ju fq u ’ à ce que l’ouvrage étamé ait ce brillant qu’on
appelle poli ou brunijjure. ( D . J. )
Po u s s o ir s , ( Lunetùer. ) morceaux de bois d’un
pié 8c plus de longueur , de fept ou huit pouces de
largeur, 8c de dix-nuit lignes ou environ d’épaifleurj?
couverts par-deffus d’un vieux feutre de chapeau de
caftor , fur lequel les maîtres Miroitiers-Lunettiers
polÜTent les chaffis d’écaille ou de corne qui fervent
à monter leurs lunettes.
POUSSOIR, ( Manufacl. des glaces.} Les polijjoirs
dont on fe lert dans les manufa&ures des glaces, pour
leur donner le poli, n’ont rien de femblable aux polijfoirs
des autres ouvriers. Ceux-ci font compofes de
deux pièces de bois , l’une plate , qu’on appelle la
plaque, qui eft doublée de chapeau épais ; l’autre
plus longue & demi-ronde, eft attachée par-deffus la
plaque : celle-ci s’appelle le manche. Cette derniere
piece qui excede la plaque de quelques pouces des
deux côtés, afin que le poliffeur la puiffe empoigner,
a par-deffus un trou , où quand on travaille au poliment,
on fait entrer ce qu’on appelle le bouton de la
fléché. Il y a de ces polijjoirs de diverfes grandeurs ;
les plus grands ont huit à dix pouces de longueur, 8c
les plus petits trois ou quatre : ceux-ci ne fervent
qu’au poli des bifeaux. ( D. J. )
POUSSOIR des Serruriers ; il eft tout de fe r , mais
moins compofé que celui des Eperonniers. (Z>. J. )
POLITESSE, f. f. {Morale. ) Pour découvrir l’origine
de là politejje, il faudroit la favoir bien définir ,
8c ce n’eft pas une chofe aifée. On la confond prefque
toujours avec la civilité & la flatterie , dont la première
eft bonne, mais moins excellente 8c moins rare
que la politejje , & la fécondé mauvaife 8c infuppor-
table, lorfque cette même politejje ne lui prête pas fes
agrémens. Tovit le monde eft capable d’apprendre
la civilité , qui ne confille qu’en certains termes 8c
certaines cérémonies arbitraires, fujettes, comme le
langage , aux pays 8c aux modes ; mais là politejje ne
s’apprend point fans une difpofition naturelle, qui â
la vérité a befoin d’être perfectionnée par l’inftruc-
tion 8c par l’ufage du monde. Elle eft de tous les
tems 8c de tous les pays ; 8c ce qu’elle empninte
d’eux lui eft fi peu efl'entiel, qu’elle fe fait fentir au-
travers du ftyle ancien 8c des coutumes les plus étrangères.
La flatterie n’eft pas moins naturelle ni moins
indépendante des tems 8c des lieux, puifque les paf-
fions qui la produifent ont toujours été 8c feront toujours
dans le monde. Il femble que les conditions élevées
devroient garantir de cette baffefl’e ; mais il fe
trouve des flatteurs dans tous les états, quand l’efprit
8c l’ufage du monde enfeignent à déguifer ce défaut
fous le mafque de la politejje, en fe rendant agréable,
il devient plus pernicieux ; mais toutes les fois qu’itt?,
fe montre à découvert, il infpire le mépris 8c le dégoût
, fouvent même aux perfonnes en faveur def-
quelles il eft employé : il eft donc autre chofe que la
poliuje, qui plaît toujours 8c qui eft toujours eftimée.
En effet , on juge de fa nature par le terme dont on fe
fert pour l’exprimer, on n’y découvre rien que d’innocent
8c de louable. Polir un Ouvrage dans le langage
des artiians , c’ eft en ôter ce qu’il y a de rude
& d’ingrat, y mettre le luftre 8c la douceur dont la
matière qui le compofe fe trouve fufceptible, en un
mot le finir &c le perfectionner. Si l’on donne à cette
expreflion un fens fpirituel, on trouve de même que
ce qu’elle renferme eft bon 8c louable. Un difeours,
un fens poli, des maniérés 8c des conventions polies,
cela ne fignifie-t-ilpas que ces choies font exemptes
de l’enflure, de la rudeffe, & des autres défauts
contraires au bon fens & à la fociété civile, 8c qu’elles
font revêtues de la douceur, de la modeftie, 8c
de la juftice que l’efprit cherche , 8c dont la fociété
a befoin pour être paifible 8c agréable ? Tous ces effets
renfermés dans de juftes bornes, ne font-ils pas
J)ons , 8c ne conduifent-ils pas à conclure que la
caule qui les p r o d u i t ne peut auffi être que bonne ?
Je ne fai fi j e la connois bien, mais il me femble qu’ellé
eft dans l’ame une inclination douce & bienfailante,
qui rend l’efprit attentif, 8c lui fait découvrir avec
délicateflé tout ce qui a rapport avec cette inclination
, tant pour le fentir dans ce qui eft hofs de foi ,
que pour le produire foi-même fuivant fa portée ;
parce qu’il me paroît que la politejje, auffi bien que
le goût, dépend de l’efprit plutôt que de fon étendue;
8c que comme il y a des efprits médiocres, qui ont
le goût très-fur dans tout ce qu’ils font capables de'
connoître, 8c d’autres très-élevés, qui l’ont mauvais
ou incertain, il fe trouve de même*des efprits de la
première claffe dépourvus de politejje, 8c de communs
qui en ont beaucoup. On ne finiroit point fi on exa-
minoit en détail combien ce défaut de politejje fe fait
fentir, 8c combien, s’il eft permis de parler ainfi ,
elle embellit tout ce qu’elle touche. Quelle attention
ne faut-il pas avoir pour pénétrer, les bonnes chofes .
fous une enveloppe groffiere 8c malpolie? Combien
de gens d’un mérite folide, combien d’écrits 8c de
difeours bons 8c favans qui font fuis 8c rejettés, 8c
dont le mérite ne fe découvre qu’avec travail par un
petit nombre de perfonnes, parce que cette aimable
politejje leur manque ? Et au contraire qu’eft-ce que
cette même politejje ne fait pas valoir? Un gefte, une
parole, le filence même , enfin les moindres chofes
guidées par elle ,font toujours accompagnées de grâces
, 8c deviennent fouvent confidérables. En effet,
fans parler du refte, de quel ufage n’eft pas quelque- -
fois ce filence p oli, dans les converfations même les
plus vives ? c’eft lui qui arrête les railleries précifé- •
ment au terme qu’elles ne pourroient pafï'er fans devenir
piquantes , & qui donne auffi des bornes aux
difeours qui montreroient plus d’efprit que les gens:
avec qui on parle n’en veulent trouver dans les autres.
Ce même filence ne fupprime-t-il pas auffi fort
à propos plufieurs réponfes îpirituelles, lorfqu’elles
peuvent devenir ridicules ou dangereufes, foit en
prolongeant trop les coniplimens, foit en évitant quelques
difputes ? Ce dernier ufage de la politejje la rele ve
infiniment, puifqu’il contribue à entretenir la paix,
8c que par-là il devient, fi on l’ofe dire, une efpece
de préparation à la charité. Il eft encore bien glorieux
à la politejje d’être fouvent employée dans les écrits
8c dans les difeours de morale, ceux mêmes de l a ,
morale chrétienne, comme un véhicule qui diminue
en quelque forte la pefanteur 8c l’auftérité des préceptes
8c des correûions les plus féveres. J’avoue que
cette même politejje étant profanée 8c. corrompue ,
devient fouvent un des plus dangereux inftrumens de
l’amour-propre mal réglé ; mais en convenant qu’elle
eft corrompue par quelque chofe d’étranger, on
prouve, ce me femble, que de l’a nature elle eft pure
8c innocente.
II ne m’appartient pas de décider, mais je ne puis
m’empêcher de croire que la politeje tire fon origine
de la vertu ; qu’en fe renfermant dans l’üfage qui lui
eft propre, elle demeure vertueufe ; 8c que lorfqu’elle
fert au v ic e , elle éprouve le fort des meilleures chofes
dont les hommes vicieux corrompent l’ufage. La
beauté, l’efprit, le favoir, toutes les créatures en un
mot, ne font-elles pas fouvent employées au mal, 8c
perdent-elles pour cela leur bonté naturelle? Tous
les abus qui naiffent de la politejje n’empêchent pas
qu’elle ne foit effentiellement un bien, tant dans fon
origine que dans les effets, lorfque rien de mauvais
n’en altéré la fimplicité. ■
Il me femble encore que la politejje s'exerce plus
fréquemment avec les hommes en général, avec les
indifférens , qu’avec les amis, dans la maifon d’un
étranger que dans la fienne, fur-tout lorfqu’on y eft
en famille , avec fon pere, fa mere , fa femme, fes
enfans. On n’eft pas- poli avec fa maîtreffe ; on eft
tendre, paffionne, galant, La politeje n’a guere lieu
avec foh pere, avec fa femme ; on doit à ces êtres
d’autres fentimens. Les fentimens vifs,qui marquent
l’intimité, les liens dufàng, laiffent donc peu de cir-
conftances à la politejje-. C ’eft une qualité peu connue
dufauvage. Elle n’a guere lieu au fond des forêts,
entre des hommes 8c des femmes nuds, & tout entiers
à la pourfuite de leurs befoins ; & chez les peuples
policés , elle n’eft fouvent que la çlémonftration,
extérieure d’une bienfaifance qui n’eft pas dans le
coeur.
POLITIO ou Pollizi, ( Géog. mod.} petite ville de
la Sicile, dans la vallée de Mazzara , fur les confins
de celle de Demona „-au pié du mont Madonia, à 1 5
lieues au fud-eft de Palerme. Il y a un collège de jé-
fuites, fix couvens d’hommes 8c deux de filles. Long.
31. 44'. Ut. 3 7 . 30'. (Z > . / . )
POLITIQUE , ( Philofophie. ) La philofophie politique
eft celle qui enfeigne aux hommes à fe conduire
avec prudence, foit à la tête d’un état, foit à la tête
d’une famille. Cette importante partie de la Philofophie
n’a point été négligée par les anciens, 8c furtout
par l’école d’Ariftote. Ce philofophe élevé à la cour
de Philippe, 8c témoin de ces grands coups de politique
qui ont rendu ce roi fi célébré , ne manqua point
une occàfion fi favorable de pénétrer les fecrets de
cette fcience fi utile 8c fi dangereufe; mais il ne s’amufa
point, à l’exemple de Platon fon maître , à enfanter
une république imaginaire, ni à faire des lois pour
des hommes qui n’exiftent point : il fe fervit au contraire
des lumières qu’il puifa dans le commerce familier
qu’il eut avec Alexandre-le-grand, -avec Anti-
pater, 8c avec Antiochus , pour preferire des lois
conformes à l’état des hommes, 8c à h nature de chaque
gouvernement. Voye[ ja morale & fa politique.
Cependant quelque eftimables quefoientles préceptes
qu’on trouve dans les écrits de ce philofophe , il
faut avouer que la plûpart feroient peu propres à
gouverner les états qui partagent maintenant le monde.
La face de la terre a éprouvé tant de révolutions,
8c les moeurs ont fi fort changé, que ce qui étoit
très-fage dans le tenis où Ariftote écrivoit, ne feroit
rien moins-que cela fi on le mettait maintenant en
pratique. Et voilà fans doute la raifon pourquoi de
toutes les parties de la Philofophie la politique eft
celle qui a le plus éprouvé de changemens, & pourquoi
, parmi le grand nombre d’auteurs qui ont traité
de cette fcience , il n’y en a pas un feul qui n’ait pro-
poféune maniéré différente de gouverner. Nous ne
parlerons ici que de ceux d’entre les modernes qui fe
font rendus les plus célébrés par leurs ouvrages fur la
politique.
Jean Bodin né en Anjou, fut d’abord religieux de
l’ordre des Carmes ; mais comme il avoit fait fes
voeux dans fa première jeuneffe, il en fut difpenfé ,
8c il s’adonna à l’étude avec beaucoup d’affiduité. Il
avoit l’efprit fi étendu, qu’après avoir acquis, une
connoiffance extraordinaire des langues, il embraffa
tous les arts 8c toutes les fciences» D ’abord il s’attacha
au barreau de Paris; mais ennuyé de cette guerre
de paroles 8c d’écrits, il s’appliqua tout entier à la
compofition, & il fit fon coup d’effai fur les cynégétiques
d'Oppian qu’il traduifit en latin avec élégance,
& qu’il explique par de favans commentaires. Le roi
Henri III. s’entretint plufieurs fois avec lui, 8c ces
entretiens lui firent beaucoup d’honneur ; car comme
il avoit l’efprit préfent, & que pour ainfi dire il avoit
en argent comptant toutes les richeffes de fon efprit,
il étaloit une incroyable abondance de chofes curieu-
fes, que fon excellente mémoire lui fourniffoit furie
champ. Depuis, la jaloufie de quelques perfonnes
lui ayant attiré la difgrace du roi, il fe retira auprès
du duc d’Alençon, à qui quelque tems après les Hol-
landois déférèrent la fouveraineté de leurs provinces
, 8c il fut extrêmement confidéré*de ce prince,
à caüfe de fa rare érudition 8c de fes belles connoif-
fances. Il accompagna ce duc dans fon voyage d’Angleterre
, 8c après fa mort il fe retira à Laon, dont on
lui donna la judicature ; 8c il y rendit la juftice avec
beaucoup d’intégrité jufqu’à l’année 1588. Enfin il y
mourut de là pefte âgé de plus de 70 ans. De Thon.
nb. c xm .
SM. Diecman ( Dieeman, de naturalifno Bodini )
découvrit dans le derfiier fiecle un manuferit de
Bodin intitulé, Colloquium heptaplomeres de abditis re-
rum jublimium arcanis. Chaque interlocuteur a fa tâche
dans cet ouvrage ; les uns attaquent, les autres
défendent. L’Eglife romaine eft attaquée la première,
les Luthériens viennent enfuite fur les rangs ; le troi-
- fieme.choc tombe fur toutes les fettes en général ; le
quatrième fur les Naturaliftes ; le cinquième fur les
Calviniftes ; le fixieme fur les Juifs ; 8c le dernier fur
; lès feûateurs de Mahomet. L’auteur ménage de telle
forte fes combattans , que les chrétiens font toujours
battus : le triomphe eft pour les autres , 8c fur-tout
pour les Naturaliftes 8c pour les Juifs. Bodin acheva
ce mauvais ouvrage l’an 1588, âgé d’environ 63 ans,
8c mourut l’an 1596, fans qu’il ait paru renoncer aux
fentimens qu’il avoit expofés dans fon livre. On dit
au contraire qu’il mourut juif.
Le plus eonfidérable de fes ouvrages, 8c celui qui
lui a fait le plus d’honneur, ce font fes livres delà république
, dont M. de Thou parle en ces termes :
O pus magnum de republicd Gallic'e publicavit , in quo
ut omni jcientiarum genere, non tincli, jed imbuti inge-
nii fidem fecit, fie nonnullis , qui rectb judicant, non
omnino ab oflentationis innato genti vitiovacuum jepro-
bayit. Il foutint parfaitement dans fa conduite les maximes
dont il avoit rempli fon ouvrage ; car ayant
été député en 1576 par le tiers-état de Vermandois
aux.états de Blois, il y. foutint fortement les droits.
du peuple. « Il y remontra, dit Mezerai, avec une
» liberté gauloile, que le fonds du domaine royal ap-
» partenoit aux provinces , 8c que le roi n’en étoit
» que. le fimple ufager. Ce que le roi Henri III. ne
» trouva pas mauvais, difant que Bodin étoit homme
» de bien ».
Quelques auteurs ont difputé à Bodin Ja! qualité
d’écrivain exaâ: 8c judicieux, mais du-moins ne lui
a-t-on pu r e f iu e r un grand génie , un vafte favoir ,
une mémoire 8c une leéture prodigieufes. Montagne
dit qu’i/ étoit? accompagné de beaucoup plus de jugement
que la tourbe des écrivailleurs de jon fiecle , & qu'il mérite
qu'on le lije & qu'on le confédéré. Voye{ Bayle, Dic-
tionn. tom. f l. p. 33 , &c.
Balthafar Gracian, jéfuite efpagnol, mourut l’an
16 5 8 à l’âge de 54 ans. Ses ouvrages font l'homme de
cour, le héros, le criticon & le diferet. Le premier e(l
une efpece de rudiment de cour, dit M. Amelot de la
Houflaie , qui l’a traduit, & de code politique, ou un
recueil des meilleures & des plus délicates maximes de la
vie civile & de la vie de cour. Dans le fécond, Gracian
a entrepris de former le coeur d’un grand homme. Le
troifieme n’eft qu’une cenfure affez ingénieufe des
vices ; 8c dans le dernier l’auteur a tâché de donner
l’idée d’un homme parfait» C et auteur a certainement
de très-bonnes chofes, mais fes ouvrages font remplis
d’idées peu naturelles, & d'expreffions trop recherchées
& trop guindées. L'homme de cour eft fon
meilleur ouvrage» « On peut le regarder, dit Bayle ,
» comme la quinteffence de tout ce qu’un long ufage
» du monde , une réflexion Continuelle fur l’efprit
» & le coeur humain , peuvent apprendre pour fe
» conduire dans une grande fortune ; 8c ifne faut pas
»s’étonner fi la favante comteffe d’Aranda, donna
» Louija de Padilla, fe formalifoit de ce que les belles
» penfées de Gracian devenoient communes par l’im-
» preffion ; enforte que le moindre bourgeois pouvoit
» avoir pour un écu des chofes, qui à çaufe de leur