
 
        
         
		On  ne peut fe refondre à quitter Apelie ; cet homme  
 qui a réuni tant de qualités du coeur &  de l’efprit,  
 qui  a joint l’élévation du talent à  celle  du génie,  8c  
 qui a été  enfin aflez grand pour fe  louer fans partialité  
 , &  pour fe blâmer avec vérité ; on ne peut, dis-je,  
 le quitter fans  parler de l’idée que  donne la defçrip-  
 îion d’un de fes ouvrages. C ’efl le tableau  de Diane  
 8c de fes nymphes, dont Pline  dit :  quibits vkifje Ho-  
 meri ver fus  videtur  idipfum defcribentis.  L’admiration  
 <p.ie l’on a pour Homere, lui que Phidias voulut prendre  
 pour  ton feul guide dans l’exécution du Jupiter,  
 qui lui fit  un honneur  immortel,  la fupériorité que  
 l ’antiquité accorde à Apelie, enfin la  reunion de  ces  
 deux  grands  hommes fera toujours  regretter  ce  tableau. 
 Pline  parle  fort noblement de la Vénus d’Apelie,  
 que  la mort l’empêcha d’achever, 8c  que  perfonne  
 n’ofa  finir.  « Elle  caufoit  plus d’admiration,  dit-il,  
 » que fi  elle  avoit été terminée, car on voit dans les  
 » traits qui refient, la penfée de  l’auteur ;  &  le cha-  
 s>  grin que donne ce quin’eflpoint achevé, redouble.  
 » l’intérêt ». 
 Le même Pline, pour caraclérifer encore plus particulièrement  
 Apelie, dit de lu i, prcecipua ejusin arte  
 venufias fuit. La maniéré qui le rendit ainfi fupérieur,  
 confifloit  dans  la grâce,  le goût,  la fonte ,  le beau  
 choix, 8c pour faire ufage d’un mot qui réunifie une  
 partie des idées que celui de venufias nous donne, dans  
 le morbidezza, terme dont les  Italiens ont enrichi  la  
 langue des artifles. Quoiqu’il  toit  difficile  de  refiifer  
 des  talens fupérieurs  à  quelques-uns des peintres qui  
 ont précédé celui-ci, il faut convenir que toute l’antiquité  
 s’efl accordée pour faire ton éloge ; la jufleffe  
 de fes  idées, la grandeur de ton  ame, ton caractère  
 enfin, doivent avoir contribué à un rapport unanime.  
 Il recevoit le fentiment du public pour fe corriger, 8c  
 il l’entendoit  fans en être  vû ; fa réponfe au  cordonnier  
 devint fans peine un proverbe, parce qu’efle,efl  
 une leçon pour tous  les hommes ; ils font trop portés  
 à la décifion, 6c font en même  tems  trop  pareflèux  
 pour étudier. 
 Enfin Apelie fut in cemulis benignus, 8c ce fentiment  
 lui fit d’autant plus d’honneur, qu’il avoit des rivaux  
 d’un  grand  mérité.  Il trouvoit  qu’il manquoit dans  
 tous les ouvrages qù’on lui préfentoit, unam Venerem,  
 quant  Graci  charita vocant ;  calera omnia contigijfe  :  
 fed hac foLâ Jibi nemineniparent.  Il  faut  qu’il  y  ait  eu  
 une  grande vérité dans  ce difcours, 6c qu’Apelie ait  
 pofledé  véritablement  les grâces, pour  avoir  forcé  
 tout le monde  d’en  convenir, après  l’aveu  qu’il  en  
 avoit fait lui-même. Cependant lorfqu’il s’accordoit fi  
 franchement ce qui lui étoit dû, il difoit avec la même  
 vérité, qu’Amphion le furpafîoit pour l’ordonnance,  
 8c Afclépiodore  pour  les  proportions ou la  correction. 
  C ’efl  ainfi que Raphaël,  plein  de  jufleffe,  de  
 grandeur 6c de glaces, parvenu au comble de la gloire  
 ,  reconnoiffoit dans Michel-Ange  une  fierté dans  
 le goût dudeflëin  qu’il chercha à  faire pafler dans fa  
 maniéré ; 6c cette  circonftance peut  fervir au parallèle  
 de Raphaël 6c d’Apelle. 
 Apollodore,  athénien, vivoit dans la  quatre-vingt-  
 quatorzieme olympiade, l’an  du monde 3 596.  Il fut  
 le premier qui repréfènta la belle nature, qui à la cor-  
 redion du deflein,mit l’entente du coloris,cette magie  
 de  l’art  qui  ne  permet  point à un  fpe&ateur de  
 pafler indifféremment, mais qui le rappelle 6c le force  
 pour ainfi dire , de s’arrêter; Apollodore par fon intelligence  
 dans la diflribution des  ombres  6c  des lumières  
 ,  porta la Peinture à un degré de  force 6c  de  
 douceur, oii elle n’étoit point parvenue avant lui. On  
 admiroit encore-dû tems de Plutarque, le prêtre prof-  
 tern é,  8c l’Ajax foudroyé de ce grand maître.  Pline  
 le  jeune  avoit im vieillard  debout de la main de cet  
 artiffe f qu’il ne fe laflçit point de confidérer.  En un 
 mot, dit-il  dans  la defcription qu’il  en fait,  tout y   
 efl  d’une beauté à fixer les yeux des maîtres de l’art,  
 6c à çharmer les yeux des  plus ignorans. 
 Apollodore  profita des  lumières de  ceux  qui l’a-!  
 voient  précédé.  Pline  en  parle  en  ces  termes,  liv.  
 X X X V . ch. ix. Hic primus fpecies exprimere  influait ,  
 primufqtte gloriam, penicillo jure contulit : ce que M. de  
 Caylus traduit ainfi : « Il fut  le premier qui  exprima .  
 »  la couleur locale, 6c qui établit une réputation'fur  
 »  la beauté de fon pinceau ». On voit par-là, que du  
 tèms de Pline, 6c fans  doute dans la Grece, la couleur  
 6c le pinceau étoient fynonymes,  comme ils le  
 font aujourd’hui.  Avant Apollodore,  aucun tableau  
 ne mérita d’être  regardé, ou de fixer la vue ,  quæ tentât  
 oculos. En un mot, Apollodore  ouvrit une nouvelle  
 carrière,  donna naiflance  au beau  fiecle de la  
 Peinture, 8c fut le premier dont les tableaux aient arrêté  
 6c tenu comme immobiles  les yeux des fpedateurs. 
 Arcéfilas ;  il  y   a eu  deux  anciens  peintres  de  ce  
 nom ,6c un flatuaire.Le plus illuflre des peintres étoit  
 de Paros, 6c v ivoit à peu-près dans le meme tems que  
 Polygnote,vers la quatre-vingt-dixieme olympiade.  
 Ç ’efl au rapport de Pjjne,un des plus anciens peintres  
 qui aient peint fur la cire 8c fur l’email. Paufanias nous  
 apprend  qu’entre  les chofes  curieufes  qu’on voyoit  
 au Pirée,  étoit un  tableau d’Arcéfilas  qui  repréfen-  
 toit  Léoflhene 6c  fes,enfans ;  c’efl ce  Léoflhene qui  
 commandant l’armée des Athéniens,  remporta deux  
 grandes victoires ; l’une en Béotie ; l’autre au-delà des  
 Thermopiles ,  auprès de  la ville  de Lamia. 
 Arifiide, natif de Thebes, contemporain d’Apelle,  
 efl un peu plus ancien. Quoiqu’il n’eût pas fes grâces  
 6c  fon coloris,  fes  ouvrages  étoient  d’un  prix  im-  
 menfe. La bataille qu’il peignit  des Grecs  contre les  
 Perfes, où il fit entrer dans un feul cadre jufqu’à cent  
 perfonnages, fut achetée plus de  78000 liv. de notre  
 monnoie, par le tyran  Mnafon.  A riflicle excella fur-:  
 tout à exprimer également les paflions douces, 6cles  
 paflions fortes de l’ame. Attale donna cent talens, environ  
 vingt mille louis , d’un tableau  où  il  ne  s’agif-  
 foit que de  la feule expreflion  d’une paflion languif-  
 fante. Le même prince offrit fix mille grands fefberces,  
 c’efl-à-dire  environ  750000 liv.  d’un autre  tableau  
 qui fe trouvoit dans  le butin que Mummius  fit à Corinthe; 
  le général romain  fans  connoître le prix des  
 beaux arts ,fut fi furpris de cette offre fplendide, qu’il  
 foupçonna une vertu 'fecrette dans le tableau,,  8c  le  
 porta à Rome ; mais cette vertu fecrette n’étoit autre-  
 chofe que  le /touchant  6c  le pathétique  qui  régnoit  
 dans  ce  chef-d’oeuvre de  l’art.  En effet, on ne peut4  
 voir certaines fituations, fans être ému jufqu’au fond  
 de  l’ame. Ce  chef-d’oeuvre qui  repréfentoit un Bac-  
 chus étoit fi célébré  dans la Grece,  qu’il avoit paffe  
 en  proverbe ,  ou plûtôt  il  fervoit  de  comparaifon y  
 caron difoit beau comme Le Bacçhus. 
 Pline  parle à fa maniéré , c’efl-à-dire  comme  Rubens  
 auroit pû faire d’un tableau de Raphaël ; P line,  
 dis-je, parle avec les couleurs d’un grand maître d’un  
 autre  tableau , où le  célébré artifle de Thebes avoit  
 repréfenté dans le fac d’une ville,une femme qui expire  
 d’un coup de poignard qu’elle a reçu dans le fein.  
 Un  enfant,  dit-il, à  côté d’elle,  fe  traîne  à fa  mai  
 melle, 6c va chercher la vie entre les bras de fa mere  
 mourante : le fang qui l’inonde ; le trait qui efl encore  
 dans fon fein ; cet  enfant que  l’inflance  de la nature  
 jette entre fes bras ;  1’inquiétude de  cette  femme fur  
 le fort de fon malheureux fils, qui vient au lieu du lait  
 fucer avidement le fang tout pUr; enfin le combat de la  
 mere contre une mort cruelle; tous  ces objets repré-  
 fentés avec la plus  grande vérité, portaient  le trou-:  
 ble  8c  l’amertume  dans  le  coeur  des  perfonnes  les  
 plus  indifférentes. Ce  tableau  étoit digne d’Alexandre  
 , il le fit tranfporter à Pella, lieu  de fa naifïance.j  
 Arifialaüs f 
 !Arifiolaüs|  fils  8c éleve de Pmüasffevenßniispic-  
 toribus fu it, fut  un dèspeintres qui  prononça  le plus  
 ton deflein, 8c  dont  la couleur fut la plus  fiere-, o u .  
 plûtôt la plus auflere  car ce terme de feverus, fi fou-  
 vent répété par Pline , paroît confacréà la,Peinture ,-  
 6c paroît  répondre  pleinement à celui d’äußere, que  
 nous employons ce me femble,  en cas pareil. 
 Afclépiodore, excellent peintre, 8c dont les tableaux  
 étoient  fi  recherchés,  que Mnafon  tyrand’Elatée,•  
 homme vraiment curieux, lui paya trois cens mines,  
 vingt-trois mille  cinq  cens  livres,  pour  chaque  figure  
 de  divinités  qu’il  avoit  peintes au  nombre  de  
 douze-;  ce qui fait  en  tout,  trois mille  fix cens  mines, 
   deux  cens  quatre-vingt-deux mille  livres.  Le  
 même  tyran donna  encore  à Théomnefle autre  artifle  
 ,  cent  mines,  ou  plus  de  fept mille  huit cens  
 livres, pour chaque figure de héros ; 6c s’il y  en avoit  
 aufli  douze,  c’étoit  quatre-vingt-quatorze mille  livres. 
   Afclépiodore  6c Théomnefle  paroiflent donc  
 fie rapporter  au tems d’Ariflide,  6c avoir été  un peu  
 plus anciens qu’Apelie. On peut  placer vers le  même  
 tems  Amphion,  dont Apelie reconnoiffoit la fupériorité  
 pour l’ordonnance,  comme il reconnoiffoit  
 îa fupériorité d’Afclépiodore pour lajufleffe des proportions. 
   < 
 Athenion  de Maronée,  étoit  éleve  de  Glaucion  
 de  Corinthe :  vo ic i,  dit Pline,  fon  caraélere quant  
 à  la  peinture : Außerior colore  &  in  aufieritate jucun-  
 dior,  ut  in ipsâ piclurâ eruditio  eluceat.  Fier ,   exaél,  
 6c un peu  fec  dans  fa  couleur,  cependant  agréable  
 à  caufe  du favoir 6c de l’efprit qu’il mettoit dans fes  
 compofitions.  Nos Peintres  devroient bien  profiter  
 de cet exemple, pour ne pas négliger les belles-Let-  
 tres,  dont  la  connoiffance  efl  fi  propre  à  rendre  
 leurs travaux  recommandables.  Nous avons peu de  
 peintres favans 6c inflruits comme l’étoient les Grecs ;  
 on peut nommer parmi les Italiens, Léonard de Vinci  
 , le Ridotti, Bagiione, Lomazzo, Armenini, Sca-  
 ramucia, Vazari, &  plufieurs autres ; mais les François  
 n’en comptent que trois ou quatre, Dufrefnoy,  
 Antoine, 6c Charles Coypel. 
 Bularque, fleuriffoit  du tems  de Candaiile  roi  de  
 Lydie,  qui lui acheta  au poids de l’or un  tableau de  
 là défaite des Magnetes ;  or  Candaule mourut  dans  
 là dix-huitiemë 'olympiade, l’an 708 avant l’ere chrétienne. 
   Ainfi  Bularchus  a  vécu  poflérieurement  à  
 Pere de Rome,  6c  vers  l’an  730 avant  J. C. Pline,  
 en difant que les peintres monochromes avoient précédé  
 Bularquè, fait  clairement  entendre  que  ce fut  
 ce peintre  qui  le  premier introduifit  l’ufage  de  plufieurs  
 couleurs  dans  un  feul ouvrage  de  peinture.  
 C’efl  donc  à-peu-près  vers  l’an  730  avant  J.  C.  
 qu’on peut établir l’époque de la peinture polychrome  
 , 6c vraifl'emblablement  l’époque de la repréfen-  
 tation des  batailles  dans des  ouvrages  de peinture.  
 Ce  fut  aufli  l’époque  du  clair obfcur;  Pline  affure  
 qu’au moyen de  la  pluralité  des couleurs  qui  fe  firent  
 mutuellement valoir,  l’art jufques-là  trop uniforme  
 fe  diverfifia,  8c  inventa  les  lumières  8c  les  
 ombres ;  mais puifqu’il ajoute que l’ufage du coloris,  
 le mélange, 6c la dégradation des couleurs, ne furent  
 connus  que dans  la fuite,  il faut  que  le clair  obfcur  
 de Bularchus  ait été  fort imparfait,  comme il arrive  
 dans les commencemens d’une découverte. 
 Caladès  vécut  à-peu-près  dans  la cent-fixieme  
 olympiade,  6c peignit de petits  fujèts que l’on mettoit  
 fur la fcene dans les comédies, in conticis tabellis;  
 mais l’ufage de'ces tableaux nous efl inconnu ; peut-  
 etre  qu’à ce  terme  conticis,  répond  le titre mpwS'ïv-  
 7e î., donné  par  Elien, var.  hiß.  43.  à  des peintres,  
 qui poiir  apprêter  à rire,. repréfenterent Timothée,  
 general  des  Athéniens  endormi  dans  fa  tente,  6c  
 par-deffus fa tête la Fortune emportant des villes d’un  
 coup  de filet. Dans la pluralité  de ces peintres, pour  
 Tome  X I I . 
 •  uft:feul  Ittjet  de: peinture, 'on  décéùvre  â’abofcT  lit  f  JatachYefe d’un pluriel pour  un fînguliér.  C’étoitun 
 •  feul Jmata m ^ Sm  ,  qmavoit  ainfi donné'lâ cpiÀé-  
 d iia t ix  dépens  de Timothée ,  &   l e ^ W b o r n ë - à '  
 ees. fortes, de.tableaux  comiques j  iotiitcis tabeltis  
 etoit Caladès, M. de (Darius donne à  l’expreflion  de  
 Pline une autre idée, mais qu’il ne propofe que comme  
 un doute.  Il croit «ue  les  ouvrages de Caladès  
 pouvoient  être la îepréfcntation  des principales actions  
 des comédies que l'on devoit donner.  O'êft nn  
 ufage que les Italiens pratiquent encore aujourd’hui ;   
 car on voit fur la porte dé leurs théâtres ,   les éndroitî 
 les  plus intéreffans  de  la.piec'eqtft®  doitjouer  ce'  
 même  jour ;  êc cette  clpecc  d’annonce  repréfentée  
 en petites figures coloriées fur des bandes de papier  '  
 eû  expofée.dès  le  matin,  t e  motif aùj*rd-’hii#êft  
 charlatan ;  chez les anciens il avoit  d’autres  objets ;   
 l’inftruaion  te|)é*iple;.potirfe mettre plus au fait dé  
 l’affion ,  le delir  de le prévenir favorablement ;  en.  
 fin,  l’envie de l’occuper quelques  montons  de  plus  
 par des peintures faites avec  foin, 
 Calliclès peignit en  petit,  félon  Pline,  de  même  
 que  Caladès, parva &  Calliclès fecit.  Ses  tableaux,  
 difoit Varron,  n’avoient  pas plus  de  quatre  pouces  
 de grandeur,  6c il ne put jamais parvenir à  la  fubli-  
 mite  d’Euphranor.  Il fut  donc  poflérieur à  ce  dernier  
 ;  ce qui détruit Viciée où étoit le pere Hardouin  '  
 que  le  peintre  Calliclès  a  pu  être  le  même  que  le  
 fculpteur  Calliclès  ,  qui  fit  la  flatue  de  Diagoras  j  
 vainqueur  aux jeux olympiques,  en l’an 464&avant  
 l’ere chrétienne. 
 Cimon cléonien ; il trouva la maniéré de faire voir  
 les figures en raccourci, 6c de varier les attitudes des  
 têtes.  Il fut aufli le premier  qui repréfenta  les  jointures  
 des membres, les' veines  du  corps, 6c les  dif-  
 férens plis  des  draperies.  C’efl  ce qu’en  dit  Pline  "■  
 liv.  X X X V .  ch.  viij.  entrons  avec  M.  de  Caylus^  
 dans  des détails  de  l’art que Cimon fit  connoître. 
 La  Peinture étoit  bornée  dans  fon premier âge k   
 former  une tête, un portrait ; on ne repréfentou encore  
 lès têtes que dans un feul afpeél, c’èfl-à-dire de  
 profil.  Cimon  hafarda le premier  d’en-defliner dans  
 toutes fortes  de fens  contraires  à celui-ci ;  6c  il mit  
 par  ce moyen  une grande variété  dans  la  repréfen-  
 tation  des têtes.  Celles  qu’il  deffinoit,  regardoient  
 tantôt lé fpe&ateur,  c’efl-à-dire,  qu’elles  fe préfen-  
 toientde  face  :  quelquefois il leur fàifoit tourner  la  
 vûe vers le ciel, 6c d’autres fois il les faifoit regarder  
 en-bas.  Il ne s’agifloit cependant encore que de pofi-  
 tions,  6c  non  d’expreflions  8c  de  fentimens.  Le  
 grand  art  de  Cimon  confifloit  donc à  avoir, pour  
 ainfi  dire, ouvert le premier  la porte  au  raccourci;  
 ce premier pas  étoit d’une grande importance ,  6c il  
 méritoit bien qu’on lui en fit honneur.  Peut-être fit-  
 il  pafler  dans  les  attitudes  -de'  fës  figurés-la  même  
 variété  de  pofition  qu’il  avoit  imaginé  d’introduire  
 dans  ces  têtes,  quoique  Pline  n’en  dife  rien,  
 6c qu’il faille en  effet ne point  trop  donner  aux Artifles  
 dans ces premiers  commencemens  de  la Peinturé  
 , où tout doit marcher  pas à pas. 
 Quant  aux autres  progrès  que  Cimon  avoit  fait  
 faire  à  la  Peinture,  ils n’étoient  pas  moins  impor-,  
 tans.  Il entendit mieux  que  ceux qui  l’avoient  précédé, 
   les. attachemens  fans  quoi  les  figures  paroif-  
 fent un peu roides,  8c d’une feule piece ;  défaut ordinaire  
 des Artifles  qui ont paru  dans  tous les tems.  
 Lorfque la Peinture  etoit  encore dans  fon  enfance,  
 les mains 8c les bras,  les piés  6cdes jambes,  lescuif-  
 fes  8c  les  hanches ;  la tête  6c  le  co l,  &c.  tout cela  
 dans leurs ouvrages étoit; comme on d it, tout d’une  
 venue ,  ôc les  figures; n’avoient  aucun  mouvement.  
 Çimôn avoit  entrevu  la néceflité de  leur en prêter :  
 il avoit  commencé par donner à fes  têtes des mouve-  
 ihcns diverfifiés ;  il étendit  cet  art aux autres parties  
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