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une culture bien entendue & des foins aflidus. I l faut arrofer fouvent
la terre, de peur que l’embryon quelle aura conçu ne foit étouffé par
la fechereffe : aux approches de la maturité du fruit, les arrofemero
doivent etre modérés, & on doit arracher les mauvaifes herbes qui croif-
fent tout au tour.
Lorfque le foleil fera entré dans le ligne du bélier, la terre ouvrira
fon fein a les produirions ; & preffée dé fe marier avec les plantes
quon lui aura confiées, elle demandera qu’on lui donne des fémenccs
adultes. Voyez la plus tendre des mères qui demande fes enfans, en
foupirant non-feulement après ceux qui font fortis de fes entrailles»
mais encore après ceux qu’on peut regarder comme fes petits-fils.
Donnez-lui donc, fans tarder, ces petits nourriflons; que l’ache verte,
que la carotte ombragent fon fein. Répandez fur fa furfâce toutes les
plantes odoriférantes, le fafiran, la marjolaine, la mirrhe.
Il eft encore d’autres opérations qui doivent fuivre celles dont nous
venons de parler. Dans l’intervalle étroit d’un fillon, on femera le
crelfon alenois, la farriete, le concombre & la courge. On plantera
1 artichaut, dont la forme varie autant que la couleur. Dès que le
grenadier, dont le fruit s’adoucit quand la peau de fes grains commence
a rougir, fe couvrira de fleurs teintes de fang, ce fera le tems
de femer le pied de veau ; c’eft auffi alors qu’on verra naître la
coriandre, la nielle, femhlable au cumin, l’afperge, & la mauve
accoutumée a fuivre le cours du foleil. Déjà la poirée à feuille verte
& au pied blanc, s enfonce dans un fol gras à l’aide d’un pieu forré
par la pointe; déjà le printems fo couronne de fleurs; les loriers de
Phrigie étaient leur blancheur éclatante; les violettes ouvrent leurs
yeux cjignotans; & la rofe, dont les joues virginales commencent à
s entr ouvrir, contribue dans les temples au culte des habitans des cieux, en
affociant fon odeur a celle de Saba. Tel eftle fpeétacle charmant que le
pnntems oflre a nos regards enchantés; mais, lorfque les épis mûrs
auront jauni la moiffon, unifiez l’ail à l’oignon, & le pavot de Cérès'à
lanet; liez-les en bottes pour les vendre, pendant qu’ils font verds. Dans
cette fàifon agreabie, vous verrez la patience verdir fans culture, ainfi'
que les nerpruns & la foille ; vous verrez croître l’afperge fa uvage, le
pourprier humide & la longue coffe des haricots, dont le voifiriage eft
nuifible a larroche ; vous verrez le concombre fufjpendu fous des treilles ;
ou, tel quun ferpent deau, qui fe gliffe fous les ombres fraîches du
gazon pour fe garantir du foleil d’été, vous le verrez ramper à terre,
ainfi que la courge pleine de pépins. Voulez-vous varier la forme de
ces plantes, & elever dans votre jardin des courges tantôt rondes, tantôt
alongees? la différence des fèmences vous donnera ces diverfes productions.
Si vous defirez d’avoir des courges longues & qui foient
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fufpendues par le forrimet grêle de leur tête, choififfez-en la graine
dans la partie la plus mince du col ; fi vous voulez en avoir au contraire
de greffes dont le corps foit rond & le ventre gonflé, vous en
cueillerez la graine au milieu du ventre; & il en réfultera des produirions
énormes, dans lefquelles vous pourrez renfermer la poix , le
miel, & dont vous pourrez faire de petites cruches propres à contenir
l’eau ou le vin.
Productions de l’automne. Quand le chien d’Erigone(ï), enflammé
par le feu d’Hyperion, commencera à rougir les fruits des arbres,
& qu’un jus de couleur de fang coulera des paniers tiflus de jonc &
remplis de mûres, ce fera le moment de cueillir la figue hâtive, les
prunes d’Arménie, celles de Damas & les pêches. On verra paraître
enfinte la figue de l’arbre de Livie (z), la figue de Caunus, la figue
folle, graffe, & la figue blanche. Dès quon a célébré la folemnité du
dieu boiteux (3), on sème, pour la fécondé fois, des raves 6C des navets.
Enfin, ,1a maturité du raifin appelle le vigneron, qui va recueillir
joyeufement le fruit le plus agréable de l’automne. & exprimer la
boifïon la plus falutaire.
Devoirs du métayer. Dans le onzième livre, Columelle preforit les
qualités que doit avoir un bon métayer. Celui que 1 on deftine a cette
charge fera inftruit &C endurci aux travaux ruftiques dès fon enfance.
Des expériences multipliées auront appris préalablement au propriétaire,
que celui qu’il va mettre à la tête de fes efolaves eft verfé dans
l’agriculture & attaché à fes devoirs : car comment pourroit-il reprendre
ce qu’il trouvera mal fait dans les autres, s il n i pas lüi-meme les
connoifïances 'néceffaires pour leur indiquer les moyens dé bien faire!
I l y a par-tout d’excellens laboureurs qui lavent parfaitement ce qui
concerne leur état, c eft à eux qu’il doit s’adreffer pour- s’inftruire fur
ce qui regarde l’emploi dont il va fe charger. Indépendamment de
l’inftruétion que le métayer doit avoir, il faut encore qu il foit orne des
vertus morales. I l fera donc très - tempérant, tant fur le fommeil que
fur le vin : c’eft en effet de la tempérance que dépend f exactitude ;
car un homme fujet à s’enivrer manque à fes devoirs autant quil les
oublie, &C un dormeur en néglige une grande partie. I l faut quil nait
point de penchant trop violent à l’amour, attendu que s il fe livre a
(1) Erigone étoit fille d’Icare & foeur de Pénéloppe. Son pere ayant été tué par des
payfans Athéniens, qui étoient iyres, fon chien lui indiqua l’endroit où étoit le cadavre ,
qu’elle enterra : après quoi, elle fe pendit dè chagrin. Baochus obtint quelle & fon chien
flirtent mis au nombre, des-conftellations,, où elle eft connue fous le nom de la Vierge,
& fon chien fous celui de Sirius.
(2) Livie étoit la femme d’Aùgufte. ' ' # *
(3) C’eft Vulcain, fils de Jupiter & de Junon. Sa fête fe célébroit au mois d août»
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