>> que je fuis, je n’ai rien fait en ma vie dont je fois
» véritablement content ».
J’ai dit qu’il étoit généreux, je ne citerai qu’un
•trait pour le prouver. Un pauvre lui ayant rapporté
une piece d’or qu’il lui avoit donnée par mégarde :
« Où la vertu va-t-elle fe nicher, s’écria Moliere ,
v tiens, mon ami, je te donne la p iece, 8c j’y joins
» cette fécondé de même valeur ; tu es bien digne
» de ce petit préfent » !
Il apprit dans fa jeuneffe la Philofophie du célébré
Gaffendi, 8c ce fut alors qu’il commença une tra-
duriion de Lucrèce en vers François. Il n’étoit pas
feulement philofophe dans la théorie, il l’étoit encore
dans la pratique. C’eft cependant à ce philofophe,
dit de Voltaire, que l’archevêque de Paris,
Hnrlay, fi décrié pour fes moeurs, refufa les vains
honneurs de la fépulture. Il fallut que le roi engageât
ce prélat à fouifrir que Moliere fut dépofé fecréte-
ment dans le cimetiere de la petite chapelle de faint
Jofeph, fauxbourg Montmartre. A peine fiit-il enter-
a-é, que la Fontaine fit fon épitaphe, fi naïve & fi
ipirituelle.
Sous ce tombeau glfent Plaute & Térence,
E t cependant le feul Moliere y gît.
Leurs trois talens ne formoient qiûun efprit
Dont fon bel art enrichiffoit la France.
Ils font partis, & j ’ai peu d’efpérance
De les revoir. Malgré tous nos efforts,
Pour un long-iems Jelon, toute apparence ,
Plaute, Térence & Moliere font morts.
( . D J ) , , > , j.
P o e t e c o u r o n n é , ( Littéral. ) l’ufage de couronner
1 espoètes eft prefqueauffi ancien que la poé-
fie même ; mais il a tellement varié dans tous les
tems , qu’il n’ eft pas aifé d’établir rien de certain fur
cette matière. On fe contentera d’obferver que cet
ufage fubfifta jufau’au régné de Théodofe. Ce fut
alors que les combats capitolins , dans lefquels les
poètes étoient couronnés avec éc la t, furent abolis
comme un refie des liiperfiitions du paganifme. Vinrent
après les inondations des barbares qui pendant
plufieurs fiecles défolerent l’Italie 8c l’Europe entière.
Les beaux arts furent enveloppés dans les ruines de
l’ancienne Rome. On vit à la vérité dépuis ce tems
fortir encore quelques poètes dit fes débris ; mais comme
il -n’y avoit prefque plus perfonne qui fut en état
de les lire, 8c que d’ailleurs ils ne méritoient guere
d’être lus, il n’eft pas étonnant que pendant plufieurs
fiecles les poètes foient reftés fans honneur 8c fans dif-
tinriion.
Ce ne fut que vers le tems de Pétrarque que la
poéfie reprit avec un peu de luftre quelques-unes des
prérogatives qui y étoient autrefois attachées. Il efi
vrai qu’au milieu-même de la barbarie du xij. fiecle il
y avoit des poètes couronnés, mais ces poètes doivent
être regardés comme l’opprobre de leurs lauriers.
Vers ce tems., c’eft-à-dire au commencement du
xiij. fiecle fut formé l’établiffement des divers degrés
de bachelier, de licencié 8c de doûeur dans les
univerfités ; ceux qui en étoient trouvés dignes ,
étoient dits avoir obtenu le laurier de bachelier, de
do rieur, laurea baccalaureatus, laurea docloratus : non-
feulement les dorieurs en Médecine de l’univerfité
de Salerne prirent le titre de docteurs lauréats-, mais à
leur réception on leur mettoit encore une couronne
de laurier fur la tete.
Les poètes ne furent pas long-tems fans revendiquer.
un droit qui leur appartenoitinconteftablement.
Us ne tardèrent pas à recevoir dans les univerfités des
diftinriions 8c des privilèges à-peu-près femblables à
ceux qui venoient d’être établis en faveur desthéologiens
, des jurifconfultes, des médecins, d’c.La poéfie
fut donc comme aggrégée aux quatre facultés,
mais Cependant confondue dans la faculté de Philo5
fophie, avec laquelle on lui trouvoit quelque rapport.’
Du deffein qu’on prit infenfiblement d’égaler les
poètes aux gradués , naquirent les jeux-floraux qui
furent inftitués à Touloufe en 1324, 8c quelques années
après l’ufage d’y donner des degrés en poéfie, à
l’imitation de ceux qu’on recevoit dans les univerfités.
Il fuffifoit d’avoir remporté un prix aux jeux-floraux
pour être reçu bachelier; mais il falloit les avoir
obtenus tous trois ; car pour lors il n’y en avoit pas
davantage , pour mériter le titre de dorieur. Dans
leur réception , au-lieu de les couronner de laurier ,
on leur mettoit le bonnet magiftral fur la tête, 8c on
y fuivoit les autres cérémonies qui fe pratiquoient en
pareille occafion dans les univerfités ; avec cette différence
que les lettres de ces dorieurs en gaie fcience>
c’eft ainfi qu’on appelloit la poéfie dans leur académie
, étoient expédiées en v e r s , 8c qu’il n’y étoit
point permis de s’exprimer autrement.
A-peu-près dans le même tems on voit par un paf-
fage de Villani, que la qualité de poète entraînoit avec
elle certaines diftinriions qui lui étoient particulières.
Cet hiftorien obferve que le Dante, qui mourut
en 13 2 j , fut enterré avec beaucoup a’honneur 8c en
habit de poète. Fû fepelito à grande honore in habito de
poëta. Quel étoit cet habit de poète ? Par quelle autorité
Dante le portoit-il ? Doit-on le compter parmi
les poètes couronnés ? C ’eft ce qu’on laiffe à d’autres
à examiner.
Il eft du moins certain qu’on ne peut refufer ce titre
àAlbertinus Muflatus qui ne furvécut le Dante que
de quatre ans. L’évêque de Padoue lui donna la couronne
poétique , 8c il fut arrêté que tous les ans au
jour de N o ë l, les dorieurs, régens 8c prcfelïeurs
des deux colleges de Padoue, un cierge à la main ,
iroient comme en proceflion à la mailon de Muflatus
, lui offrir une triple couronne.
Après ce couronnement vint immédiatement celui
de Pétrarque , honneur qu’ il n’accepta que pour
fe métré à l’abri des perfécutions dont lui 8c fes confrères
étoient menacés. Il fuffifoit de faire des vers
pour devenir fufperi de magie. C ’étoit tout-à-la-fois
avoir une grande idée de la poéfie, 8c une bien mau-
vaifes opinion des poètes.
François Philephe reçut l’honneur du couronnement
en 1453. Environ dans le même tems, Publius
fauftus Andrelini fut couronné par l’académie de Rome
, à l’âge de 22 ans.
Quelques-uns placent leMantouan parmilespoètes
couronnés ; mais il ne paroît pas qu’il l’ait été de fon
vivant. Il eft du moins certain qu’après fa mort quel-
ques-uns de fes compatriotes s?avilerent de lui faire
eriger une ftatue couronnée de laurier ; de au fean-
dale de toute la nation poétique , ils la placèrent à
côté de celle de Virgile 8c fous une même arcade.
Ariofte 8c leTriffin n’ambitionnerent point le laurier
poétique. Le Tafle n’eut point leur fauflfe dé-
licateffe. Il confentit au defir qu’on avoit de le lui
donner ; mais ce grand homme qui avoit toujours été
malheureux , ceffa de vivre lorfqu’il commençoit à
efpérer de voir finir fes infortftnes. Il mourut la veille
même du jour qiie tout étoit préparé pour la cérémonie
de fon couronnement.
Depuis ce tems il n’y eut aucun poète diftingué
qu’on ait couronné en Italie jufqu’en l’année 172.5 ,
où l’on a eflayé de faire revivre a Rome la dignité de
poète lauréat en faveur du chevalier Bernardin Per-
fetti, célébré par fa facilité à mettre envers fur le
champ tous les fujets qu’on ait pu lui préfenter. Son
couronnement s’eft fait avec beaucoup de pompe , 8c
fur le modèle de celui de Pétrarque.
Charles Pafcal, dans fon traité des couronnes ^ dit
expreffément que de fon tems, c’eft-à-dire fous Henri
IV, il ne connoiffoit plus que l’Allemagne où l’ufage
de couronner les poètes fubfîftât encore. On y à vu
un poète couronné par Frédéric I. Cependant plufieurs
favans prétendent que les poètes y doivent le rétablif-
fement de cet ufage à Frédéric III. 8c ils regardent
Protuccius, comme le premier des allemans, qui ait
reçu la couronne poétique.
Ænéas Sylvius , qui occupa le faint fiege fous le
nom de Pie II. fut encore déclaré poète par le même
empereur Frédéric à Francfort, lpng-tems avant fon
exaltation au pontificat.
Maximilien I. fonda à Vienne un college poétique ,
ainfi nommé parce que le profeffeur en poéfie y reçut
la prééminence fur tous les autres, 8c le privilège
■ de creer des poètes lauréats. Ce titre proftitué à des
gens fans mérite, a inondé l’Allemagne de légions de
.poètes lauréats dont il feroit ennuyeux de faire le dénombrement.
L’Efpagne, cette nation qui plus qu’une autre a la
foiblefîë d’ambitionner les titres d’honneur, a été très-
jaloufe de celui dont il eft queftion. Arias Montanus
l ’a reçu dans l’académie d’AIcala; celle de Séville ob-
fierve encore le même ufage , dit Nicolas - Antoine
dans fa bibliothèque des auteurs efpagnols ; mais cet
auteur n’entre là-deffùs dans aucun détail.
L’Angleterre offre quelques exemples de poètes
couronnés. Jean K a y , dans fon hiftoire du fiege de
Rhodes, écrite en profe , 8c dédiée à Edouard IV.
qui mourut à la fin du xv. fiecle, prend le titre d’humble
poète lauréat de ce prince , lus humble poets lauréate.
On voit dans l’églife de Sainte-Marie Overies à
Londres la ftatue de Jean G ower, célébré poète , qui
fleuriffoit dans le fiecle fuivant, fous Richard II. Go-
wer y eft repréfenté avec un collier, comme chevalier
, 8c avec une couronne de lierre mêlée de rofes
comme poète. U y a dans les aftes deRymer une charte
d’Henri VIL fous ce feul titre ,pro poèta laureato,
pour un poëte lauréat. Elle eft en faveur de Bernard-
André qui étoit de Touloufe , 8c religieux auguftin.
Jean Skelton a joui du même titre.
Il ne paroît pas néanmoins que parmi les Anglois
les poètes aient jamais été couronnés avec autant, de
folemnité qu’ils l’ont été en Italie 8c en Allemagne.
Il eft certain que les rois d’Angleterre ont eu de tems
immémorial un poète à leur cour, qui prenoit la qualité
de poète du roi. C’étoit comme une efpece de
charge a laquelle il y avoit quelques appointemens
attachés. Dans les comptes de l’hôtel d’Henri III. qui
vivoit au commencement du xiij. fiecle , il eft fait
mention d’une fomme d’argent payée au verfificateur
du ro i, verfîficatori regis. Il y a donc apparence que
dans la fuite , ceux qui ont porté ce titre, pour fe
donner plus de relief, y ont ajouté celui de poète
lauréat, lorfque l’ufage l’eut rendu éclatant.
L’illuftre Dryden l’a porté comme poète du r o i ,
8c c’eft en cette qualité que le fieur C yb e r , comédien
8c auteur de plufieurs pièces comiques , s’eft
trouvé de nos jours en poffeffion du titre de poète
lauréat, auquel eft attaché une.penfion de 200 liv.
lterling, à la charge de préfenter tous les ans deux
pièces de vers à la famille royâle.
L’empereur a auffi fon poète d’office. M. Apoftolo
Zeno connu par fon érudition 8c par fon talent pour
la poéfie, a eu cet honneur. Ils’eft qualifié feulement
de poète 8c d’hiftoriographe de famajefté impériale;
mais une penfion toujours jointe à ce titre , l’a dédommagé
de celui de poète couronnné qu’on ne lui
donnôit point, 8c de trois opéra qu’il étoit obligé de
faire chaque année.
Ce titre n’a pas été abfolument inconnu en France.
L’univerfité de Paris *fe croyoit en droit de l’accorder.
Elle l’offrit même à Pétrarque.
Quoique Ronfard foit ordinairement repréfenté
avec une couronne de laurier, il n’y a cependant
point d’apparence qu’il l’ait reçue dans les formes ;
mais jamais poète ne fut peut-être plus honoré què
lui. Charles IX. ne dédaigna pas de compofer à fà
louange des vers qui font honneur au prince 8c à
Ronfard. On les connoît.
L ’art de faire 'des vers , düt-on s’en indigner £
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons dès couronnes c
Mais roi je lès reçois, poëte tu les donnes. '.. ;.
Les faveurs de nos rois, 8c. lés récompenfes qu’ils
accordent aux poètes en les élevant aux dignités de
l’eglife 8c de l’état, leur infpirent fans doute de l’in-
difference pour une vaine couronne qu’on n’accor-
doit ailleurs aux poètes , que parce que l’on n’avoit
communément rien de mieux à leur donner.
Il n’eft donc pas furprenant que nous ayons eù
parmi nous des poètes tels qu’Adrelini, D o rât, Nicolas
Bourbon, &c. qui fe foient glorifiés du titre dé
poète du roi. , tandis que nous n’en connoiffons aucun
qui ait pris celui de poète lauréat. ( D . J.
P o e t e d r a m a t i q u e , voye{ P o e t e c o m i q u e |
D r a m e , T r a g é d i e , C o m é d i e , & c.
P o e t e é p i q u e , (fPoéfie. ) .on nommé poètes épi4
ques, les auteurs des poëmes héroïques en vers : tels
font Homere, Virgile , Lucain-, Statius, Silius Italiens
, le Triffin, le Camoëns , le Tafle , dom Alonze
d’Ercilla, Milton 8c Voltaire. Nous avons parlé de
chacun d’eux 8c de leurs ouvrages au mot P o e m e
É p i q u e .
P o e t e f a b u l i s t e , ( Poéfie. ) vous trouverez lé
carariere de ceux qui fe font le plus diftingués en ce
genre depuis Efope jufqu’à nos jours, au mot F a b l e
& F a b u l i s t e .
P o e t e l y r i q u e , (Poèfieè) tous les gens de lettres
connoiffent les poètes Lyriques du premier ordre , anciens
8c modernes ; mais M. le Batteux en a tracé le
carariere avec trop de goût pour ne pas raflembler
ici les principaux trais de fon tableau.
Pindare eft à la tête des lyriques ; fon nom n’eft:
guere plus le nom d’un poète, que celui de l’enthou-
fiafmé même. Il porte avec lui l’idée de tranfports ,
d’écarts , de défbrdre, de digreflîons lyriques. Cependant
il fort beaucoup moins de fes fujets qu’on ne
le croit communément. La gloire des héros qu’il a célébrés
, n’étoit point une gloire propre au héros vainqueur.
Elle appartenoit de plein droit à fa famille , 8c
plus encore à la ville dont il étoit citoyen. On difoit
une telle ville a remporté tous les prix aux jeux olympiques.
Ainfi lorfque Pindare rappelloit des traits anciens
, foit des aïeux du vainqueur, foit de la ville à
laquelle il appartenoit, c’étoit moins un^égarement
du poète , qu’un effet de fon art.
Horace parle de Pindare avec, un enthoufiafmé
d’admiration qui prouve bien qu’il le trouvoit fubli-
me. Il prétend qu’il eft téméraire d’entreprendre de
l’imiter. Il le compare à un fleuve groffi par les tor-
rens , 8c qui précipite fes eaux bruyantes du haut des
rochers. Il ne méritoit pas feulement les lauriers d’Apollon
par les dithyrambes 8c par les chants de victoire
; il favoit encore pleurer le jeune époux enlevé
à fa jeune époufe , peindre l’innocence de l’âge d’o r ,
8c fauver de l’oubli les noms qui avoient mérité d’être
immortels. Malheureufement il ne nous refte dé
ce poète admirable que la moindre partie de fes ouvrages
, ceux qu’il a faits à la gloire des vainqueur
Les autres dont la matière étoit plus riche Se plus in-
téreffante pour les hommes en général ne font point
parvenus jufqu’à nous.
Ses poéfies nous parôiffent difficiles pour plufieurs
raifons ; la première eft la grandeur meme des idées
qu’elles renferment , la fécondé la hardiefle des
tours, latroifieme la nouveauté des mots qu’il fabrique
fouvent pour l’endroit même où il les place, enfin
il eft rempli d’une érudition détournée tirée dq