928 P O L
toute la proteélion du roi : on lui fit feulement gtace
du bourreau ; il paffa par les armes*
Pour connoître le fénat qui eft l’ame de la diete ,
il faut jetter les yeux fur les évêques, les palatins,
& les caftellans. CeS deux dernieres dignités ne font
pas auffi connues que l’épifcopat : vin palatin eft le
chef de la nobleffe dans Ion palatinat. Il préfide à les
affemblées ; il la mene au champ éleÉtoral pour faire
fes rois, & à la guerre lorl'qu’on affemble la pôfpo-
lite ou l’arriere-ban. Il a auffi le droit de fixer le prix
des denrées^ & de reglef les poids & mefures; c’eft
un gouvernement de province. Un caftellan jouit
des mêmes prérogatives dans fon diflrict, qui fait toujours
partie d’un palatinat, & il repréfente le palatin
dans fon âbfence. Les caftellans autrefois étoient
gouverneurs des châteaux forts, & des villes royales.
Ces gouvernemens ont paffé aux ftaroftes qui
exercent auffi la juftice pareux-mêmès, ou par ceux
qu’ils commettent. Une bonne inftitution, c’eft un
reeiftre dont ils font dépofitaires : tous les biens du
diîrriél libres ou engagés, y font confignés : quiconque
veut acquérir, acheté en toute sûreté.
On ne voit qu’un ftarofte dansle fénat, celui de
Samogitie; mais on y compte deux archevêques,
quinze évêques, trente-trois palatins, & quatre-
vingt-cinq caftellans ; en tout cent trente-fix féna-
teurs.
Lesminiftres ont place au fénat fans être fénateurs ;
ils font au nombre de d ix , en fe répétant dans l’union
des deux états.
Le grand maréchal de la couronne.
Le grand maréchal de Lithuanie.
Le grand chancelier de la couronne.
Le grand chancelier de Lithuanie.
Le vice-chancelier de la couronne.
Le vice-chancelier de Lithuanie.
Le grand tréforier de la couronne.
Le grand tréforier de Lithuanie.
Le maréchal de la cour de Pologne.
Le maréchal dé la cour de Lithuanie.
Le grand maréchal eft le troifieme perfonnage de
la Pologne. Il ne voit que le primat & le roi au-def-
fus de lui. Maître du palais, c’eft de lui que les am-
baffadeurs prennent jour pour les audiences. Son pouvoir
eft prefque illimité à la cour, & à trois lieues
de circonférence. Il y veille à la fureté du ro i, & au
maintien de l’ordre. Il y connoît de fous les crimes,
& il juge fans appel. La nation feule peut réformer
fes jugemens. C ’eft lui encore qui convoque le fénat,
& qui reprime ceux qui voudroient le troubler. Il a
toujours des troupes a fes ordres.
Le maréchal de la cour n’a aucun exercice de ju-
risdiélion que dans l’abfence du grand maréchal.
Le grand chancelier tient les grands fceaux ; le
vice-chancelier les petits. L ’un des deux eft évêque,
pour connoître des affaires ecclélîaftiques. L ’un ou
l’autre doit répondre au nom du roi en polonois ou
en latin, félon l ’occafion. C ’eft une choie finguliere
que la langue des Romains, qui ne pénétrèrent jamais
en Pologne, fe parle aujourd’hui communément
dans cet état. Tout y parle latin jufqu’aux domefti-
ques.
Le grand tréforier eft dépofitaire des finances de
la république. Cet argent, que les Romains appela
ien t le tréfôr dupeule, arariumpopuli, la Pologne
fe garde bien de le laiffer à la direôion des rois. C’eft
la nation affemblée, ou du moins un fénatus-confulte
qui décide de l’emploi ; & le grand tréforier ne doit
compte qu’à la nation.
Tous ces miniftres ne reffemblent point à ceux des
autres , cours. Le roi les crée ; mais la république
feule peut les détruire. Cependant, comme ils tiennent
au trône, la fource des grâces , & qu’ils font
hommes, la république n’a pas voulu leur accorder
voix délibérative dans le fénat.
P O L
On donne aux fénateurs le titre à?excellence, & ils
prétendent à celui de monfeigncur, que les valets,
les ferfs, & la pauvre nobleffe leur prodiguent.
Le chef du fénat eft l’archevêque de Gnefne, qu’on
nomme plus communément le primat, & dont nous
ferons un article à part : c’eft affez de dire en paffant
qu’il eft auffi chef de l’églife , dignité éminente qui
donne à ce miniftre de l ’humble chriftianifme tout
le faite du trône, & quelquefois toute fa puiffance.
Le fénat hors de la diete , remue les refforts du
gouvernement fous les yeux du roi : mais le roi ne
peut violenter les fuffrages. La liberté fe montre juf-
que dans les formes extérieures. Les fénateurs ont
le fauteuil, & on les voit fe couvrir dès que le roife
couvre. Cependant le fénat hors de la diete, ne décide
que provifionnellement. Dans la diete, il devient
légillateur conjointementavecle roi & la chambre
des nonces.
Cette chambre reffembleroit à celle des communes
en Angleterre, fi, au lieu de ne repréfenter que
la nobleffe, elle repréfentoit le peuple. On voit à fa
tête un officier d’un grand poids , mais dont Foffice
n’eft quepaffager. Il a ordinairement beaucoup d’influence
dans les avis de la chambre. C’eft lui qui les
porte au fénat, & qui rapporte ceux des fénateurs.
On le nomme maréchal de la diete , ou maréchal des
nonces. Il eft à Varfovie ce qu’étoit le tribun du peuple
à Rome ; & comme le patricien à Rome rte pouvoir
pas être tribun,, celui qui étoit eft le tribun des
tribuns doit être pris dans l’ordre équeftre, & n o n
• dans le fénat.
Lorfque la diete eft affemblée, tout eft ouvert,
parce que c’eft le bien public dont on y traite. Ceux
qui n’y portent que de la curiofité font frappés de la
grandeur du fpeclacle. Le roi fur un trône élevé,
dont les marches font décorées des grands officiers de
]a cour ; le primat difputant prefque toujours de
fplendeur avec le roi ; les fénateurs formant deux lignes
auguftes ; les miniftres en face du ro i, les nonces
en plus grand nombre que les.fénateurs, répandus
autour d’eux, & fe tenant de bout : les ambaffa-
deurs & le nonce du pape y ont auffi des places maj-
quées, fauf à la diete à les faire retirer, lorfqu’elle
le juge à-propos.
Le premier aéte de la diete, c’eft toujours la lecture
des pacla conventa qui renferment les obligations
que le roi a contraélées avec fon peuple ; & s’il y a
manqué , chaque membre de l’affemblée a droit d’en
demander l’obfervation.
Les autres féances pendant fix femaines, durée ordinaire
de la diete , amènent tous les intérêts de la
nation ; la nomination aux dignités vacantes, la dil-
pofition des biens royaux en faveur*des militaires qui
ont fervi avec diftinélion , les comptes du grand
tréforier, la diminution ou l’augmentation des impôts
félon la conjoncture, les négociations dont les ambal-
fadeurs de la république ont été chargés, & la maniéré
dont ils s’ en font acquittés, les alliances à rompre
ou à former,la paix ou la guerre, l’abrogation ou
la fanftion d’une loi , l’affermiffement de la liberté,
enfin tout l’ordre public.
Les cinq derniers jours qu’on appelle les grands
jours, font deftinés à réunir les fuffrages. Une déci-
fion pour avoir force de lo i, doit être approuvée par
les trois ordres d’un confentement unanime. L’op-
pofition d’un feul nonce arrête tout. v.
Ce privilège des nonces eft une preuve frappante
des révolutions de l’efprit humain. Il n’exiftoit pas
en 16 51 , lorfque Sicinski, nonce d’Upita , en fit le
premier ufage. Chargé de malédictions , il échappa
avec peine aux coups de fabre; ôi ce même privilège
contre lequel tout le monde s’éleva pour lors , eft
aujourd’hui ce qu’il y a de plus facré dans la république.
Un moyen lur d’être mis en pièces, feroit d,’en
propofer l’abolition,
P O L
On eft obligé de convenir que, s’il produit quelquefois
le b ien, il fait encore plus de mal. Un nonce
peut non-feulement anéantir une bonne decifion ;
mais s’il s’en prend à toutes, il n’a qu’à protefter &
difparoître : la diete eft rompue. Il arrive même qu’on
n’attend pas qu’elle foit formée pour penfer à la dif-
foudre. Le prétexte le plus frivole devient un infiniment
tranchant. En 1752 les nonces du palatinat de
Kiovie avoient dans leurs inftruCtions d’exiger du
r o i , avant tout, l’extirpation des francs-maçons, fo-
ciété qui n’effraie que les imbécilles & qui ne faifoit
aucune fenfation en Pologne.
Le remede aux dietes rompues, c’eft une confédération
dans laquelle on décide à la pluralité des
vo ix , fans avoir égard aux proteftations des nonces;
& fouvênt une confédération s’élève contre l’autre.
C ’eft enfuite aux dietes générales à confirmer ou à
caffer les aCtes de ces confédérations. Tout cela produit
de grandes convulfions dans l’état, fur-tout fi les
armées viennent à s’en mêler. ,
Les affaires des particuliers font mieux jugées. C’eft
toujours la pluralité qui décide ; mais point de juges
permanens. La nobleffe en crée chaque année pour
former deux tribunaux fouverains : l’un à Petrikow
pour là grande Pologne, l’autre à Lublin pour la petite.
Le grand duché de Lithuanie a auffi fon tribunal.
La juftice s’y rend fommairement comme en
Afie. Point de procureurs ni de procédures : quelques
avocats feulement qu’on appelle/«»/?«, ou bien
on plaide fa eaufe foi-même. Une meilleure difpofi-
tion encore, c’eft que la juftice fe rendant gratuitement
, le pauvre peut l’obtenir. Ces tribunaux font
vraiment fouverains ; car le roi ne peut ni les prévenir
par évocation , ni caffer leurs arrêts.
Puifque j’en fuis fur la maniéré dont la juftice s’exerce
en Pologne, j’ajouterai qu’elle fe rend félon
les ftatuts du royaume , que Sigifmond Augufte fit
rédiger en un corps en 1520; c’eft ce qu’on appelle
droit polonois. Et quand il arrive certains cas qui n’y
font pas compris, onfe fert du droit faxon. Les jugemens
fe rendent dans trois tribunaux fupérieurs, à,la.
pluralité des v o ix , & on peut en appeller au roi. Çes.
tribunaux jugent toutes les affaires civiles de la nobleffe.
Pour les criminelles, un gentilhomme ne peut
être emprifonné, ni jugé que par le roi & le fénat.
Il n’y a point de confifcation, & la prôfcription
n’a lieu que pour les crimes capitaux au; premier
chef, qui font les meurtres, les affaffinats , & la conjuration
contre l’état. Si le criminel n’eft point arrêté
prifonnier dans l’aétion, il n’eft pas befoin d’envoyer
des foldats pour l’aller inveftir ; on le cite pour fubir
le jugement du roi Sc du fénat. S’il ne comparoit pas,,
on le déclare infâme & convaincu ; par-là il eft prof-
c r it , & tout le monde peut le tuer en le rencontrant.
Chaque ftaroftie a fa jurifdiétion dans l’étendue de
fon territoire. On appelle des magiftrats des villes au
chancelier, & la diete en décide quand l’affaire eft
importante.
Les crimes de lèze-majefté ou d’état font jugés en
diete. La maxime que l’églife. abhorre le fang, ne
regarde point les évêques*polonpis. Une bulle de
Clément VIII. leur permet de confeiller la guerre,
d’opiner à la mort, & d’en ligner les decrets.
Une chofe encore qu’on ne voit guere ailleurs,
c’eft que les mêmes hommes qui délibèrent au fénat,
qui font des lois en diete , qui jugent dans les tribunaux
, marchent à l’ennemi. On apperçoit par-là
qu’en Pologne la robe n’eft point féparée de l’épée.
La nobleffe ayant faifi les rênes du gouvernement,
les honneurs & tous les avantages de l’état a penfé
que c’étoit à elle feule à le défendre , en laiffant aux
terres tout le relie de la nation. C’ eft aujourd’hui le
feul pays ôîi l’on voie une cavalerie toute çompofée
Tome X I I .
P O L 919
de gentilhommes, dont le grand duché de Lithuanie
fournit un quart, & la Pologne le relie.
L’armée qui en réfulte, ou plutôt ces deux armées
polonoife & lithuanienne, ont chacune leur grand général
indépendant l'un de l’autre. Nous avons dit
que la charge de grand maréchal, après la primatie,
eft la première en dignité : le grand général eft fu-
périeur en pouvoir. Il ne connoît prefque d’autres
bornes que celles qu’il fe prefcrit lui-même. A l’ouverture
de la campagne, le roi tient confeifavec les
fénateurs & les chefs de l’armée fur les opérations à
faire ; & dès ce moment le grand général exécute
arbitrairement. Il affemble les troupes , il réglé les
marches, il décide des batailles , il diftribue les récompenses
& les punitions, il é leve, il caffe, il fait
couper des têtes, le tout fans rendre compte qu’à la
république dans la diete. Les anciens connétables de
France qui ont porté ombrage au trône, n’étoient
pas fi abfolus. Cette grande autorité n’eft fufpendue
que dans le cas oii le roi commande en perfonne.
Les deux armées ont auffi refpeclivement un général
de campagne, qui fe nomme petit général. Celui-
ci n’a d’autorité que celle que le grand général veut
lui laiffer ; & il la remplit en fon abfence. Un autre
perfonnage, c’eft le ftragénik qui commande l’avant-
garde.
La Pologne entretient encore un troifieme corps
d’armée, infanterie & dragons. L’emploi n’en eft pas
ancien. C’eft ce qu’on appelle l’armée étrangère ,
prefqu’entierement composée d’allemands. Lorfque
tout eft complet, ce qui arrive rarement, la garde
ordinaire de la Pologne eft de quarante - huit mille
hommes.
Une quatrième armée, la plus nombreufe & la plus
inutile c’eft la pofpolite ou l’arriere-ban. On verroit
dans un befoin plus de cent mille gentilhommes monter
à cheval, pour ne connoître que la difcipline qui
leur conviendroit; pour fe révolter,fi on vouloitles
retenir au-delà de quinze jours dans le lieu de l’affemblée
fans les faire marcher ; & pour refufer le fervi-
c e , s’il falloit paffer les frontières.
Quoique les Polonois reffemblent moins aux Sar-
mates leurs ancêtres , que les Tartares aux leurs, ils
en confervent pourtant quelques traits. Ils fontfranes:
& fiers. La fierté eft affez naturelle à un gentilhomme
qui élit fon ro i, & qui peut,, être roi lui-même.
Ils font emportés. Leurs repréfentans,dans le.s affem-;
blées de la nation, décident fouvent les affaires le fabre
à la main. Ils font apprendre la langue latine à
leurs enfans ; & la plupart des nobles, outre la langue
efclavonne, qui leur eft naturelle, parlent allemand
, françois oc italien. La langue polonoife eft
une dialeéle de l’efclavonne ; mais elle eft mêlée de
plufieurs mots allemands..
Ils ont publié la fimplicité & la frugalité des Sar-
mates .leurs ancêtres. Jufqu’à la fin du régné de So-
bieski, quelques chaifes de bois , une peau d’ours ,.
une paire de piftolets, deux planches couvertes d’un
matelas, meubloit un noble d’une fortune honnête.
Aujourd’hui les vêtemens des gentilhommes font riches
: ils portent pour la plupart des bottines couleur
de foufre, qui ont le talon ferré, un bonnet fourré,.
& des veftes doublées de zibeline , qui leur vont jufqu’à
mi-jambe■ ; c’eft ainfi qu’ils paroiffent dans les
dietes ou dans les fêtes de cérémonies. D ’autres objets
deluxe fe font introduits en Pologne fous Augufte
II. & les modes françoifes déjà reçues en Allemagne*
fe font mêlées à la magnificence orientale, qui montre
plus de richeffe que de goût. Leur faite eft monté
fi haut, qu’une femme de qualité ne fort guere qu’en
caroffe à fix chevaux. Quand un grand feigneur voyage
d ’une province à une autre, c’eft avec deux cens
chevaux, & autant d’hommes. Point dhôtelleries
il-potte tout, avec lui; mais il déloge ies.plébéïens:
1 ........ 1 £ B B b b b *