Z>. J. )
Peinture double , ( Poèjîe, Art orat. ) on
appelle double peinture, celle qui confifte à préfenter
deux images oppofées, qui jointes enfemble, fe relèvent
mutuellement; c’eft ainfi que Virgile fait
dire à Eriée , lorfqu’il voit He&or en fortgè : « Ce
» n’étoit point cet Heélor vainqueur de Patrocle ,
» 6c chargé des dépouilles d’Achille, où la flamme
» à la main embraflànt la flotte des Grecs : fa barbe
» 6c fes cheveux étoient fouillés de fang, 6c fon
» corps portoit encore les marques de toutes leé
» bleffures qu’il reçut fous les murs de Troie ». '
Hei rnihi, qiiàlis erat ! quantum mutants ab Mo
Heclore qui redit exuvias indu tus Achillis ,
Vel Danauni Phrygios jaculatus puppibus ignés ƒ
Squallentem barbant, & concretos fanguine crime 4
Vulneraque ille gerens , quoi çircurn.plurima mur os
Accepit patrios, Ænéïdi 1. 11. v. 174«
Annibal Cafo, dans fa traduûion italienne de
l'Enéide, a rendu cet endroit bien noblement»
Laffo me l quale & quanto era mutato
Da quell' Eltor , che ritorno veflito
Dde fp~ogUe d'Achille, é rilucente
Del foco , ond'arje , il grand navile argôlico l
Squallida hâve a La barba , horredo il crine ,
E rapprefo di fangue : il petto lacero
D i quante unqua ferite alpatrio muro
Hebbe d'intorno.
C’eft encore en ufant d’une double peinture, que
Corneille dans le récit du fonge de Pauline, lui tait
dire en parlant de Sévere. Acte I. fcenex»
I l n étoit point couvert de ces trifles lambeaux
Qu'une ombre défolée emporte des tombeaux }
I l n'étoit point percé de ces coups pleins de gloire^ ;
Qui retranchant fa vie , ajfure fa mémoire ;
Ilfembloit triomphant, & tel que furfort char
Victorieux dans Rome , entre notre Céfar, &£»
Concilions que la double peinture eft d’un merveilleux
effet pour le pathétique; mais comme cette
adreffe eft une des plus grandes du poëte & de l’orateur,
il faut la favoir ménager , l’employer fobre»
ment, & à'propos» (/?. J .)