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•» excellence , ne fauroient être bien en de telles
» mains. On pourroit appliquer à cet auteur l’éloge
» qu’il a donné à Tacite , de n avoir pas écrit avec de
» l’encre, mais avec la futur précieufe de fon vigoureux
efprit. m m
■ Trajan Boccalin étoit natif de Rome ; l’inclination
qui le portoit à la fatyre fe découvrit de bonne heure,*
6c fes premiers effais furent dans ce genre pernicieux.
C’eft à fon humeur enjouée Sc médifante, que nous
devons fes relations du Parnaffe, ouvrage recommandable
par la variété des matières, par l’agrément
du f ty le , 6c par la façon ingénieufe dont il critique
les vices. Il tomba dans le défaut ordinaire des
fatyriques ; 6c après avoir attaqué impunément les
vices en général, il ofa s’élever contre les têtes couronnées
, 6c fur-tout contre l’Efpagne. Il prétendit
démontrer que la haute idée qu’on avoit des forces
de cette couronne n’étoit qu’un préjugé ; 6c il indiqua
des moyens affez propres pour abaiffer cette puif-
fance. Foye^ fon ouvrage intitulé lapis lydius politi-
cus. La fagacité avec laquelle il en découvrit la foi-
bleflé, lui mérita le nom de grand politique, mais elle
lui fut funefte. Il fut affaffiné à Venife par quelques
foldats. Au refte cet homme qui trouvoit des défauts
dans tous les gouvernemens, 6c qui cenfuroit toute
la terre , fit voir qu’il eft plus facile d’inventer des
réglés que de les appliquer. La jurifdiéHon qu’il exerça
dans quelques lieux de l’état eccléfiaflique, fouleva
tout le monde contre lui. Voici comment Nicius Ery-
treus qui a écrit fa v ie , e/i parle : quamobrem fiebat ut
Romam crebrce de ipjius injuriis querimonia deferrentur •
ac locus proverbio fieret, quo dicitur , tria effe hominum
généra, qui nikilfcrè legibus, quas ipji aliis imponunt,
utantur, nimirum jurifconfultos, medicos atque theolo-
gos : nulli enim magis in negociis ab jure, ab oequitate
difcedunt, quam j urifconfulti ; nulli tuendoe valetudinis
rationem minus fervant quam tnedici : nulli conjcientice
aculeos minus metuunt quam theologi. . . . quod tamen de
iis tantum intelligendum qui ea jludia non ferib ac fe-
dulb , verum in fpeciem, & dici caufa , profitentur.
Nicolas Machiavel naquit à Florence ; il reçut,
dit-on , de la nature un efprit fi vif 6c fx pénétrant,
qu’il n’eut pas fysfoin de le' cultiver par l’étude des
lettres greques & latines. Cependant on a de la peine
à fe perfuader qu’il fût auffi ignorant qu’on le dit. On
Tait qu’il fit quelques comédies à l’imitation de celles
d’Ariilophane 6c de Plaute , qui lui méritèrent les
éloges de Léon X. D ’ailleurs les difcours fur Tite-
Live ne laiffent aucun lieu de douter qu’il ne fïïttrès-
au fait de l’hiftoire ancienne, 6c qu’il ne l’eût par
conféquent étudiée avec attention. Son génie brilla
principalement dans fa maniéré de traiter l’hiftoire
moderne. Il ne s’attacha point, à l’exemple des auteurs
de fon tems , à toutes ces minuties hiftoriques
qu rendent cette étude ft dégoûtante ; mais il faifit
par une fupériorité de génie, les vrais principes de
la conftitution des états, en déméla les reflorts avec
fineffe, expliqua les caufes de leurs révolutions ; en
un mot, il fe fraya une route nouvelle, 6c fonda
toutes les profondeurs de la politique. Pour ramener
les hommes à l’amour du devoir 6c de la v ertu , il
faudroit méprifer jufqu’aux talens qui ofent en violer
les réglés. Les louanges qu’on donna à Machiavel
échauffèrent fon génie naturellement trop hardi, 6c
.l ’engagerent à établir des principes qui ont fait un
art de la tyrannie , 6c qui enfeignent aux princes à
fe jouer des hommes. Son zele pour l’état républicain
lui attira la haine de la maifon de Medicis, contre laquelle
il s’étoit déclaré. Il fut foupçonné d’être entré
dans une faftion oppofée à cette puiffante maifon ;
en conféquence il fut mis en prifon, 6c enfuite appliqué
à la queftion ; mais n’ayant rien avoué, il fut
mis en liberté. On le chargea d ’écrire l’hiftoire de la
fa patrie , 6c on lui donna des appointemens confxdérables.
Mais de nouveaux troubles l’arracherent à
fon travail, 6c lui firent perdre fa penfion. Il fe forma
une conjuration contre les Médicis , qu’on accufoit
de vouloir élever leur puiflance fur les ruines de la
liberté publique. Cette conjuration ayant été découverte
, on accufa Machiavel d’en avoir animé les refforts
, en propofant aux conjurés les exemples fameux
de Brutus 6c de Cafîius. Il ne fut point convaincu
, mais le fotipçon refta ; 6c fa penlion ne lui
ayant point été. rendue, il tomba dans la derniers
mifere. Il mourut quelques années après à l ’âge de
48 ans.
Nous avons de Machiavel plufieurs ouvrages qui
ont été traduits en toutes fortes de langues ; telles
font fes differtations fur Tite-Live, & fon hifioire de
Florence, quifi.it eftimée des connoiffeurs. Mais celui
qui a fait le plus de bruit, c’eft celui qui eft intitulé
le prince de Machiavel. C ’eft là qu’il a développé
les principes de politique , dont fes autres ouvrages
ne renferment que les germes. C ’eft là qu’on l’ac-
cufe d’avoir réduit la trahifon en art 6c en fcience,
d’avoir rendu la vertu efclave d’une prévoyance à laquelle
il apprend à tout facrifier, 6c d’avoir couvert
du nom de politique A a mauvaife foi des princes. Funefte
aveuglement, qui fous le voile d’une précaution
affeélee, cache la fourbe, le parjure 6c la diffi-
mulation. Vainement objeûe-t-on que l’état des princes
demande de la diflimulation ; il y a entre la mauvaife
foi 6c la façon fage 6c prudente de gouverner,
une grande différence. Quel monarque eut plus de
candeur 6c de bonne foi que Henri IV ? la franchife
6c la fincérité de ce grand roi ne détruifirent-ils pas
tous les vains projets de la politique efpagnole ? Ceux
qui fe - figurent qu’un prince n’eft grand qu’autant
qu’il eft fourbe, donnent dans une erreur pitoyable.
Il y a , comme nous l’avons déjà dit, une grande différence
entre la prudence & la mauvaife foi ; 6c quoique
dans ce fiecle corrompu on leur donne le même
nom , 1e fage les diftingue très-aifément. La véritable
prudence n’a pas befoin des réglés qui lui apprennent
le moyen de fecouer le joug de la vertu & de
l’honneur. Un roi n’eft point obligé à découvrir fes
deffeins à fes ennemis , il doit même les leur cacher
avec foin ; mais il ne doit point auffi fous de vaines
promeffes, fous les appâts d’un raccommodement
feint, & fous le voile d’une amitié déguifée, /aire
réuffir les embûches qu’il veut leur tendre. Un grand
coeur, dans quelqu’état qu’il foit p lacé, prend toujours
la vertu pour guide. Le crime eft toujours crime
, 6c riefi ne hii fait perdre fa noirceur. Que de
maux n’éviteroit-on pas dans le monde, fi les hommes
étoient efclaves de leurs fermens ! quelle paix,
quelle tranquillité ne régneroit point dans l’univers !
les rois auroient toujours desfujets fideles, 6c fournis
à l’obéiffance qu’ils leur ont jurée ; les fouverains
d’un autre cô te , attentifs à remplir les conditions
qu’ils ont promis d’exécuter en montant fur le trône,
deviendroient les peres d’un peuple toujours prêt à
obéir, parce qu’il n’obéiroit qu’à la juftice 6c à l’équité.
Les Antimachiavelifles. Nous ne devons point ou»
blier ici les auteurs qui ont affez aimé le bonheurdes
peuples ; 6c en même tems la véritable grandeur des
princes, pour mettre dans tout fon jour le faux d’une
dottrine fi oppofée à ces deux objets. Nous en fe-»'
rions ici un catalogue affez long, fi notre but étoit
de faire une bibliothèque philofophique. On peut
confulterfur ce fujet,Struvius, Bibi. Phil. c. vij. Rein»
hardus, in theatro prudentiee civilis. Budé. Ifagog. hiß,
theol. annot. in hiß. phil. Nous indiquerons feulement
ceux qui fe font les plus diftingues. i° . De tous les
auteurs qui ont écrit contre Machiavel, Poffevin 6c
Thomas Boffius font ceux qui l’ont le plus maltraité.
Le premier dans fon livre intitulé jugement fur quatreauteurs;
le fécond dans plufieurs ouvrages\ 6c fur-
tout dans celui qui porte pour titre, l'empire de la
i ° . Machiavel a eu encore un adverfaire redoutable
dans un auteur anonyme qui nous! a donné&’oz* livres
'de commentaires pour apprendre à bien gouverner quelque
état que -ce fo it, contre Machiavel. C e -livre fut imprimé
à Laufane, 6c eut plufieurs éditions confécutives. On
conjecture qn’il eft de Vincent Gentillet, natif du
Dauphiné. '
Mais de tous les ouvrages qu’on a faits contre Ma- !
chiavel, le plus eftimable fans contredit, foit parla
folidité., foit par le nom refpeétable de fon auteur ,
c’eft 1 %ntirnachiavef qu’on attribue communément à
un homme dont la moindre qualité eft d’être monarque.
Le but que nous nous propofons ici nous
empêche de nous étendre fur le mérite de cet excellent
ouvrage : nous dirons feulement avec Platon,
heureux un état lorfque fon roi fera philofophe , ou
qu’un philofophe fera fon roi!; <
Po litiqu e arithmétique ; c?eft l’application
des calculs arithmétiques aux fujets ou auxufages de
la politique ; comme aux revenus publics, au nombre
des habitans, à l’étendue 6c à la valeur des terres,
aux taxes , aux arts , au commerce, aux manufactures
; à tout ce qui regarde la puiflance., la force ,
les richeffes , &c. de quelque nation ou république.
Voyei A rithmét ique.
Les principaux auteurs qui ont effayë des calculs
de cette efpecè, font M. Guillaume Petty , Mayor
■ Grand, Halley, Davenant & Kin g ; ce qu’ils ont
principalement déterminé fe réduit à ce qui fuit.
Suivant les fuppntations de M. Guillaume Petty,
quoique le territoire de Hollande 6c Zélande ne contienne
pas plus de ibooooo d’acres, 6c que celui de
France n’en contienne pas moins que 8000000,
néanmoins la Hollande eft prefque un tiers auffi riche
6c auffi forte que la France. Il fuit-du même calcul
que les rentes ou les revenus des terres en Hollande
font à celles de Finance , comme 7 ou 8 à 1 ;
que le peuple d-’Amfterdam eft les -| de celui de Paris
ou de Londres ; car à fon compte, le peuple de Londres
6c celui de Paris ne different pas plus d’un vingtième.
Que la valeur des Ilotes de l’Europe monte à
deux millions de tonneaux, dont l’Angleterre en a
■ 5opooo, la Hollande 900000, la France iôoooo-.
Hambourg, Danemarc, laSuede 6c Dantzick,150000;
l ’Efpagne, le Portugal, l’Italie, Oc. environ autant.
Que la valeur des marchandifes que l’on exporte tous
les ans de France dans toutes les parties du monde j
eft quadruple de celle que l’on exporte de France
dans l’Angleterre feule * 6c par conféquent l’exportation
en tout, monte à 5000O00 liv. Que ce qui
étoit alors exporté d’Hollande en Angleterre, rrion-
toit à 300000 liv. & que ce qui en étoit exporté dans
tout le mondé alloit à 18000000 liv. Que l’argent
levé tous les ans par le roi de France, eft d’environ
6 1 millions de livres fterling. Que l’argent levé en
Hollande 6c Zélande, eft environ z 100000 liv. 6c
dans toutes les provinces enfemble, environ 3 000000
liv. Que le peuple d’Angleterre monte environ à lix
millions ; que leur fiiblide à 7 liv. par tête chaque
année , eft de 41000000 liv. ou de 800OÔ0 liv. la
iemaine. Que la rente des terres eft d’environ 8 millions
; que les intérêts 6c les profits des biens mobi-
liaires vont à autant. Que la rente des maifons en Angleterre
eft de 4000000 liv. Que les revenus du travail
de tout le peuple montent à 26000060 liv. par
an. Qu’il y a environ en Irlande i-iooooo âmes. Que
le grain dépénfé en Angleterre à 5I'. le boifiêau pour
le froment, 6c à 2 f. 6 d. pour l’orge , monte à dix
millions par an. Que de fon jngrsSSÉ la marine d’Angleterre
avoit,befoin de 36606 hommes pour- monter
fes vàiffeaux ; que les autres métiers 6c la navigâtion
en demândoient environ 48000. Qu’en France "
toute la navigation en général n’employoit pas plus
de 15000 hommes.’ Que tout le peuple de France
confifte environ en treize millions 6c demi d’hommes;
6c celui d’Angleterre, d’Ecofle 6c d’Irlande enfemble
j monte environ à neuf millions 6c demi. Que
dans les trois royaumes d’Angleterre, il y'a environ
20 mille pretres, 6c en France environ 170 mille.
Que dans toute 1 etendue des états d’Angleterre , il
y a environ 40 mille hommes de mer, 6c en France
pas plus de -10 mille. Qu’en Angleterre , l’Ecoffe & 1 Irlande, 6c dans toutes lés autres parties qui en dépendent
, il y avoit alors environ 60 mille tonneaux
d’embarquement ; ce qui fait environ la valeur de
quatre millions 6c demi d’argent. Que le circuit de
l’Angleterre, de l’Ecoffe, de l’Irlande , & des îles adjacentes
, eft d’environ 3 800 milles. Que dans tout le
monde il y a environ 306 millions d’hommes, parmi
lefquels ceux aveç qui les Anglois & les Hollandois
ont quelque commerce,, ne vont pas à plus de 80
millions. Que la valeur des marchandifes de négoce
en tou t, ne va pas. au-deffus de 45 millions. Que les
fabriques qu on fait foftir d’Angleterre montent environ
à 5600000 liv. par'an. Le plomb , l’étain, lè
charbon de terre, eft évalué 500600 liv. par an. Que
la valeur des marchandifes de France, que l’on ap-
portoit alors en Angleterre , n’excédoit pas 1100000
liv. par an. Que toute la caifle d’Angleterre en mon-
noie courante, môntoit de fon tems environ à
6000000 liv. fterling.
M. Davenant donne de bonnes raifons par lef-
quelles ii paroît que l’on ne doit pas compter entièrement
fur tous les calculs de M. Guillaume Petty ;
c’eft pourquoi il en produit d’autres de fon chef,
fondées fur les obfervationS de M. King.
Voici quelques-uns de fes calculs. Le territoire
d’Angleterre contient 39 millions, d’acrés; le nombre
du peuple eft d’environ 5545000 âmes , l’augmentation
qui s’en fait chaque année étant d’environ
9000 hommes, fans compter ce qu’emporte la péfte,
la guerre , la navigation , les colonies, &c. Il évalué
le peuple de Londres à 5 30000 ; éelui des autres cites
6c des villes ou il y a marche , à 8^0000 ; celui
des villages 6c des hameaux, à 4100000. Il fait monter
la rente annuelle des terres à 10000600 liv. celle
- des maifons 6c des édifices à 2006000 liv. par an. Il
compte -que le produit de toutes fortes de grains eft
de 9675®®®!^' annee commune. Que le revenu des
terres à'grain produit annuellement 2000606 liv. 6c
que leurs boeufs produifent plus dè 9000000 liv. que
le revenu des pâturagés, des prairies, des bois , des
forêts , des communes, des bruyères , &c. eft de
7000000 liv; Il penfe que le produit annuel des bef-
tiaux , en beurre , en fromage , la it , eft d’environ
2500000 liv. Que la valeur de la laine qu’on tire
des animaux chaque année eft d’environ lôOoooO 1.
celle des chevaux que l’on y nourrit, eft d’environ
2 50066 liv. par an. Que la viande que l’on y dépenfe
tous les ans, pour la nourritui'e, monte environ à
3350000 liv. que la valeur des fuifs 6c des cuirs eft
d’environ 600006 liv. que celle du foin que les chevaux
confomment tous les ans eft d’environ 1300000
liv. que ce qui en eft confoinmé par les autres bef-
tiaux monte à 1000000 liv. Que la valeur du bois
que l’on coupe tous les ans pour la conftruttion des
édifices eft de 560000 liv. celle du bois que I’ôri brûle,
&c. ell d’environ 500600 liv. Que le terrein d’Angleterre
par rapport à fes habitans , èft à prcfent d’en-
j viron fept acres par tête, l’un portant l’autre. Que la
valeur du froment, du feigle, de l’orge, néceflàires
pour la fubfiftance de l’Angleterre, ne monte pas à
moins que 6000000 liv. fterling par an.Que la valeur
! des manufafhires de laine que l’On y fa it, eft cl’én-
viron 8600000 liv. par an ; que nos exportations dé