Le fuc nourricier étant poïfé de-là jufqu’aux boutons
ou bourgeons, il s’y cuit davantage ; & ayant
développé les feuilles elles lui fervent comme de
poumons,pour y circuler & pour y recevoir une
nouvelle préparation ; car les feuilles encore tendres
étant expofées à l’aftion alternative du froid & du
chaud, des nuits humides & de la chaleur la plus con-
fidérable du jour, fe contraient & fe dilatent alternativement
, ce qu’elles peuvent faire avec facilité
à caufe de leur tiflû réticulaire, Voye{ Fe u il l e .
Par tous ces moyens le fuc nourricier fe digéré &
fe prépare de nouveau, & il reçoit encore une nouvelle
perfection dans les petales ou feuilles des fleurs
qui tranfmettcnt aux étamines ce fuc encore fubti-
üfé de nouveau. Les étamines communiquent le fuc
à la farine ou poufliere des fommets, où ayant reçu
un nouveau degré de maturité, il fe répand fur le
piftil ; là il acquiert le dernier point de perfection,
& donne la nailfance à un nouveau fru it, ou à une
nouvelle plante, f^oye{ Pé t a l e s , Ét a m in e s , So m m
e t s , Fa r in e s , Pi s t i l , &c.
La génération des plantes a aufli une analogie parfaite
avec celle des animaux , fur-tout de ceux qui
n’ont point de mouvement local, comme on le remarque
d’imé infinité de: poiffons à coquillage qui
font hermaphrodites, & font à-la-fois males & femelles.
Poyei Hermaphrodite.
La fleur de la plante paroît être le pudendum ou le
principal organe de la génération dans la plante, à
caufe de fes divers ornemens ; mais l’ufage de fes
différentes parties & la maniéré dont s’opère ce mé-
chanifme n’eft que fort peu connue. Nous en donnerons
un exemple dans une tulipe.
La fleur eft compofée de fix pétales ou feuilles,
du fond defquelles s’élève aù milieu une efpece de
tuyau , appellé pijlil ; autour du piftil font difpofes
des filets , appellés étamines, qui s’élèvent aufli du
fond de la fleur & qui fe déterminent en-haut par de
petites bofles appelléesfommets, remplies d’une pouf-
fiere très-fine qu’on nomme farine. Pour avoir une
çonnoiffance plus étendue des parties de la génération
des plantes , voye^ Pis t il , Ét a m in e , Fa r i n
e , &c.
Telle eft la ftruCture générale des fleurs Aes plantes
, quoique diverfifiées d’une infinité de maniérés,
de façon que certaines ne paroiffent point avoir de
piftils , & d’autres point d’étamines ; que quelques-
unes ont des étamines fans fommets , & qu’enfin ce
qui eft plus fingulier, quelques plantes n’ont point
du tout de fleurs. Mais il faut convenir que la ftruc-
ture générale , dont nous venons de parler , eft de
beaucoup la plus commune ; & fi on fuppofe que
dans les plantes où on ne la voit point, elle eft feulement
infenfible , quoiqu’exiftente , on pourra expliquer
dans ce fyftème la génération des plantes. Le
fruit eft ordinairement à la bafe du piftil, de forte
que quand le piftil tombe avec le refte de la fleur,
le fruit paroît à fa place. Le piftil eft fouvent le fruit
même ; & quand il ne l’eft pas , le piftil & le fruit
font tous deux placés au centre de la fleur, dont les
feuilles difpofées autour du petit embryon femblent
n’être deftinées qu’à préparer une liqueur fine dans
leurs petits vaiffeaux, pour conferver & nourrir le
fruit autant de tems qu’il eft néceffaire. Cependant
M. Bradley croit que le principal ufage de fes feuilles
eft de défendre le piftil. Les fommets des étamines
font de petites capfules ou facs pleins d’une efpece
de farine ou de poufliere, qui tombe lorfque les capfules
deviennent mûres & fe crevent. M. Tourne-
fort croyoit que cette poufliere n’étoit que l’excrément
de la nourriture du fruit, & que les étamines
n’étoient qu’une forte de conduit excrétoire, qui fil-
troient cette matière inutile,& en déchargeoientl’embryon.
Mais M. Morland,M. Geoffroi, ôc d’autres
donnent de plus nobles ufages à cette poufliere', Selon
ces auteurs, c’eft la poufliere qui féconde le grain
ou le fruit en tombant fur le piftil où il eft renfermé,
& pour cette raifon on l’appelle farina foecundans.
Ainfx l’étamine eft dans leur îÿftème la partie mâle
de la plante, le piftil en eft la partie femelle, la pouf-
fiere en eft le fperme, & l’on peut regarder la corolle
comme le lit nuptial.
M. Bradley a obfervé au fond du piftil d’un lys un
vaifleau qu’il a appellé utérus ou matrice , & dans lequel
il y a trois ovaires pleins de petits oeufs pu principes
de femence & commencemens de graine fem-
blables à ceux qu’on trouve dans les ovaires des animaux;
il ajoute que ces oeufs diminuent continuellement
& s’anéantiflent enfin, à-moins qu’ils ne foient
imprégnés de la farine de épiante ou de quelque autre
de la même efpece. Les étamines, fuivant cet auteur,
fervent à porter la graine mâle de la plante dans les
fommets pour y être perfectionnée. Quand ces fommets
font mûrs, ils fe crevent & répandent la graine
en poufliere très-fine , dont quelques grains tombent
fur l’ouverture du piftil, & font portés de-là à l’utri-
cule pour féconder les oeufs femelles où demeurent
dans le piftil, & par leur vertu magnétique attirent
des autres parties de la plante les parties convenables
à la nourriture de l’embryon, ce qui fait croître
& groflir le fruit.
La difpofition du piftil & des fommets qui l’environnent
eft toujours telle que la poufliere ou farine
peut tomber fur l’ouverture du piftil. Il eft ordinairement
plus bas que les fommets ; & quand on le
trouve plus haut, on peut conjeûurer que le fruit
a déjà commencé à fe former, & qu’il n’a plus be-
foin de la poufliere des étamines. A quoi il faut ajouter
que des que la génération eft finie, les parties
mâles tombent avec les feuilles, & le tuyau qui mene
à l’uterus commence à diminuer. On doit aufli remarquer
que le haut du piftil eft toujours couvert
d’une forte de membrane ou tunique veloutée , ou
qu’il eft parfemé d’une liqueur glutineufe , pour
mieux conferver la poufliere qui tombe des fommets.
Dans les fleurs qui fe tournent vers la terre ,
comme l’acanthe, le cyclamen & la couronne impériale
, le piftil eft beaucoup plus long que les étamines
, afin que la poufliere des étamines puifle y tomber
en quantité fuflifante.
Ce fyftème nous donne une grande idée de l’uniformité
que la nature obferve dans tous fes ouvrages
; il a même -plufieurs carafteres de vérité ; mais
l’expérience feule peut le conftater.
M. Geoffroi, qui l’a adopté, dit que dans toutes
les obfervations qu’il a faites, les plantes^ font devenues
ftériles, & les fruits n’ont été que des avortons,
lorfque le piftil a été coupé avant que d’avoir été
imprégné de poufliere ; & ce fait eft confirmé par
d’autres expériences de M. Bradley.
Dans plufieurs fortes de plantes , comme le faule,'
le chêne, le p in, le cyprès, le mûrier, &c. les fleurs
font ftériles & féparees du fruitr; mais^ ces fleurs ,
comme M. Geoffroi l’obferve , ont des étamines &
des fommets dont la farine peut aifément imprégner
les fruits qui n’en font pas éloignes.
Il faut avouer qu’il eft un peu difficile d’accommoder
ce.fyftème à deux efpeces de plantes , dont l’une
porte des fleurs fans fruits ; l’autre de même genre
& de même nom porte des fruits fans fleurs, &c qui,
pour cette raifon, ont été appellées mâle &t femelle ,
comme le palmier, le peuplier, le chanvre , le houblon
: car comment la farine de la plante mâle peut-
elle imprégner la femence de la plante femelle ?
M. Tournefort conje&ure que les filamens très-
fins , & l ’efpece de coton ou de duvet qu’on trouve
toujours fur les fruits de ces plantes, peut tenir lieu
de fleurs êcfervir à l’imprégnation ; mais M, Geoffroy
croit plutôt mie le vent fait l’office de véhicule , &c
porte la poufliere des mâles aux femelles.
Il confirme fon opinion par un fait qu’on lit dans
Jovianus Pontanus. Cet auteur rapporte que de fon
tems il y avoit deux palmiers, l’un mâle, qu’on cul-
tivoit à Brindes, l’autre femelle , dans le bois d’O-
tranto, éloigné du premier de r 5 lieues ; que ce dernier
fut quelques années fans porter du früit, jufqu’à
ce qu’enfin s’étant élevé au-deffus des autres arbres
de la forêt, de forte qu’il pouvoir, dit le poëte, voir
le palmier male de Brindes, il commença à porter des
fruits en abondance.
Aufli M. Geoffroy eft perfuadé que le palmier femelle
11e commença à porter du fruit que quand il fut
affez eleve pour que la poufliere du mâle lui fût apportée
par le vent.
Sur la maniéré dont la poufliere rend les arbres féconds,
M. Geoffroy avance deux opinions : i°. que
cette poufliere qui eft toujours d’une nature fulphu-
reufe & pleine de parties fubtiles & pénétrantes,
comme. il paroît par fon odeur forte, tombe fur la
partie des fleurs , & s’y refout en petites parties ,
dont les plus fubtiles pénètrent la fubftance du piftil
& du finit encore tendre, & excitent une fermenta-;
tion fuffifante poùr ouvrir 6c développer la jeune
plante enfermee dans l’embryon de la graine. Dans,
ce fyfteme on fuppofe que la graine contient la plante
en p etit, & pour ainfi dire , qu’elle n’a befoin du
flic nourricier que pour en développer & en faire
croître les parties.
La fécondé opinion eft que la poufliere de la fleur
eft le premier germe ou le premier bourgeon de la
nouvelle plante, &c qu’elle n’a befoin , pour être dé-
veloppee & çou r croître, que du fuc nourricier qu’elle
trouve préparé dans les embryons de la graine.
Le lefreur peut remarquer que ces deux théories
de la génération des végétaux ont une analogie très-
exaéte avec les deux théories ordinaires de la génération
des animaux ; fuivant l’une , le petit animal
eft dans la femence du mâle, & n’a befoin que des liqueurs
contenues dans la matrice pour fe développer
oCjpour croître ; fuivant l’autre, l’animal eft renferme
dans l’oeuf de la femelle, & n’a befoin de la femence
du male que pour exciter une fermentation.
Voyt{ C o n c e p t io n , G é n é r a t io n , <$*cp :
M. Geoffroy croit que la propre & véritable femence
eft plutôt dans la'poufliere des étamines, parce
qu’avec les meilleurs miCrofcopes on në; peut dé-;
couvrir la moindre apparence d’aucun bourgeon dans
les petits embryons des graihes, lorfqu’on les examine
avant que.la poufliere des étamines fe foit répandue.
Dans les plantes légumineufes, fi on ôte les feuilles
& lés étamines, 6c que le piftil, ou la partie qüife
Change en cofle , foit regardée au mici'ofcope avant
que les fleurs foient épanouies , les petites véficules
vertes 6c tranfparentes qui doivent fe changer eh
graines paroitront dans leur ordre naturel^ mais oh
n’y voit encore rien autre Chofe que la fimplë tunique
Ou peau de la graine. Si On continué cette obfer-
vation plufieurs jours de fuite, on verra qu’à mefüre
que ces fleurs avancent , les véficules s’enflent 6c fe
remphflent par degrés d’itiie liqueur limpide dans
laquelle , forfoue la poufliere s’eft répandiie 6c que
les feuilles de la fleur font tombées, on remarqué une
petite tache,^ou un petit lobule verdâtre, qui y flotte
en liberté. D ’abord on ne voit aucune apparence d’or-
gamfation dans ce petit corps, mais énfuite à mefure
qu’il croit ï dn.comtaènCë à ÿ diftingiier deux petites
’ comme, deux corifèà: La liqueurdihiihue in-
iepftblejneflt à'meftire que le petit côipÿ croît, juf-
qu à Cequ enfin la graine détient entièrement“opa-
V e i t o l m l’ouvre , 0«-trouve ifdn intérieur
rempkpar une petite pUnti çn miniature, cdufifiaut
A orne X I I t .
en un petit vende, une petite racine & les lobes de
la teve ou du pois.
Il n’eft pas difficile de déterminer ia maniéré dont
le germe contenu dans les Commets des .étamines en-
tre dans lp veficule de la graine. Car outre que ia cat
v ite du p iftil s etend depuis leb autdupiftil jufqu’au*
embrjrpnsdes graines, ces graines ou véficules ont
une petite ouverture correfpondante à l’extrémité de
la cavité du mftil ; d e forte que la petite poufliere ou
tanne peut allou en t tomber tout le long de cette cav
ité dans ! ouverture de la véficule qui eft l’embryon
de la graine. C elte cavité o.u cicatric.ile eft à-peu-
pres la meme dans un grand nombre de graines &
on peut fans microfcope la v o ir aifément dans’ les
lev és ; les p o is , &c. La racine du petit germe eft pré-
, ment V‘S":1'V1S cctte ouv ertu re , & c’eft par-là
qu eue.: pane quand.la petite ,graine commence à
germer.
.Ce procédé delà nature dans la génération des végétaux
, & les differens moyens qu’elle emploie pour
cela font fi curieux & fi peu connus, qu’il ne fera
pas inutile de l’expliquer plus au long par le fecours
de quelques figures. Nous prendrons pour exemple
le melon dans lequel les parties de la génération
font fort diihnctes. On doit remarquer en paffimt
-aue quoique le melon ait les deux fexes, cependant
la diipofition de fes.organes eft différente de la dif-
polition generale que nous avons expliquée ci-defr
fus , en parlant de la tulipe. En effet, il y a dans
le melon deux fleurs cliftincies, dont l’une fait l’office
de male , 1 autre de femelle, & que nous appellerons
pour cette raifon , l’une ƒ««-/«„Va , l’autre fleur /à-
mellè. J J
Dans les .Phnefcs d'Hifloirc nanndk I on v o it
à H ma , courge dont ies feuilles font
U I I H f l y B H A B E repréfente la tête placée
au centre de la f le u r , formée de la c iié én vo lu tisn
degfommets B , & fepténuq par quatre.ïqiônnes
(/ n La parue B de la tête M W M M
f 35Tc,llltfons des fommets, tandis qu’ils fo n t fermés',
&l<t partm E les repréfente; ou v e r ts , & parfêmés
de u; [îoufocre q:t iis rcr.rennoient auiKravjm: & qui
l ! 5î rePW.™cau-ae|çrs quand ia plante eft parvenue
a !a matunte. Chaque fommet forme u neforte deçà»
nal lepare en deux. D repréfente un grain de pottf-
pédicule qui foutient ia fleur <
oc qui dans la fleur male ne produit rien.
La fis- J'ùv. repréfente ia fleur femelle dé h tÆ L . ; mmÊHÊmum whbmbhmwb çercfo F F , comme dans l’autre, pour mieux Iaiffer
voir les parties intérieures. Le noeud de la fleur , ou 1 embryon du fruit eft repréfenté par A , le piftil eft
reprefente. pat B B , & n’eft qu’une continuation de
! embryon du fruit A . Le fommet du piftil fe divife en
B B qn plufieurs corps oblongs,dont chacun peut fe
• frparer en deux lobes. €es corps font fort raboteux ;
ils font garnis de poils & de petites veficules # ce qui
les rend propres à garder la poufliere delà fleur male,
oc à la conduire jufqu’à l’ouverture des canaux qui
communiquent entr’eux aufli loin que ies cellules des
gtaines contenues dans le fruit encore tendre. Si on
coupe le piftil tranfyerfalement dans fa plus petite
partie, on trouve autant de canaux qu’il y a de divi-
fions à la tete du piftil ; & ces canaux correfpondent
à autant de petites cellules dont chacune renferme
deux rangs de graines ou. de femences placées dans
un placenta fpongieux.
Cette théorie delà génération des plantespeut nous
^aiA6 entrev° ir comment on altéré & on change le
gôiit, la forme , les.fleurs & la qualité d’un fruit en
imprégnant la poufliere de ce fruit de là poufliere d’un
autre de la même clàfle.
C ’eft à ce mélange, & pour ainfi dire cet accouplement
accidentel, qü’cn doit attribuer non-feulç-
X X x x ij