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 l’égaler. Si notre raifon peut s’élever jufqu’à ce principe  
 , il exifle une telle  nature  ,  elle  fera  aifement 6c  
 fans nul fecours cet autre pas, qui eft plus facile fans  
 comparaifon que le  premier,  donc il n'y a qu un J ml  
 dieu.  S’il pouvoit y  avoir  trois ou quatre  de  ces  natures  
 ,  il pourrait y  en  avoir non-feulement dix millions  
 , mais aufli une  infinité,  car on ne l'aurait trouver  
 aucune raifon  d’un  certain  nombre  plutôt  que  
 d’un  autre.  Comme  donc le  nombre  binaire  enfermerait  
 une fuperfluité qui choque notre raifon, l’ordre  
 demande  que  l’on fe reduife à l’unité.;  Si chacune  
 de  ces matières  étoit  fouverainement  parfaite,  
 elle n’auroit befoin que d’elle-même pour jouir d’une  
 félicité  infinie ;  la fociété  des  autres ne  lui  ferviroit  
 donc de rien,  6c ainfi notre  raifon ne pourrait  fouf-  
 frir aucune  pluralité. C’eft un de fes axiomes, que la  
 nature ne fait-rien  en vain,  6c que c’eft en vain  que  
 l’on emploie plufieurs caufes pour un efFet qu’un plus  
 petit  nombre  de  caufes peut, produire aufli commodément  
 :  la  maxime qui  a  été  appellée la  raifon des  
 nominaux, parce qu’elle  leur a fervi à retrancher des  
 écoles de philolophie une  infinité  d’excrefcences 6c  
 d’entités fuperflues  ; la maxime, dis-je,  qu’il ne faut  
 point multiplier les êtres fans  néccfîité ,  eft un principe  
 qu’aucune  feéte  de  philofophie  n’a rejette ; or  
 elle  ruine fans reflource  le poly tkéifme. 
 Le polythéifmc n’eft  pas moins  contraire aux phénomènes  
 qu’à la  raifon, puifqu’on ne voit aucun  désordre  
 dans  le monde,  ni  aucune confufion dans les  
 parties qui  puifl'ent  faire  foupçonner  qu’il  y   a plufieurs  
 divinités indépendantes  auxquelles il foit fournis. 
   Or  cependant c’eft  ce  qui  arriveroit,  fi  le po-  
 lythèifmt  avoit  lieu.  M.  Bayle  prouve  parfaitement  
 Bien que la religion  payenne  étoit un  principe d’anarchie. 
   En  effet,  ces  dieux  qu’elle  répandoit partout  
 , 6c dont elle rempliflbit le  ciel  6c  la  terre,  la  
 mer  6c  l’air  ,  étant  fujets  aux  mêmes  paflions  que  
 l’homme,  la guerre  étoit immanquable  entr’eux.  Us  
 ■ etoient 6c  plus puiffans ôc plus  habiles que les hommes  
 : tant pis pour le monde. L’ambition ne caufe jamais  
 autant  de  ravages  que  lorlqu’elle  eft  fécondée  
 d’un grand pouvoir 6c  d’un grand  efprit. 
 Le défordre commença bientôt dans la famille  divine. 
  Titan le fils  aîné  du premier des dieux fut priv 
 é  de  la  fuccelfion  par  les Intrigues  de  fes  foeurs,  
 qui ayant gagné leur mefe, firent enforte qu’il cédât  
 Ion droit à Saturne  fon  frere puîné,  de forte qu’une  
 cabale de femmes  troubla  la  loi  naturelle dès la première  
 génération.  Saturne dévorait fes enfans mâles  
 pour tenir parole à Titan, mais  fon  époufe  le trompa  
 ,  6c  fit  nourrir  en  fècret trois  de  fes  fils.  Titan  
 ayant découvert ce manege , réfolut  de  tirer  raifon  
 de  cette injure, &  fit la guerre à Saturne  6c  le vainquit  
 ,  6c  l’enferma dans une  noire  prifon  lui  6c  fa  
 femme.  Jupiter  fils  de Saturne, foutint la guerre, 6c  
 remit en  liberté  fon pere  6c fa mere ;  6c alors Titan  
 6c fes  fils, chargés  de  fers,  furent enfermés dans  lé  
 îartare ,  qui étoit la même prifon où Saturne  6c  fon  
 époufe avoient été enchaînés.  Saturne redevable  de  
 fa liberté  à  fon  fils,  n’en  fut pas reconnoiflant.  Un  
 oracle lui .avoit prédit que Jupiter le détrônerait ;  il  
 tâcha de prévenir cette prédiction.  Mais Jupiter s’étant  
 apperçu de  l’entreprife , le renverfa  du  trône,  
 le chargea de chaînes.,  6c le précipita dans le tartare.  
 Il le chatia même  ,  comme  Saturne en  avoit ufé  envers  
 fon pere.  Le fang qui  coula de  la plaie que ■ Saturne  
 reçut en cette .occafion , tomba fur la terre , 6c  
 produifit  des  géans , qui s’efforcèrent de  dépoférJu-  
 piter.  Le combat  fût rude  &   douteux pendant  affez  
 long-tems.  Enfim Iaivi&oire  fe  déclara  pour  Jupiter. 
 Ce  font les  principales  guerres  divines  dont  les  
 Payens aient fait mehtion.  Ils fe font autant éloignés  
 $lu vraifferablable,  en ne  continuant  point  l’biftoire 
 de  cette fuite  de rébellions, qui ont dû être fréquentes, 
   qu’ils  s’y   étoient  conformés  en  la-  conduifant  
 jufqu’à  la  gigantomachie.  Rien  ne  choque  plus  la  
 vraifl'emblance,  que  de  voir  qu’ils ont fuppofé  que1  
 les  autres  dieux  ne confpiroient pas  fouvent  contre  
 Jupiter,  6c que par des ligues 6c des contre-ligues ils  
 ne tâchoient  pas  de  s’agrandir, ou  de s’expolèraux  
 ufurpateurs.  La  fuite naturelle  6c  inévitable  du  ca-  
 radtere qu’on leur donne,  étoit qu’ils fe querelaflcnt  
 plus  fouvent,  6c  qu’ils  entrepriflent plus  fiéouem-  
 ment  de s’emparer  des  états  les uns  des  autres, que  
 les hommes ne fe querellent'ôc ne forment  de pareilles  
 entreprifes.  Cela  va  loin ,  comme  vous  voyez.’  
 Junon feule, telle qu’on la repréfenté, devoit tailler  
 plus de befogne à Jupiter  fon mari,  qu’il n’en eût fu  
 expédier.  Elle  étoit  jaloufe,  fiere,  vindicative  ex-'  
 cemvement,  6c  fe  voyoit  tous  les  jours  trahie par  
 fon mari.  Quels tumultes  ne devoit-elle pas exciter?"  
 Quels complots ne  devoit-elle pas former contre un  
 époux fi inndelle ?  Il fè tira d’une  guerre  qu’elle  lui  
 avoit fufeitée, 6c  d’une  fécondé confpiration  où  elle  
 entra.  Quels déiordres  ne  caufa-t-elle  pas  dans  le  
 monde  pour fe venger de fes rivales, 6c pour perdre  
 tous  ceux qui  lui déplaifoient ?  11 n’y   a  rien  de  plus  
 vraiflemblable  dans  l’Enéide  ,  que  le  perfonnage  
 qu’elle y  joue ; perfonnage fi pernicieux, qu’elle  fait  
 fortir des enfers une furie, pour infpirer la  rage martiale  
 à  des  peuples  qui  ne  fongeoient  qu’à  la paix.  
 Souvenez-vous  qu’il  y  avoit encore d’autres déeflès.  
 Il n’eût fallu que celle-là pour mettre le  trouble parmi  
 les dieux.  Cela  rendoit inévitables les  fonctions  
 6c les intrigues,  les complots 6c les querelles. Un bel  
 efprit ( le chevalier Temple)  les a  bien décrites ,  en  
 dilant  que  ce  font des guerres d’anarchie,  dont  les  
 mauvais fruits muriffent tôt ou tard, 6c bouleverfent  
 quelquefois  les  fociétés  les  plus  floriflàntes.  L’hif-  
 toire  eft toute remplie de ces fortes ;de chofes. Voici  
 donc  comme  je  raifonne.  Malgré-toutes les  précautions  
 qu’on a prifes dans  les états, malgré les différent  
 tes formes  de gouvernement  qu’on  y   a  fucceflive-  
 ment introduites, on n’a jamais pu ôter les femences*  
 de  l’anarchie,  ni  empêcher qu’elle  ne  levât  la  tête  
 detems entems.  Les  féditions,  les  guerres  civiles ,'  
 les  révolutions  font fréquentes  dans  tous  les  états,  
 quoique plus ou  moïns dans les uns que dans les autres. 
   Pourquoi  cela? C’eft  que les-'hommes  font  fujets. 
 à des mauvaises paflions.  Ils font envieux les uns’  
 des  autres.  L’avarice,  l’ambition,  là  volupté,  la  
 vengeance les pofîedent. Ceux qui doivent commande 
 r, s’en  acquittent  mal.  Ceux qui  doivent'obéir,  
 s’en  acquittent  encore-quelquefois  plus  mal.  Vous  
 donnez  des bornes à l’autorité royale; c’eft le moyen'  
 d’infpirer l’envie de parvenir à la puiflancedefpotique.  
 En un mot,  les uns  ahufent  de î’autorité , &'les autres  
 de la liberté.  Or puifque les dieux étoient fujets-  
 aux mêmes paflions  que l'nomme , il fallôit donené-'  
 ceflàireme'nt qu’il  y  eût des guerres 'entr’eux, &  des'  
 guerres  d’autant  plus  fùneftes,  qu’ils  furpafîbient  
 L’homme  en  efprit 6c  en puiflance- ; ;des  guerres qui  
 ébranlaffent jufqu’au centre de la mer 6c de la terre,  
 l’air &   les  cieux,  des  guerres  enfin  qui'-miflent  l’anarchie, 
  le trouble &  la confufion’dans tous  lés corps  
 de  l’univers.  - Or puifque  cette  anarchie  n’eft  point'-  
 venue, c’eft une marque qu’il n’y'adjoint eu.de guerre'  
 entre les dieux ;  6c c’e'ft  en même  tems une'preuve-'  
 qu’ils  n’exiftoient,point,  car  s’ils  enflent  exifté,  ils  
 n’euffent  point  pu  être  dfoccôrd.-'Jé'; fie1 voudrais:  
 point d’autre raifon quê'telle-là pouf me convaincre  
 de la fauflèté de la religion payénriè.' 
 Le polytheifme étant fi abliirdë-en-lui-même ,  &  fi-  
 contraire  en même tems  aux  phénomènes, Vous mè-  
 demanderez  peut-être  ce-qu’en  penfoient  les  plus1  
 fages d’entre les Payens. C’eft à quoi je.vàis fatisfaii-ei1  
 Il y  ayoit autrefois trois.claffes de dieux , rangés avec-  
 -  - beaucoup 
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 beaucoup d’adrefle :  les poétiques ,  les politiques, 6c  
 les philoJophiques. C ’eft la divifion qu’en foit le grand  
 pontife Scevola, qui fe trouvant à la tête de  tous les  
 miniftres de la fuperftition,  ne  devoit point s’y  méprendre. 
   Les  dieux poétiques  fembloient abandonnés  
 aii  vulgaire qui  fe  repaît  de  n&ions.  Les  politiques  
 fervoient dans les occurrences délicates, où il  
 falloir relever les  courages abattus, les manier avec  
 dextérité , leur donner une nouvelle force.  Les phi-  i  
 lôfophiques  enfin  n’offraient rien que de  noble ,  de  
 pur, de convenable au petit nombre d’honnêtes  gens  
 qui parmi les payens, favoient penfer.  Ces derniers  
 ne  reconnoifloient  qu’un  feul Dieu  qui  gouvernoit  
 l’univers par le miniftere des génies ou des démons,  
 à  qui  ils  donnoient  le  nom de divinités fubalternes. 
 M. Bayle prétend qu’aucun philofophe payen n’a eu  
 connoiflance de l’unitc de Dieu; car tous ceux, dit-il,  
 qui femblent reconnoître cette vérité, ont réduit à la  
 feule divinité du foleil tous les autres dieux du paga-  
 nifme, ou  n’ont point  admis d’autre dieu  que l’univers  
 même, que  la nature, que l’ame du monde. O r  
 on comprend aifément, pour  peu  qu’on  y   foffe  attention  
 ,  que l’unité ne peut convenir ni  au foleil ni  
 au monde,  ni  à l’ame  du monde.  Cela  eft  vifible à  
 l’égard  du foleil 6c du monde;  car  ils font compofés  
 de plufieurs portions de matière réellement diftinftes  
 les unes  des autres ; 6c il ne ferait pas moins abfurde  
 de foutenir  qu’un vaiffeau n’eft qu’un  feul être, ou  
 qu’un éléphant n’eft qu’une feule entité, que de l’affirmer  
 du monde, foit qu’on le  confidere comme  une  
 fimple  machine ,  foit qu’on le  confidere  comme un  
 animal.  Toute machine, tout  animal  eft eifentielle-  
 ment un compofé de diverfes pièces. L ’ame du monde  
 eft aufli  compofée de parties  différentes. Ce qui anime  
 un  arbre  n’eft  point la même  chofe  que  ce qui  
 anime un chien.  Perfonne  n’a mieux décrit que Virgile  
 le dogme de l’ame du monde, laquelle il prenoit  
 pour Dieu. 
 Ejfe apibus partent divinoe mentis &  haujlus  
 Æthereos dix ere : Deum namque ire per omnes  
 Terrafque ,  traclufque maris, ccelumque profttndum,  
 Hint pecudes, armenta, viros, genus omneferarurn,  
 Qitemque Jîbi  tenues nafeentem arceffere vitam. 
 Virg. Georg.  lib.  iy .   v. 220. 
 On  voit par-là  clairement  la  divinité  divifée en  
 autant de parties qu’il y  a de bêtes 6c d’hommes. Cet  
 efprit, cet entendement répandu, félon Virgile, par  
 toute la maflë de la matière, peut-il être compofé de  
 moins  de parties  que la matière ?  ne fout-il pas qu’il  
 foit dans l’air par des portions  de fa fubftance numé-  
 .riquement diftinétes des portions par lefquelles il eft  
 dans l’ eaù réellement ; donc les philofophes qui femblent  
 avoir enfeigné l’unitc de Dieu ont été plus po-  
 lythéijles que  le  peuple.  Ils  ne  favoient ce qu’ils  di-  
 loient, s’ils  croyoient  dire  que  l’unité  appartient à  
 Dieu. Elle ne peut  lui  convenir félon  leur dogme,  
 que de la maniéré qu’elle convient à  l’Océan, à une  
 nation,  à une ville, à un palais, à une armée. Le dieu  
 qu’ils reconnoifloient être un amas d’une infinité  de  
 parties, fi elles étoient homogènes, chacune étoit un  
 dieu, ou aucune  ne  l’étoit. Or  fi aucune  ne  l ’avoit  
 é té, le tout n’auroit pas  pû  être dieu.  Il folloit donc  
 qu’ils  admiflent  au  pié  de  la  lettre  une  infinité  de  
 dieux, ou pour le moins un plus grand nombre qu’il  
 n y  en  avoit dans^ le  poëme d’Hefiode,  ni dans aucune  
 autre lithurgie. Si elles étoient hétérogènes, on  
 îomboit dans la même conféquence,car il falloir que  
 chacune participât à la nature divine 6c à l’effence de  
 1 ame du monde. Elle n’y  pouvoit participer fans être  
 un dieu, puifque l’effence des chofes n’eft  point fuf-  
 ceptible  du  plus  ou du moins. On l’a toute entière  
 ou  l’on n’en  a  rien  du  tout.  Voilà  donc  autant  de  
 dieux que de parties dans runivers. Que  fi la nature  
 Tome  X 1I% 
 de Dieun’avoit point été  communiquée à qilelquès-*  
 unes des  parties, d’où  ferait  venu quelle  aurait été  
 communiquée à  quelques autres ?  6c quel  compofé  
 biforre  6c  monftrueux  ne  feroit-ce  pas qu’une ame  
 compofée de  parties  non vivantes 6c  non animées,  a  
 6c  de  parties  vivantes 6c animées ?  Il ferait  encore  
 plus monftrueux  de dire qu’aucune  portion de  dieu  
 n etoit un dieu >  6c  que néanmoins  toutes  enfemble  
 elles compofoient un dieu; car en ce cas là  l’être divin  
 eût  été  le  réfultat  d’un  affemblage  de  plufieurs  
 pièces non divines, il eût été foit de rien, tout  comme  
 fi  l’étendue étoit compofée  de points  mathématiques. 
 Qu’on fe  tourne  de  quelque  côté  qu’on  voudra;  
 on  ne  peut trouver  jamais dans les fyftèmes  des anciens  
 philofophes,  l’unité de Dieu ;  ce fera toujours  
 une unité colleélive. Affectez de dire fans nommer jamais  
 l’armée, que tels ou tels bataillons ont foit ceci,  
 ou fans jamais  articuler ni  régimens ,  ni bataillons,  
 que  l’armée  a  foit  cela, vous marquerez également  
 une multitude d’acteufs.  S’il n’y  a  qu’un  feul Dieu  
 félon eux, c’eft de la même maniéré qu’il n’y  a qu’un  
 peuple romain, ou que, félon Ariftote, il n’y  a qu’une  
 matière première. Voyez dans faint Auguftin les  embarras  
 où la doctrine de Varron fe  trouve  réduite. Il  
 croyoit que  Dieu  n’étoit  autre  chofe que  l’aine  du  
 monde. On lui foit voir que c’eft une divifion de Dieu  
 en plufieurs chofes, 6c la réduêtion de plufieurs chofes  
 en un feul D ieu. Laêtance aufli a très-bien montré  le  
 ridicule du  ferttiment des Stoïques, qui  étoit à-peu-  
 près le même que celui de Varron.  Spinoza eft dans  
 le même labyrinthe. Il foutient qu’il  n’admet qu’une  
 fubftance, &  il la nomme Dieu.  Il femble donc n’admettre  
 qu’un Dieu ; mais dans le fond il en admet une  
 infinité fans le lavoir. Jamais on ne  comprendra que  
 1 unité  de lùbftance,  à  quoi il  réduit l’univers , foit  
 autre chofe  que l’unité colleétive, ou que l’unité formelle  
 des  Logiciens, qui  ne  fubfifte  qu’idéalement  
 dans notre efprit. S’il fe trouve donc  dans  les philofophes  
 payens  quelques partages qui  femblent auto-  
 riler d’une maniéré  plus  orthodoxe l’imité de D ieu,  
 ce ne font la plûpart du tems qu’un galimathias pompeux  
 ; faites-en  bien l’analyfe, il  en fortira toujours  
 une  multitude  de dieux.  On  n’eft parfaitement unitaire  
 qu’autant qu’on reconnoît une intelligence parfaitement  
 fimple, totalement diftinguée delà matière  
 &  de la forme du monde, produ&rice de toutes chofes, 
   6c véritablement fpirituelle. Si l ’on affirme cela  
 l’on  croit qu’il n’y  a qu’un Dieu ; mais fi on ne l’affirme  
 pas, on a beau fiffler tous les dieux du paganiftne  
 6c témoigner de l’horreur pour la multitude des dieux  
 on  en  admettra  réellement  une  infinité.  Or  c’eft là  
 precifement  le  cas  de  tous  les  anciens  philofophes  
 que nous avons prouvé ailleurs n’avoir aucune teinture  
 de la véritable fpiritualité. 
 Si M. Bayle  s’étoit  contenté de dire qu’en  raifon-  
 nant  conféquemment,  on ne fe perfuaderoit jamais  
 que l’imité de Dieu fut compatible  avec la nature  de  
 D ie u ,  telle  que  l’admettoient  les  anciens  philofo-  
 phhes ,  je me rangerais à fon avis. lime femble  que  
 ce qu ils difoient de l’unité de Dieu, ne couloit point  
 de  leur  doâxine touchant  la  nature de cet  Etre.  Je  
 parle même de la doctrine des premiers peres de l’E-  
 glife,  qui mettoient  dans Dieu une  efpece de maté-  
 rialifme.  Cette doctrine bien pénétrée,  6c  conduite  
 exa&ement  de  conféquence  en  conféquence,  étoit  
 l’éponge de  toute  religion. Les raifonnemens de M.  
 Bayle ,  que  j’ai  apportés en  objeftion, en font une  
 preuve bien évidente. Mais comme les opinions,  in-  
 confequemment 6c très-impertinémment tirées d’une  
 hypothefe ,  n’entrent  pas moins  facilement dans les  
 efprits  , que fi  elles  émanoient  néceflairement d’un  
 bon  principe ;  il fout  convenir  que  les  philofophes  
 payens ont véritablement reconnu l’unité de D ie u ,  
 F F F ' f f f   ~