éternels comme lui ; les dieux produits , les démons,
les hommes ,les animaux, les êtres matériels , la matière
, le deftin, voilà la chaîne univerlelle.
De laphyfqiâ de Platon. Rien ne ffe fait fans caufe.
L’ouvrier a en foi le modèle de fon ouvrage ; il a les
yeux fur ce modèle en travaillant : il en réalife l’idée.
Puilque le monde e f t , il eft par quelque principe.
C ’eft un grand automate.
Il eft un , parce qu’il eft tout.
Il eft corporel , viiible 6c tangible ; mais on ne
voit rien fans feu , on ne touche point fans folidité.
Il n’y a point de folidité fans terre : Dieu produifit
donc d’abord le feu 6c la terre, enfuite l’eau qui fer-
vit de moyen d’union entre la terre ol le feu.
Puis il anima la maffe.
L’ame ordonna , la maffe obéit, la maffe fut fen-
fible. L’ame diffufe échappa aux fens : on ne la conçut
que par fon aérion.
Il voulut que l’ame du monde fût éternelle ; que
la maffe du monde fût éternelle ; que le compofé de
l’ame 6c de la maffe fut éternel. Mais commentatta-
cha-t-il l’éternité à un tout produit 6c répugnant par
fa naturÊ , à cet attribut ? Ce fut par une image mobile
de la durée que nous appelions le tems. Il tira
cette image de l'éternité qui eft une, & il en revêtit
le monde.
Lès corps ont de la profondeur : la profondeur eft
compofée de plans ; les plans fe réfolvent tous en
trianpde : les élemens font donc triangulaires.
La plus folide des figures , c’eft le cube. La terre
eft cubique ; le feu eft pyramidal ; l’air eft en oétaédre,
l’eau en icofaédre.
Les figures, les nombres, les mouvemens, les puif-
fances furent coordonnées de la maniéré la plus convenable
à la nature de la matière.
Le mouvement eft un : il appartient à la grande
intelligence ; il fe diftribue en fept efpeces.
Le mouvement ou la révolution circulaire du monde
eft un effet de la préfence du mouvement en tout
& par tout.
Le monde a fes périodes. A la çonfommation de
ces périodes , il revient à fon état d’origine, & la
grande année recommence.
La lune , le foleil & le refte çles aftres ont été
formés pour éclairer la terre 6c mefurer la durée.
L’orbe au - deffus de la terre eft celui de la lune.
L ’orbe au-defl'us de la lune eft celui du foleil. ^
Un orbe général les emporte tous d’ùn commun
mouvement, tandis qu’ils fe meuvent chacun en des
fens contraires au mouvement général.
Cette terre qui nous -nourrit eft fufpendue par le
pôle. C’eft le l'ejour de la lumière 6c des tenebres.
C ’eft la plus ancienne des divinités produites dans la
profondeur du ciel.
La caillé première abandonna la production des
animaux aux dieux fubalternes. Ils imitèrent fa vertu
génératrice : elle àvoit engendré les dieux;les dieux
engendrerent-1^ animaux.
D e - là Platon defcènd à la formation des autres
corps. P'oye'i le T im Ée .
De Ü ame félon Platon , ou de fa phychologie. Dieu
ayant abandonné la formation de l’homme aux dieux
fubalternes , üverfa-dans la maffe générale Ce germe
immortel, divin , qui devoit en être extrait; 6c anima
l’être deftinéà eônnoître la juftice , & à offrir
des fàcrifieès.' :
Ce germe fut infe&épar fon itnion avec la matière.
De-là,l’originedu mal moral, lés pallions yl es-vices ,
les vertus , la douleur ,'les çhâtimensl;‘les peinés &
lès récompenses â venir. ’
L’ame a trois parties'différentes , & chacune de
ces- parties a : fon féjouf ■ ; une partie incorruptible
placée dans la tête , une partie concupiscente placée
danslu ccéur, une partie animale placée entré le-diaphragme
& l’ombilic. Celle-ci préfide aux fondions
animales ; la précédente aux pallions , la fupérieure
à la raifon.
L’ame eft immortelle. Elle eft le principe du mouvement
: elle fe meut, 6c meut le refte. Elle eft l’élément
de la vie ; elle s’occupe des chofes permanentes
, éternelles , immortelles, analogues à fa nature
: elle fe rappelle les connoiflances qu’elle avoit
avant que d’être unie au corps.
Avant que de les enfermer dans ce fépulcre , il a
dit que fi elles obéiffoient fidellement aux lois de la
néceflité & du deftin auxquels illesfoumettoit, elles
feroientun jour récompenfées d’un bonheur fans fin.
V?ye£ ce qu’il dit de la formation du corps dans le
dialogue que nous avons déjà cité.
Platon regardoit les Mathématiques , comme la-
fource la plus propre à accoutumer l’homme aux généralités
6c aux abftra étions , 6c à l’élever des chofes
fenfibles aux chofes intelligibles.
Il s’en manquoit beaucoup qu’il méprifât’l’Aftro-
nomie 6c la Mufique ; mais la perfeétion de l’entendement
6c la pratique de la vertu étoient toujours le
dernier terme auquel il les rapportoit. Ce fut un
théofophe par excellence.
De la philofophie pratique de Platon , & premièrement
de Jd morale. Dieu eft le fouverain bien.
La connoiffance 6c l’imitation du fouverain bien
eft la plus grande félicité de l’homme.
Ce n’eft que par l’ame que l’homme peut acquérir
quelque fimilitude avec Dieu.
La beauté, la fanté, la force , les richeffes, les
dignités ne f ont des biens que par l’ufage qu’on en
fait : ils rendent mauvais ceux qui en abufent.
La nature a doiié de certaines qualités fublimes-
ceux qu’elle a deftinés à la condition de philofophe.
Ils feront un jour aflis à la table des dieuxi: c’ eft - là
qu’ils connoîtront la v érité, & qu’ils riront de la folie
de ceux qui fe laiflent jouer par des fimulacres.
Il n’y a de bon que ce qui eft honnête.
Il faut préférer à tout la vertu, parce que c’eft une
chofe divine : elle ne s’apprend point, Dieu la donne*
Celui qui fait être vertueux , fait être heureux au
milieu de l’ignominie , dans l’e x i l , malgré la mort
6c fes terreurs. J
Donnez tout à l’homme , excepté la vertu , vous
n’aurez rien fait pour fon bonheur.
Il n’y a qu’un grand précepte c’eft de s’aflimiler à.
Dieii.
On s’aflimile à Dieu par degrés , 6c le premier,
c’eft d’imiter les bons génies , 6c d’avoir leur prudence
, leur juftice & leur tempérance.
Il faut être perfuadé de la matière a&uelle de fa
condition , 6c regarder le corps comme une prifon
dont l’ame tirée par la mort ,paffera à la connoiffance
de la nature eflentielle & vraie , fi l’homme a été.
heureufement né , s’il a reçu une éducation, des
moeurs , des fentimens conformes à la loi generale ,
& s’il a pratiqué les maximes de la fageffe.
L’effet néceffaire de ces qualités fera de le féparer
des chofes humaines & fenfibles , & de l’attacher à la
contemplation des intelligibles.
Voilà la préparation au bonheur : on y eft initié
par les mathématiques.
Les pas fuivans confiftent à dompter fes paflions, 6c à s’accoutumer à la tâche du philofophe, ou l’exer-
cice de la vertu.
La vertii eft la meilleure & la plusparfaiteafléétion
de l’âme qu’elle embellit, 6c oîi elle afîied' la con-’
fiance 6C la fermeté, avec l’amour de la vérité dans
la conduite 6c les difeours, feul ou avec lés autres.
• Chaque vertu a fa partie de l’ame à laquelle elle
préfide ; la prudence préfide à la partie qui raifonne ;
la force , à la partie qui s’irrite ; la tempérance, à la
partie quidefire.
La prudence eft la connoiffance des biens, des
maux 6c des chofes qui tiennent le milieu : la force
eft l’obfervation légitime d’un decret doux ou pénible
; la tempérance eft l’aflîijettiffement des pallions
à la raifon. La juftice eft une harmonie particulière
de ces trois vertus , en conféquence de laquelle chaque
partie de l’ame s’occupe de ce qui lui eft propre,
de la maniéré la plus conforme à la dignité de fon
origine : la raifon commande, 6c le refte obéit.
Les vertus font tellement enchaînées entr’elles ,
qu’on ne peut les féparer : celui qui pèche eft déraisonnable
, imprudent 6c ignorant. Il eft impofîible
que l’homme l'oit en même tems prudent, intempérant
6c pufillanime.
Les vertus font parfaites ; elles ne s’-augmentent 6c
ne fe diminuent point : c’eft le caraftere du vice.
La paflion eft un mouvement aveugle de l’ame
frappee d’un objet bon ou mauvais.
Les paflions ne font pas de la partie raifonnable ,
aujfi naifl'ent-elles 6c paffent-elles malgré nous.
Il y a des paflions làuvages & féroces : il y en a
de douces. -
La volupté, la douleur, la colere, la commiféra-
tion , font du nombre de ces dernieres ; elles font
de la nature de l’homme ; elles ne commencent à
être vicieufes qu’en devenant exceflîves.
Les paflions fauvages & féroces ne font pas dans
la nature ; elles naifl'ent de quelque dépravation particulière
: telle eft la mifantropie.
Dieu nous a rendu capables de plaifir 6c de peine.
Il y a des peines de corps , des peines d’ame, des
peines injuftes , des peines outrées , des peines rai-
fonnables , des peines mefurée^ des peines contraires
au bien , 6c-d’autres quidiu font conformes.
L’amitié eft une bienveillance réciproque qui rend
deux êtres également foigneux l’un du bonheur de
l’autre ; égalité qui s’établit 6c qui fe çonferve par la
conformité des moeurs.
L ’amour eft une efpece d’amitié.
Il y a trois fortes d’amour ; un amour honteux &
brutal, qui n’a d’objet que la volupté corporelle ; un
amour honnête 6c célefte, qui ne regarde qu’aux
qualités de l’ame ; un amour moyen, qui fe propofe
la jouifiance de la beauté de l’ame & du corps.
De la politique de Platon. Les fondions des citoyens
dans la république, femblables à celles des membres
du corps , fe réduitont à la garder, à la défendre & à
la fervir. Les gardiens de la république veillent 6c
commandent ; les défenfeurs prennent les armes & fe
battent ; fes ferviteurs font répandus dans toutes les
autres profefîions.
La république la plus heureufe eft celle où le fouverain
philofophe connoit le premier bien.
Les hommes vivront mïîerables, tant que les phi-
lofophes ne régneront pas, ou que ceux qui régnent
privés d’une lorte d’infpiration divine, ne feront
pas philofophes.
La république peut prendre cinq formes différentes;
l’ariftocratie, oùun petit nombre de nobles commande
; la timocratie, où l’on obéit à des ambitieux;
la démocratie, où le peuple exerce la fouveraineté ;
l ’oligarchie ,• où elle eft confiée à quelques-uns ; la
tyrannie ou l’adminiftration d’un feu l, la plus mau-
vaife de toutes.
Si radminiftration peche , il faut la corriger ; c’eft
l’ufage d’un nombre d’hommes de tout âge & de toute
condition, dont les différens intérêts fe balanceront.
L’ufâge commun des femmes ne peut avoir lieu
que dans une république parfaite.
La vertu de l’homme politique confifte à diriger
fes penfées 6c fes a étions au bonheur de la république.
v Des fuccelfeurs de Platon. Ceux qui fuccéderent à
Platon ne profefferent point tous rigoureufement fa
doétrinè. Sa philofophie fouffrit differentes altéra»
tions , qui diftinguerent l’académie en ancienne ,
moyenne , nouvelle 6c derniere. L’ancienne fut de
vrais Platoniciens, au nombre defquels on compte
Speufippe, Xénocrate, Polemon, Crates6c Crantor»
La moyenne, de ceux qui retinrent fes idées, mais
qui éleverent la queftion de l’imbécillité de l’entendement
humain , 6c de l’incertitude de nos connoif*
fances, parmi lefquels on nomme Arcéfilaiis,Lacydè,
Evandre 6c Egeline. La nouvelle, qui fut fondée par
Carnéade 6c Clitomaque , & qui fe divifa dans la
fuite en quatrième 6c cinquième ; celle-ci fous Phi-
Ion 6c Cnarmide , celle-là fous Antiochus.
’ De l'académie première ou. ancienne , ou des vrais
Platoniciens. De Speufippe. Ce philofophe occupa là
chaire de Platon fon oncle ; ce fut un homme, d’un
caraétere doux ; il prit plus de goût pouf Lafthenie
6c pour Axiothée fes difeipies , qu’il ne convenoit à
nn philofophe valétudinaire. Un jour qu’on le por*
toit à l’académie fur un brancard, il rencontra Dio-
gene, qui ne répondit à fon falut qu’en lui reprochant
la honte de vivre dans l’état miférérable où il
etoit. Frappé de paralyfie , il fe nomma pour fucCef-
feur Xénocrate. On dit qu’il mourut entre les bras
d’une femme. 11 exigea un tribut de fes auditeurs. II
aima l’argent. Il avoit compofé des poëmes ; on les lui
faifoit réciter en le payant, quoiqu’ils fuffent peu
conformes aux bonnes moeurs. Au refte on peut rabattre
de ces imputations odieufes , qui n’ont d’autres
garands que le témoignage de Denis de Syracufe,
qui avoit haï , perfécuté 6c calomnié Platon, 6c qui
peut-être n’en ufa pas avec plus d’équité pour Speufippe
, parent de Platon, ennemi de la tyrannie, $c
ami de Dion, que les terreurs de Denis tenoient en
exil. Ariftote acheta les ouvrages de Speufippe trois
talens , fomine exorbitante, mais proportionnée apparemment
au mérite qu’il y attachoit, ou la haine
qu’il portoit au P la tonif me, forte de philofophie qu’il
avoit médité d’éteindre à quelque prix &par quelque
moyen que ce fût. Speufippe s’occupa à remarquer
ce que les Sciences avoient de commun , à les rapprocher
, & à les“cclairer les unes par les autres. TI
marcha fur les traces de Pythagore ; il diftingua les
objets en fenfibles 6c en intellectuels, & il compa-
roit les fens aux doigts expérimentés d’une joueufe
de flûte. Du refte il penfa fur le bonheur , fur la vérité
, fur la vertu 6c la république, comme Platon ,
dont il différa moins par les idées que par l’expreP
fion.
Xenocrate naquit dans le cours de 11195° olympiade;
il eut l’intelligence lente & pelante. Platon le compa-
roit à un âne pareffeux qui avoit befoin d’éperons ;
6c Ariftote à un cheval fougueux à qui il falloit un
mors. Il avoit les moeurs dures, l’extérieur rebutant,
6c fon maître lui répétoit fans cefle de facrifier aux
grâces. Il fe comparoit lui-même à un vafe dont le
col étoit étroit, qui recevoit difficilement, mais qui
retenoit bien. Il montra bien à la cour de Denis qu’il
étoit capable d’attachement 6c de reeqnnoiflancè,
en difant avec hardieffe au tyran, qu’on ne difpofoit
point de la tête de Platon fanS avoir auparavant dif-
pofé de celle de Xénocrate. Il fe conforma rigoureufement
à la difeipline & à la doétrine de l’académie ;
il repréfenta Platon par la pureté de fes.moeurs 6c la
gravité de fon maintien 6c de fes difeours. Telle fut
l’opinion qu’on eut de la véracité , qu’appelle en témoignage
, les juges le difpenferent du ferment. Envoyé
en ambafl'ade à Philippe de Macédoine , les
prelêns de ce fouverain ne le tentèrent point, Sc H
reftifa conftamment de conférer avec lui fecretement.
11 fervoit utilementfâ patrie en d’autres arconftances
non moins importantes, fans qu’il en'coûtât rien à
fon intégrité. Il remit à Alexandre la plùs grande par1-
tie'des cinquante talens qu’il lui'fit offrir. Il n’eft pas