
 
		mot deux idées auffi oppofées que le font celle d’ime  
 figure deconftruétion 6c  celle  d’un vice d’élocution.  
 A  la bonne heure , qu’on eût laifle à la figure le nom  
 de pléonafme,  qui  marque Amplement  abondance 6c  
 richefj'e;  mais il ialloit defigner lafuperfluité des mots  
 dans chaque  phrafe  par un autre terme  ;  par exemple  
 ,  celui de périjfologie qui eft  connu ,   devoit  être  
 employé feul dans ce fens.  Ce terme vient de mptr-  
 s k  tfuperjluus,   &  de hlyoc, diclio ; & l ’adje£tifîri/w<j-. 
 (fit a pour racine l’adverbe rtlpety outre mefure. Je ferai  
 ufage de cette  remarque dans le refte de l’article. 
 2°.  Si  c’eft  un  défaut  de  n’avoir employé  qu’un  
 même  nom  pour  deux  idees  fi difparates,   celui de  
 vouloir  les  comprendre  fous  une même  définition  
 eft  bien  plus  grand  encore ;  6c  c’eft  cependant  en  
 quoi  ont  péché  les  Grammairiens  même  les  plus  
 exacts ,  comme  on peut  le  voir  par le début de  cet  
 article.  Il faut  donc tâcher  de  failir 6c d’afligner  les  
 cara&eres  diftinétifs  de la figure appellée pléonafme y  
 6c du vice de fuperfluité que j’appelle périjfologie. 
 I.  Il y  apléonafme lorfque  des mots qui paroiffent  
 fuperflus par  rapport à l’intégrité du fens grammatical  
 ,  fervent pourtant à y  ajouter des idées acceffoi-  
 re s , furabondantes ,  qui y  jettent de  la clarté ou qui  
 en augmentent l’énergie.  Quand on lit  dans  Plaute,  
 (Milit.) (initie fomnium fomniavit,  le mot fomnium ,  
 dont la force  eft  renfermée  dans fomniavit,  femble  
 furabondant  par  rapport  à  ce  verbe ;  mais  il  y  eft  
 ajouté comme  fujet de l’adjeQixîfimile, afin que l’idée  
 de  cette  limilitude  foit  rapportée  fans  équivoque  à  
 celle du fonge, fimile fomnium; c’eft un pléonafme accordé  
 à la clarté de l’exprefîion. Quand on dit, y s l'ai  
 vu de mes yeux ,  les mots de mes yeux  font  effectivement  
 fuperflus par  rapport  au  fens  grammatical du  
 verbe f a i  vu y puifqu’onne peut jamais voir que des  
 y e u x ,  6c que qui dit j'ai vu ,   dit aflez que  c’eft  par  
 les y e u x ,  6c de plus que c’eft par les fiens  ;  ainfi  il  
 y  a ,  grammaticalement  parlant, une double  fuperfluité  
 : mais ce fuperflu  grammatical ajoute des idées  
 acceffoires  qui augmentent  l’énergie du fens , 6c qui  
 font entendre qu’on ne parle pas fur  le  rapport douteux  
 d’autrui,  ou qu’on n’a pas vû la  chofe par ha-  
 fard 6c fans attention, mais qu’on l’a vue avec réflexion  
 , &  qu’on ne l’affûre que d’après fa propre expérience  
 bien conftatée ;  c’ eft donc un pléonafme nécef-  
 faire à l’énergie du fens.  « Cela eft fondé  en  raifon,  
 » dit Vaugelas  ,  Rem.  iGo. parce  que  lorfque nous  
 » voulons  bien aflurer  6c affirmer  une choie  ,  il  ne  
 » fuffit  pas  de  dire  Amplement je   l'ai  vu ,  puifque  
 » bien  fouvent il nous  femble  avoir vû  des chofes,  
 » que A l’on nous preffoit de dire la vérité, nous n’o-  
 » ferions  l’affûrer.  Il  faut donc  dire je  l'ai vu de mes  
 » yeux, pourne laiffer aucun fujet de douter que cela  
 » ne foit ainfi ; tellement qu’à le bien  prendre (cette  
 » concluAon eft remarquable ) ,  il  n’y   a point  là  de  
 » mots fuperflus , puifqu’au  contraire  ils  font nécef-  
 » faites pour donner Une pleine aflurance de  ce que  
 » l’on affirme'. En un m ot, il fuffit que l’une des phra-  
 » fes  dit plus que l’autre pour éviter le vice dupléo-  
 » nafme,  c’eft-à-dire  la périjfologie,  qui confifte à ne  
 » dire qu’une même chofe  en paroles  différentes  6c  
 » oiftves, fans qu’elles ayent une ftgnificatio.n ni plus  
 » étendue, ni plus forte que  les premières ». 
 Le pléonafme  d’énergie  eft  très-commun  dans  la  
 langue hébraïque ,  6c  il femble en faire un caraûere  
 particulier  6c propre, tant  l’ufage  en eft fréquent 6c  
 néceffaire. 
 i° . Un nom conftruit avec lui-même  ,  comme ef~  
 clave des  efclaves  ,  cantique des  cantiques ,   vanité des  
 vanités, flamme de flamme ,  les ficelés des fiecles,  &c.  
 eft un  tour très-ordinaire  dans  la  langue-fainte  ,   6c  
 une fuperfluité apparente de mots : mais ce pléonafme  
 eft très-énergique,  6c il fert à ajouter au nom l’idée  
 de  fa propriété  cara&ériftique dans  un  grand  degré 
 d’intenfité ; c’eft  comme A on difoit, trïs-vil cfcluvty  
 cantique excellent,  vanité excejfive, flamme très-ardentep  
 la totalité des fiecles ou l'éternité. 
 2°. Rien de  plus  inutile  en  apparence  à  la  plénitude  
 du fens  grammatical  que  la répétition  de  l’ad-  
 jeétif ou de l’adverbe ; mais c’eft un pléonafme adopté  
 dans la langue hébraïque, pour remplacer  ce  qu’on  
 appelle  dans  les  autres  le  fuperlatif abfolu.  Voye£  
 A m en  ,   Id io t i sm e   6* Su p e r l a t if . 
 3°.  Un autre pléonafme  eft  encore  ufité  dans  le  
 même fens ampliatif ; c’eft l’union  de deux mots fy-  
 nonimes parla conjonctioncopulative; comme verba  
 oris ejus  iniquitas  &  dolus,  Pf.  35  , vulg.  36 , hoebr.  
 v. 4.  •c’eft-à-dire,  verba  oris ejus iniquiffima. 
 40. Mais A  la conjonction  réunit le même  mot à  
 lui-même,  c’eft un pléonafme  qui marque diverfité :  
 in  corde  &  corde  locuti Junt.  Pf.  II.  vulg.  12  hoebr.  
 v.  5.  c’eft-à-dire,  cum  dtverfis fenfibus, quorum  alter  
 efi in ore,   alter  in  mente.  Nous  difons  de même  en  
 françois,  au-moins dans le ftyle Ample, il y  a coutume  
 6* coutume ,  il y  a donner & donner, pour marquer  
 la diverAté des coutumes 6c des maniérés de donner»  
 C ’ eft  dans notre langue un hébraïfme. 
 50. Si le même  nom  eft  répété de fuite  fans  conjonction  
 6c  fans  aucun  changement  de forme ;  c’efl:  
 un  pléonafme  qui  remplace  quelquefois  en  hébreu  
 l’adj eCtif diftributif chaque, ou l’adjeCtif collectif tout :  
 JY.DD ty’N  Sfrnïi?’ ( Iffral a iff aiff mebith-,  en  lifant  
 comme  Mafclef ) ,   ce  que  les feptante  ont  traduit  
 par  dv6p<o7roç a.v&pu7roç  twV  Jiiïr  1 trpxnX ,  h,omo ,  homo  
 filiorum  Ifraël,  6c  la vùlgate,  homo  quilibet de domo  
 lfraél. Levi. xvij.  3 .  ce  qui  eft  le  véritable fens  de  
 l’hébraïfme. D ’autres fois cette répétition  eft  purement  
 emphatique :  ’Sx  , Deus meus  ,  Deus meus ; 
 ce pléonafme marque  l’ardeur de l’invocation. Nous  
 imitons quelquefois ce tour hébraïque dans la même  
 vue ;  on ne  fauroit  lire ,  fans la plus vive émotion ,  
 ce qu’a  écrit l’auteur de Télémaque,  liv.<XI.  fur les  
 acclamations  des peuples de l’Hefpérie au fujet de la  
 paix, 6c  la jonCtion de  ces deux mots ,  la  paix,  la.  
 paix, qui fe trouve jufqu’à trois fois dans l’efpace de  
 quatre à cinq lignes, donne au récit un feu qui porte  
 l’embrafement  dans l’imagination  6c  dans  l’ame  du  
 leCteur. 
 6°.  C’eft un ufage très-ordinaire de  la langue hébraïque  
 de mettre l’infinitif du verbe avant le verbe  
 même :  S o x , comedere  ou  comedendo comedes ; 
 Gen.  ij.  16.  mon  mû ,  mori  ou moriendo  morieris.  
 Ib.  ij.  17.  Quelques  grammairiens  prétendent  
 que c’eft dans ces exemples une pure périjfologie, &   
 que l’addition  de  l’infinitif au  verbe n’ajoute  à  fafi-  
 gnification aucune idée acceffoire.Pour moi j’ai peine  
 a croire qu’une phrafe effentiellement vicieufe ait pu  
 être dans  la langue fainte d’un ufage fi fréquent  fans  
 aucune néceffite.  Je dis  d.' un ufage fréquent,  car rien  
 de plus commun que ce  tour  dans les livres facrés ;  
 &  j’ajoûte que  ce feroitfans aucune néceffité , parce  
 que la conjugaifon Ample  fourniffoit la  même idée.  
 Qu’on y  prenne garde ; l’ufage des langues eft beaucoup  
 moins aveugle qu’on ne le  penfe,  6c jamais  il  
 n’autorife fans raifon une locution irrégulière : il faut,  
 pour mériter l’approbation univerfelle , qu’elle fup-  
 plée à quelque formation que l’analogie  de la langue  
 ne donne  point,  comme  font  nos  tems  compofés.  
 par le moyen des  auxiliaires avoir, venir,  devoir y aller  
 , ou qu’elle renferme quelque idée acceffoire dont  
 ne feroït  pas fufceptible la  locution régulière,  tels  
 que font les  pléonafmes dont il  s’agit ici. Leclerc cependant  
 (  Art. critic. Part. Il.fectI. cap.  4 ,n °  j   , 4 ,   
 5. ) foutient que cette addition de l’infinitif au verbe  
 n’ a en hébreu  aucune  énergie  propre:  hac  additio  
 ejufdem verbi .  .  . nullam  habet in  hebraïcâ. . .  linguâ  
 emphafin. Mais il faudroit, avant quç d’adopter cette 
 opinion, répondre  à  ce que  je  viens  d’obferver fur  
 la circonfpeétion de i’ufage qui n’autorife jamais une  
 locution irrégulière fans un befoin réel d’analogie ou  
 d ’énergie.  Si  d’ailleurs  on s’en  rapporte  au moyen  
 propole  par Leclerc,  il me femble qu’il ne  lui fournira  
 pas une  concluAon favorable :  res . .   . certa erit,  
 dit-il 4 de hebraicâ , f i  quis  expendat  loca fcripturce  in  
 quibus o,ccùrrit eaphrafis. N’eft-il pas évident  que  comedendo  
 comedes ne Agnifie pas Amplement vous man-  
 geref,  mais vous  aurc{  toute  liberté  de  manger y  vous  
 mangere^ librement y  tant & f i  fouvent que vous voudre^ ?  
 C’eft  la  même énergie  dans  moriendo morieris ; cela  
 ne veut pas  dire  Amplement  vous mourreç ;  mais  la  
 répétition  de  l’idée  de  mort  donne  à  l’affirmation  
 énoncée parle verbe uneemphafeparticulière , vous  
 mourre£ certainement, infailliblement y indubitablement’.  
 6c de là  vient que pour donner plus de poids à l’affirmation  
 contraire ou à la  négation de cette fentence,  
 .le ferpent employa le mêmepléonafme : |T723n !T1D xS ,  
 nequaquam  moriendo  moriemini ,  Gen. 3 ÿ  4.  il  eft  
 certain que vous  ne mourrez point. Aoyeçaufurpius  
 la grammaire hébraïque de Mafclef j ch.  xxiv. §§  5 ,  
 8 ,9 ;   ch.  xxv.  §  8,  6c ch.  xxvj.  §§ 7 ,8 ; 
 II.  J’avoue néanmoins qu’il fe rencontre, 6c même  
 aflez fouvent,  de ces répétitions  identiques où nous  
 ne voyons  ni emphafe ,  ni énergie. Dans  ce  cas  ,  il  
 faut diftinguer entre les langues mortes 6c les langues  
 vivantes,  6c  foudiftinguer encore entre les langues  
 mortes dont il nous refte peu de monumens, comme  
 l’hébreu, &  les langues mortes dont nous avons con-  
 fervé aflez d'écrits pour  en juger avec plus  de certitude  
 ,  comme le grec 6c  le latin. 
 Par  rapport à  l’hébreu,  quand  nous  n’apperce-  
 vons pas les idées  acceffoires que la répétition identique  
 peut ajouter au fens ., il me femble qu’il eft rai-  
 fonnable depenfer que cela vient de ce que nous n’a •  
 vons plus aflez defecours pour entendre parfaitement  
 la locution qui fe préfente ; 6c c ’eft d’ailleurs un hommage  
 que  nous  devons  à  la majefté  de  l’Ecriture  
 fainte, 6c  à  l’infaillibilité  du  S. Efprit  qui en  eft  le  
 principal  auteur. 
 Pour les autres langues mortes,  il eft encore bien  
 des cas  où  nous-devons  avoir  par équité  la même  
 réferve ; 6c  c’eft principalement  quand  il  s’agit  de  
 phrafes dont  les  exemples  font  très-rares.  Mais  en  
 général  nous  ne  devons  faire  aucune  difficulté  de  
 reconnoître  la périfj'olpgie, mêqje dans les  meilleurs  
 .écrivains de  l’antiquité,   comme  nous  la  trouvons  
 fouvent dans les modernes. i ° . Nous entendons affez  
 le  grec 6c le  latin  pour  en  difeuter  le  grammatical  
 avec  certitude ;  6c peut-être  Démofthène 6c Cicé-  
 ron feroient-ils furpris, s’ilsrevenoientparmi nous,  
 &  que nous puffions communiquer avec eux des progrès  
 que nous  avons faits dans  l’intelligence de leurs  
 écrits,  quoique nous ne puiffions pas parler  comme  
 eux. 20. Le refpeâ  que  nous  devons  à  l’antiquité,  
 n’exige  pas  de nous une adoration aveugle :  les  anciens  
 étoient hommes  comme les modernes,  fujets  
 aux mêmes méprifes, aux mêmes préjugés, aux mêmes  
 erreurs,  aux  mêmes  fautes  :  ofons  croire  une  
 fois , que Virgile n’entendoitpas mieux fa langue, 6c  
 n’etoit pas plus  châtié  dans fon  ftyle  que ne  l’étoit  
 notre Racine  ;  6c Racine  n’a point  été  entièrement  
 difculpé par l’Abbé des Fontaines, qui s’étoit chargé  
 de le venger  contre les remarques de M. l’Abbé d’O-  
 livet.  Difons donc que le fie ore locutus de  Virgile,  
 6c mille autres  phrafes  pareilles de  ce poète 6c  des  
 autres écrivains du bon fiecle, ne font que des exemples  
 de périjfologie,  &  des  défauts  réels plûtôt que  
 des tours figurés.  (  B. E. R. M. ) 
 PLÉROTIQUES,  adj.  en  Médecine y une  efpece  
 de  remedes ,  que l’on appelle autrement incarnatifs  
 Sefarcotiques.  Voye{ INCARNATIF &  SARCOTIQUE.  
 Ce mot eft formé du mot grec <ax»pou y je  remplis. 
 PLESCOW, ou PLESKOW, ou P SK O V , ( Géog.  
 mod. )  ville de Ruffie,   capiiale  du  duché  du même  
 nom,  avec un  archevêché du rit mofeovite ,  6c un  
 château bâti fur un rocher. Elle Ait  réunie à  la couronne  
 de Ruffie par le grandDuc Jean BaAlovitz,&  
 Etienne Battori, roi de Pologne, fut obligé d’en lever  
 lefiege en  1507. Cette ville eft fituée fur la riviere  
 de Muldow, près de fon embouchure dans le  lac de  
 Plefcowy  à 60 lieues nord-oueft de Riga,  6c à égale  
 diftance de Petersbourg.  Long. 4 3 ,  iSUatit.  i y , j  5; 
 PLESS ,  ou  PSEZINA j  ( Géog. mod J  petite ville  
 de Siléfie Air le bord feptentrional delà V iftule, aux  
 confins de  la Pologne ,  fur la route  de  Cracovie  à  
 Vienne. Les Catholiques y  ont une églife, 6c les Luthériens  
 en plus grand nombre y  ont leur temple. 
 PLESSIS-LEZ-TOURS,  (  Géog. mod, )  ancienne  
 maifon royale de France ,  près de Tours ,  bâtie par  
 Louis X I. qui y  fonda une  collégiale  6c un  couvent  
 de Minimes, le premier qu’ils  aient eu en France. 
 C’eft au Chateau  de  PlefJîs-le^-Tours  que mourut  
 Louis XI.  le  30  Août  1483  ,  âgé  de 60  ans.  Peu de  
 tyrans ,  dit M. de Voltaire, ont fait périr plus de citoyens  
 par les mains des bourreaux,  6c par des fup-  
 plices plus recherchés. Les cachots, les cages de fer,  
 les  chaînes dont on chargeoit  ces vi&imes,  font  les  
 monumens  qu’ilalaiffés de fon caraftere.Le fupplice  
 de  Jaquet d’Armagnac,  Duc  de  Nemours ,  qu’il fit  
 juger par des commiffaires, les circonftances 6c l’appareil  
 de  fa m ort,  le  partage  de fes dépouilles, les  
 prifons  où  il enferma  fes jeunes enfans, font autant  
 de  traits odieux. 
 On avoit  vu l’héroïfme  éclater fous Charles VII ;  
 fous Louis X I ,  il  n’y  eut  nulle vertu ; le peuple fut  
 tranquille  comme  les forçats le font dans une galere.  
 Cependant  ce  coeur  artificieux 6c  dur  avoit  deux  
 penchans  qui auroient dû mettre de l’humanité dans  
 les moeurs : c’étoit  l’amour 6c la dévotion ;  mais fon  
 amour tenoit de fon caraftere, &  fa dévotion n’étoit  
 que la crainte d’une ame coupable. Toujours couvert  
 de reliques,  6c  portant à fon bonnet fa notre-Dame  
 de plomb,  on  prétend qu’il lui  demandoit  pardon  
 de fes forfaits, avant de les commettre. Il donna par  
 contrat la comté de Boulogne à  la Sainte Vierge. La  
 piété ne confifte  pas à faire la  Sainte Vierge  Com-  
 teffe, mais à s’abftenir des mauvaifes aérions. 
 Sentant fa mort approcher, renfermé dans fon château  
 ,  inacceffible  à  fes  fujets ,  entouré de gardes ,  
 dévoré d’inquiétudes, il fit venir de Calabre un her-  
 mite nomme François Martqrillo,  révéré depuis fous  
 le nom de  S. François de Paule.  Il lé  jette à fes piés ;  
 il  le fupplie,  en  pleurant,  d’intercéder  auprès  de  
 D ieu ,  6c de lui prolonger la  vie;  comme fi l’ordre  
 éternel établi par l’être fuprème,  eût dû changer à la  
 voix d’un  calabrois dans un village  de  France, pour  
 laiffer dans un corps ufé, une ame foible 6c perverfe,  
 plus  Iong-tems  que  ne comportoit la nature. 
 Tandis qu’il  demande  ainfi  la  vie  à  un  homme  
 étranger, incapable de lui être u tile, il croit en ranimer  
 les reftes ,   en s’abreuvant du fang qu’on  tire  à  
 de jeunes enfans, dans la fauffe efpérance de corriger  
 l’âcreté du  fien.  Enfin on ne  peut éprouver  un  fort  
 '■ plus trifte dans le fein des profpérités, que celui d’un  
 malheur'eux  prince  qui  n’a  d’autres  fentimens que  
 l’ennui,  les remords. la crainte, 6c le défefpoir d’être  
 haï. 
 Louis X I ,  dit Comines,  étoit  léger  à  parler des  
 gens, fauf de  ceux qu’il craignoit ;  car  il  étoit affez  
 craintif de fa propre nature . . .   Il  répétoit  fouvent  
 que  tout fon  confeil étoit dans fa  tê te , parce  qu’en  
 effet  il ne confultoit perl’onne :  ce qui fit dire à l’amiral  
 de Brezé, en le voyant monter fur un bidet très-  
 foible,  qu’il fâlloit  que ce  cheval fût plus fort qu’il  
 ne paroiffoit, puifqu’il portoit le roi &  tout fon  confeil. 
  Il étoit jaloux de fon autorité, au point qu’étant