4i 3 P E R
d’Omar plus facilement qu’ils n’avoient fubi le joug
d’Alexandre. . ...... .
Cette fervitude fous les Arabes, dura jufqu’en
1258, que la Perfe commença à renaître fous fes
propres rois. Haalou recouvra ce royaume parole
fuccès de fes armes ; mais au bout d’un fiecle , 1 a-
merlan, kan des Tartares, fe rendit maître de la Per-
f e , l’an 1369 j fubjugua les Parthes, 6c fit prifonnier
Bajazet I. en 1402. Ses fils partagèrent entre eux fes
conquêtes, & cette branche régna jufqu’à ce qu’une
autre dynaftie de la facfion du mouton blanc, s’empara
de la Perfe en 1469. ;
Ufiiim Caftan chef de cette faftion, étant monte
fur le trône, une partie de la Perfe flattée d’oppofer
un culte nouveau à celui des Turc s, de mettre Ali
au-defîus d’Omar, 6c de pouvoir aller en pèlerinage
ailleurs qu’à la Mecque , embraflà avidement ce
do«me que propofa un perfan nommé Xeque Aidary
& oui n’ eft connu de nous que fous le nom de So-
phi \ c’eft-à-dire, fige. Les femerîces de cette opinion
étoient jettees depuis long-tems; maisSophi
donna la forme à ce fchifme politique & religieux,
qui paroît aujourd’hui néceflàire entre deux grands
empires voifins, jaloux l’un de l’autre. Ni les Turcs,
ni les Perfans n’avoient aucune raifon de reconnoî-
tre Omar & A li pour fuccefl'eurs légitimes de Mahomet.
Les droits de ces arabes qu’ils avoient chaffés,
dévoient peu leur importer. Mais il importoit aux
Perfans que le fiége de leur religion ne fut pas chez
les Turcs ; cependant Uffum Caifan trouva bien des
contradicteurs, 6c entre autres, Ruftan qui fit affaffi-
ner Sophi en 1499. Il en réfulta d’étranges révolutions
, que je vais tranferire de l’hiftoire de M. de
Voltaire, qui en a fait le tableau curieux.
Ilînaël fils de Xeque-Aidar, fut affez courageux
& affez puiffant, pour foutenir la doélrine de fon
pere les armes à la main 3 fes difciples devinrent des
foldats. Il convertit 6c conquit l’Arménie, fubjugua
la Perfe , combattit le fultan des Turcs Sélim I. avec
avantage, Si laiffa en 1524 à fon fils Tahamas , la
Perfe puiflante 6c paifible. Ce même Tahamas repouffa
Soliman, après avoir été fur le point de perdre
fa couronne.il laiflà l’empire en 1576. à Ifmaël II.
fon fils, qui. eut pour fucceffeur en 1585 Scha-Abas,
qu’on a nommé le grand.
Çë grand homme étoit cependant cruel; mais il y
a des exemples que des hommes féroces ont aimé
l’ordre 6c le bien public. Scha-Abas pour établir fa
puiffance, commença par détruire une milice telle
a-peu-près que celle des, janiffaires en Turquie , ou
des ftrèlets enRuffie; il conftruifit des édifices publics
; il rebâtit des villes ; il fit d’utiles fondations ;
il reprit fur les Turcs tout ce que Soliman 6c Sélim
avoient conquis fur la Perfe. Il chaffa d’Ormus en
1622 par le fecours des Àngloià, les Portugais qui
s’étoient emparés de ce port en 1507. Il mourut en
1629.
La Perfe devint fous fon régne extrêmement flo-
riffante, & beaucoup plus civilifée que la Turquie;
les Arts y étoient plus en honneur, les moeurs plus
douces, la police générale bien mieux obfervée. 11
eft vrai que les Tartares fubjuguexent /eux fois la
Perfe après le régné des kalifes arabes ; mâis jls n’y
abolirent point les Arts ; 6c quand la famille des Sophi
régna, elle y apporta les moeurs douces de l’Arménie
, oh cette famille avoit habité long-tems. Les
ouvrages de la main paffoient pour être mieux travaillés,
plus finis.en Perfe, qu’en Turquie; Sc les
Sciences y avoient de tous autres encouragemens.
La langue perfane plus douce Sc plus harmonieu-
fe que la turque, a été féconde en poéfies agréables..
Les anciens grecs qui ont été les premiers précepteurs
de l’Europe, font encore ceux des Perfans.
Ainfi leur philoîbphie étoit au feizieme Sc au dix-
P E R
feptieme fiecles, à-peu-pr,ès au même- état que la nô?
tre. Ils tenoient l’Aitrologie de leur propre pays, 6c
s’y attachoient plus qu’aucun peuple de la terre. Ils
étoient comme plufieurs de nos nations , pleins d’ef-
prit &c d’ erreurs.
La cour de Perfe étaloit plus de magnificence que
la Porte ottomane. On croit lire une relation du teins
deXerxès, quand on voit dans nos voyageurs, ces
chevaux couverts de riches brocards, leurs harnois
brillans d’or & de pierreries, 6c ces quatre mille'
vafes d’or, dont parle Chardin, lefquels fervoient
pour la table du roi de Perfe; Les choies communes,
6c fur-tout les comeftibles, étoient à trois fois meilleur
marché à Ifpahan&c à Conftaniinople, que parmi
nous. Ce prix eft la démonftration de l’abondance.
Scha-Sophi, fils du grand Scha-Abas, mais plus
cruel,moins guerrier, moins politique, 6c d’ailleurs
abruti,par la débauche, eut un régné malheureux.
Le grand-mogol Scha-Géan enleva Çandahar à la
Perfe, 6c le fultan Amurath IV. prit d’affaut Bagdat
en 16,38.
Depuis, ce tems, vous voyez la monarchie perfane
décliner fenfiblement, jufqu’à ce qu’enfin la mol-
leffe de la dynaftie des fophi, a caufé fa ruine entière.
Les eunuques gouvernoient le ferrait 6c l’empire fous
Muza-Sophi, 6c fous Huffein, le dernier de cette race.
C’eft le comble de l’aviliffement dans la nature
humaine, & l’opprobre de l’Orient, de dépouiller les
hommes de leur virilité; 6c ç’eff le dernier attentat
du defpotifme, de confier le gouvernement à ces
malheureux.
La foibleffe de Scha-Huffein qui monta fur le trône
en 1694, faifoit tellement languir l’empire , 6c la
confufion le troubloit fi violemment par les fa&ions
des eunuques noirs 6c des eunuques blancs, que fi
Myrr-Weis 6c fesAguans, n’avoient pas détruit cette
dynaftie ; elle l’eut été par elle-même. C’eft le fort
de la Perfe, que toutes fes dynafties commencent par
la force, 6c finiffent parla foibleffe. Prefque toutes:
les familles ont eu le fort de Serdan-Pull, que nous,
nommons Sardanapale.
Ces A guans qui ont bouleverfé la Perfe au com*.
mencement du fiecle oii nous fommes, étoient une
ancienne colonie de tartares, habitant les montagnes
de Çandahar, entre l’Inde 6c la Perfe. Prefque toutes,
les révolutions qui ont changé le fort de ces pays-là y
font arrivées par des tartares. Les Perfans avoient
reconquis Çandahar fur le Mogol, vers l’an 1650
fous Scha-Abas II. 6c ce. fut pour leur malheur. Le
miniftere de Scha-Huffein , petit-fils, de Scha-Abas II.
traita mal les Aguans. Myrr-Weis qui n’étoit qu’un
particulier, mais un particulier co,urageux& entre-;
prenant, fe mit à leur l I pKl ftft,
Ç ’eft une de ces révolutions, Ô11 le cara&ere des
peuples qui la firent, eut .plus de part que le cara-
ftere de leurs chefs : car Myrr-Weis ayant été affafllr
n é , & remplacé par un autre barbare nommé Màgh-
mud, fon propre neveu, qui n’étoit âgé que de dix-
huit ans ; il n’y avoit pas d’apparence que .ce jeune
homme pût faire beaucoup par lui-même , 6c qu’il
conduisît fes troupes indifeipiinées de montagnards
féroces, comme nos généraux conduifent des armées
réglées. Le gouvernement de Huffein étoit méprifé,
& la proyince de Çandahar, ayant commencé les
troubles, les provinces du Caucafe du côté de la
Géorgie, fe révoltèrent auffi. Enfin, Maghmud affié-
gea Ifpahan en 1722; Scha-Huffein lui remit cette
capitale, abdiqua le royaume à fes pies, 6c le reçon-r
nut pour fon maître ; trop heureux que Maghmud
daignât époufer fa. fille. Ce Maghmud crut ne pouvoir
s’affermir qu’en faifant égorger les familles-, des
principaux citoyens de cette capitale.
La religion eut encore part à ces défolations : des
P ER
Aeüans tenoient.pour Omar, comme les Perfans pour
Ali; & Maghmud chef des Aguans., îpêloit les plus
lâches fupèrftitions aux plus aéteftables cruautés. Il
mourut en démence en 1725 , après avoir défoié^la
Perfei . ".ri' I -:'vv v.‘* :iX"' f. ' J Ç >vr'.?
Un nouvel ufurpateiirde-la nation des Aguans, lui; |
fuccéda. Il s’appelloit Aj\raffyou-Archruff-y ouKche- \
ref; car on lui donne tous ces noms. La défoliation,delà
Perfe redoubloit de, tous côtés. Les Turcs Binon-
doient du côté de la Géorgie, l’ancienne Colchide.
Les, Ruffes fondoient fur- les provinces , du. nord à j
l’occident de la mer Cafpienne , vers l'es, portes' de
perbent dans.le Shirvan, qui étoit autrefois BIbérie
ÔC l’Albanie. ■ f . - • • .
Un des. fils, de Scha-Huffeim , nommé Thamas ,
échappé au mafficre, de la famille impériale , i avoit
encore des fujets fideles, quiLè-raffemblerent autour j
de fa perfonne vers Tauris. Les guerres civiles & les;
tems de malheur produifent toujours des hommes j
extraordinaires, qui euffent été ignorés dans des !
tems paifibles. Le fils; du, gouverneur d?un petit fort j
du Khorafan devint le, prote&eur du prinqe Thamas, i
6c le foutien du trône, dont il fut enfuite l’ufurpa- j
teur. Cet homme qui s’eft placé ait rang des plus ;
grands conqiiérans , s’appelloit Nadir [Chah).
Nadir ne pouvant avoir le gouvernement de fon
pere, fe mit à latête d’une troupe de foldats, Si fe-
donna avec fa troupe au prince Thamas. A force
d’ambition, de courage, &c d’aftivité, il fiit à. la tête-
d’une armée. Il fe fit appeller alors Thamas KoulN
Kan , le Kan efclave de Thamas. Mais l’efelave étoit
le maître fous un prince auffi foible 6c auffi efféminé
que fon pere Hufl'eim, Il reprit Ifpahan & toute la
Perfe, pourfuivit le nouveau roi- A iraf jufqu’à Can-
dahar, le vainquit, le prit prifonnier en 1 7 2 9 ,6c
lui fit couper la tête après lui avoir arraché les yeux.
Kouli-Kan ayant ainfi rétabli le prince Thamas
fur letrône de fes ay eux, & l’ayant mis en état d’être
ingrat, voulut l’empêcher de l’être. Il l’enferma dans
la capitale du Khorafan, & agifiant toujours au nom
de ce prince prifonnnier, il alla faire la guerre au
T u rc , fachant bien qu’il ne pouyoit affermir fa puiffance,
que par la même voie qu’il l’avoit acquilè. Il
battit les Turcs à Érivan en 1736, reprit tout ce
pays , & affura fes conquêtes en faifant la paix avec
les Ruffes. Ce fut alors qu’il le fit déclarer roi de
Perfe, fous le nom de Scha-Nadir. 11 n’oublia pas
l’ ancienne coutulne, de crever les yeux à ceux qui
peuvent avoir droit au trône. Les mêmes armées
qui avoient fervi à défoler la Perfe , fer virent auffi à
la rendre redoutable à fes voifins. Kouli-Kan mit
les Turcs plufieurs fois en fuite. Il fit enfin avec eux
une paix honorable , par laquelle ils rendirent tout
ce qu’ils avoient jamais pris aux Perfans, excepte
Bagdat&fon territoire.
Kouli-Kan, chargé de crimes 6c de gloire, alla'
conquérir l’ïnde, par l’envie d’arracher au Mogol,
tous ces tréfors que les mogols avoient pris aux Indiens.
Il avoit des intelligences à la cour du grand?
mogol, 6c entr’autres deux des principaux feigneurs
de l’empire, le premier vifir, 6c le généfaliffime des
troupes. Cette expédition lui réuffit au-delà de fes
efpérançes ; il fe rendit maître de l’empire, & de la
perfonne même de l’empereur en 1739.
Le grand-mogol Mahamad fembloit n’être venu à
la tête de fon armée, que pour étaler fa vaine grandeur
, & pour la foumettre à des brigands aguerris.
Il s’humilia devant Thamas Kouli-Kan, qui lui parla
en maître, 6c le traita en fujet. Le vainqueur entra
dans D elhi, ville qu’on potis repréfente 'plus grande
6c plus peuplée que Paris ou Londres. Il trainoit à
fa fuite ce riche &c miférable empereur. Il l’enferma
d’abord dans une tour, 6c fe fit proclamer lui-même
rQi des Indes.
Tome X I I .
P E R ; 4\9
• Quelques officiers mogols efiayerent:.cte profiter
d’une .nuit, :oii les Perfans s’étoient livrés à;la.dé?
bauche, pour prendre les armes contre.leurs vain«
qiieurs.' Thamas. Koiili-rKan livra-la-ville au pillage ;
prefque tçut fut mis,à feu & à,fang. Il emporta autarït
deàçéfors.de D elhi ^que.les Efpagnôls èn prirent à
laçonquête-du Mexique..Qn compte que Cette fbmmâ,
ijiohta, pour fa part, à quatre-viugt?fepti.raillions; Sc
demi ftèrling, oc qu.’il y en. eutfèpt millions
ft.brlingpour fon armée* Ges rieheffes amafféès pariuii
brigandage;- de quatre- fiecles j.’ont étyé'.ap.poitéesrew
P'es/&paj- \.m autre b r ig a n d a g e a ’ont pas empêché
les Perfans d’être long-tems les plus malheürjeuaç
peuples de la terre. Elles y font difperfées oiieriTe-
vëlies pendant les guerrés civiles., jufquku. tems o ii
quelque tyran les raffemblera..
Koidi-Kan en partant des Indes pour retouriiéfl
en Perfe, laiffa le nom d’ëmperéur à ce Mahamad
qu’il avoit détrôné ; mais il laifià.le gouvernement al
u a vice-roi qui avoit élevé, le grand-mogol 3 & quï-
s’étoit rendu indépendant de lui. T l détachai trois
royaumes de ce vafte empire ; Cachemire.; ;Çàbôtrl'
Sc Multan, pour les incorporer a la Perfe; & impofà
à' l’-Indouûan un tribut de quelques^ millions. L’in^
douftan fut alors gouverné, par le yice-r-oi & par
un confeil que Thamas Kouli-Kan avoir établi. Le
peM-nfils d’Aurang-Zel garda lei titre de roides rois ,
6c ne fixt plus qu’un fantôme.
Thamas K ouli-Kan arrivé chez lui,, donna la ré-
gençe de la Perfe: à fon fécond fils Nefralla Mirzay
recruta fon. .armée % &c marcha contre lés tartares
Eusbegs, pour les châtier des défordres qu’ils avoient
commis dans le Khorafan^ pendant qu’iLétoit occupé
dans l’Inde. 11 traverfa des déferts prefque impraticables
, 6c Bon crut qu’il y périroit infailliblement ;
mais il revint quelques mois après , amenant quantité
d’Eusbegs qui avoi ent pris parti dans fon armée ,
& il fournit dans fon paffage plufieurs peuples inconnus
même aux Perfans. -
Cependant l’année fuivante, qui étoit en 1742
les Arabes fe fouleverent de toutes parts, 6c défirent
totalement fes troupes. Obligé de mire la guerre par
mer Sc par terre, 6c ne voulant pas toucher aux
tréfors immènfes qu’il avoit apportés de Elnde, il
mit fur toute la Perfe un nouvel impôt de fept cens
mille, tomans ( quatorze millions d’écus. ) En mêmç
tems il fit publier, qu’ayant reconnu la religion
des Sunnis pour la feule véritable, il l’avoit em-
braffée, Sc qu’il défiroit que fes fujets fuiviffent
fon exemple. II fe prépara à attaquer les Turcs i 6c
mit en marche une partie de fes troupes pour qu’elles
fe rendiffent à Molul, tandis que lui-meme marche-
roit à V a u , dans le deffein d’attaquer les Turcs par
deux différens côtés , & de pouffer fes conquêtes
jufqu’à Conftantinople ; mais le fuccès ne répondit
point à fes efpérançes.
A peine s’étoit-il mis en marche, que les peuples
de diverfes provinces -perfanes fe révoltèrent, ce
qui l’obligea de retourner fur fes pas pour étouffer la
rébellion. Mais le mécontentement étoit général ; le
feu de la révolte gagnoit par-tout. A mefure que Nadir
( ou fi vous voulez , Thamas Kouli-Kan ) l’étei-
gnoit d’un cô té, il s’allumoit d’un autre. Ne pouvant
courir dans toutes lés-provinces révoltées, il fit la
paix avec les Turcs en 1746.
Enfin s’étant rendu, de plus en plus odieux aux
Perfans par fes cruautés envers ceux dont la fidélité
lui étoit fufpeâe , il fe forma contre lui une confpi^
ration fi générale, qu’ayant été obligé de fe faüver
d’Ifpahan , & ayant cru être plus en fureté dans fon
armée , fes propres troupes fe fouie verent, & le mal-
facrerent dans fon camp. Il fut affaffiné par Ali-Kouli-
Kan,-fonprqpre neveu , comme l’avoit ete Myrr-
W e is, le premier auteur de la révolution. Ainfi à
1 G g g i j