péri cet homme extraordinaire à l’âge d’environ
59 ans , après avoir occupé le'trône de Perfe pendant
i z ans.
Par la mort de Cetufurpateur, les provinces enlevées
au grand-mogol lui font retournées ; mais une
nouvelle révolution a bouleverfé l’Indouftan ; les
princes tributaires, les vice-rois ont fecoué le joug ;
les peuples de l’intérieur ont détrôné le fouverain ,
&: Elndfi eft encore devenue , ainli que la Perfe , le
théâtre de nouvelles guerres civiles. Enfin tant de
dévaluations confécutives ont détruit dans la Perfc
le-coinmerce & les arts, en détruifant une partie du
peuple»'
Plufieurs écrivains nous ont donné l’hiftoire des
dernieres révolutions de Perfe. Le P. du Cerceau l’a
faite, & fon ouvrage a été imprimé à Paris en 1742.
Nous avons vu l’année fuivante l’hiftoire de Thamas
Kouli-Kan; mais il faut lire le voyage en Turquie
& en Perfe par M. Otter & M. Frafer, the hiflory
ofNadir-Shah. Ces deux derniers ont été eux-memes
dans, lep a y s , ont connu le Shah-Nadir, & ontcon-
verfé pour s’inftruire avec des perfonnes qui lui
étoient attachées ; ils n’ont point eftropié les noms
perfans , parce qu’ils entendoient la langue ; & quoiqu’ils
ne (oient pas d’accord en tout, ils ne different
pas néanmoins dans les principaux faits. Ilparoît par
leurs relations , que l’auteur de l’hiftoire de Thamas
Kouli-Kan, a compofé un roman de la naiffance de
Nadir, en le faifant fils d’un pâtre ou d’un marchand
de troupeaux, dont il vola une partie à fon p ere, les
vendit, & S’affocia à une troupe de brigands pour
piller les pèlerins de Mached.
Nadir ( Shah ) naquit dans le Khorafan. Son pere
étoit un des principaux entre les Afchars, tribu Tur-
comane, & gouverneur du fort de Kiélat j dont le
gouvernement avoit été héréditaire dans fa famille
depuis long-tems. Nadir étant encore mineurjquand
fon pere mourut, fon oncle prit poffeflion du gouvernement
, & le garda. Nadir obtint du BeglerrBeg
une compagnie de cavalerie, & s’étant diftingue
en diverfes occafions contre les Eusbegs qu’il eut le
bonheur de battre, le Begler-Beg l’éleva au grade de
min-bacchi, ou commandant de mille hommes. Tel'
Rit le commencement de fa fortune. Enfuite il fut
envoyé contre les Turcs, les vainquit, fut élevé au
grade de lieutenant-général ; & au commencement
de l’année 172.9, il parvint au généralat. Alors Chah
•Thamas prit tant de confiance en lui, qu’il lui abandonna
entièrement le gouvernement des affaires militaires.
f ,
M. Frafer qui a demeuré plufieurs années en Perfe
, & qui a été fouvent dans la compagnie du Shah
Nadir , nous a tracé fon portrait en 1743 ; & il pa-
xoît qu’il admiroit beaucoup cet homme extraordinaire
»
« Le Shah Nadir , dit-il, eft âgé d’environ 5 5 ans.
» Il a plus de fix piés de haut, & eft bien propor-
» tionné, d’un tempérament très-robufte, fanguin,
» avec quelque difpofition à l’embonpoint, s’il ne le
» prévenoit pas par les fatigues. Il a de beaux yeux
•w noirs , bien fendus, & des four cils de même cou-
-» leur. Sa voix eft extrêmement haute & forte. Il boit
» du vin fans excès, mais il eft très-adonné aux fem-
•» mes dont il change fouvent, fans cependant négli-
>> gerfes affaires. Il va rarement chez elles avant onze
» heures ou minuit, & il fe leve à cinq heures du
>> matin. Il n’aime point la bonne chere ; fa nourriture
» confifte fur-tout en pillau, & autres mets fimples ;
» & lorfqtie les affaires le demandent, il perd fes re-
» pas , & fe contente de quelques pois fecs qu’il porte
» toujours dans fes poches , & d’un verre d’eau.
» Quand.il eft en fon particulier , qui que ce foit ne
9> peut lui envoyer de lettres, de mcffages, ni obtenir
»audience*
» Il entretient partout des efpions. II a de plus éta-
» bli dans chaque ville un miniftre nommé hum calam
» qui eft chargé de veiller fur la conduite du gouver-
» neur , de tenir regiftre de fes a frions, & de lui en
» envoyer le journal par une voie particulière. Très-
»■ rigide fur la difcipline militaire, il punit de mort
» les grandes fautes, & fait couper les oreilles à ceux
« qui en! commettent les plus legeres. Pendant qu’il
» eft en marche, il mange, boit & dort comme un fim-
» pie foldat, & accoutume fes officiers à la même ri-
» gueur. Il eft fi fort endurci à la fatigue, qu’on l’a vu
» fouvent dans un tems de gelée paffer la nuit couché
» à terre en plein air , enveloppé de fon manteau
» & n’ayant qu’une felle pour chevet. Au foleil cou-
» chant, il fe retire dans un appartement particulier,
» où débarraffé de toute affaire, il foupe avec trois
» ou quatre de fes favoris , & s’entretient familiere-
» .ment avec eux.
» Quelque tems après qu’il fe fut faifi de Shah Tha-
» mas , des gens attachés à la famille royale firent
» agirla.merede Nadir, qui vint prier, fon fils de ré-
» tablir ce prince, fur les affurances qu’elle lui donna
v que pour reconnoître cet important fervice, Shah
» Thamas de feroit fon généraliflime à vie. Il lui de-
» manda fi elle le croyoit férieufement ? Elle ayant
» répondu qu’oui : Si j’étois une vieille femme, re-
>* pliqua-t-il, peut-être que je le croirois auffi , mais
» je vous prie de ne vous plus mêler d’affaire d’état.
» Il a époufè la foeur cadette du Shah Huffeïn , dont
» on dit qu’il a une fille, lia d’ailleurs de fes eoncu-
» bines plufieurs enfans, & deux fils d’une femme
» qu’il avoit époufée dans ■ le. tems de fon obfcurité.'
» Quoique d'ordinaire il charge lui-même à la tête
» de fes troupes, il- n’a jamais reçu la plus petite égra-
» tignure ; cependant il a eu plufieurs chevaux tués
» fous lid , &: fon armure fouvent effleurée par des
» baies ».
M. Frafer ajoute qu’il a entendu dire & qu’il a vu
lui-même plufieurs autres chofes remarquables de ce
prince, & propres à convaincre toute la terre qu’il y
a peu de fiecles qui aient produitun homme auffi étournant
: cela fe peut ; mais à juger de cet homme fin-
gulier félon les idées de la droite raifon, je ne vois en
lui qu’un fcélérat d’une ambition fans bornes, qui ne
connoiffoit ni humanité , ni fidélité, ni juftice, toutes
les fois qu’il ne pouvoit la fatisfaire.. Il n’a fait
ufage de fa bravoure, de fon habileté & de fa conduite
, que de concert avec fes vues ambitieufes. II
n’a refpefré aucun des devoirs les plus facrés pour
s’élever à quelque point de grandeur, & ce point
étoit toujours au-deffous de fes defirs. Enfin, il a ravagé
le monde , défolé l’Inde & la Perfe par les plus
horribles brigandages ; & ne mettant aucun frein à
fa brutalité, il s’eft livré à tous les mouvemens furieux
de fa colere & de fa vengeance, dans les cas
mêmes où fa modération ne pouvoit lui porter aucun
préjudice.
J’ai tracé l’hiftoire moderne des Perfes; leur hiftoi-
re ancienne eft intimement liée avec celle des Me-
des , des Aflyriens, des Egyptiens, des Babyloniens
, des Juifs, des Parthes, des Carthaginois, des
Scythes , des Grecs & des Romains. Cyrus, le fondateur
de Yempire des Perfes, n’eut point d’égal dans
fon tems en fageffe, en valeur & en vertu. Hérodote
& Xénophon ont écrit fa vie ; & quoiqu’il femble
que ce dernier ait moins voulu faire l’hiftoire de ce
prince , que donner fous fon nom l’idée d’un héros
parfait, le fond de fon ouvrage eft h iftorique,& mérite
plus de croyance que celui d’Hérodote. ( Le
Chevalier DE J AU cou RT.}
Perses , Philofophie des , (Hiftoire de la Philofop.")
Les feuls garans que nous ayons ici de l’hiftoire de
la Philofophie , les Arabes & les Grecs ne font pas
d’une autorité aulli jbfide & aulfi pure qu’un critique
févere le defiréroit. Les Grecs n’ont pas manqué :
d’occafions de s’inftruire des lois, des coutumes, d.e
la religion & de la philofophie de ces peuples ; mais
peu finceres en général dans leurs récits , la haine
nu’iîs portoient aux Perfes les rend encore plus fuf-
pecis. Qu’eft-ce qui a pu les empêcher de. (è livrer
a cette fureur habituelle de tout rapporter à leurs
idées particulières ? La diftancedes tems, la légèreté
du carafrere, l’ignorance & la fuperftition.des Arabes
n’affoibliffent guère moins leur témoignage. Les
Grecs mentent par orgueil ; les Arabes mentent par
intérêt. Les premiers défigurent tout ce qu’ils touchent
pour fe l’approprier ; les féconds pour fe faire
valoir. Les uns cherchent à s’enrichir du bien d’autrui
, les autres à donner du prix à ce qu’ils ont. Mais
c’eft quelque chofe que de tien connoître les motifs
denotre méfiance , nous en ferons plus circonfpefrs.
De Zoroaflre. Zcrdusht ou Zaradusht, félon les
Arabes, & Zoroaflre, félon les Grecs , fut le fondateur
ou le reftaurateur de la Philofophie.&: de la Théologie
chez les Perfes. Ce nom fignifie Y ami du feu.
Sur cette étymologie on a conjefruré qu’il ne défi-
gnoit pas une perfonne , mais une fefre. Quoi qu’il
en foit,qu’il n’y ait jamais eu un homme appellé Zoroaflre
, ou qu’il y en ait eu plufieurs de ce nom ,
comme quelques-uns le prétendent , on n’en peut
guere reculer rexiftence au-delà du régné de Darius
Hiftafpe. Il y a la même incertitude lur la patrie du
premier Zoroaflre. Eft - il chinois , indien , perfe,
medo-perfe ou mede ? S’il en faut croire les Arabes ,
il eft né dans l’Aderbijan , province de la Médie. Il
faut entendre toutes les puérilités merveilleufes qu’ils
racontent de fa naiffance & de fes premières années ;
au refte, elles font dans le génie des Orientaux , &
du caraftere de celles donttous les peuples de la terre
ont défiguré l’hiftoire des fondateurs du culte religieux
qu’ils avoient embraffé. Si ces fondateurs n’a-
voient été que des hommes ordinaires, de quel droit
eût-on exigé de leurs femblables le refpeû aveugle
pour leurs opinions?
Zoroaflre, inftruit dans les fciences orientales,
paffe chez les Iflalites. Il entre au fervice d’un prophète.
Il y prend la connoiffance du vrai Dieu. Il
commet un crime. Le prophète, qu’on croit être Daniel
ou Efdras , le maudit; & il eft attaqué de la le-
pre. Guéri apparemment, il erre ; il fe montre aux
peuples, il fait des miracles ; il fe cache dans des
.montagnes; il endefcend;il fe donne pour un envoyé
d’en-haut ; il s’annonce comme le reftaurateur
& le réformateur du culte de ces mages ambitieux que
Cambîfe avoit exterminés. Les peuples l’écoutent. Il
va à Xis ou Ecbatane.C’étoit le lieu de la naiffance de
Smerdis , &C le magianifme y avoit encore des fec-
tateurs cachés. Il y prêche ; il y a des révélations. Il
paffe de-là à Balch lur les rives de l’Oxus , & s ’y établit.
Hiftafpe régnoit alors. Ce prince l’appelle. Zoroaflre
le confirme dans la religion des mages que
Hiftafpe avoit gardée; il l’entraîne par des preftiges ;
& fa doftrine devient publique, & la religion de l’état.
Il y en a qui le font voyager aux Indes, & conférer
avec les brachmanes ; mais c’eft fans fondement.
Après avoir établi fon culte dans la Baftriane, il vint
à Sufe , où l’exemple du roi fut fuivi de la conver-
fion de prefque tous les courtifans. Le magianifme ,
ou plutôt la doftrine de Zoroaftre fe répandit chez
les Perfes, les Parthes , les Baftres, les Choraf-
miens, les Saiques , les Medes, & plufieurs autres
peuples barbares. L’intolérance & la cruauté du
.mahométifme naiffant n’a pu jufqu’à préfent en effacer
toutes les traces. Il en refte toujours dans la Perfe
&c dans l’Inde. De Sufe, Zoroaftre retourna à Balch,
où il éleva un temple au feu ; s’en dit archimage, &
travailla à attirer à fon culte les rois circonvqifins ;
jmais ce zele ardent lui devint funefte, Argafpe, roi
des Scythes, étoit très-attaché au culte des affres ;
c’étoit celui de (a nation & de fes aïeux. Zoroaftre
ne pouvant réuffir auprès de lui par la perfuafion ,
emploie l’autorité & la puiffance de Darius. Mais
Argafpe indigné de la violence qu’on lui faifoit dans
une affaire de cette nature, prit les armes, entra dans
la Battriane, & s’en empara , malgré l’qppofirion de
Darius , dont l’armée fut taillée en pièces. La def*
truâiqn du temple patriarchal, la mort de fes prêtres
& celle de Zoroaftre-même furent les fuites de
cette défaite. Peu de tems après Darius eut fa revanche
; Argafpe fut battu, la province perdue recouverte
, les temples confaçrés au feu relevés :, la
doftrine de Zoroaftre remife en vigueur, &c l’azur,
guftafp , ou l’édifice de Hyftafpe conftruit. Darius
en prit même le titre de grand-prêtre, &fefitap«;
pefler de ce nom fur fon tombeau. Les Grecs qui
connoiffoient bien les affaires de la Perfe , gardent,
un profond filence fur ces événemens , qui peut être
ne font que des fables inventées par les Arabes, dont
il faudroit réduire le récit à ce qu’il y eut dans un
tems un impofteur qui prit le nom de Zoroaftre déjà
révéré dans la Perfe , attira le peuple, féduifit la cour
par des preftiges , abolit l’idolâtrie , & lui fubftitua
l’ancien culte du feu , qu’il arrangea feulement à fa
maniéré. Il y a auffi quelqu’apparence que cet homme
n’étôit pas tout-à-fait ignorant dans la médecine
& les fciences naturelles & morales; mais que ce fut
une encyclopédie vivante , comme les Arabes le di-
fent, c’ eft (virement un de ces menfonges pieux auxquels
le zele qui ne croit jamais pouvoir trop accorder
aux fondateurs de religion, (e détermine fi généralement.
Des Guebres. Depuis ces tems reculés , les Gue-
bres ont perfifté dans le culte de Zoroaftre. Il y en a
aux environs d’Ifpahan dans un petit village appellé
de leur nom Gauradab. Les Mufulmans les regardent
comme des infidèles, & les traitent en conséquence.
Ils exercent-là les fondions les plus viles dela lociété;
ils ne font pas plus heureux dans la Commanie ; c’eft
la plus mauvaife province de la Perfe; On les y fait
payer bien cher le peu, d’indulgence qu’on a pour
leur religion. Quelques-uns fe font réfugiés à Surate
& à Bombaye, où uS vivent en paix, honorés pour
la fainteté & la pureté de leurs moeurs, adorant un
feul Dieu, priant vers le foleil, révérant le feu , dé-
teftant l’idolâtrie , & attendant, la réfureélion des
morts & le jugement dernier. Fiye^ P article GüE-
BRES 07/GaüRES.
Des livres attribues à Zoroaftre. De ces livres lé
zend ou le zendavefta eft le plus célébré. Il eft divifé
en deux parties ; l’une comprend la liturgie ou les
cérémonies à obferver dans le culte du feu ; l’autre
prefcrit les devoirs de l’homme en général, & ceux
de l’homme religieux. Le zend eft (acré ; & lesfain-
tes Ecritures n’ont pas plus d’autorité parmi les Chrétiens
, ni l’alcoran parmi les Turcs. On penfe bien
que Zoroaftre le reçut auffi d’en-haut. II eft écrit en
langue & en caraâeresperfes. Il eft renfermé dans les
temples ; il n’eft pas permis de le communiquer aux
étrangers ; & tous les jours de fêtes les prêtres en li-
fent quelques pages aux peuples. Thomas Hyde nous
en avoit promis une édition ; mais il ne s’eft trouvé
perfonne même en Angleterre qui ait voulu en faire
les frais.
Le zend n’eft point un ouvrage de Zoroaftre ; il
faut en rapporter la fuppofition au tems d’Eufebe. On
y trouve des pfeaumes de David ; on y raconte l’origine
du monde d’après Moyfe ; il y a les mêmes
chofes fur le déluge ; il y eft parlé d’Abraham , de
Jofeph & de Salomon. G’eft une de ces produirions
telles qu’il en parut une infinité dans ces fiecles où
toutes les feftes qui étoient en grand nombre, cher-
choient à prévaloir les uns fur Jçs autres par le titré