3°S P E N
comme le ioleil a un. diamètre d’une certaine grandeur,
il arrive que dans les. éclipfes certains endroits
reçoivent la lumière d’qne partie de Ion difque, fans
être éclairés par le difque entier.
Ainfi, fuppofons que S foit le foleil ( PI. aflronom.
fig. 47. ) , que T l'oit la lune, & que l’ombre de cette
derniere planete foit projettée fur un plan ; l’ombre
vraie & propre de la lune T , favoir G H , fera environnée
d 1111e ombre imparfaite ou pénombre H I &
G E , dont chaque portion eft éclairée par quelque
partie du difque du foleil.
Le degré de lumière ou d’obfcurité efl différent dans
les differentes parties de la pénombre, félon que ces
parties font éclairées par une partie plus ou moins
grande du foleil. Ainfi de L en H &c de E en G-, la
lumière diminue continuellement ; & dans les confins
G & H la pénombre fe perd & fe confond avec l’ombre
même, comme elle fe confond avec la lumière
parfaite d.ans les cpnfins E &ç L.
Il doit y avoir de la pénombre dans toutes les éclipfes
, foit de foleil, foit de lune, foit d’autres planètes,
premierçs ou feçondaires ; mais l’effet de la pénombre
eft principalement remarquable dans les éclipfes de
foleil, pour les raifons que nous allons rapporter.
Dans les éclipfes de lune, la terre eft à la vérité entourée
par la pénombre ; mais la pénombre ne nous eft
fenfible que proche de l’ombre totale.
La raifon de cela eft que la pénombre eft fort foible
a une diftance considérable de l’ombre ; & comme la
lune n’a pas par elle-même un,e lumière aufli vive à
beaucoup près que celle cîu foleil, la diminution que
fon entrée dans la pénombre eaufe à fa lumière, ne
devient fenfible que quand la pénombre commence à
être forte. Aufli rien n’eft-il plus difficile que de déterminer
dans les éclipfes le moment où la lune entre
dans la pénombre , ce moment devant être néceflàire-f
ment incertain, & par conféquent différent pour chaque
obfervateur. L’effet delàpénombre dans les éclipfes
de lune eft fi peu confidérabie, que la lime n’eft
point cenfée éclipfée toutes les fois qu’elle ne tombe
que dans la pénombre. Une autre difficulté qui empêche
de reçonnoître l’inftant de l’entrée dans la pénombre
, c’eft que la face de la lune, même lorfqu’elle eft
entrée tout-à-fait dans l’ombre, n’eft pas entièrement
obfcurcie, & eft couverte d’une lumière rougeâtre
qui empêche de la perdre entièrement de vûe.
Mais un aftronome qui feroit placé fur la lune dans
le tems d’une éclipfe de lune, verroit alors le foleil
eclipfé , & commencerait à voir une petite partie de
fon difque couverte fitôt qu’il entrerait dans la pénombre
; ainfi il déterminerait beaucoup plus exa&e-
ment l’inftant de l’entrée de la lune dans la pénombre,
que ne pourroit faire uii obfervateur placé fur la
terre.
Ainfi l’oeil placé en I ou en F 9 verroit feulement
le demi diamètre du foleil , le refte étant caché par la
lune. Si l’oe il avançoit de / vers H , il verroit continuellement
une moindre partie du foleil, jufqu’à ce
qu’ enfin arrivé dans l’ombre parfaite, il cefferoit totalement
de voir cet aftre.
C’eft pour une femblable raifon que nous avons
des eclipfes de, fole il, quoique l’ombre de la lune ne
touche pas la terre, pourvu que la pénombre feulement
1.atteigne; 6c ç’eft de—là que vient la différence que
l ’on obferve dans, les, éclipfes de foleil, félon que la,
partie cachee par la pepombre eft plps ou moins gran-
d e a u lieu que les eclipfes de hiû,e paraiffent les mêmes
dans tous les endroits où,elles font vifibles.
Quand l ombre totale parvient jufqu’à la terre ■ ,
on dit alors- qite i’éclipfe -du foleil eft totale ou centrale;
quand il n’y a que' lapwQmJ>re ,qui touche la
terre ,■ Üéclipfe eft partiale, f^oye^ Eclipse.
La. pénombre s’étend ,àj,l’infini en longueur , parce
qu’à chaque point du diamètre du foleil, il répand un
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efpace infini en lohgueur, & qui eft privé de la lumière
de ce point, mais non de la lumière de tous
les autres. Les deux extrémités ou tranchans de la
pénombre, font formés pat deux rayons tirés des deux
extrémités du diamètre de la terre, & qui font diver-
gens : par conféquent la pénombre augmente continuellement
en largeur, & eft aufli infinie en ce fens.
Tout cet efpace infini eft la pénombre, fi on en excepte
le triangle d’ombre qu’elle renferme.
Cet efpace a la figure d’un trapèfe, dont un des côtés
eft le diamètre de la terre :; le côté oppofé, parallèle
au diamètre de la terre, eft une ligne infinie, c’eft-à-
dire la largeur de la pénombre projettée à l’infini, &
les deux autres côtés font deux rayons tirés des extrémités
du diamètre de la terre, aux extrémités du
diamètre du foleil, & qui avant que d’arriver au fo-
leil fe croifent en un certain point, où ils font un
angle égal au diamètre apparent du foleil ; cet angle
peut être appellé angle de la pénombre.
La pénombre eft d’autant plus grande que cet angle,
c’eft-à-dire que le diamètre apparent de l’aftre eft
plus grand , la planete demeurant la même ; & fi
le diamètre de la planete augmente, l’aftre demeurant
le même , la pénombre augmente.
M. de la Hire a examiné les différens degrés d’obfcurité
de la pénombre, & les a repréfentés géométri-»
quement par les ordonnées d’une courbe qui font en-
tr’elles comme les parties du difque du foleil qui
éclairent un corps placé dans la pénombre.
Voila pour ainfi dire l’abrégé de la théorie géométrique
de la pénombre ; cette théorie peut s’appliquer
non-feulement aux planètes éclairées par lé foleil,
mais à tout corps opaque éclairé par un corps lumineux.
Au refte , il eft bon de remarquer que l’expérience
différé ici de la théorie à beaucoup d’égards :
les, ombres d’un corps & leur pénombre, telles qu’on
les obferve, ne fuivent point les lois qu’elles paraîtraient
devoir fuivre en confidérant la chofe mathématiquement.
M. Maraldi, dans les mem. de l'acad.
de i j z j , nous a donné un recueil d’expériences fur
ce fujet, & un détail des bizarreries fingulieres auxquelles
l’ombre & la pénombre des corps font fiijettes.
On trouvera à l3article Ombre , un précis de ces expériences.
( O )
PENRITH, ( Géog. mod.) ou Panreth, ville à marché
d’Angleterre , dans le comté de Cumberland ,
près de la riviere d’Eden, qui la fépare du Weftmor-
land. Elle envoie deux députés au parlement, &c eft
à 214 milles S. O. de Londres. Long. 12. 30. latit, 5o. 10. ( D . Ji )
PENSEE, f. f. (Métaphyjiq.) opération , perception,
fenfation, confcience, idée, notion, femblent être tous
des termes fynonymes, du-moins à des efprits fuper-
ficiels &pareffeux, qui les emploient indifféremment
dans leur façon de s’expliquer ; mais comme il n’y a
point de mots abfolument fynonymes, & qu’ils ne le
font tout au plus que par la reffemblance que produit
en eux l’idée générale qui leur eft commune à tous ,
je vais exactement marquer leur différence délicate,
c’eft-à-dire la maniéré dont chacun diverfifie une
idée principale par l’idée aeceffoire qui lui conftitue
un cara&ere propre & fingulier. Cette idée principale
que tous-'ces mots dont je viens de parler énoncent,
eft la penfée ; & les idées-acceffoires qui les distinguent.
fous, enforte qu’ils ne font point parfaitement
fyrionym es y en font les diverfes nuances. On
peut donc regarderie mot penfée comme celuiqui exprime
toutêsies opérations de l’ame. Ainfi, j’appellerai
penfée toiitce que l’ame éprouve, foit par des
imprefliqns étrangères, foit par l’ufàge qu’elle fait de
fa réflexion. Opération, la penfée entant qu’elle eft
propre à produire quelque changement dansTame ,
& par ce moyen à l’éclairer & à la guider. Perception,
l’impreffion qui fe produit en nous à la préfçnce des
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objets. Senfatien, cette même imprefîîon entant quelle
vient par les fens.. Confcience , la connoiffance
qu’on en prend. Idée, la connoiffance qu’on en prend
comme image. Notion , toute idée qui eft notre propre
ouvrage. On ne peut prendre indiftéremment
run pour l’autre, qu’autant qu’on n’a befoin que de
l’idée principale qu’ils fignifient. On peut appelîer les
idées fimoles indifféremment perceptions ou idées,
mais on ne doit pas les appelîer notions, parce qu’elles
ne font pas l’ouvrage de l’efprit. On ne doit pas dire
la notion du blanc, mais la perception du blanc. Les
notions à leur tour peuvent être confidérées comme
images ; on peut par conféquent leur donner le nom
ô’idées, niais jamais celui de perception: ce feroit faire
entendre qu’elles ne font pas notre ouvrage. On peut
dire la notion de la hardkjfe , & non la perception de la
hardiejfe ; ou , fi l’on veut faire ufage de ce terme ,
il faut dire , les perceptions qui cornpofent la notion de la
hardieffe.
Une chofe qu’il faut encore remarquer fur les mots
d’idée & de notion, c’eft: que le premier lignifiant
une perception confiderée comme image, & le fe-
cofid une idée que l’efprit a lui-même formée, les
idées ôc les notions ne peuvent appartenir qu’aux
êtres qui font capables de réflexion. Quant aux bêtes,
fi tant eft qu’ elles penfent & qu’elles ne foient point
de purs automates, elles n’ont que des fenfations &c
des perceptions ; & ce qui n’eft: pour elles qu’une perception
, devient idée à notre égard, par la réflexion
que nous faifons que cette perception repréfente
quelque çhofe. Foye[ tous ces mots chacun d fon article.
Pensée , Sentiment, O pinion, (Synon. Gram '.)
Ils font tous les trois d’ufage lorfqu’il ne s’agit que de
la fimple énonciation de fes idées : en çe fens, le fen-
timent eft le plus certain ; ç’eft une croyance qu’on a
par des raifons ou folides ou apparentes. L’opinion eft
la plus douteufe ; c’eft un jugement qu’on fait avec
quelque fondement. La penfée eft moins fixe & moins
affuree, elle tient d.e la conjecture. On ditrejetter &
foutenir un fentiment, attaquer & défeftdre une opinion
, defapprouver & juftifier une penfée.
Le mot defentiment eft plus propre en fait de goût;
c’eft un fentiment général qu’Homere eft un excellent
poète. Le mot d’opinion convient mieux en fait de
icience : l’opinion commune eft que le foleil eft au
centre du monde. Le mot de penfée fe dit plus particulièrement
, lorfqu’il s’agit de juger des événemens
des chofes ou des aCtions des hommes ; la penfée de
quelques politiques eft que le mofeovite trouveroit
mieux fes vrais avantages du côté de l’A fie , que du
côté de l’Europe.
Les fentimens font un peu fournis à l’influence du
coeur ; il n’eft pas rare de les voir conformes à ceux
desperfonnes qu’on aime. Les opinions doivent beaucoup
à la prévention ; il eft d’ordinaire aux écoliers
de tenir celles de leurs maîtres. Les penfées tiennent
affez de l’imagination ; on en a fouvent de chimériques.
Synonymes français. ( JD. J. )
Pensée , ( Artorat. ) La penfée en général eft la
repréfentation de quelque chofe dans l-’efprit, & l’ex-
preffion eft: la repréfentation de la penfée par la parole.
Les penfées doivent être confidérées dans l’art oratoire
comme ayant deux fortes de qualités : les unes
font appellées logiques., arce que c’eft. la raifon & le
bon fens qui les exigent ; les autres font des qualités
de goût, parce que .c’eft: le goût qui en décide. Celles
là font la fubuance du difeours, celles-ci en font
l’affaifonnement.
1 Lapremiere qualité logique effentielle de la penfée,
ç’ eft qu’elle foit vraie * c’efEà-dire , qifelle repré-
ftmte la chofe telle qu’elle eft. A cette première qualité
tient la jufteffe. Une penfée parfaitement vraie ,
eft jufte. Cependant l’ufage met quelque différence
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entre la vérité & la jufteffe de la penfée : la vérité fi-
gnifie plus précifément la conformité de la penfée
avec l’objet ; la jufteffe marque plus expreflement
l’étendue. La penfée eft donc Vraie quand elle repréfente
l’objet : &c elle eft jufte, quand elle n’a ni plus
ni moins d’étendue que lui.
La fécondé qualité eft la clarté. Peut-être même
eft-ce la première ; car une penfée qui n’eft pas claire
n’eft pas proprement une penfée. La clarté confifte
dans la vûe nette & diftinfte de l’objet qu’on fe re-*
préfente, &c qu’on voit fans nuage, fans obfcurité :
c’eft ee qui rend la penfée nette. On le voit féparé de
tous les autres objets qui l’environnent : c’eft ce qui
la rend diftinûe.
Lapremiere chofe qu’on doit faire, qüaiid il s’a»
git de rendre une penfée, eft donc de la bien recon-
noître, de la démêler d’avec tout ce qui n’eft point
elle , d’en faifir les contours & les parties. C’eft à
quoi fe réduifent les qualités logiques des penfées ;
mais pour plaire, ce n’eft pas affez d’être fans défaut,
il faut avoir des grâces ; & c’eft le goût qui les donne.
Ainfi tout ce que les penfées peuvent avoir d’agrément
dans un difeours , vient de leur choix & de leur arrangement.
Toutes les réglés de l’élocutiôn fe réduifent
à ces deux points, choifir ôc arranger. Etendons ces
idées d’après l’auteur des principes de la Littérature ;
on en trouvera les détails inftruftifs.
Dès qu’un fujet quelconque eft propofé à l’efprit,
la facelous laquelle il s’annonce produit fur le champ
quelques idées. Si l’on en confidere une autre face ,
ce font encore d’autres idées ; on pénétré dans l’intérieur
; ce font toujours de nouveaux biens. Chaque
mouvement de l’efprit fait éclorre de nouveaux germes
: voilà la terre couverte d’une riche moiffon. Mais
dans cette foule de produflions, tout n’eft pas le bon
grain.
Il y a de ces penfées qui ne font que des lueurs
faufles, qui n’ont rien de réel fur quoi elles s’appuient.
Il y en a d’inutiles , qui n’ont nul trait à l’objet
qu’on fe propofe de rendre. 11 y en a de triviales ,
aufti claires que l’eau, & aufli infipides. Il y en a de
baffes , qui font avi-deffous de la dignité du fujet. Il y
en a de gigantefques qui font au-deffus. : toutes produirions
qui doivent etre mifes au rebut.
Parmi celles qjji doivent être employées, s’offrent
d’abord les penjees communes, qui le préféntent à
tout homme de fens. droit, & qui paroiffent naître
du fujet fans nul effort. G’eft la couleur foncière, le
tiffu de l’étoffe. Enfuite viennent les penfées qui portent
en foi quelque agrément, comme là vivacité, la
force, la richeflè , la hardieffe , le gracieux, la fi-
nefiè, la nobleffe, &c. car nous ne prétendons pas
faire ici l’énumération complette de toutes,les efoeces
de penfées qui ont de l’agrément.
La penfée vive eft celle qui repréfente fon objet
clairement, & en peu de traits. Elle frappe l’efprit
par fa clarté, & lè frappe vite par fa brièveté. C ’eft
un trait de lumière. Si les idées arrivent lentement ,
& par une longue fuite de lignes, la fecouffe mo-
. mentanée ne peut avoir lieu. Ainfi quand on dit à
Médé.e : que vous refte-t-il contre tant d’ennemis }
elle répond, moi: voilà l’éclair. Il en eft de même
du mot d’Horace, qu'il mourût.
La penfée forte n’a pas le même éclat que la penfée
vive , mais elle s’imprime plus profondément dans
l’efprit; elle y trace l’objet avec des couleurs foncées
; elle s’y grave encarafteres ineffaçables. M.Bof*
fùet admire les pyramides des rois d’Egypte, ces
édifices faits pour braver la mort & le tems ; & par
un retour de fentiment, il obfervé que ce font des
tornbeafix : cette penfée eft forte. La beauté s’envole
| (pute la jeunejfe ; l’idée du vol peint fortement la rap>
I dite de la fuite.
■ Lapenfée hardie a des traits & des couleurs extraor